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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 10 juin 2016, n° 14-02220

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BDSA (SA), Allianz Iard (SA)

Défendeur :

Selafa MJA (ès qual.), GraphicObsession (Sté), Carrefour hypermarchés (SAS), Carrefour administratif France (SAS), Carrefour (SA), Carrefour marchandises internationales (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Greff-Bohnert

Conseillers :

Mmes Chesnot, Hecq-Cauquil

Avocats :

Mes Berdugo, Dutreuilh, Aunon, Warusfel

T. com. Paris, du 4 déc. 2013

4 décembre 2013

La société B. Dubosc SA (BDSA), agence de marketing et de communication, a créé en janvier 2006 un emballage de recharges pour absorbeur d'humidité commercialisées sous la marque et dans les magasins Carrefour. Cet emballage reproduisait une photographie représentant, dans la vue générale d'un salon, l'image du fauteuil "Grand confort (petit modèle)" référencé LC2 créé par Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand. Le visuel provenait d'un CD-Rom intitulé "V108 Living Space" vendu le 7 octobre 2003 par la société GraphicObsession à la société BDSA et revendu le 20 octobre 2003 à la société Carrefour marchandises internationales SAS, filiale de la société Carrefour SA, en charge du développement de produits faisant l'objet d'un packaging spécifique.

Saisi d'une action en contrefaçon par les ayants-droit des coauteurs de l'œuvre, le Tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé par jugement du 3 mai 2012 la condamnation des sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour hypermarchés France SAS, Carrefour administratif France SAS et Carrefour SA à indemniser Mme Martin-Barsac, Mme Jeanneret-Gris et la fondation Le Corbusier du préjudice subi et leur a interdit d'exploiter toute reproduction du fauteuil concerné. Le même jugement a débouté les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour hypermarchés France SAS, Carrefour administratif France SAS et Carrefour SA de leur appel en garantie à l'encontre de la société BDSA et de son assureur la société Allianz Iard et celles-ci de leurs appels en garantie subséquents visant notamment la société GraphicObsession en liquidation judiciaire, au motif que la facture du visuel litigieux avait été établie au nom de la société Carrefour marchandises internationales SAS, société faisant partie du groupe Carrefour mais disposant d'une personnalité juridique propre, différente de celle des sociétés parties à la procédure, que d'autre part le fait que l'objet social de la société Carrefour marchandises internationales lui confère la possibilité d'agir comme mandataire du groupe Carrefour était insuffisant pour caractériser en l'espèce un mandat pour procéder aux opérations concernées, et que dès lors les sociétés Carrefour, qui ne se fondaient que sur les règles de la responsabilité contractuelle, ne justifiaient pas d'un lien contractuel avec la société BDSA.

Le 23 novembre 2012, les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour administratif France SAS, Carrefour SA et Carrefour marchandises internationales SAS ont assigné les sociétés BDSA et Allianz Iard devant le Tribunal de commerce de Paris, entendant faire juger qu'en utilisant un visuel reproduisant le fauteuil LC2 qui constituait une contrefaçon de cette œuvre et en ne recherchant pas si une éventuelle négociation devait être menée avec des tiers ayant des droits sur ledit visuel, sans pour autant en prévenir Carrefour marchandises internationales, la société BDSA avait commis des actes fautifs et manqué à son obligation de garantie, de conseil et d'information à l'égard de son cocontractant, que ces manquements engageaient la responsabilité contractuelle de la société BDSA à l'égard de Carrefour marchandises internationales ; que ces mêmes manquements contractuels commis à l'encontre de Carrefour marchandises internationales avaient causé un préjudice financier et moral aux autres sociétés Carrefour demanderesses engageant également la responsabilité délictuelle de la société BDSA à l'égard de Carrefour, et qu'en conséquence la société BDSA et la société Allianz Iard devaient être condamnées solidairement à verser à la société Carrefour SA la somme de 96 303 euros en réparation du préjudice subi, outre celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral. Les sociétés BDSA et Allianz Iard ont elles-mêmes assigné en garantie la société GraphicObsession prise en la personne de son mandataire liquidateur nommé par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 11 décembre 2008.

