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Décisions

CJUE, 5e ch., 9 juin 2016, n° C-617/13 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Repsol Lubricantes y Especialidades SA, Repsol Petróleo SA, Repsol SA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. von Danwitz

Avocat général :

M. Jääskinen

Juges :

MM. Lenaerts, Šváby (rapporteur), Rosas, Vajda

Avocats :

Mes Ortiz Blanco, Buendía Sierra, Muñoz de Juan, Givaja Sanz, Lamadrid de Pablo

CJUE n° C-617/13 P

9 juin 2016

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par leur pourvoi, Repsol Lubricantes y Especialidades SA, anciennement Repsol Lubricantes YPF y Especialidades SA (ci-après " RPA/Rylesa "), Repsol Petróleo SA et Repsol SA demandent l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission (T-496/07, EU:T:2013:464, ci-après l'" arrêt attaqué "), par lequel ce dernier a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision C(2007) 4441 final de la Commission, du 3 octobre 2007, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] [affaire COMP/38.710 - Bitume (Espagne)] (ci-après la " décision litigieuse "), ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende qui leur a été infligée.

La cadre juridique

Le règlement (CE) n° 1/2003

2 Sous l'intitulé " Amendes ", l'article 23 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 et 82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit, à son paragraphe 3, que, " [p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ".

3 L'article 31 de ce règlement dispose :

" La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l'amende ou l'astreinte infligée. "

Les lignes directrices de 1998

4 Aux termes du point 1 de la communication de la Commission intitulée " Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l'article [65 paragraphe 5 CA] " (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices de 1998 "), " [le] montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, seuls critères retenus à l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 " du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 et 82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

5 En ce qui concerne la gravité de l'infraction, le point 1, A, des lignes directrices de 1998 prévoit que l'évaluation du critère de gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable ainsi que l'étendue du marché géographique concerné. En vertu de cette disposition, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

6 Selon les lignes directrices de 1998, les infractions très graves sont, notamment, les restrictions horizontales de type " cartels de prix " et de quotas de répartition des marchés. Pour ces infractions, le montant de base de l'amende envisageable est situé " au-delà de 20 millions d'[euros] ".

La communication sur la coopération de 2002

7 La communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la " communication sur la coopération de 2002 ") définit les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec la Commission au cours d'une enquête diligentée par celle-ci sur une entente pourront être exemptées d'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de celle qu'elles auraient dû acquitter en l'absence d'une telle coopération.

8 Le point 7 de cette communication énonce :

" [L]a coopération d'une ou de plusieurs entreprises peut légitimer une réduction du montant de l'amende infligée par la Commission. Toute diminution de ce montant doit refléter la contribution effective de l'entreprise, tant en ce qui concerne sa qualité et sa date, à l'établissement, par la Commission, de la preuve de l'infraction. Ces réductions seront limitées aux entreprises qui fournissent à la Commission des éléments de preuve qui représentent une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui sont déjà en sa possession. "

9 Sous le titre B de ladite communication, intitulé " Réduction du montant de l'amende ", les points 21 et 23 de celle-ci prévoient :

" 21. Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l'infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l'activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

[...]

23. Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera :

a) si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission ;

[...]

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l'amende infligée à l'entreprise qui les a fournis. "

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

10 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 91 de l'arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

11 Le produit concerné par l'infraction est le bitume de pénétration, à savoir un bitume n'ayant fait l'objet d'aucune transformation et qui est utilisé pour la construction et l'entretien des routes.

12 Le marché espagnol du bitume compte, d'une part, trois producteurs, les groupes Repsol, CEPSA-PROAS et BP, ainsi que, d'autre part, des importateurs, au nombre desquels figurent les groupes Nynäs et Petróleos de Portugal (Petrogal).

13 RPA/Rylesa a été détenue, pendant la période correspondant aux années 1991 à 2002, à 99,99 % par Repsol Petróleo, elle-même filiale à 99,97 % de Repsol YPF SA, devenue Repsol, société mère du groupe Repsol.

14 RPA/Rylesa produit et commercialise des produits de bitume. Une des activités de Repsol Petróleo est la production de bitume de pénétration et sa vente à RPA/Rylesa en vue de sa commercialisation.

