Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 2 juin 2016, n° 14-02089

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Regie SP Production (SARL)

Défendeur :

Les films du present (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roussel

Conseillers :

Mmes Chalbos, Dubois

T. com. Tarascon, du 6 jan. 2014

6 janvier 2014

La SARL Régie SP production, dont le nom commercial est 24 images, et la SARL les Films du présent sont des sociétés de production d'œuvres audiovisuelles.

Le 9 avril 2009 ces deux sociétés ont conclu un contrat de coproduction portant sur une œuvre audiovisuelle intitulée " Scènes d'écran ", constituée d'une série de films sur la danse.

L'accord prévoyait un partage à 50/50 entre les deux parties, de la responsabilité de la production et des recettes générées par l'exploitation.

Un avenant au contrat était signé entre les parties le 20 septembre 2010, portant sur une modification des coûts et de leur répartition.

Par acte en date du 11 juillet 2011, après vaine mise en demeure délivrée le 3 février 2011, la société Régie SP production a fait assigner la société les Films du présent devant le Tribunal de commerce de Tarascon aux fins d'obtenir paiement d'une somme de 63 400 euro restant due en exécution de l'avenant du 20 septembre 2010.

Par jugement du 5 mars 2012, le Tribunal de commerce de Tarascon a ordonné une mesure d'expertise.

La société les Films du présent a été placée en redressement judiciaire par jugement du 9 novembre 2012.

Par jugement du 1er mars 2013 le tribunal a mis fin à la mesure d'expertise ordonnée le 5 mars 2012 et prononcé la radiation de l'affaire en l'absence de mise en cause, par la demanderesse, des organes de la procédure collective, et de justification d'une déclaration de créance.

Après rétablissement de l'affaire, le Tribunal de commerce de Tarascon a par jugement du 6 janvier 2014 statué comme suit :

- dit la partie demanderesse mal fondée en sa demande principale, l'en déboute,

- se déclare compétent pour connaître des demandes reconventionnelles formées par la société les Films du présent et Maître B.-B. ès qualités,

- condamne la société Régie SP production à payer à la société les Films du présent la somme de 20 000 euro,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que les dépens seront supportés par la partie demanderesse.

La société Régie SP production a interjeté appel de cette décision le 30 janvier 2014.

Par conclusions déposées et notifiées le 29 février 2016 la société Régie SP production demande à la cour, vu les articles 1134, 1147, 1153 du Code civil, 79 alinéa 1 du Code de procédure civile et L. 211-10 du Code de l'organisation judiciaire, recevant son appel :

- sur la dette d'un montant de 63 400 euro, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté l'appelante de cette demande, statuant à nouveau, dire et juger que la société les Films du présent est débitrice de la somme de 63 400 euro TTC au profit de la société appelante, condamner au paiement de la dette d'un montant de 63 400 euro TTC outre intérêts au taux légal à compter de la sommation extrajudiciaire du 3 février 2011,

- sur le préjudice de la société Régie SP production, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté l'appelante de cette demande, statuant à nouveau, condamner au paiement à titre de dommages et intérêts de l'article 1147 du Code civil, de la somme de 6 000 euro pour résistance abusive en paiement,

- sur la condamnation en paiement de la somme de 20 000 euro pour la coproduction du film Kurdishlover, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement de la somme de 20 000 euro , statuant à nouveau, dire et juger que la société Régie SP production n'est pas débitrice de la somme de 20 000 euro,

- sur les demandes reconventionnelles de l'intimée :

- à titre principal, de dire et juger que le Tribunal de commerce de Tarascon était incompétent pour apprécier l'éventuelle existence du délit de contrefaçon, relevant de l'appréciation et de l'exécution du contrat de coproduction, de l'exploitation des œuvres et d'une prétendue contrefaçon soit à des actions relatives à la propriété intellectuelle, en conséquence dire et juger que la présente formation de la cour est incompétente pour statuer sur les demandes reconventionnelles présentées par la société intimée,