Par jugement du 4 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a joint les procédures, a condamné solidairement les sociétés BDSA et Allianz Iard à verser à la société Carrefour marchandises internationales SAS la somme de 96 303 euros, a condamné la société GraphicObsession à les garantir de cette condamnation, a ordonné à son mandataire judiciaire d'inscrire cette somme au passif de la liquidation judiciaire de l'entreprise, a débouté les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour administratif France SAS, Carrefour SA et Carrefour marchandises internationales SAS de toutes leurs autres demandes, a condamné solidairement les sociétés BDSA et Allianz Iard à verser à la société Carrefour marchandises internationales SAS la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens, et a ordonné l'exécution provisoire. Le tribunal a retenu que, selon une lettre du 1er mars 2005 de la société BDSA à la société Carrefour marchandises internationales, les droits des tiers devaient être négociés par l'agence aux frais de l'annonceur, que dans ces conditions BDSA avait commis une faute vis-à-vis de Carrefour marchandises internationales en ne s'assurant pas de l'existence ou non de droit de tiers, qu'en revanche la responsabilité délictuelle de BDSA ne pouvait être recherchée, celle-ci n'ayant commis aucune faute délictuelle, et que la société GraphicObsession devait sa garantie à BDSA pour lui avoir fait croire par une mention apposée sur sa facture du 7 octobre 2003 que la photographie cédée était libre de droits.

Les sociétés B. Dubosc SA (BDSA) et Allianz Iard ont relevé appel de cette décision. Dans leurs dernières conclusions notifiées le 26 mai 2015, elles demandent d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a écarté la responsabilité délictuelle de BDSA et retenu la garantie de la société GraphicObsession. Elles soulèvent, à titre principal, l'irrecevabilité de la société Carrefour marchandises internationales à solliciter le paiement de la somme de 96 303 euros qu'elle n'a pas été condamnée à payer à défaut d'avoir été elle-même évincée, et qui a été acquittée par les seules autres sociétés Carrefour conformément à la décision du Tribunal de grande instance de Nanterre du 3 mai 2012, celles-ci étant elles-mêmes aujourd'hui radicalement irrecevables à solliciter de leur côté le paiement de cette somme puisqu'elles ont été définitivement déboutées de leur action en garantie contractuelle et délictuelle par cette même décision passée en force de chose jugée. A titre subsidiaire, elles entendent faire juger que la société BDSA n'a commis aucune faute contractuelle ou délictuelle en relation avec la vente au prix de 659 euros HT du CD-Rom V108 Living space photodisc comprenant la photographie litigieuse du fauteuil LC2, dès lors qu'elle avait pris la précaution d'acquérir la photographie libre de tous droits des tiers, et concluent en conséquence au débouté de toutes les demandes formées à leur encontre. A titre infiniment subsidiaire, elles demandent de condamner la société GraphicObsession à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre et de leurs conséquences, d'ordonner l'inscription de la somme de 96 303 euros au passif de la société GraphicObsession, et de la condamner à verser à chacune une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 17 juin 2015, les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour administratif France SAS, Carrefour SA et Carrefour marchandises internationales SAS sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société BDSA à l'égard de la société Carrefour marchandises internationales et l'a condamnée solidairement avec son assureur Allianz Iard à verser à la société Carrefour marchandises 4 internationales la somme de 96 303 euros en réparation du préjudice financier subi, mais son infirmation en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité délictuelle de la société BDSA à l'égard des autres sociétés Carrefour. Elles entendent faire juger que les manquements contractuels de la société BDSA à l'égard de la société Carrefour marchandises internationales ont été préjudiciables aux sociétés Carrefour et que sa responsabilité délictuelle est donc engagée envers celles-ci, et sollicitent la condamnation solidaire des sociétés BDSA et Allianz Iard à verser entre les mains de la société Carrefour SA la somme de 96 303 euros en réparation de son préjudice financier. Elles demandent également d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de dommages et intérêts des sociétés Carrefour en réparation du préjudice moral subi, et de condamner solidairement les sociétés BDSA et Allianz Iard à verser à ce titre la somme de 20 000 euros à la société Carrefour SA. En tout état de cause, elles demandent de juger que c'est à bon droit que le Tribunal de commerce a débouté les sociétés BDSA et Allianz de l'ensemble de leurs demandes, de confirmer les autres dispositions du jugement, et de condamner solidairement les sociétés BDSA et Allianz Iard à verser entre les mains de la société Carrefour SA la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 avril 2014, la SELAFA Mandataires judiciaires associés (MJA) agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GraphicObsession entend faire constater, au visa des articles L. 622-14 à L. 622-16, L. 622-21, L. 622-22, L. 622-24, L. 622-26, L. 641-3 et R. 622-24 du Code de commerce, que le Tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société GraphicObsession par jugement du 11 décembre 2008 publié le 9 janvier 2009 au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), que la créance d'un montant de 96 303 euros alléguée par les sociétés BDSA et Allianz Iard trouve son origine antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, que le délai légal de déclaration des créances au passif de la procédure collective de la société GraphicObsession a expiré le 9 mars 2009, et que les sociétés BDSA et Allianz Iard n'ont déclaré aucune créance au passif de la procédure collective dans les délais légaux. En conséquence, elle demande de dire que la créance d'un montant de 96 303 euros alléguée lui est inopposable, que les sociétés BDSA et Alianz Iard sont irrecevables en leurs prétentions à son égard, et d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GraphicObsession à les garantir de la condamnation prononcée et ordonné l'inscription de la somme de 96 303 euros au passif de l'entreprise. Elle sollicite la condamnation des sociétés BDSA et Allianz Iard à lui payer chacune la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action des sociétés Carrefour