15 Deux autres sociétés du groupe Repsol, Petróleos del Norte SA et Asfalnor SA exercent, en Espagne, une activité liée au bitume de pénétration.

16 RPA/Rylesa et Petróleos del Norte ont réalisé en Espagne, au titre de leurs ventes de bitume de pénétration à des tiers, un chiffre d'affaires de 97 500 000 euros au cours de l'exercice 2001, soit 34,04 % du marché en cause. Le chiffre d'affaires total consolidé du groupe Repsol a été de 51 355 000 000 euros pour l'année 2006, correspondant à l'exercice précédant l'adoption de la décision litigieuse.

17 À la suite d'une demande d'immunité présentée le 20 juin 2002 par BP en application de la communication sur la coopération de 2002, des vérifications ont été effectuées les 1er et 2 octobre 2002 au sein de sociétés des groupes Repsol, CEPSA-PROAS, BP, Nynäs et Petrogal.

18 Le 6 février 2004, la Commission a envoyé aux sociétés concernées une première série de demandes de renseignements, en application de l'article 11, paragraphe 3, du règlement n° 17.

19 Par télécopies respectivement du 31 mars 2004 et du 5 avril 2004, les requérantes et PROAS ont présenté à la Commission une demande au titre de la communication sur la coopération de 2002, accompagnée d'une déclaration d'entreprise.

20 Après avoir adressé quatre autres demandes de renseignements aux entreprises concernées, la Commission a formellement ouvert une procédure et notifié, du 24 au 28 août 2006, une communication des griefs aux sociétés des groupes BP, Repsol, CEPSA-PROAS, Nynäs et Petrogal.

21 Le 3 octobre 2007, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a constaté que les treize sociétés qui en étaient destinataires avaient participé à un ensemble d'accords de répartition du marché et de coordination des prix du bitume de pénétration routier en Espagne (à l'exception des îles Canaries).

22 La Commission a considéré que chacune des deux restrictions à la concurrence constatées, à savoir les accords horizontaux de partage du marché et la coordination des prix, relevait, par sa nature même, des types d'infractions à l'article 81 CE les plus graves, lesquels sont susceptibles de justifier, selon la jurisprudence, la qualification d'infractions " très graves ".

23 La Commission a fixé le " montant de départ " des amendes à infliger à 40 000 000 euros, en prenant en compte la gravité de l'infraction, la valeur du marché en cause, estimée à 286 400 000 euros pour l'année 2001, dernière année complète d'infraction, et le fait que l'infraction était limitée aux ventes de bitume effectuées dans un seul État membre.

24 La Commission a ensuite classé les entreprises destinataires de la décision litigieuse en différentes catégories, définies en fonction de leur importance relative sur le marché en cause, aux fins de l'application du traitement différencié, de façon à tenir compte de leur capacité économique effective à causer un préjudice grave à la concurrence.

25 Le groupe Repsol et PROAS, dont les parts du marché en cause s'élevaient, respectivement, à 34,04 % et à 31,67 % au titre de l'exercice 2001, ont été classés dans la première catégorie, le groupe BP, avec une part de marché de 15,19 %, dans la deuxième catégorie, et les groupes Nynäs ainsi que Petrogal, dont les parts de marché se situaient entre 4,54 % et 5,24 %, dans la troisième catégorie. Sur cette base, les montants de départ des amendes à infliger ont été adaptés comme suit :

- première catégorie, pour le groupe Repsol et PROAS : 40 000 000 euros ;

- deuxième catégorie, pour le groupe BP : 18 000 000 euros, et

- troisième catégorie, pour les groupes Nynäs et Petrogal : 5 500 000 euros.

26 Afin de déterminer le montant des amendes à un niveau en garantissant l'effet suffisamment dissuasif, la Commission a considéré comme approprié d'appliquer au montant de base de l'amende à infliger au groupe Repsol un multiplicateur de 1,2.

27 Après majoration du montant de départ des amendes en fonction de la durée de l'infraction, à savoir une période de onze ans et sept mois (du 1er mars 1991 au 1er octobre 2002), s'agissant du groupe Repsol, la Commission a considéré que le montant de l'amende à infliger à celui-ci devait être majoré de 30 % au titre des circonstances aggravantes, ce groupe ayant compté parmi les " moteurs " significatifs de l'entente en cause.

