Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 2 juin 2016, n° 14-03618

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AC Cleaner (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roussel

Conseillers :

Mmes Durand, Chalbos

T. com. Aix-en-Provence, du 17 déc. 2013

17 décembre 2013

M. L. a signé le 22 octobre 2010, un contrat de franchise avec la société AC Cleaner en exécution duquel il s'est vu consentir le droit d'exercer son activité de franchisé sur le territoire du département de l'Aude, en contrepartie d'un droit d'entrée de 25 000 euro.

Après des échanges écrits avec le franchiseur, à propos du rôle de " Master " couvrant l'ensemble du Languedoc Roussillon, revendiqué par un autre franchisé, M. L. s'est plaint de ce que l'intervention de ce " Master " sur le territoire de l'Aude ne cessait de s'étendre au détriment de son activité, alors qu'elle n'avait jamais été évoquée ni organisée contractuellement.

Le 9 décembre 2011 il a écrit à son franchiseur : " alors que rien n'est stipulé dans notre contrat en ce sens, vous avez pris l'initiative de développer des Masters Régionaux, à savoir des personnes que vous nous avez initialement présentées comme servant de relais entre nous même, franchisé et vos services. Or, dès le début d'intervention du Master Franchisé sur le Languedoc Roussillon, je me suis immédiatement inquiété auprès de vos services de ce que celui-ci prospectait directement ma clientèle ('). Les démarches et les interventions directes sur mon secteur par le Master franchisé se multiplient. Pire, par mail du 28 novembre dernier, il était expressément indiqué par les services de votre Master Franchisé que " les grands et très grands comptes sont pris en charge par le Master ", ce qui suppose que je suis purement et simplement privé de la clientèle la plus importante figurant sur mon territoire " ; " Or, en permettant à votre franchisé, ou master franchisé selon la terminologie que vous souhaitez utiliser, de prospecter et d'intervenir directement sur le territoire que vous m'avez concédé, vous violez les termes dudit contrat, et ce sur un point fondamental, à savoir le respect d'un territoire concédé et l'équilibre économique de l'opération. En tout état de cause, l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil dispose que les conventions " doivent être exécutées de bonne foi " ce qui n'est nullement le cas en l'espèce dans la mesure où vous autorisez un concurrent, pris en la personne du Master Franchisé, que vous lui accordez le droit de s 'immiscer dans mon activité et que vous lui consentez la possibilité de piller les prospects ('). La situation étant, de par vos agissements, irrémédiablement compromise, je vous mets en demeure de m'adresser, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la présente, une somme de 99 640 euro à titre de dommages et intérêts et me faire part de vos propositions quant aux conditions de reprise du territoire que vous m'avez concédé ".

Le 2 janvier 2012 la société AC Cleaner a répondu à cette lettre : " il n'est fait aucun cas dans votre contrat d'une quelconque exclusivité de territoire ('). À compter de la date de ce courrier nous vous donnons trois mois pour réaliser le chiffre d'affaire mensuel contractuel minimum ('). A défaut, nous engagerons une procédure de résiliation de votre contrat de franchise sans autre préavis ".

Puis par un courrier LRAR du 17 janvier 2012, elle a notifié à M. L. sa décision d'engager une procédure de résiliation du contrat " pour atteinte à l'image de la marque AC Cleaner ", ce à quoi M. L. a répondu qu'il s'agissait d'une rupture brutale et fautive dont il demandait réparation.

La société AC Cleaner lui a répondu par un courrier recommandé qu'il indique avoir reçu le 27 février 2014 (sa pièce 14) : " je prends acte de ta volonté de mettre un terme au contrat de franchise qui nous lie (ta lettre du 19 décembre 2011) mais AC Cleaner ne peut avoir aucune part de responsabilité dans cette résiliation ".

M. L. a alors saisi de ses demandes le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, par acte d'huissier de justice du 24 mai 2012, lequel statuant par jugement du 17 décembre 2013 a condamné la société AC Cleaner à lui payer une somme de 4000 euro à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2012 et a statué sur les frais irrépétibles ainsi que sur les dépens.

Le tribunal a considéré que le contrat de franchise avait attribué à M. L. un territoire exclusif; que les informations précontractuelles, présentées en tant que preuves mentionnant les " Masters franchisés " étaient datés avec une mise à jour du 31 mars 2012, soit plus d'un an après la signature du contrat et qu'il n'était donc pas prouvé que M. L. en ait eu connaissance au moment de sa signature. Il a cependant fortement réduit le montant des dommages et intérêts demandés par M. L..

Ce dernier a fait appel de ce jugement par déclaration du 20 février 2014.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 9 mai 2014 par M. Emmanuel L..

