Cass. com., 21 juin 2016, n° 15-10.029
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Leroux (Epoux), Khairallah (Epoux), Vinceneux (ès qual.), Kairlou (Sté)
Défendeur :
Casapizza France (SAS), Blanc (ès qual.), Dauverchain (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Bénabent, Jéhannin, SCP Richard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 octobre 2014) et les productions, qu'après réservation de franchise et remise d'un document d'information précontractuelle (DIP) le 16 octobre 2007, la société Casapizza a conclu, le 13 février 2008, avec la société Kairlou, représentée par MM. Leroux et Khairallah, ses cogérants, un contrat de franchise comportant une clause d'exclusivité ; que le contrat, poursuivi après la mise en redressement judiciaire de la société Kairlou, a été résilié après sa mise en liquidation judiciaire, le 24 juillet 2012, par Mme Vinceneux, désignée liquidateur ; que, le 20 décembre 2011, Mme Vinceneux, ès qualités, M. et Mme Leroux et M. et Mme Khairallah ont assigné la société Casapizza en annulation du contrat de franchise et réparation de leurs préjudices ; que la société Casapizza a été mise sous sauvegarde de justice, Mme Dauverchain et la société FHB étant nommées respectivement mandataire et administrateur judiciaires ;
Sur le premier moyen : - Attendu que M. et Mme Leroux, M. et Mme Khairallah et Mme Vinceneux font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du contrat de franchise alors, selon le moyen : 1°) que le franchiseur est tenu de réaliser une étude de marché local au profit du futur franchisé lorsqu'il s'y est contractuellement engagé ; qu'en relevant, pour apprécier les obligations qui incombaient à la société Casapizza, que " les textes susvisés ne mettent pas à la charge du franchiseur une étude du marché local et [qu'il ] appartient au candidat à l'adhésion au réseau de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise, surtout dans l'optique d'une création d'entreprise et de l'investissement inhérent à ce type de projet ", cependant que la société Casapizza s'était expressément engagée à réaliser une étude de marché, comme le mentionne en page 19 le Document d'Information Précontractuel (DIP) remis le 16 octobre 2007 aux époux Leroux et Khairallah, fondateurs de la société Kairlou, candidat à la franchise, qui stipule expressément parmi les " engagements assurés par le franchiseur " celui tenant à la " réalisation d'une étude de marché local ", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'étude sur site réalisée par le cabinet d'études et de conseil MC2, relative au marché local, qui aurait dû être communiquée en même temps que le DIP remis le 16 octobre 2007, ou à tout le moins vingt jours avant la signature du contrat, conformément à l'article L. 330-3, dernier alinéa du Code de commerce, n'a été transmise aux consorts Leroux et Khairallah que le jour de la signature du contrat de franchise, soit le 13 février 2008, les privant ainsi de la possibilité de prendre utilement connaissance du contenu de cette étude et de contracter en toute connaissance de cause ; qu'en retenant néanmoins, après avoir relevé que l'étude " porte en première page [la signature des consorts Leroux et Khairallah] après la mention " reçu en main propre le 13 février 2008 " ", soit le jour de la signature du contrat de franchise, que " les fondateurs de la société Kairlou ont eu connaissance de l'étude de site au plus tard avant la signature du contrat de franchise ", cependant que le fait d'avoir, au jour de la signature du contrat de franchise, " eu connaissance " de l'existence de l'étude de marché, n'a pas permis aux consorts Leroux et Khairallah de prendre utilement connaissance du contenu de cette étude, de sorte qu'ils ont été induits en erreur sur l'état réel du marché local et n'ont pu s'engager en toute connaissance de cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'induisaient de ses propres constatations, a violé les articles 1110 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce ; 3°) que les consorts Leroux et Khairallah, la société Kairlou et Mme Vinceneux, ès qualités, faisaient valoir que les informations contenues dans le DIP, remis le 16 octobre 2007, n'étaient pas exactes s'agissant de la situation financière d'autres sociétés franchisées membres du réseau et soulignaient que la société Casapizza avait dissimulé la liquidation judiciaire du franchisé d'Avignon, qui avait été prononcée le 20 juin 2007, avant la remise du DIP ; qu'en écartant ce moyen, motifs pris que le franchiseur n'avait pas à faire état de modifications survenues en 2007, après avoir constaté qu'il n'était tenu de préciser que l'existence d'entreprises quittant le réseau dans l'année précédant la remise du DIP le 16 octobre 2007, ce dont il s'inférait que toutes les informations relatives aux départs de membres du réseau de franchise survenues du 16 octobre 2006 au 16 octobre 2007 devaient être loyalement communiquées au futur franchisé, et en particulier la liquidation judiciaire de la société Casa Avignon, placée en liquidation au moins de juin 2007, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations, en violation des articles 1110 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce ; 4°) que les consorts Leroux et Khairallah, la société Kairlou et Mme Vinceneux, ès qualités, faisaient valoir que le franchiseur ne leur avait