CA Toulouse, 2e ch., 25 mai 2016, n° 14-06360
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Markets Plus (SAS), Les Eglantiers (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Pellarin, M. Baïssus
Avocats :
Mes Tello-Soler, Marfaing-Didier
Exposé des faits et procédure :
Par acte du 15 janvier 2014, Nicole F. a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Toulouse la SAS Markets Plus exerçant sous l'enseigne " bien être et confort "sur le fondement des articles L. 120-1, L. 121-36 et suivants et L. 122-11 du Code de la consommation aux fins d'obtenir la condamnation de la SAS Market Plus à lui payer la somme de 15 500 euros correspondant au gain qui a été annoncé par pli cacheté sans que, selon elle, soit mise en évidence l'existence d'un aléa.
Sur saisine de la société Market Plus, le juge de la mise en état par ordonnance du 6 novembre 2014 a :
- fait droit à l'exception d'incompétence territoriale et déclaré le Tribunal de grande instance de Toulouse (TGI) territorialement incompétent au profit du TGI de Grasse
- dit que le dossier de l'affaire serait transmis au TGI de Grasse
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile (CPC)
- rejeté tout autre demande
- réservé les dépens.
Par déclaration en date du 21 novembre 2014, Nicole F. a relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état.
Par décision du 13 février 2015, Nicole F. a obtenu l'aide juridictionnelle totale.
Le 7 janvier 2016, la SASU Les Eglantiers est intervenue volontairement à la suite de la radiation le 5 janvier 2016 de la SAS Markets Plus par transmission universelle de son patrimoine à la SASU Les Eglantiers.
La clôture est intervenue le 29 février 2016.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions notifiées le 22 janvier 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Nicole F. demande de :
- débouter la SASU Les Eglantiers de ses demandes
- infirmer l'ordonnance
- débouter la SASU Les Eglantiers de son exception d'incompétence
- dire et juger que le TGI de Toulouse est compétent
- renvoyer la cause et les parties devant le TGI de Toulouse
- lui allouer 2.000 euros en application de l'article 700 du CPC.
Elle fait valoir que :
- elle a le statut de consommateur à l'égard de la SASU Eglantiers et que son action est fondée sur les dispositions du Code de la consommation et non sur l'article 1371 du Code civil
- en application de l'article L. 141-5 du Code de la consommation issu de la loi 2009-526 du 12 mai 2009, elle peut saisir à son choix la juridiction territorialement compétente en vertu du Code de procédure civile, celle du lieu où elle demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable comme l'a déjà jugé la Cour d'appel de Toulouse notamment
Par conclusions notifiées le 29 février 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SASU Les Eglantiers venant aux droits de la SAS Markets Plus demande de :
- lui donner acte de son intervention volontaire en lieu et place de la SAS Markets Plus
- confirmer l'ordonnance déférée
- constater que Nicole F. fonde son action sur le quasi contrat ; qu'elle n'a pas la qualité de consommatrice
- déclarer le TGI de Toulouse incompétent au profit du TGI de Grasse où la SASU Les Eglantiers a son siège social
- condamner Nicole F. à 1 500 euros en application de l'article 700-2° du CPC.
Elle fait valoir que :
- seul l'article 42 du CPC est applicable en l'espèce et seule est compétente la juridiction du lieu où demeure le défendeur, les dispositions de l'article 46 du CPC ne s'appliquant pas au quasi-contrat et l'option de l'article 46 étant d'interprétation stricte.
- Nicole F. n'a pas la qualité de consommatrice et elle vise l'arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation du du 6 septembre 2002 qui tranche le litige au visa de l'article 1371 du Code civil. Elle n'a pas passé commande auprès de la SAS Market Plus ; elle n'est donc pas consommatrice ni cliente de la société Market Plus.
Motifs de la décision :
En application de l'article 776 alinéa 4-2° du CPC, l'appel de l'ordonnance du juge de la mise en état est recevable s'agissant d'une exception de procédure.
Nicole F. a assigné en paiement la société Market Plus sur le fondement des articles L. 120-1, L. 121-36 et suivants et L. 122-11 du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales déloyales et plus précisément les opérations publicitaires abusives et trompeuses, sanctionnées pénalement par les articles L. 121-41 et L. 122-12 et suivants du Code de la consommation.
Elle n'a pas agi sur le fondement de l'article 1371 et suivants du Code civil en matière de quasi-contrats ni sur l'article 1382 du Code civil de matière de responsabilité délictuelle.
Elle invoque les dispositions de l'article L. 141-5 dudit Code dans le titre 4e intitulé " pouvoirs des agents et actions juridictionnelles ", selon lesquelles " le consommateur peut saisir à son choix, outre l'une des juridictions territorialement compétentes en vertu du Code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable ".
Il ressort de ce texte que le consommateur peut saisir une juridiction civile en se fondant sur des faits dénoncés au visa des textes du livre premier du Code de la consommation mais cette compétence d'une juridiction civile ne s'entend qu'à condition de fonder son action purement civile et non pénale sur des articles du Code civil correspondant à la responsabilité délictuelle, en dépit du fait que les délits sont caractérisés au visa du Code de la consommation et de rapporter les preuves de la faute, du préjudice et du lien juridique entre la faute et le préjudice allégués.
Selon la loi du 17 mars 2014 qui a introduit l'article préliminaire du Code de la consommation, "est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ".
Madame F. ne conteste pas n'avoir effectué aucun achat ni commande auprès de la société Market Plus.
Toutefois, il est constant et non contesté que Nicole F. a agi suite à une promesse de gain dans le cadre d'une loterie publicitaire faite dans des circonstances manifestement étrangères à toute notion de relations entre professionnels de sorte que Nicole F. peut recevoir la qualification de consommateur et ce peu important la nature du lien juridique unissant les parties.
En sollicitant Nicole F. à son domicile par l'envoi d'une publicité, objet principal du litige, la société Market Plus, qui est une société de vente de vêtements et d'objets divers par correspondance, s'adresse à un consommateur potentiel et non à un professionnel et choisit sa cible publicitaire pour sa qualité de consommateur.
C'est donc à bon droit que Nicole F. a engagé son action au visa des articles L. 121-36 et suivants, de l'article L. 122-11 et suivants du Code de la consommation qui sous-tend nécessairement devant la juridiction civile le visa des articles 1382 et suivants du Code civil.
Nicole F. dispose, en application des dispositions de l'article L. 141-5 dudit Code, d'un droit d'option de compétence afin de favoriser son accès à la justice qui lui permet de saisir la juridiction matériellement compétente dans le ressort duquel se trouve le lieu où elle demeurait à la date de l'opération et ce sans pouvoir lui opposer les dispositions de l'article 42 et suivants du CPC.
Par ces motifs : LA COUR, infirme l'ordonnance du juge de la mise en état, dit que le tribunal de grande instance de Toulouse est compétent, pour connaître du litige opposant les parties, renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de grande instance de Toulouse, condamne la SASU Les Eglantiers venant aux droits de la SAS Market Plus aux dépens de première instance et d'appel de l'incident avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC, condamne la SASU Les Eglantiers venant aux droits de la SAS Market Plus à verser à Nicole F. 800 euros en application de l'article 700 du CPC.