Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-20.022
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Carbonnel (Consorts), Petkovic
Défendeur :
Sanofi-Aventis France (Sté), Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, Mutuelle nationale territoriale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Truchot
Avocat général :
M. Drouet
Avocats :
Me Balat, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, en application de l'article 1015 du Code de procédure civile : - Vu l'article 2270-1 du Code civil, alors applicable, tel qu'interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;
Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'en cas de dommage corporel ou d'aggravation du dommage, la date de la consolidation fait courir le délai de la prescription prévu par ce texte ;
Attendu, d'autre part, que, dès lors qu'un produit dont le caractère défectueux est invoqué a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant cette directive, l'article 2270-1 doit être interprété dans toute la mesure du possible à la lumière de la directive ; que le délai de prescription de l'article 10 de la directive court à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ;
Attendu que, par suite, la date de la manifestation du dommage ou de son aggravation, au sens de l'article 2270-1, interprété à la lumière de la directive, doit s'entendre de celle de la consolidation, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au mois de février 1998, souffrant d'une rhinopharyngite fébrile, M. Lucas Carbonnel s'est vu prescrire un traitement à base d'aspirine, de paracétamol et d'antibiotique, à la suite duquel il a présenté divers troubles, notamment une atteinte de la muqueuse oculaire ayant conduit à une cécité, qui ont été attribués à un syndrome de Lyell ; que le juge des référés, saisi le 16 juillet 2008 par M. et Mme Carbonnel, parents de M. Lucas Carbonnel, et par ce dernier (les consorts Carbonnel), a ordonné une expertise qui a fixé la date de la consolidation à la fin de l'année 2005 ; que, le 13 avril 2012, les consorts Carbonnel ont assigné la société Sanofi-Aventis France (la société Sanofi-Aventis), producteur des médicaments composés d'aspirine et de paracétamol, en réparation de leurs préjudices ;
Attendu que, pour déclarer l'action des consorts Carbonnel irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient qu'en application de l'article 2270-1 du Code civil interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive, qui imposent de retenir comme point de départ du délai de prescription non pas la date de consolidation du dommage, mais celle de sa manifestation, le délai prévu par ce texte, qui avait commencé à courir à compter du 13 février 1998, date de la manifestation du dommage subi par M. Lucas Carbonnel, était expiré au 16 juillet 2008, date de l'action des consorts Carbonnel ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 10 de la directive, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.