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il débouté la société les Films du présent de toutes ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions,

- sur l'appel incident, de :

- débouter la société les Films du présent de son appel incident en ce qu'elle sollicite la condamnation de la société Régie SP production à la communication sous astreinte d'un ensemble d'éléments comptables dont elle n'est pas fondée à avoir communication,

- débouter la société les Films du présent de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euro de dommages et intérêts pour exploitation des œuvres,

- débouter la société les Films du présent de sa demande en paiement de la somme de 60 000 euro correspondant à l'indemnisation du préjudice subi et à une provision à valoir sur la part des recettes lui revenant pour reddition des comptes d'exploitation,

- débouter la société les Films du présent de sa demande en paiement de la somme de 100 000 euro de dommages et intérêts pour privation de ses droits au bénéfice du soutien automatique versé par le CNC aux producteurs délégués des œuvres diffusées,

- débouter la société les Films du présent de sa demande en paiement de la somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et agissements parasitaires à la suite de la rupture abusive des pourparlers engagés pour la coproduction de la saison 2 de la série " Scènes d'écran ",

- condamner au paiement de la somme de 4 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société les Films du présent aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Charles R..

Par conclusions déposées et notifiées le 11 juin 2014, la société les Films du présent et Maître B.-B., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour, vu les articles1135 et suivants, 1147 et suivants, 1382 et suivants du Code civil, L. 622-22 et suivants, L. 626-5 et suivants du Code de commerce, de :

- in limine litis, rejeter l'exception d'incompétence de la juridiction commerciale soulevée par la société Régie SP production, concernant les demandes formées par la société les Films du présent, confirmer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a déclaré la société Régie SP production mal fondée en son exception d'incompétence et s'est déclaré compétent,

- sur l'appel principal,

- à titre principal, débouter la société Régie SP production de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Tarascon en ce qu'il a débouté la société Régie SP production de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, débouter la société Régie SP production de l'ensemble de ses demandes en paiement en application de l'article L. 622-22 du Code de commerce, en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Régie SP production à payer à la société les Films du présent et à Maître B.-B. ès qualités la somme de 20 000 euro correspondant au solde de l'apport en coproduction dû en application du contrat de coproduction du film " Kurdishlover " en date du 31 juillet 2008,

- sur l'appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société les Films du présent de ses demandes reconventionnelles, dire et juger la société Régie SP production a commis de nombreuses fautes dans l'exécution du contrat de coproduction en date du 9 avril 2009,

- condamner la société Régie SP production sous astreinte de 60 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à communiquer l'ensemble des éléments suivants relatifs la production de la série de 10 œuvres " Scènes d'écran " saison 1 :

- l'ensemble des comptes de production définitifs des 10 œuvres produites dans le cadre de la saison 1 " Scènes d'écran ",

- les justificatifs de l'ensemble des dépenses de production effectuées par la société Régie SP production pour ces dix œuvres,

- les justificatifs des différents financements perçus par la société Régie SP production pour la saison 1 (contrats, arrêtés de subvention, avis de paiement du CNC),

- les comptes d'exploitation des 10 œuvres coproduites avec l'ensemble des justificatifs (contrats, décomptes d'exploitation, avis de paiement des chaînes, attestation des diffuseurs),

- condamner la société Régie SP production au paiement d'une somme totale de 210 000 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et plus précisément :

- 20 000 euro en indemnisation du préjudice lié à la commercialisation unilatérale et sans autorisation de la société les Films du présent de la saison 1 de la série " Scènes d'écran ",

- 60 000 euro à titre de provision à valoir sur les sommes dues à la société les Films du présent du fait de la commercialisation intervenue et en indemnisation du préjudice lié à l'absence de reddition des comptes,

- 100 000 euro en indemnisation du préjudice lié à la perte du droit au compte de soutien automatique auprès du CNC du fait de l'absence d'information des diffusions intervenues et de l'absence de communication de la copie des attestations de diffusion,