Il demande à la Cour de déclarer son appel recevable, d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a considéré qu'il n'avait pas réalisé un chiffre d'affaires suffisant pendant la durée du contrat, n'a pas constaté la résolution du contrat aux torts de la société AC Cleaner et a limité les dommages et intérêts que la société AC Cleaner a été condamnée à lui payer à la somme de 4 000 euro, de confirmer les autres dispositions du jugement et vu l'absence de toute mention dans le contrat de franchise du 22 octobre 2010, relative à l'intervention d'un " Master Franchisé " sur son territoire ou comme intermédiaire de celui-ci , de prononcer la résolution du contrat de franchise du 22 octobre 2010 avec toutes conséquences de droit, de juger que la rupture du contrat est intervenue à l'initiative et aux torts de la société AC Cleaner, qu'elle revêt un caractère injustifié et brutal et la condamner à lui payer la somme de 93 253 euro au titre de la remise en état et des dommages et intérêts suite à la résolution du contrat de franchise et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit à compter du 23 janvier 2012 et jusqu'à complet paiement, de la condamner également à lui payer la somme de 35 000 euro à titre de dommages et intérêts pour la rupture fautive et brutale du contrat de franchise et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit à compter du 23 janvier 2012 et jusqu'à complet paiement, de rejeter les demandes formulées par cette société à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 8 juillet 2014 par la société AC Cleaner.

Elle demande à la Cour de réformer le jugement dont appel, de juger que la rupture est établie à la date du 27 février 2012, date à laquelle elle a pris acte de la décision de rupture unilatérale du contrat par M. L., de juger que M. Emmanuel L. ne rapporte pas la preuve de ses griefs et de rejeter ses demandes, d'accueillir sa demande reconventionnelle et vu la violation du contrat de franchise par M. Emmanuel L. de le condamner à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture injustifiée procédure abusive, outre 3000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens distraits au profit de Me Pierre R. de l'Association T.-R.-C., avocat, à titre subsidiaire de prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise aux torts de M. L. et le condamner à lui payer 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture injustifiée procédure abusive, rejeter ses demandes, condamner M. L. lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de son avocat, à titre plus subsidiaire, de juger que la rupture n'était pas brutale puisque M. L. a cessé toute exploitation de la marque antérieurement à la rupture, de confirmer la résiliation du contrat de franchise aux torts de ce dernier, rejeter ses demandes et le condamner à lui payer 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture injustifiée et procédure abusive, le condamner à lui payer la somme de 3000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de son avocat .

Elle fait valoir qu'en 2004 M. Claude B. a imaginé un concept de maintenance microbiologique qui a donné lieu à une première entreprise, Net Online qui a été fondée en 2005 et dont les actifs ont été rachetés par elle-même le 1er août 2006 ; qu'elle a mis au point un appareil de nettoyage des climatiseurs et a développé un protocole d'intervention sur site ; qu'elle a créé un réseau de franchise à deux niveaux, la première , " simple ", portant sur un seul département , acquise par M. L., et la seconde, dénommée franchise " master ", portant sur une région géographique plus étendue.

À l'audience, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la nature du préjudice pouvant avoir été subi par M. L. au titre de la perte de chance et le président a autorisé la production d'une note en délibéré.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 avril 2016.

Sur ce, la Cour,

1. AC Cleaner conteste le fait allégué par M. Emmanuel L. qu'il a découvert l'existence d'un " master ", couvrant la région incluant le département de l'Aude, après la signature du contrat de franchise.

Elle fait valoir qu'à la signature du contrat, portant sur une " franchise simple " il savait déjà qu'il ne disposait pas d'une exclusivité d'exploitation car il avait reçu une formation sur 10 jours et toutes les informations, incluant notamment le manuel opérationnel qui décrit le système de réseau mis en place ; que le contrat comprend une clause 3.5 qui mentionne que " le franchisé s'engage à respecter le manuel de AC Cleaner qui constitue un document fixant contractuellement les modes opérationnels" ; que M. L. a d'ailleurs écrit dans un e-mail du 5 décembre 2010 "J'ai conscient d'être à la fois indépendant et membre d'un réseau, à ce titre développer mon activité tout en m'appuyant sur le réseau " ; qu'il a aussi reçu la " bible " des franchiseurs au moment de la signature du contrat laquelle décrit parfaitement le réseau avec les " Masters " ainsi qu'un classeur comprenant plusieurs modules ; que le contrat de franchise renvoie au département de l'Aude mais comme limite du territoire, sans aucune référence à une quelconque exclusivité ; que ses échanges d'e-mails notamment avec M. P., Master Languedoc Roussillon rendent compte de la parfaite connaissance du réseau et de ses mécanismes par M. L.; qu'il a d'ailleurs facturé le 19 novembre 2011 une somme de 4 544,80 euro à AC Cleaner Languedoc Roussillon pour les nettoyages des climatiseurs de l'Hôtel de la Cité, dont la visite avait été faite par d'autres avant l'achat de sa franchise; que ceci démontre la parfaite entente et collaboration entre membres du réseau, ce dont il s'est déclaré satisfait avant de changer d'avis ; que ce dont il se plaint est seulement dû à ses propres carences, puisqu'il ne s'est pas suffisamment investi sur son secteur, alors que 10 millions de climatiseurs ont été installés en France et que le potentiel est de 30 000 climatiseurs dans le département de l'Aude.

2. Mais, la relation contractuelle est régie par le contrat de franchise du 21 octobre 2010 qui fait référence à un territoire concédé à M. L. qui y est désigné comme " le franchisé pour le département de l'Aude ".