28 La Commission a également décidé que, en application de la communication sur la coopération de 2002, le groupe Repsol avait droit à une réduction de 40 % du montant de l'amende qui aurait dû normalement lui être infligée.

29 Sur la base de ces éléments, RPA/Rylesa, Repsol Petróleo et Repsol YPF se sont vu infliger conjointement et solidairement une amende de 80 496 000 euros.

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

30 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2007, les requérantes ont demandé l'annulation de la décision litigieuse ainsi que, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l'amende qui leur a été infligée.

31 À l'appui de leur recours, les requérantes ont soulevé huit moyens, dont seuls les quatrième à sixième et huitième sont pertinents aux fins du présent pourvoi.

32 Les quatrième et cinquième moyens, que le Tribunal a examinés ensemble, étaient tirés, d'une part, d'une erreur de fait et de droit entachant l'examen des éléments de preuve produits par les requérantes, dans leurs réponses à la communication des griefs, au soutien de la démonstration de l'autonomie commerciale de RPA/Rylesa par rapport à Repsol Petróleo ainsi qu'à Repsol YPF, et, d'autre part, de ce que les indices supplémentaires relatifs aux relations de participation de ces trois sociétés n'étaient pas susceptibles de conforter la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de ces deux dernières sociétés sur la première.

33 Le sixième moyen était tiré de ce que le montant de l'amende infligée a été fixé en méconnaissance des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

34 Par leur huitième moyen, les requérantes ont contesté, en substance, l'application faite par la Commission de la communication sur la coopération de 2002 et, en particulier, du point 23, sous b), dernier alinéa, de celle-ci.

35 Le Tribunal a écarté chacun de ces moyens et a rejeté le recours dans son ensemble.

36 Il a également rejeté la demande reconventionnelle de la Commission, tendant à ce que le montant de l'amende infligée aux requérantes soit augmenté.

Les conclusions des parties

37 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

- d'annuler l'arrêt attaqué et la décision litigieuse ;

- de réduire le montant de l'amende infligée ;

- de constater la durée excessive et injustifiée de la procédure juridictionnelle devant le Tribunal, et

- de condamner la Commission aux dépens.

38 La Commission demande à la Cour :

- de rejeter le pourvoi et

- de condamner les requérantes à supporter l'ensemble des dépens.

Sur le pourvoi

39 À l'appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent quatre moyens.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur de droit dans l'appréciation de l'autonomie commerciale de RPA/Rylesa ou, à titre subsidiaire, d'un défaut de motivation de cette appréciation

Argumentation des parties

40 À l'appui de leur premier moyen, dirigé contre les points 179 à 207 de l'arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que ce dernier est entaché d'une double erreur de droit dans l'appréciation des preuves produites au soutien de leur argumentation tendant à démontrer l'autonomie commerciale de RPA/Rylesa par rapport à Repsol Petróleo et à Repsol YPF.

41 Elles reprochent au Tribunal d'avoir considéré, en particulier aux points 202 et 203 de l'arrêt attaqué, que la preuve que le contrôle d'une société mère sur ses filiales détenues à 100 % ou presque à 100 % ne s'est pas exercé en pratique est insuffisante pour renverser la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de cette société mère sur ces filiales.

42 Les requérantes estiment, subsidiairement, que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation, découlant de l'article 36 et de l'article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, en se livrant à une appréciation excessivement individualisée de chaque élément de preuve produit par les requérantes, sans procéder à une appréciation d'ensemble desdits éléments, à l'exception de celle figurant dans une formulation laconique au point 207 de l'arrêt attaqué.

43 La Commission fait valoir que ce premier moyen est non fondé.

Appréciation de la Cour

44 S'agissant de la branche principale de ce moyen, il suffit de relever qu'elle procède d'une lecture erronée de l'arrêt attaqué.

45 En effet, il ne ressort d'aucun des points visés par les requérantes que le Tribunal a considéré que la preuve que le contrôle d'une société mère sur ses filiales détenues à 100 % ou presque à 100 % ne s'est pas exercé en pratique est insuffisante pour renverser la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de cette société mère sur ces filiales.