- 30 000 euro en indemnisation du préjudice lié à la perte de financement du fait du retrait brutal du dossier de demande d'aide auprès de la Région Rhône Alpes pour les derniers épisodes de la série "Scènes d'écran",

- dire et juger que la société Régie SP production s'est rendue coupable d'une rupture abusive des pourparlers pour la coproduction de la saison 2 puis d'agissements fautifs constitutifs de parasitisme et d'actes de concurrence déloyale en produisant les saisons 2, 3 et 4 de la série "Scènes d'écran",

- condamner la société Régie SP production au paiement d'une somme de 60 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société les Films du présent en application de l'article 1382 du Code civil du fait de la rupture brutale des pourparlers et des agissements de concurrence déloyale et de parasitisme dont elle a été victime,

- condamner la société Régie SP production au paiement d'une somme de 4 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 2 mars 2016.

À l'audience de plaidoiries, la cour a proposé aux parties une mesure de médiation en les invitant à faire connaître, le cas échéant, leur accord par note en délibéré.

La société les Films du présent et Maître B.-B. ès qualités ont fait connaître leur refus de la mesure proposé, par courrier de leur conseil en date du 6 avril 2016, ce dont la société Régie SP production a pris acte par courrier de son conseil en date du 15 avril 2016.

MOTIFS :

Sur la demande principale de la société Régie SP production :

La société Régie SP production soutient que la société les Films du présent resterait débitrice à son égard, au titre du contrat de production et de l'avenant du 20 septembre 2010, d'une somme de 63 400 euro calculée comme suit :

- financements reçus par l'intimée du CNC et de la région Rhône-Alpes : 154 000 euro

- dépenses prises en charges par l'intimée :

- frais généraux, marges, salaires producteur, constitution des dossiers pour le développement : 37 600 euro

- dépenses de post production pour un épisode : 8 000 euro

- appels de fonds par la société Régie SP production : 108 400 euro (154 000 - 37 600 - 8 000)

- règlements effectués par la société les Films du présent : 45 000 euro

- solde : 63 400 euro (108 400 - 45 000).

Elle prétend que la société les Films du présent aurait reconnu à plusieurs reprises devoir cette somme, résultant de l'avenant accepté et signé le 20 septembre 2010, mais aurait différé son règlement en raison de problèmes de trésorerie, que les comptes définitifs relatifs au programme coproduit ont été certifiés par le CNC et communiqués à l'intimée.

L'avenant signé entre les parties le 20 septembre 2010 et versé aux débats expose que " les parties conviennent que le montant des dépenses externes aux parties est, pour 10 unitaires, de 240 000 euro environ, dont 50 000 euro de provision pour deux unitaires restant à produire (...) " et " que le montant des financements est pour 10 unitaires, de 333900 euro ".

Contrairement à ce que soutient l'appelante cet avenant a seulement pour objet de fixer la répartition entre les deux sociétés, d'une économie de 93 900 euro résultant de la différence entre les dépenses externes aux parties et les financements reçus, toutes autres dispositions du contrat initial demeurant inchangées, et ne comporte aucun compte définitif ni aucune référence à la somme de 63 400 euro prétendument due par la société les Films du présent.

Le contrat de coproduction du 9 avril 2009 stipule que 24 images (soit la société Régie SP production) est chargée d'établir les comptes de production ainsi qu'une situation définitive comparaison coût-devis) avec mention des facture non parvenues, au plus tard dans les deux mois suivant l'acceptation de chaque master défini par le premier diffuseur, la société les Films du présent étant pour sa part chargée de fournir à 24 images tous renseignements relatifs aux comptes de production des films dont elle a la charge exécutive, au fur et à mesure qu'ils se présentent.