La société Carrefour marchandises internationales, liée à la société BDSA par un contrat de prestations de services en exécution duquel l'emballage litigieux a été réalisé, a qualité et intérêt à rechercher la responsabilité de son prestataire du fait des manquements reprochés à cette occasion. La circonstance que le Tribunal de grande instance de Nanterre ait condamné les autres sociétés Carrefour à réparer le préjudice causé aux ayants-droit des coauteurs de l'œuvre représentée sur l'emballage litigieux, par la commercialisation et la diffusion qu'elles en ont faites, ne la prive pas de son propre droit à agir né de son rapport contractuel avec le concepteur de l'emballage. La fin de non-recevoir qui lui est opposée sera en conséquence rejetée.

L'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, fondée sur la même cause et entre les mêmes parties. En l'espèce, le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 3 mai 2012 qui a débouté les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour hypermarchés France SAS, Carrefour administratif France SAS et Carrefour SA de leur appel en garantie dirigé contre la société BDSA s'est prononcé en seule considération du défaut de lien contractuel les rattachant à celle-ci, en relevant expressément que les sociétés Carrefour en cause ne se fondaient que sur les règles de la responsabilité contractuelle sans justifier d'un tel lien. La chose jugée attachée à ce jugement ne peut en conséquence faire obstacle à ce que les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour hypermarchés France SAS, Carrefour administratif France SAS et Carrefour SA, agissant conjointement avec la société Carrefour marchandises internationales non attraite à la procédure menée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre, recherchent la garantie de la société BDSA fondée à leur égard sur les règles de la responsabilité quasi-délictuelle.

