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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 9 juin 2016, n° 14-02785

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Macif (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes Bazet, Derniaux

Avocats :

Mes Lafon, Dufau, Minault, Mercie

TGI Nanterre, 6e ch., du 21 févr. 2014

21 février 2014

Faits et procédure

M. et Mme X étaient propriétaires d'un véhicule Citroën modèle C4 Picasso immatriculé AP-444-NX acquis pratiquement neuf au mois de mai 2010, pour l'assurance duquel ils ont souscrit le 21 mai 2010 un contrat multirisques " voiture particulière " auprès de la société Macif, les garantissant en particulier contre le vol.

Au matin du 14 décembre 2011, M. X a découvert que son véhicule avait été volé entre 7h30 et 8h30, alors qu'il était stationné devant son domicile. Il a immédiatement déposé plainte auprès des services de police et procédé à la déclaration de sinistre d'usage à son assureur.

La société Macif a indemnisé les époux X par virement en date du 25 janvier 2012 pour un montant de 23 682,61 euro.

Le 13 juin 2012, soit 7 mois après le vol, le véhicule a été découvert par les services de police sur la commune des Mureaux (78) significativement endommagé.

Le véhicule étant devenu dans l'intervalle la propriété de la société Macif par le jeu des dispositions contractuelles, cette dernière a pris l'initiative de faire procéder à une expertise par les soins de M. C., expert. Dans un rapport du 27 juillet 2012, ce dernier a relevé, outre des dommages chiffrés à 3 112,21 euro, une " glace fixe d'aile AVD cassée de ce fait l'intrusion dans le véhicule est possible. Aucune trace d'effraction au niveau de l'antivol et de la colonne de direction. Mise en route du véhicule impossible ".

Par lettre du 31 juillet 2012, la société Macif s'est prévalue de l'absence d'effraction visible de nature à permettre la mise en route et la circulation du véhicule pour contester l'application de sa garantie contractuelle, se fondant sur les dispositions de l'article 5 du contrat prévoyant, lorsque le véhicule est retrouvé, que la garantie n'est acquise que " s'il est prouvé qu'il y a eu forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement ".

La société Macif a donc invité les époux X à lui restituer l'indemnité reçue et à reprendre possession du véhicule.

M. et Mme X ont adressé un chèque de remboursement à la société Macif le 5 août 2012. Cependant, après avoir été alertés par un reportage sur les méthodes mises en œuvre par les voleurs pour s'emparer des véhicules, ils ont décidé de désigner leur propre expert en automobile, M. T., aux fins de procéder à un nouvel examen du véhicule.

Cet expert a convoqué l'ensemble des parties à une réunion contradictoire le 2 octobre 2012 et établi un rapport le 19 octobre suivant.

Le 15 novembre 2012, les époux X ont fait assigner la société Macif devant le Tribunal de grande instance de Nanterre afin, notamment, de la faire condamner à leur régler la valeur de remplacement du véhicule volé.

Par jugement du 21 février 2014, la juridiction a :

condamné la société Macif à payer à M. et Mme X les sommes de :

23 682,61 euro au titre de la garantie vol, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2012,

600 euro en remboursement des frais d'expertise,

5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

ordonné l'exécution provisoire,

rejeté les demandes reconventionnelles,

condamné la société Macif aux dépens.

La Macif a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 21 janvier 2016, demande à la cour de :

prendre acte de la reprise de l'instance par Mme Véronique X, à la suite du décès de sa mère intervenu le 8 juin 2014,

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, débouter les consorts X de l'intégralité de leurs demandes,

condamner les consorts X à rembourser les frais d'expertise amiable à hauteur de 271,49 euro,

juger qu'elle aura la possibilité de détruire le véhicule si M. X ne le récupère pas dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir,

ou, à défaut, juger que les frais de gardiennage passés et à venir sont et resteront à la charge des consorts X,

condamner les consorts X à lui verser la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance avec recouvrement direct.

Par conclusions du 17 février 2016, M. X et sa fille, Mme X épouse C., demandent à la cour de :

donner acte à Mme Véronique X de la reprise de l'instance pendante devant la cour,

débouter la Macif de l'ensemble de ses demandes,

juger que l'exigence de traces cumulatives d'effraction sur le véhicule retrouvé après son vol telle que résultant de l'article 5 des conditions générales de la police souscrite (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement) caractérise une exclusion de garantie vidant celle-ci de sa substance compte tenu des méthodes de vol des véhicules modernes,

confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

subsidiairement, juger que la présentation formelle de cette exclusion de garantie est non conforme aux exigences de l'article L. 112-4 du Code des assurances,

plus subsidiairement, juger que l'exigence dans la clause vol litigieuse d'un forcement de la direction et d'une détérioration des contacts électriques permettant la mise en route rend celle-ci abusive au sens des articles L. 132-1 et R. 132-1 du Code de la consommation dans la mesure où l'endommagement du faisceau électrique rend en particulier la mise en route du véhicule en vue de son vol techniquement impossible et qu'une telle exigence limite indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur,

plus subsidiairement encore, juger que la Macif n'a pas exécuté son devoir de conseil en laissant souscrire aux intimés une clause vol non conforme à leurs intérêts car inadaptée en raison des méthodes de vol des véhicules modernes,

en conséquence, confirmer l'ensemble des condamnations financières du jugement entrepris,

y ajoutant : condamner la Macif à leur payer une indemnité d'un montant de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel et à supporter les entiers dépens d'appel avec recouvrement direct.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mars 2016.

Sur ce,

Le tribunal a jugé que les dispositions de la police applicables en cas de découverte du véhicule volé et relatives à l'absence d'un certain type d'effraction constituaient non pas une condition de la garantie mais une cause d'exclusion de celle-ci, qui figurait d'ailleurs en caractères apparents dans les conditions générales du contrat.