46 Il découle uniquement de l'arrêt attaqué et, en particulier, de ses points 207 et 211 que le Tribunal a estimé que les éléments de preuve fournis par les requérantes n'étaient pas de nature à démontrer l'autonomie de comportement de RPA/Rylesa par rapport à Repsol Petróleo et à Repsol YPF et, partant, ne permettaient pas de renverser la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de ces deux dernières sociétés sur la première.

47 Par ailleurs, il convient de rappeler que, conformément à l'article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, les appréciations de nature factuelle échappent à la compétence de la Cour dans le cadre d'un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C-382/12 P, EU:C:2014:2201, point 113).

48 S'agissant de la branche subsidiaire du premier moyen du pourvoi, il doit certes être relevé que, au point 207 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, sans motivation préalable, que, pris dans leur ensemble, les éléments développés par les requérantes à l'occasion de leur recours en annulation ne permettaient pas de renverser la présomption d'exercice effectif d'une influence déterminante de Repsol Petróleo et de Repsol YPF sur RPA/Rylesa.

49 Toutefois, il ressort de l'arrêt attaqué que, pour écarter, aux points 207 et 211 de celui-ci, l'argumentation des requérantes tendant à établir l'autonomie commerciale de RPA/Rylesa par rapport à Repsol Petróleo et à Repsol YPF, le Tribunal ne s'est pas limité à procéder à une analyse décontextualisée de chacun des éléments de preuve apportés par les requérantes.

50 Outre le fait que, aux points 164 à 206 de l'arrêt attaqué, le Tribunal s'est livré, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, à une analyse détaillée de chacun des éléments de preuve apportés par les parties, dont il ne saurait être fait abstraction aux fins d'une appréciation d'ensemble de ceux-ci, il ressort des points 208 à 210 de cet arrêt que le Tribunal a analysé et a apprécié également certains indices supplémentaires, sur lesquels la Commission s'était fondée dans la décision litigieuse, et dont il a estimé qu'ils venaient conforter le fait que les requérantes constituaient effectivement une seule entité économique.

51 Ce faisant, c'est sans commettre d'erreur de droit et, en particulier, sans violer son obligation de motiver sa décision que le Tribunal a pu constater que les requérantes n'avaient pas démontré l'autonomie du comportement de RPA/Rylesa par rapport à Repsol Petróleo et à Repsol YPF.

52 Il s'ensuit que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une erreur de droit dans l'interprétation de la communication sur la coopération de 2002

Argumentation des parties

53 Par leur deuxième moyen, dirigé contre les points 339 à 349 de l'arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l'interprétation du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, en refusant de leur accorder une immunité partielle d'amende au motif que c'était à tort qu'elles prétendaient que c'était Repsol qui avait produit, dans sa déclaration au titre de cette communication, les informations ayant permis à la Commission d'avoir connaissance du fait que l'entente s'était poursuivie pendant la période correspondant aux années 1998 à 2002.

54 Or, en l'occurrence, les requérantes, tout en admettant que la Commission disposait, préalablement à leur déclaration au titre de la communication sur la coopération de 2002, des documents démontrant la durée réelle de l'infraction reprochée, estiment que c'est leur exposé des faits, figurant dans cette déclaration, qui a permis à la Commission de découvrir que le groupe BP avait dissimulé la vérité quant à la véritable durée de l'entente litigieuse et que cette infraction s'était poursuivie durant ladite période.

55 À cet égard, les requérantes font valoir que le libellé du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 et, en particulier, l'emploi, dans la version en langue espagnole, des termes " hechos de los cuales la Comisión no tenga conocimiento previo ", lesquels correspondent aux termes " facts previously unknown " et " faits précédemment ignorés ", notamment dans les versions en langues anglaise et française, doivent être compris comme ne visant pas une simple possession physique de documents par la Commission, mais comme exigeant également un " élément cognitif ", à savoir la connaissance par la Commission de l'infraction qui serait attestée par lesdits documents.

56 En outre et en tout état de cause, les requérantes estiment que l'ambiguïté de ladite disposition aurait dû conduire le Tribunal à retenir l'interprétation qui leur était la plus favorable.

57 Selon la Commission, le deuxième moyen du pourvoi doit être qualifié de nouveau et, partant, il est irrecevable dès lors que le recours en annulation introduit par les requérantes ne contenait pas d'argumentation relative à l'exigence d'un " élément cognitif ", aux fins du bénéfice de la disposition invoquée. Subsidiairement, ce moyen serait non fondé.

