Cass. com., 21 juin 2016, n° 14-26.938
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Europvin (SAS)
Défendeur :
Bodegas Y Vinedos Artadi (Sté), Bodegas Y Vinedos Artazu (Sté), Bodegas Y Vinedos El Seque (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocat :
Me Ricard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Bodegas Y Vinedos Artadi, Bodegas Y Vinedos Artazu et Bodegas Y Vinedos El Seque (les sociétés Bodegas) ayant rompu les relations commerciales qu'elles entretenaient avec la société Europvin pour la distribution de leurs produits, celle-ci, revendiquant le statut d'agent commercial, les a assignées en paiement d'indemnités de préavis et de cessation de contrat ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : - Attendu que la société Europvin fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi est due à l'agent commercial en cas de cessation de ses relations avec le mandant sauf si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial, si elle résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigé, et, enfin, si selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence ; qu'en retenant, pour priver la société Europvin du droit à une indemnité compensatrice du préjudice subi pour la cessation de ses relations commerciales avec les sociétés espagnoles, que la société Europvin ne versait aux débats aucun élément permettant d'établir de manière claire la volonté, unilatérale et sans équivoque, des sociétés espagnoles de rompre définitivement lesdites relations, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'une des circonstances susceptibles de priver la société Europvin du droit à l'indemnisation compensatrice en réparation du préjudice subi, a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que la société Europvin fondait ses demandes sur la rupture d'un contrat de distribution aux torts exclusifs des sociétés Bodegas, la cour d'appel n'était pas tenue de justifier sa décision de rejet de sa demande d'indemnité de cessation de contrat sur le fondement d'un contrat d'agence commerciale ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 134-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter les demandes de la société Europvin, l'arrêt retient que l'application du statut d'agent commercial est soumise à la condition d'une immatriculation au registre spécial des agents commerciaux et que, faute d'en justifier, celle-ci ne peut en bénéficier ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 1er de la loi du 25 juin 1991, prise en application de la directive européenne n° 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986, qui s'oppose à toute réglementation nationale qui subordonnerait la validité d'un contrat d'agence commerciale à l'inscription du professionnel sur un registre prévu à cet effet, ne subordonne pas l'application du statut des agents commerciaux à l'inscription sur le registre spécial qui est une mesure de police professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article L. 134-1 du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient qu'en l'absence de contrat écrit et la commune intention des parties n'étant pas de soumettre leurs relations commerciales au statut d'agent commercial, celles-ci ne peuvent s'analyser comme étant un contrat d'agence commerciale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat d'agence commerciale étant consensuel, son existence n'est pas subordonnée à un écrit, que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, et qu'elle avait relevé qu'à compter de 2007, les relations entre les parties s'étaient déroulées dans le cadre d'une activité d'agent commercial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette les plus amples demandes de la société Europvin tendant au paiement d'indemnités de préavis et de cessation d'un contrat d'agence commerciale et statue sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 5 septembre 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.