Si les courriers électroniques échangés entre les deux sociétés entre août 2010 et février 2011 font apparaître que la société les Films du présent ne contestait pas, alors, le principe de l'appel de fonds adressé par la société Régie SP production, et avait notamment adressé, le 10 septembre 2010, une proposition d'échéancier sur la base d'une somme de 62 000 euro " avant frais financiers ", elle a cependant sollicité à plusieurs reprises la communication des comptes et pièces justificatives permettant d'établir la balance définitive entre les deux sociétés, notamment par mails des 18 octobre 2010, 15 mars et 25 mars 2011 et par LRAR des 7 février et 19 avril 2011.

Il en résulte que si la société les Films du présent a pu reconnaître, avant l'établissement définitif des comptes entre les parties, devoir reverser à la société Régie SP production une partie des subventions qu'elle avait reçues, cette reconnaissance était formulée sous réserve des comptes définitifs et justificatifs à produire par la société Régie SP production.

Le fait que le mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société les Films du présent ait soumis à la société Régie SP production le projet de plan d'apurement du passif proposé par la société débitrice n'emporte aucune reconnaissance de la créance de la société Régie SP production, l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 3 avril 2014 établissant au contraire que la créance déclarée par la société Régie SP production à hauteur de 70 400 euro était contestée.

La société Régie SP production ne verse aux débats (pièce n°19) qu'un compte simplifié et non définitif, portant sur des montants arrondis au millier d'euros, mentionnant les financements reçus ou à recevoir par chacune des deux sociétés ainsi que les montants globaux de leurs dépenses externes et internes.

La cour relève que les recettes mentionnées sur ce tableau ne concordent pas avec la " reconstitution des recettes définitives " établie par la société Régie SP production (pièce 25) qui mentionne notamment des recettes provenant du GIE Grand Ouest, dont les mails échangés entre les parties révèlent le caractère fictif.

La société Régie SP production produit également en pièce n°24 un tableau mentionnant le montant global des charges et produits pour chacun des 10 films ainsi qu'un courrier de son expert-comptable attestant ne pas avoir d'observations à formuler sur la concordance des informations figurant sur ce document avec les données internes à la société Régie SP production en lien avec la comptabilité, telles que notamment la comptabilité analytique.

La cour relève que les charges et produits portés sur ce tableau ne concordent pas avec les montants portés sur la balance produite en pièce 19, sur la base de laquelle la société Régie SP production fonde sa réclamation à hauteur de 63 400 euro.

Alors que les premiers juges ont débouté la société Régie SP production de sa demande principale au motif qu'elle ne produisait aucun compte définitif de production, cette dernière ne produit en cause d'appel que des documents provisoires, parcellaires et non concordants, et ne produit en particulier aucun compte détaillé ni document justificatif des dépenses qu'elle prétend avoir engagées.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Régie SP production de sa demande en paiement de la somme de 63 400 euro, l'appelante étant également déboutée, par conséquent, de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les demandes reconventionnelles de la société les Films du présent :

- demandes de communication de pièces sous astreinte :

- sur les comptes de production et pièces justificatives :

La société Régie SP production étant déboutée de sa demande en paiement du solde réclamé au titre du compte de production en raison de l'insuffisance des pièces produites et la société les Films du présent n'alléguant aucune créance à ce titre, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication sous astreinte des comptes de production définitifs des œuvres produites et des justificatifs y afférents.

- sur les comptes d'exploitation :

Le contrat de coproduction signé entre les parties le 9 avril 2009 stipule en son article V intitulé " exploitation ":

" La tenue de la comptabilité d'exploitation du film (vérification des comptes adressés par les tiers chargés de l'exploitation, encaissement des recettes et répartition entre les différents coproducteurs et ayants droit - auteurs, interprètes, subventions en cas d'avances -, etc.) sera assurée par 24 images (soit la société Régie SP production), qui s'engage à agir toujours au mieux de l'intérêt commun des parties.