Appréciation de la Cour

58 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l'article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l'objet du litige devant le Tribunal. La compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est en effet limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, ASPLA/Commission, C-35/12 P, EU:C:2014:348, point 39 et jurisprudence citée).

59 Une partie ne saurait, par conséquent, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C-398/13 P, EU:C:2015:535, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

60 Toutefois, et ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 17 et 18 de ses conclusions, il convient de constater que les requérantes avaient soulevé, en substance, l'argumentation en cause dans leur recours en annulation formé devant le Tribunal.

61 Contrairement à ce qu'allègue la Commission, le deuxième moyen du pourvoi doit donc être déclaré recevable.

62 Par celui-ci, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit aux points 339 à 349 de l'arrêt attaqué en ce qu'il aurait validé l'interprétation et l'application par la Commission de la notion des " faits précédemment ignorés ", au sens du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002. Or, cette disposition ne ferait pas référence à une simple possession physique de documents, mais exigerait la prise en compte d'un critère distinct que les requérantes qualifient de " critère cognitif ".

63 À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les éléments de preuve qu'il retient à l'appui de ces faits. Dès lors que ces éléments ont été obtenus régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, EU:C:2016:26, point 40).

64 Par conséquent, ne sauraient être remises en cause les constatations de fait effectués par le Tribunal, qui sont contestées dans le cadre du deuxième moyen de pourvoi, et, en particulier, celle figurant au point 341 de l'arrêt attaqué, aux termes de laquelle la Commission avait déjà en sa possession, avant même de recevoir, le 31 mars 2004, la déclaration des requérantes jointe à la demande de Repsol au titre de la communication sur la coopération de 2002, des informations pertinentes contenues dans des documents contemporains recueillis au cours des vérifications des 1er et 2 octobre 2002. Il en est de même en ce qui concerne le rejet par le Tribunal, notamment au point 345 de l'arrêt attaqué, de l'argument relatif à la prétendue valeur ajoutée des faits relatés par Repsol, se rapportant à la période correspondant aux années 1998 à 2002.

65 En second lieu, s'agissant de l'erreur de droit invoquée par les requérantes, il y a lieu de relever que, aux termes du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, " si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l'amende infligée à l'entreprise qui les a fournis ".

66 Il résulte du libellé même de cette disposition que l'immunité partielle prévue par celle-ci exige que deux conditions soient remplies, à savoir, premièrement, que l'entreprise en cause soit la première à prouver des faits précédemment ignorés par la Commission et, deuxièmement, que ces faits, ayant une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'entente présumée, permettent à la Commission de parvenir à de nouvelles conclusions sur l'infraction (arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, point 78).

67 La Cour a eu l'occasion de préciser que les termes " faits [...] ignorés de la Commission " sont dénués d'ambiguïté et autorisent à retenir une interprétation restrictive du point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002, en le limitant aux cas où une société partie à une entente fournit une information nouvelle à la Commission, relative à la gravité ou à la durée de l'infraction (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, point 79 ainsi que jurisprudence citée).

68 La Cour a également jugé que le sens à donner à ces termes doit être à même de garantir les objectifs poursuivis au point 23, sous b), dernier alinéa, de ladite communication et, en particulier, l'efficacité du programme de clémence (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, point 84 ainsi que jurisprudence citée). À cet égard, comme l'a relevé M. l'avocat général au point 22 de ses conclusions, l'objectif des programmes de clémence est d'obtenir la dénonciation de l'infraction par ses auteurs, afin d'y mettre fin rapidement et complètement.

69 Doit ainsi être assuré l'effet utile de cette disposition, qui, lorsqu'une entreprise a été la première à fournir à la Commission, en vue d'obtenir une immunité totale d'amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, des éléments de preuve de nature à lui permettre de constater une infraction à l'article 101 TFUE, mais s'est abstenue de divulguer des informations justifiant que l'infraction en cause était d'une durée plus longue que celle révélée par ces éléments, vise à inciter, au moyen de l'octroi d'une immunité partielle d'amende, toute autre entreprise ayant participé à cette infraction à être la première à divulguer de telles informations (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, EU:C:2015:258, point 85).