pas communiqué des informations exactes relativement aux perspectives de rentabilité de l'opération, notamment en présentant le principal concurrent potentiel de la société Kairlou, " le Ptit Resto du Boulanger ", comme une simple boulangerie, cependant qu'il s'agissait d'un établissement se trouvant au coeur d'un système de boulangeries industrielles possédant des perspectives de développement très importantes ; qu'en se contentant de relever, pour retenir qu' " il n'est donc pas établi que les perspectives de rentabilité portées à la connaissance des représentants de la société Kairlou étaient irréalistes ou exagérément optimistes ", que " le chiffre d'affaires a baissé à partir de juin 2009, soit un an après l'ouverture du restaurant, ce qui est concomitant à l'activité concurrentielle de la société Panetière du Rouergue (Ptit Resto du Boulanger) exercée en contravention de la clause de non-concurrence insérée dans le bail commercial, nullement prévisible lors de la signature du contrat de franchise ", sans prendre en compte, comme il lui était demandé, les caractéristiques réelles de l'établissement " Ptit Resto du Boulanger ", présenté comme une simple boulangerie par le franchiseur, alors qu'il s'agissait d'un établissement offrant quatre-vingt places assises pour servir des repas et faisant partie d'un véritable réseau de boulangeries industrielles, ce qui était de nature à induire les futurs franchisés en erreur sur les risques de concurrence et, partant, les perspectives de rentabilité de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 1110 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que, conformément à son engagement contractuel, la société Casapizza a fait réaliser en janvier 2008 une étude contenant des prévisions de résultat d'exploitation inférieures à celles communiquées le 28 novembre 2007 et que ce document a été paraphé et signé par M. et Mme Leroux et par M. et Mme Khairallah sous la mention " reçu en main propre le 13 février 2008 " ; qu'il relève que le contrat de franchise, signé le même jour, précise qu'ils se sont fait remettre de multiples informations précontractuelles au sujet desquelles le franchiseur les a incités à prendre avis de leurs conseils ; que l'arrêt retient que le chiffre d'affaires de la société Kairlou a baissé à partir de juin 2009, soit un an après l'ouverture de son restaurant et concomitamment à l'activité concurrentielle de la société Panetière du Rouergue qui n'était pas prévisible lors de la signature du contrat de franchise ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant dès lors que le prononcé de la liquidation judiciaire d'un franchisé au cours de l'année précédant la délivrance du DIP, n'entraîne pas son exclusion du réseau, a pu déduire que le dol et l'erreur invoqués dans le cadre des informations précontractuelles n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que M. et Mme Leroux, M. et Mme Khairallah et Mme Vinceneux font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de réparation du préjudice subi par la société Kairlou et ses gérants alors, selon le moyen : 1°) que les consorts Leroux et Khairallah, la société Kairlou et Mme Vinceneux, ès qualités, faisaient valoir que, selon le DIP, la société Casapizza s'était engagée à réaliser les " travaux d'agencements et livraison clé en main (sauf avis contraire du franchisé) " et qu'elle avait assumé les obligations d'un maître d'œuvre, tout en sous-traitant la réalisation des travaux à un entrepreneur, la société CTR, et en réalisant une marge substantielle au titre de la refacturation adressée directement à la société Kairlou, ce qui avait entraîné un préjudice dont ils demandaient réparation ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter toute responsabilité de la société Casapizza, que celle-ci n'avait pas exécuté les travaux et n'avait contracté aucune obligation à ce titre, dans le cadre du contrat de franchise, sans prendre en compte les termes du DIP et les factures émises directement par la société Casapizza, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2°) que le juge ne peut méconnaître les termes du litige fixé par les parties ; qu'en considérant, pour rejeter la demande des consorts Leroux et Khairallah, de la société Kairlou et de Mme Vinceneux, ès qualités, que la surfacturation ne pouvait être rattachée au non-respect par le franchiseur d'une obligation contractuelle et que les exposants n'avaient pas formulé de demande en paiement au titre d'une facturation non causée et d'un paiement indu, cependant que, dans leurs dernières conclusions d'appel, déposées et signifiées le 25 août 2014, ils demandaient réparation de leur préjudice au titre des investissements importants non amortis, en raison du comportement déloyal de la société Casapizza qui avait surfacturé les travaux d'agencement effectués par le sous-traitant, cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat de franchise précise que le franchisé procédera aux agencements, l'arrêt retient que ce contrat ne prévoit pas la réalisation de ces travaux avec livraison du restaurant " clé en main " par le franchiseur, une telle possibilité étant simplement envisagée dans le DIP ; qu'il ajoute que, s'il existe une surfacturation non causée relative à ces travaux, aucune demande en répétition de l'indû n'a été formée à ce titre ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.