24 images établira les résultats de l'exploitation du film par périodes comptables annuelles arrêtées au 31 décembre de chaque année et, même en l'absence de recettes, 24 images adressera à (la société) les Films du présent au plus tard le 30 mars de l'année suivante, un compte d'exploitation mentionnant le montant net lui revenant. "

La société les Films du présent prétend que la société Régie SP production n'a jamais procédé à la reddition des comptes d'exploitation, ce qui n'est pas démenti par l'appelante.

Il sera donc fait droit à la demande de production sous astreinte des comptes d'exploitation, comme il sera dit au dispositif.

- demande de dommages et intérêts :

- La société les Films du présent reproche en premier lieu à la société Régie SP production d'avoir commercialisé les œuvres produites sans solliciter son accord, alors que le contrat prévoyait le choix d'un mandataire d'un commun accord entre les parties.

Elle ne justifie cependant d'aucune contestation adressée à la société Régie SP production quant à la commercialisation des œuvres débutée en 2011, ne démontre pas que la société Régie SP production n'aurait pas agi au mieux de l'intérêt des parties et ne justifie d'aucun préjudice à ce titre.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

- La société les Films du présent sera également déboutée, en l'absence de justification d'un principe certain de créance, de sa demande en paiement d'une provision de 60 000 euro à valoir sur les sommes lui revenant du fait de la commercialisation intervenue et en indemnisation du préjudice lié à l'absence de reddition des comptes.

- la société les Films du présent prétend que la société Régie SP production ne lui a pas adressé les certificats de diffusion établis par les chaînes ayant procédé à la diffusion des différentes œuvres, et qu'elle a été privée de ce fait du droit au soutien automatique versé par le CNC, dont le versement est conditionné par la déclaration des diffusions intervenues. Elle sollicite une somme de 100 000 euro de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, sans explication sur le montant réclamé.

Elle ne justifie cependant d'aucune démarche en vue de l'obtention de ce soutien, d'aucune demande formulée auprès de la société Régie SP production concernant les certificats de diffusion, ou auprès des chaînes qui ont procédé à ces diffusions selon ses propres affirmations.

Ce chef de demande sera en conséquence rejeté.

- La société les Films du présent sera également déboutée, en l'absence de justificatifs probants, de sa demande en paiement d'une somme de 30 000 euro en indemnisation du préjudice lié à la perte de financement du fait du retrait brutal du dossier de demande d'aide auprès de la Région Rhône Alpes pour les derniers épisodes de la série "Scènes d'écran".

- La société les Films du présent prétend enfin que la société Régie SP production aurait brutalement rompu les pourparlers engagés pour la production de la saison 2 de la série "Scènes d'écran" puis se serait rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires à la suite de cette rupture.

L'appelante soulève une exception d'incompétence au motif que ce chef de demande serait relatif à la propriété intellectuelle, littéraire et artistique.

Outre le fait que l'appelante ne précise pas dans le dispositif de ses conclusions la juridiction qu'elle estime compétente conformément aux dispositions de l'article 75 du Code de procédure civile, il résulte du dossier de première instance et de ses propres écritures que la société les Films du présent n'a pas maintenu, devant le Tribunal de commerce, ses demandes initiales relatives à une prétendue contrefaçon. L'exception sera en conséquence rejetée.

Les parties n'ont signé aucun contrat concernant la coproduction de la saison 2 de la série "Scènes d'écran".

Le principe de liberté contractuelle permet à toute partie de ne pas donner suite à des pourparlers, sous réserve de la responsabilité pouvant être encourue du fait du caractère abusif de leur rupture.

Il résulte d'un courrier électronique adressé par Monsieur N., de la société les Films du présent, à Monsieur R., de la société Régie SP production, le 18 octobre 2010, que ce dernier a fait part, dès le 8 septembre 2010, de sa décision de ne pas donner suite au projet de saison 2 avec la société les Films du présent, Monsieur N. considérant que cette décision était motivée par l'absence de synergie entre leurs structures. Les parties étaient alors encore en relations pour terminer la saison 1, objet du contrat initial de production.