70 Compte tenu de ce qui précède, le critère " cognitif " évoqué par les requérantes ne saurait être retenu. En effet, le point 23, sous b), dernier alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 doit être interprété en ce sens qu'un élément de preuve fourni par une entreprise dans le cadre de sa demande au titre de cette communication ne peut être considéré comme un élément de preuve " de faits précédemment ignorés par la Commission " que s'il présente objectivement une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission.

71 Cette interprétation découle, d'une part, de l'économie générale de la communication sur la coopération de 2002. En effet, conformément aux points 7 et 21 ainsi qu'au point 23, sous a), de cette communication, le bénéfice d'une réduction de l'amende infligée par la Commission au titre de ladite communication suppose que les entreprises entendant en profiter fournissent à la Commission des éléments de preuve qui présentent une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui sont déjà en sa possession. Il doit en aller de même en ce qui concerne l'immunité partielle prévue au point 23, sous b), dernier alinéa, de cette même communication.

72 D'autre part, aux fins de l'application de cette dernière disposition, il y a lieu de considérer que la possession par la Commission d'un élément de preuve équivaut à la connaissance de son contenu, indépendamment du point de savoir si cet élément a été effectivement examiné et analysé par ses services.

73 En l'occurrence, ainsi que cela découle du point 64 du présent arrêt, il a été définitivement constaté par le Tribunal, au point 341 de l'arrêt attaqué, lequel renvoie au point 592 de la décision litigieuse, que, antérieurement à la déclaration des requérantes faite au titre de la communication sur la coopération de 2002, la Commission disposait d'informations relatant des faits survenus pendant la période correspondant aux années 1998 à 2002, obtenues au cours des vérifications effectuées les 1er et 2 octobre 2002. En outre, le Tribunal a définitivement rejeté l'argument relatif à la prétendue valeur ajoutée des faits relatés par Repsol se rapportant à cette période.

74 C'est donc sans commettre d'erreur de droit que, au point 344 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a pu considérer que les requérantes n'étaient pas fondées à demander, sur le fondement du paragraphe 23, sous b), troisième alinéa, de ladite communication, qu'il ne soit pas tenu compte, pour fixer le montant de l'amende, des faits relatifs à cette entente, survenus pendant la période correspondant aux années 1998 à 2002.

75 Par conséquent, le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 261 TFUE et du principe de proportionnalité, en ce que le Tribunal a manqué à son obligation de procéder à un contrôle de pleine juridiction des sanctions infligées

Argumentation des parties

76 Les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé l'article 261 TFUE et le principe de proportionnalité en ne procédant pas à un contrôle autonome et exhaustif de la décision litigieuse en ce qui concerne la détermination du montant de base de l'amende infligée, lequel a été fixé à un montant de 40 000 000 euros, soit le double du montant de base indicatif prévu par les lignes directrices de 1998 pour les infractions qualifiées de " très graves ", alors même que les facteurs visés dans la décision litigieuse auraient dû conduire à la fixation de ce montant de base à un montant inférieur ou égal à 20 000 000 euros.

77 À cet égard, les requérantes font valoir que, en réponse au sixième moyen de leur recours en annulation par lequel elles contestaient le montant de base de l'amende fixé par la Commission, en invoquant, notamment, une violation du principe de proportionnalité, le Tribunal se serait limité à constater, d'une part, que l'infraction reprochée devait effectivement être qualifiée de " très grave " et, d'autre part, que la Commission avait affirmé avoir pris en considération les facteurs additionnels indiqués dans la décision litigieuse, sans avoir contrôlé si l'appréciation de ces éléments par cette institution avaient été correctement effectuée.

78 Aux points 245 à 250 de l'arrêt attaqué, le Tribunal se serait ainsi borné à consigner les facteurs pris en considération dans la décision litigieuse sans avoir procédé lui-même à une appréciation réelle et autonome, ce qui n'aurait pas permis aux requérantes de comprendre les motifs pour lesquels ces facteurs avaient pu conduire la Commission et, par la suite, le Tribunal à retenir un montant de base de l'amende infligée correspondant au double du minimum prévu par les lignes directrices de 1998 pour des infractions qualifiées de " très graves ".

79 Enfin, les requérantes font valoir que, dans le cadre de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction au titre de l'article 261 TFUE, le Tribunal aurait dû, afin d'apprécier la proportionnalité du montant de base de l'amende infligée, prendre en considération l'absence d'effet de l'infraction ainsi que l'importance de ce montant de base par rapport à leur chiffre d'affaires.

