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Décisions

Cass. com., 21 juin 2016, n° 15-10.438

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Guyapat (Sté)

Défendeur :

Rolex France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Gadiou, Chevallier

T. com. Paris, du 9 déc. 2011

9 décembre 2011

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2014), qu'ayant conclu, le 4 mars 2004, avec la société Guyapat, un contrat de distribution sélective pour un point de vente situé à Cayenne, la société Rolex France (la société Rolex), a résilié ce contrat par lettre du 22 mai 2008 ; qu'estimant répondre aux conditions d'agrément, la société Guyapat l'a assignée en exécution de ses commandes des 2 septembre 2008 et 22 avril 2009 et en réparation de ses préjudices ;

Attendu que la société Guyapat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°) que si la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi " Galland ", qui a réformé l'ordonnance du 1er décembre 1986, a abrogé la prohibition générale du refus de vente entre professionnels, les pratiques discriminatoires demeurent réprimées, en particulier lorsqu'il s'agit de vérifier si les critères de distribution sélective constituent des pratiques restrictives de concurrence ; qu'en déboutant la société Guyapat de sa demande tendant à voir constater que la société Rolex France, en tant que fournisseur de montres de luxe, s'était rendue coupable à son égard de pratiques discriminatoires restrictives de concurrence, motifs pris que " la discrimination n'est plus interdite en droit commercial ", la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 420-1 du Code de commerce ; 2°) que le refus du fournisseur d'approvisionner le distributeur qui, après la rupture du contrat de distribution, continue de répondre aux conditions d'agrément, peut constituer une pratique discriminatoire restrictive de concurrence et une entente illicite prohibée ; que l'égalité de traitement entre les distributeurs est une condition de licéité du réseau de distribution sélective, qui s'apprécie au regard des motifs concrets de refus d'agrément que le promoteur du réseau est tenu de faire connaître ; qu'en considérant que la société Rolex France n'avait pas à justifier du refus opposé à la société Guyapat d'exécuter les commandes, en se contentant de relever qu'il n'était pas démontré que cette pratique nuisait au bon fonctionnement du marché et avait pour conséquence de porter atteinte de manière sensible à la concurrence, sans vérifier si cette pratique procédait d'une application non discriminatoire des critères de sélection objectifs à l'égard de la société Guyapat, qui réunissait toutes les conditions d'agrément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; 3°) qu'en retenant, pour débouter la société Guyapat de ses demandes, qu'il n'était pas démontré que la pratique de la société Rolex France nuisait au bon fonctionnement du marché et avait ainsi pour conséquence de porter atteinte de manière sensible à la concurrence, cependant qu'il incombait à la société Rolex France, qui a refusé d'exécuter les commandes de la société Guyapat, qui n'a jamais cessé de réunir les conditions d'agrément, d'établir que le choix des distributeurs revendeurs s'opérait de façon concrète, selon des critères objectifs opposables à tous, sans discrimination entre les commerçants candidats à l'adhésion au réseau de distribution et spécialement à l'égard de la société Guyapat, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil et L. 420-1 du Code de commerce ; 4°) que le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par le règlement de la Commission n° 330/2010 est subordonné à la réunion de plusieurs conditions, parmi lesquelles celle que le fournisseur ne dépasse pas une part de marché de 30 % sur le marché où il vend les produits et que le distributeur ne dépasse pas, de son côté, une part de marché de 30 % sur le marché où il achète les produits et celle tenant à une application non discriminatoire des critères de sélection ; qu'en retenant que société Rolex France bénéficiait de l'exemption automatique du règlement communautaire n° 330/2010 et n'avait en conséquence pas l'obligation de répondre à la nouvelle demande d'agrément de la société Guyapat ni à sa demande de fourniture de montres, au seul motif qu'elle détenait une part de marché inférieure à 30 %, sans évaluer la part de marché détenue par la société Guyapat, ni vérifier que le refus de l'approvisionner n'était pas discriminatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du Code de commerce et 10 du règlement UE de la Commission n° 330/2010 du 20 avril 2010 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Rolex avait résilié le contrat sans se référer au défaut de respect des conditions d'agrément par le distributeur mais afin de réorganiser son réseau de distribution, comme elle en avait la possibilité, et que la société Guyapat ne rapportait pas la preuve d'une entente sur le marché de l'horlogerie de luxe et de prestige, la cour d'appel, abstraction faite de l'application erronée du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 qui n'était pas entré en vigueur, et des motifs surabondants visés à la première branche, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que le refus opposé à la société Guyapat n'était pas discriminatoire ; que le moyen, inopérant en ses première et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.