Il a considéré cependant qu'au regard des conclusions du rapport d'expertise de M. T., cette clause d'exclusion était totalement inadaptée aux véhicules modernes et avait pour conséquence de vider la garantie vol de sa substance.

La Macif fait valoir en premier lieu que la clause litigieuse, l'article 5-1 du contrat, constitue une condition de la garantie et non pas une exclusion de garantie, et observe que les premiers juges n'ont pas analysé la bonne disposition contractuelle puisqu'ils ont tenu compte d'un paragraphe page 29 qui ne pose pas les conditions de la garantie. Cette disposition n'ayant rien de spécifique à la situation particulière de l'assuré, l'assureur n'avait pas à attirer spécialement son attention sur elle.

Elle rappelle que la clause en cause qui a été acceptée par les époux X lors de la conclusion du contrat est bien applicable et que peu importe l'existence de nouvelles technologies permettant le vol d'un véhicule sans effraction.

Les consorts X soutiennent que les exigences de preuves cumulatives d'effraction posées par la police sont illicites, en ce qu'elles vident la garantie vol de sa substance et ne répondent pas aux conditions de présentation matérielle posées par le Code des assurances, outre qu'elles constituent une clause abusive qui doit être réputée non écrite, en raison du fait qu'elles limitent indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur.

L'article 5-1 du contrat d'assurance stipule sous le titre "ce qui est garanti" que, si le véhicule est retrouvé, sont garanties les détériorations du véhicule et de ses accessoires s'il est prouvé qu'il y a eu forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en état de fonctionnement.

Dans la droite ligne de cette clause, il est indiqué plus loin dans la police dans un article 5-C (page 29), qu'en cas de découverte du véhicule volé, s'il est retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement), la garantie vol n'est pas acquise et l'assuré doit rembourser l'indemnité déjà versée.

L'effraction visée en cas de découverte du véhicule volé, décrite dans l'article 5-1, est une condition de la garantie et l'article 5-1 ne constitue donc pas une clause d'exclusion de ladite garantie.

Cet article ne rappelle pas le principe de la preuve par tous moyens et procède à une énumération limitative des indices susceptibles d'être retenus.

Cependant, s'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies, l'assureur ne peut, sous couvert de définir l'effraction, valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve de celle-ci et donc du sinistre alors qu'en application des dispositions de l'article 1315 du Code civil, cette preuve est libre et qu'en outre ce type de disposition est susceptible de contrevenir aux dispositions de l'article R. 132-2 du Code de la consommation qui prévoient que sont présumées abusives, au sens des articles L. 132-1 alinéas 1 et 2 du même Code, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur.

Il est constant que M. X a bien adressé à la Macif toutes les pièces demandées dans le cadre du règlement du sinistre, dont les deux clés de démarrage du véhicule.

C'est d'ailleurs parce que son assuré lui avait remis les deux cartes du véhicule que l'assureur a considéré comme présumée l'effraction du véhicule et l'a indemnisé.

S'agissant des avis techniques, il apparaît qu'une expertise a été réalisée le 2 octobre 2012 par M. T., expert mandaté par les époux X, en présence d'un expert désigné par la Macif.

Cette dernière ne produit aucun élément technique susceptible de remettre en cause les conclusions de M. T.

Cette expertise a mis en évidence qu'une effraction avait été commise pour pénétrer dans le véhicule, mais que le véhicule Citroën Picasso des époux X avait pu être volé sans aucun endommagement du système de démarrage à l'aide d'un boîtier relié au calculateur (en vente sur Internet) qui permet d'accéder au code anti-démarrage, et de l'utiliser avec une clé vierge (également vendue sur Internet) qui est alors reconnue et permet le démarrage du véhicule. M. T. précise qu'il convient, si l'on veut partir avec le véhicule dérobé, d'éviter toutes dégradations des faisceaux électriques au niveau du contacteur à clé puisque le sectionnement du faisceau ne permet plus de liaison entre le boîtier/transpondeur et le boîtier de contrôle de l'habitacle qui autorise, via le boîtier de gestion moteur le démarrage du véhicule.

Il en résulte que ce mode de vol ne laisse précisément aucune trace de dégradation sur le système de démarrage.

Il apparaît ainsi que le véhicule en cause a été volé avec une méthode qui ne laisse aucune des traces matérielles décrites dans la police et auxquelles la Macif entend subordonner sa garantie, et que la limitation instaurée dans les moyens de preuve de l'effraction par ces dispositions contractuelles en cause est indue au sens de l'article R. 132-2 du Code de la consommation.

Les dispositions de l'article 5-1 et celles figurant au sein de l'article 5-C en page 29 " en cas de découverte du véhicule volé " de la police Automobiles, voitures particulières, fourgons et fourgonnettes, qui limitent l'effraction au " forcement de la direction, à la détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement " doivent donc être réputées non écrites.

En conséquence, dès lors que la soustraction frauduleuse du véhicule par effraction n'est pas contestable (une vitre a été brisée pour y pénétrer, les clés étaient en possession du propriétaire et le système de démarrage a été électroniquement forcé), la Macif doit sa garantie aux consorts X.

Le jugement, qui l'a condamnée à restituer l'indemnité initialement versée aux époux X, sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en appel, la Macif sera condamnée aux dépens y afférents et versera aux consorts X une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Constate que l'instance a été reprise par Mme Véronique X épouse C., en qualité d'ayant droit de Jacqueline R. épouse X ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Y ajoutant, Condamne la société Macif aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne la société Macif à payer à Roland X et Véronique X la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.