Sur la responsabilité de la société BDSA

Par lettre du 1er mars 2005 adressée à la société Carrefour marchandises internationales, la société BDSA a fait connaître que l'agence cédait à Carrefour pour les cinq prochaines années les droits attachés aux créations réalisées en exécution des différents contrats packaging sur l'ensemble des enseignes du groupe Carrefour, en précisant : "Cependant, la cession des droits de l'Agence ne recouvre pas les droits des tiers. Ces droits seront négociés par l'Agence aux frais de l'Annonceur selon les nécessités de la communication packaging, objet des différents contrats". Le tribunal a fait une juste analyse de ce courrier en retenant à la charge de la société BDSA une obligation de vérifier les droits des tiers qu'elle se devait de négocier si nécessaire. Elle fait valoir en vain que la cession des droits d'auteur réalisée par ce courrier ne vise pas la photographie litigieuse qu'elle s'est contentée de revendre et qu'elle ne peut donc être tenue à une garantie d'éviction concernant ce cliché, alors que l'obligation à laquelle elle s'est engagée consistait précisément à négocier les droits, autres que ceux cédés, susceptibles comme c'est le cas d'être concernés par ses travaux. Elle ne s'est pas contentée de revendre la photographie comme elle le soutient, puisqu'elle l'a reproduite sur l'emballage conçu par elle à des fins commerciales. La circonstance qu'elle ait acquis la photographie libre de droits de la société GraphicObsession ne peut la décharger envers son propre client de son obligation de s'assurer que les éléments qui la composaient pouvaient être exploités et diffusés sans risquer une action en contrefaçon. Elle ne peut encore invoquer une compétence de l'acheteur le mettant en mesure d'apprécier lui-même les conséquences de l'utilisation de la photographie alors que, chargée de concevoir l'emballage sur lequel l'image litigieuse a été représentée, il lui incombait à titre personnel de veiller dans l'exécution de cette mission au respect des droits attachés à sa reproduction. Dès lors que la reproduction de l'image du fauteuil a été qualifiée d'acte de contrefaçon et son exploitation interdite par le Tribunal de grande instance de Nanterre, le manquement de la société BDSA à ses obligations se trouve caractérisé.

La responsabilité contractuelle de la société BDSA ne peut cependant être engagée envers la société Carrefour marchandises internationales que si un dommage en lien de causalité direct et certain avec le manquement constaté en est résulté pour elle. Or, la société Carrefour marchandises internationales, qui sollicite la confirmation du jugement ayant condamné la société BDSA et son assureur à lui verser la somme de 96 303 euros à titre de préjudice financier, ne démontre pas la réalité d'un tel dommage puisque la somme réclamée correspond à l'indemnisation que le Tribunal de grande instance de Nanterre a prononcée à l'encontre des autres sociétés Carrefour du fait de l'exploitation de l'œuvre à des fins commerciales et qu'elle ne justifie pas avoir eu à supporter une part quelconque de ce paiement. Dès lors, le jugement déféré sera sur ce point infirmé et la société Carrefour marchandises internationales, qui ne revendique nulle autre indemnisation, en particulier au titre d'un préjudice moral dont l'allocation n'est sollicitée qu'au bénéfice de la société Carrefour SA, sera déboutée de ses demandes.

La société Carrefour SA, bien que tiers à la convention passée entre la société Carrefour marchandises internationales et la société BDSA, peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle les manquements de nature contractuelle commis par celle-ci dès lors que ces manquements lui ont causé un dommage. La condamnation prononcée par le Tribunal de grande instance de Nanterre à l'encontre des sociétés Carrefour pour avoir commercialisé les emballages reproduisant illicitement le fauteuil LC2 et avoir participé ainsi aux actes de contrefaçon est constitutive du dommage invoqué. Elle procède de la méconnaissance par la société BDSA des droits des auteurs de l'œuvre qu'elle avait l'obligation de vérifier et de négocier avec leurs ayants-droit. Il en résulte un lien de causalité direct et certain entre les manquements de la société BDSA à ses obligations et le dommage subi. Dès lors, la société Carrefour SA est fondée à rechercher la garantie de la société BDSA à hauteur de la condamnation d'un montant non contesté de 96 303 euros qu'elle a supportée. Le jugement qui l'a déboutée de ses demandes sera en conséquence infirmé et la société BDSA condamnée avec la société Allianz Iard, assureur de responsabilité civile qui ne conteste pas sa garantie, à lui verser cette somme au titre de son préjudice financier. La société Carrefour SA ne justifie en revanche par aucun élément de l'existence d'une atteinte à sa réputation, constitutive du préjudice moral qu'elle prétend avoir également subi.