80 La Commission considère que le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

81 À titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l'Union (voir, notamment, arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C-89/11 P, EU:C:2012:738, point 125).

82 Ce n'est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d'être disproportionné, qu'il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d'une amende (arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C-70/12 P, EU:C:2013:351, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

83 Il s'ensuit que, en tant que par le troisième moyen du pourvoi, les requérantes contestent l'appréciation effectuée par le Tribunal quant au caractère proportionné du montant de base de l'amende infligée au regard des circonstances de fait de l'espèce, sans pour autant établir ni même alléguer que ce montant serait non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d'être disproportionné, ledit moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

84 Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des décisions par lesquelles la Commission décide d'infliger une amende ou une astreinte pour violation des règles de concurrence, outre le contrôle de légalité prévu à l'article 263 TFUE, le juge de l'Union dispose d'une compétence de pleine juridiction qui lui est reconnue à l'article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l'article 261 TFUE, et qui l'habilite à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l'amende ou l'astreinte infligée (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C-194/14 P, EU:C:2015:717, point 74 et jurisprudence citée).

85 Toutefois, il importe de rappeler que l'exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l'article 261 TFUE et à l'article 31 du règlement n° 1/2003 n'équivaut pas à un contrôle d'office et que la procédure devant les juridictions de l'Union est contradictoire. À l'exception des moyens d'ordre public que le juge est tenu de soulever d'office, c'est, dès lors, à la partie requérante qu'il appartient de soulever les moyens à l'encontre de la décision litigieuse et d'apporter des éléments de preuve à l'appui de ces moyens (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C-194/14 P, EU:C:2015:717, point 75 et jurisprudence citée).

86 En revanche, afin de satisfaire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective consacré à l'article 47, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la " Charte ") et compte tenu de ce que l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 dispose que le montant de l'amende doit être déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, le Tribunal est tenu, dans l'exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d'examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l'amende n'est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l'infraction (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C-194/14 P, EU:C:2015:717, point 76 et jurisprudence citée).

87 Dans la présente affaire, il importe de constater que le Tribunal a considéré, aux points 250 et 258 de l'arrêt attaqué, qu'aucune erreur ne pouvait être relevée quant à la détermination, par la Commission, du montant de 40 000 000 euros ayant servi de base au calcul de l'amende infligée aux requérantes et que celui-ci n'apparaissait pas disproportionné.

88 À cet effet, le Tribunal a, d'une part, apprécié, aux points 245 à 249 de cet arrêt, la gravité de l'infraction commise, l'étendue du marché géographique concerné par celle-ci ainsi que la part de marché des requérantes et, d'autre part, aux points 251 à 257 dudit arrêt, répondu à suffisance de droit et de motivation, aux arguments tirés, notamment, de l'absence d'impact concret de l'entente en cause ou du fait que le montant de base de l'amende infligée aux requérantes représentait une proportion importante de leur chiffre d'affaires.

89 Ce faisant, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit dans l'exercice de son contrôle juridictionnel.

90 Il importe également de relever que les lignes directrices de 1998 prévoient à leur point 1, A, troisième tiret, que le montant de base de l'amende envisageable en cas d'infractions très graves est situé au-delà de 20 millions d'euros. Ainsi, le montant de 20 millions d'euros ne constitue qu'un montant minimal prévu par ces lignes directrices, au-delà duquel la Commission fixe le montant de départ pour le calcul des amendes pour de telles infractions.

91 Pour autant que les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en rejetant leur argumentation, selon laquelle la Commission aurait dû prendre en considération l'absence d'impact concret de l'infraction sur le marché, il suffit de relever, à l'instar de la Commission, que les requérantes n'ont pas, sur ce point, contesté devant le Tribunal la décision litigieuse, laquelle, au demeurant, ne faisait pas mention d'une telle absence d'impact, et n'ont pas davantage apporté la preuve devant le Tribunal que les effets de l'infraction étaient mesurables. Dans ces conditions, l'argumentation des requérantes doit être écartée comme irrecevable.

