Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-22.093
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Part Dieu automobiles (SAS), Reverdy (ès qual.)
Défendeur :
Hyundai Motor France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2014), que la société Part Dieu automobiles (la société Part Dieu) est distributeur et réparateur agréé de la marque Hyundai dans l'agglomération lyonnaise en vertu de deux contrats de distribution à durée indéterminée conclus le 24 octobre 2003 avec la société Hyundai Motor France (la société Hyundai), importateur en France des véhicules et pièces de rechange de la marque ; que les deux autres concessionnaires Hyundai présents dans l'agglomération lyonnaise ayant cessé leur activité en 2004 et 2005, la société Part Dieu a ouvert deux nouveaux sites, respectivement en 2005 et en 2006 ; que la société Hyundai a agréé en 2006 et 2008 deux distributeurs-réparateurs, les sociétés Automotion à Vénissieux et Garage Drevet à Villeurbanne ; que la société Part Dieu a fermé l'un de ses sites en 2008 ; que reprochant à la société Hyundai d'avoir commis une faute en nommant le garage Drevet sur l'agglomération lyonnaise, elle l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la société Part Dieu a été placée en liquidation judiciaire et M. Reverdy nommé liquidateur ;
Attendu que la société Part Dieu et M. Reverdy, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen : 1°) que manque à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi et engage sa responsabilité le fournisseur qui, dans un système de distribution sélective, modifie l'équilibre contractuel en créant de nouvelles conditions de concurrence préjudiciables à son cocontractant ; que pour estimer que l'autorisation donnée en 2008 par la société Hyundai Motor France au garage Drevet de s'implanter à proximité immédiate du principal site de la société Part Dieu automobile n'était ni fautive ni abusive, la cour d'appel s'est bornée à relever que cette nomination n'avait " pas augmenté le nombre de distributeurs concurrents sur le secteur, peu important que le nombre de sites soit passé à 4, la société Part Dieu possédant elle-même deux sites " et que " le secteur géographique attribué au garage Drevet ne recoupait pas celui de la société Part Dieu " qui, ayant souscrit un contrat de concession sans exclusivité, ne pouvait prétendre bénéficier " d'une protection territoriale sur une zone géographique particulière (...) " ; qu'en se déterminant par ces motifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée si, tels qu'ils étaient prévus par la convention conclue en 2003, les lieux d'implantation respectifs des distributeurs concurrents de la société Part Dieu automobile ne constituaient pas un élément essentiel à l'équilibre du contrat, de sorte que l'agrément en 2008 d'un distributeur implanté à proximité immédiate du principal site de la société Part Dieu avait nécessairement créé de nouvelles conditions de concurrence et modifié l'équilibre contractuel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134, alinéa 3 et 1147 du Code civil ; 2°) que dans leurs conclusions, la société Part Dieu et M. Reverdy, ès qualités, avaient expressément contesté l'ignorance dans laquelle la société Hyundai prétendait s'être trouvée, à la date de ses premiers contacts avec le garage Grevet, de l'instauration du bonus écologique applicable à compter du 1er janvier 2008, et rappelé à cette fin que, selon les propres motifs du jugement, cette chronologie des événements n'était justifiée par aucune des pièces versées aux débats ; qu'en retenant que la nomination du garage Drevet à une époque où le dispositif de bonus-malus mis en place à compter du 1er janvier 2008 risquait d'avoir des conséquences négatives sur les ventes n'était pas de nature à établir la déloyauté de la société Hyundai dans l'exécution du contrat dès lors que " le garage Drevet avait présenté sa candidature au début de l'année 2007, soit antérieurement à l'annonce par le gouvernement le 5 décembre 2007 du nouveau dispositif ", sans préciser les éléments qui lui permettaient d'opérer cette constatation, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) qu'en retenant que la nomination du garage Drevet à une époque où le dispositif de bonus-malus mis en place à compter du 1er janvier 2008 risquait d'avoir des conséquences négatives sur les ventes n'était pas de nature à établir la déloyauté de la société Hyundai dans l'exécution du contrat conclu avec la société Part Dieu, après avoir pourtant relevé que " la société Hyundai avait ajusté les objectifs commerciaux de cette société, afin de tenir compte de la mise en place du bonus-malus et de la redéfinition de la carte géographique de sa représentation locale, en réduisant en 2008 ses objectifs de vente de 47,5 % tandis que les ventes de véhicules Hyundai en France ne diminuaient que de 31 % ", ce dont il résultait que la société Hyundai était bien consciente de l'impact négatif de la nomination d'un distributeur supplémentaire qui, combinée à l'instauration du bonus/malus écologique, justifiait une baisse de l'objectif de vente imparti à la société Part Dieu automobile supérieure à celle prévisible sur le marché français en général, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que, dans un système de distribution sélective, le fournisseur détermine librement le nombre d'opérateurs qu'il décide d'agréer et contrôle la localisation de l'établissement principal des distributeurs qu'il agrée, l'arrêt retient que la nomination d'un nouveau distributeur est une prérogative de la société Hyundai, laquelle étant libre dans la détermination de son numerus clausus et n'ayant pas à justifier de sa pertinence et de son objectivité, ne peut se voir reprocher d'avoir nommé un distributeur supplémentaire " sans justifications objectives " ; qu'il relève que, lorsque le contrat de distribution a été signé par la société Part Dieu, la marque Hyundai était déjà représentée par deux autres distributeurs dans l'agglomération lyonnaise et que la nomination du garage Drevet en 2008, troisième opérateur agréé Hyundai aux côtés de la société Part Dieu et de la société Automotion agréée en 2006, n'a pas augmenté le nombre de distributeurs concurrents sur le secteur, peu important que le nombre de sites soit passé à quatre, la société Part Dieu possédant elle-même deux sites ; qu'il retient encore que le secteur géographique attribué au garage Drevet ne recoupait pas celui de la société Part Dieu et que les distributeurs ne bénéficient pas d'une protection territoriale sur une zone géographique particulière ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, dont elle a déduit que l'agrément délivré au garage Drevet ne modifiait pas l'équilibre du contrat conclu en 2003 avec la société Part Dieu en imposant à cette société de nouvelles conditions de concurrence défavorables, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.