Sur la garantie de la société GraphicObsession

L'article L. 622-24 du Code de commerce qui énonce que, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat, prévoit également que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles privilégiées mentionnées au I de l'article L. 622-17, sont soumises aux mêmes dispositions et que, dans ce cas, les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. En l'espèce, l'action en contrefaçon qui constitue le fait générateur de la créance de dommage a été introduite devant le Tribunal de grande instance de Nanterre par assignation des 20 et 22 janvier 2009 délivrée aux sociétés Carrefour qui ont elle-même appelé la société BDSA en intervention forcée le 2 octobre 2009 laquelle a elle-même appelé la société GraphicObsession à intervenir le 28 novembre 2009. Jusqu'à l'introduction de l'instance et les mises en causes subséquentes aucune dette de dommage ne pouvait peser sur la société GraphicObsession. La société BDSA ne pouvait dès lors être tenue de déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication le 9 janvier 2009 au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du jugement prononçant le 11 décembre 2008 l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, tel qu'il est fixé par l'article R. 622-24 du même Code comme le soutient le mandataire liquidateur de la société GraphicObsession. La déclaration de créance faite entre ses mains le 17 novembre 2009 pour un montant de 305 000 euros satisfait en conséquence aux dispositions précitées. Elle autorise son auteur, non à exercer une action tendant à la condamnation du débiteur à un paiement interdit par les articles L. 622-21 et L. 641-3 du même Code, mais à faire fixer au passif de la liquidation judiciaire la créance contestée.

Selon la facture du 7 octobre 2003 établie par la société GraphicObsession, le CD-Rom "V108 Living Space" cédé à la société BDSA était libre de droits sous le copyright (c)Photodisc, précisant : "La mention libre de droits s'applique à toute image digitale au-delà de 150 Koctets que vous achetez de PhotoDisc. Vous pouvez l'utiliser à toutes fins notamment commerciales incluant la publicité, la promotion, tout projet éditorial soit par voie électronique soit par voie de publication ou représentation ainsi que pour tout packaging (incluant musique, vidéo et logiciel), tout livre et pour tout produit offert à la vente quelle que soit la quantité produite". Cette information s'est avérée inexacte puisque l'action en contrefaçon à laquelle la société GraphicObsession était attraite a mis en évidence que la reproduction du fauteuil LC2 sur la photographie litigieuse n'avait pas été autorisée et que l'utilisation de ce cliché à des fins commerciales portait atteinte aux droits de ses auteurs. En cédant le CD-Rom en ces termes, la société GraphicObsession a failli au devoir d'information et de mise en garde inhérent à la nature de l'objet cédé et méconnu les droits attachés à l'œuvre représentée, participant ainsi aux actes de contrefaçon ainsi que l'a souligné le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre. Le manquement ainsi commis sur une information essentielle relative à l'utilisation de la photographie est en relation directe avec la production du dommage. Il engage la propre responsabilité de la société GraphicObsession envers la société BDSA à hauteur de la condamnation dont celle-ci fait l'objet.

En équité, il convient de compenser à hauteur de 3 000 euros les frais non compris dans les dépens que la société Carrefour SA a été contrainte d'exposer en première instance et en appel, à la charge des sociétés BDSA et de son assureur.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Carrefour de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et a condamné les sociétés BDSA et Allianz Iard aux dépens, Et, statuant à nouveau dans cette limite, Déclare la société BDSA responsable des conséquences dommageables de l'action en contrefaçon introduite par Mme Martin-Barsac, Mme Jeanneret-Gris et la fondation Le Corbusier contre les sociétés Carrefour hypermarchés SAS, Carrefour hypermarchés France SAS, Carrefour administratif France SAS et Carrefour SA, ayant donné lieu au jugement du 3 mai 2012 du Tribunal de grande instance de Nanterre, Condamne in solidum les sociétés BDSA et Allianz Iard à verser à la société Carrefour SA la somme de 96 303 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, Dit que la société GraphicObsession représentée par son mandataire liquidateur la SELAFA Mandataires judiciaires associés (MJA) est tenue de garantir les sociétés BDSA et Allianz Iard de cette condamnation, Fixe la créance des sociétés BDSA et Allianz Iard au passif de la liquidation judiciaire de la société GraphicObsession à la somme de 96 303 euros, Déboute la société Carrefour marchandises internationales SAS de ses demandes, Y ajoutant, Condamne in solidum les sociétés BDSA et Allianz Iard aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société Carrefour SA la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du même Code, Déboute les parties de leurs autres demandes.