92 Par conséquent, le troisième moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation par le Tribunal du délai raisonnable de jugement

Argumentation des parties

93 Par leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé l'article 47 de la Charte et l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en ne statuant pas dans un délai raisonnable, ce qui justifierait une réduction de l'amende qui leur a été infligée ou le constat de l'existence de cette violation.

94 À cet égard, elles exposent que leur recours en annulation a été déposé le 18 décembre 2007, que la procédure écrite a été clôturée le 25 septembre 2008, que leur avis a été sollicité le 11 juillet 2012 sur l'opportunité d'une jonction de la présente affaire avec les affaires T-462/07, T-482/07, T-495/07 et T-497/07, que l'audience s'est tenue le 14 janvier 2013 et que l'arrêt attaqué a été prononcé le 16 septembre 2013.

95 Elles relèvent ainsi que l'ensemble de la procédure a duré environ cinq ans et neuf mois, avec une période d'inactivité, entre le dépôt de la requête et la demande d'avis sur l'opportunité de joindre la présente affaire à d'autres, de quatre ans et demi, analogue à celle constatée par la Cour dans l'arrêt du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission (C-58/12 P, EU:C:2013:770).

96 À cet égard, les requérantes font valoir qu'aucune circonstance exceptionnelle n'est susceptible de justifier le retard ainsi constaté dans l'instruction de l'affaire, lequel ne serait dû ni à des interventions ou à des omissions de leur part ni à la complexité particulière de l'affaire.

97 La Commission fait valoir que le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté.

Appréciation de la Cour

98 Il convient de rappeler qu'une violation, par une juridiction de l'Union, de son obligation, résultant de l'article 47, deuxième alinéa, de la Charte, de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif. Ainsi, une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d'un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d'un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même (arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C-295/12 P, EU:C:2014:2062, point 66 ; du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C-467/13 P, EU:C:2014:2274, point 57, ainsi que du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C-580/12 P, EU:C:2014:2363, points 17 et 18).

99 Le Tribunal, compétent en vertu de l'article 256, paragraphe 1, TFUE et saisi d'une demande d'indemnité, est tenu de statuer sur une telle demande dans une formation différente de celle ayant eu à connaître du litige qui a donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C-295/12 P, EU:C:2014:2062, point 67 ; du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C-467/13 P, EU:C:2014:2274, point 58, ainsi que du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C-580/12 P, EU:C:2014:2363, point 19).

100 Cela étant, dès lors qu'il est manifeste, sans que soit nécessaire la production par les parties d'éléments supplémentaires à cet égard, que le Tribunal a violé de manière suffisamment caractérisée son obligation de juger l'affaire dans un délai raisonnable, la Cour peut le relever (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C-467/13 P, EU:C:2014:2274, point 59, ainsi que du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C-580/12 P, EU:C:2014:2363, point 20).

101 En l'occurrence, tel est le cas. La durée de la procédure devant le Tribunal, à savoir près de cinq ans et neuf mois, laquelle comporte, en particulier, une période de près de quatre ans et quatre mois qui s'est écoulée entre la fin de la procédure écrite et l'audience, ne saurait s'expliquer ni par la nature ni par la complexité de l'affaire non plus que par le contexte de celle-ci. En effet, d'une part, le litige soumis au Tribunal ne présentait pas un degré de complexité particulier. D'autre part, il ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni des éléments fournis par les parties que cette période d'inactivité s'avérerait objectivement justifiée ou encore que les requérantes auraient contribué à celle-ci. À cet égard, le fait que le Tribunal ait sollicité l'avis des requérantes le 11 juillet 2012 sur l'opportunité d'une jonction de la présente affaire avec les affaires T-462/07, T-482/07, T-495/07 et T-497/07 est indifférent.

102 Il résulte, toutefois, des considérations exposées au point 98 du présent arrêt que le quatrième moyen du pourvoi doit être rejeté.

103 Aucun des quatre moyens invoqués par les requérantes au soutien de leur pourvoi n'étant susceptible d'être accueilli, celui-ci doit être rejeté.

Sur les dépens

104 En vertu de l'article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

105 Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

106 La Commission ayant conclu à la condamnation de Repsol Lubricantes y Especialidades, de Repsol Petróleo et de Repsol et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Repsol Lubricantes y Especialidades SA, Repsol Petróleo SA et Repsol SA sont condamnées aux dépens.