Compte tenu de la brève durée des pourparlers et de l'absence de documents probants quant à leur état d'avancement (en dehors des pièces établies par la société les Films du présent sans date certaine), de l'absence de production de courriers démontrant que la société Régie SP production aurait faussement entretenu la société les Films du présent dans l'illusion de la concrétisation du projet, de la reconnaissance par la société les Films du présent de l'existence d'un motif de rupture, la société les Films du présent sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts, le caractère fautif de la rupture étant insuffisamment établi.

Il ressort de l'exposé du contrat de coproduction du 9 avril 2009 que la société Régie SP production, en qualité de producteur délégué principal, a pris l'initiative et la responsabilité de l'élaboration de la série "Scènes d'écran", et qu'elle avait déjà obtenu, antérieurement à l'intervention de la société les Films du présent, des contrats de partenariat avec la Maison de la Danse à Lyon et le GIE Grand Ouest TV.

Il résulte également des termes du contrat que la société les Films du présent avait pour mission de conduire les demandes de financement et que la société Régie SP production avait en charge l'exécutif, la société les Films du présent ne contestant pas n'avoir pris en charge qu'un seul des dix épisodes de la série.

Le fait pour la société Régie SP production de produire d'autres saisons, avec ses partenaires initiaux, d'une série dont elle était l'initiatrice et le producteur principal ne peut être considéré en soi comme un acte de parasitisme et de concurrence déloyale.

Le contrat signé entre les parties le 9 avril 2009 précise que le titre de la série est "Scènes d'écran" et ne mentionne aucunement que ce titre aurait été apporté par l'une ou l'autre partie et ferait l'objet de droits.

Le fait que Monsieur Christophe D., salarié de la société les Films du présent jusqu'en juin 2010, dont il n'est pas allégué qu'il était lié par une clause de non concurrence avec cette société, ait été engagé en juillet 2011 soit plus d'un an après la rupture de son contrat de travail, en qualité d'auto-entrepreneur par la société Régie SP production comme chargé de production sur deux épisodes de la saison 2 de Scènes d'écran ne caractérise pas non plus un acte de concurrence déloyale.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société les Films du présent de l'ensemble de ses demandes en dommages et intérêts.

- demande relative au film " Kurdishlover " :

Les parties ont signé un contrat de coproduction le 31 juillet 2008 portant sur un film intitulé " Kurdishlover " et dont la société les Films du présent était le producteur délégué principal.

La société les Films du présent a adressé le 14 mars 2011 un appel de fonds de 20 000 euro au titre du contrat du 31 juillet 2008.

Par courrier du 5 avril 2011, la société Régie SP production a opposé que devaient être déduits les frais généraux et frais de dossiers.

La société Régie SP production prétend que la société les Films du présent ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible.

Le contrat du 31 juillet 2008 met à la charge de la société les Films du présent l'établissement et la communication des comptes de production.

En l'état de la contestation opposée par l'appelante et en l'absence de communication des comptes de production, la créance de la société les Films du présent est insuffisamment justifiée.

La société les Films du présent sera déboutée de sa demande à ce titre, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Chacune des parties succombant partiellement, il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Régie SP production à payer à la société les Films du présent la somme de 20 000 euro et dit que les dépens seront supportés par la partie demanderesse, Statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute la société les Films du présent de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euro au titre de la coproduction du film Kurdishlover, Déboute la société les Films du présent de sa demande de communication sous astreinte des comptes de production définitifs des œuvres produites et des justificatifs y afférents, Ordonne à la société Régie SP production de communiquer à la société les Films du présent dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision les comptes d'exploitation des 10 œuvres coproduites de la série "Scènes d'écran" avec l'ensemble des justificatifs (contrats, décomptes d'exploitation, avis de paiement des chaînes, attestation des diffuseurs), sous astreinte de 30 euro par jour de retard pendant 100 jours, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens qui seront supportés pour une moitié par la société Régie SP production et pour l'autre moitié par la société les Films du présent, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.