3. D'autre part, les clauses du contrat règlent la question de l'exclusivité à l'article 6 (" Etendues des exclusivités ") et l'article 6-1 intitulé : " Clause d'exclusivité de franchise " dispose : " Aussi, le franchisé pourra prétendre à s'étendre sur de nouvelles zones ou territoires sur accord entre les deux parties ", formulation dont il résulte implicitement mais nécessairement que l'exclusivité est réelle, quoique limitée au cas présent au département de l'Aude, observation étant faite que la territorialité de la concession résulte aussi de l'article 6-4 également contenu au paragraphe "Etendue des exclusivités " (" Le franchisé s'interdit de transférer sur un autre territoire que celui faisant l'objet du présent contrat... ") et de l'article 6-5 (" les produits faisant l'objet du présent contrat de franchise ne peuvent être offerts à la vente par le franchisé que dans le territoire approuvé par le franchisé ").

Ces dispositions contractuelles ont d'ailleurs été confirmées par divers e-mails adressés à M. L..

Ainsi par un e-mail du 3 décembre 2010, la société AC Cleaner lui a écrit : " Tu sais que j'ai toujours voulu un vrai état d'esprit entre nous, donc je me permettrai de régler cela pour que tu aies la totale liberté pour laquelle tu as payé " et M. P. lui a écrit par un e-mail du 3 décembre 2010: " En tant que Franchisé de l'Aude, tu as pour secteur ton département ".

Dans le même sens, le 24 novembre 2011, la société AC Cleaner, par l'intermédiaire de M. B., lui a écrit : " avec notre concours et celui du Master nous avons des démarches grands comptes et notamment sur les groupes hôteliers. Lorsque nous obtiendrons un contrat dans la zone où vous exploitez, évidemment ce client sera pour vous ".

4. D'autre part, aucune des pièces contractuelles ne prévoit l'intervention de l'existence d'un " Master " sur l'ensemble des départements du Languedoc Roussillon en ce compris l'Aude qui avait été concédé à M. L. comme il vient d'être dit.

A cet égard M. L. soutient, sans que la preuve contraire soit rapportée, qu'il n'existe pas de document revêtu de sa signature établissant qu'il a eu connaissance d'une telle implantation en temps utile; que le " manuel opérationnel " daté " Version avril 2011 " est postérieur au contrat de franchise et que celui daté d'avril 2010 ne lui a jamais été remis avant la conclusion du contrat.

5. En dépit de cela, le "Master " a reçu le droit d'intervenir sur le département de l'Aude et de se réserver l'exclusivité du traitement des clients " grands comptes " situés sur ce territoire, puisqu'en effet par un e-mail du 3 décembre 2010, M. P., se prévalant de cette qualité, lui a écrit : "En termes de prospection, nous développons le Languedoc Roussillon en tant que Master, c'est-à-dire que notre champ d'action est illimité dans notre région et que c'est aussi notre rôle de prospecter des contrats dans l'Aude ".

Loin d'avoir accepté cette situation, M. L. s'en est plaint par un e-mail du 5 décembre 2010 adressé à son franchiseur (" S. et P. prospectent tellement sur l'Aude qu'ils m'ont dit d'oublier les hôtels sur Narbonne, Carcassonne et Gruissan ") et M. L. ne s'est jamais accommodé de la présence du " Master " sur son territoire, ce qui résulte notamment de son e-mail du 5 décembre 2010 ("Je ne souhaite pas être la cause de soucis supplémentaires... Mais je suis TRES embarrassé, ne sachant à qui demander conseil c'est naturellement vers toi que je me tourne. (...)S. et P. prospectent tellement sur l'Aude qu'ils m'ont dit d'oublier les hôtels sur Narbonne, Carcassonne et Gruissan... Je dois me passer de comptes moyens OK je positive et me dis qu'il y a d'autres entreprises à prospecter "), mais aussi très nettement du courriel d'apaisement du 5 décembre 2010 de M. B. pour le compte de la société AC Cleaner: " David et Alain étant les premiers sur l'Hérault je leur ai demandé de m'organiser éventuellement la Région Languedoc-Roussillon pour devenir Master en mai 2011 (...) je me permettrai de régler cela pour que tu aies la totale liberté pour laquelle tu as payé ".

6. Quant à la facture du 19 novembre 2011, elle est le fruit d'une mission ponctuelle de " sous-traitance " qui a été concédée par le Master Franchisé AC Cleaner Languedoc-Roussillon à M. L. dans le but évident d'éteindre ses protestations et apparait davantage comme un artifice que comme la démonstration que voudrait faire AC Clean de l'avantage procuré à M. L. par un " fonctionnement en réseau " ayant à sa tête un " master " exploitant le même territoire que lui.

7. Les parties s'opposent sur l'initiative de la rupture.

8. Ainsi, AC Cleaner se défend d'avoir rompu le contrat et prétend que M. L. en a eu l'initiative, puisqu'il a fait état dans sa lettre du 9 décembre 2012 d'une " situation irrémédiablement compromise ", laissant ainsi entendre son intention de ne pas poursuivre le contrat de franchise, ce qui s'est concrétisé par le fait qu'à partir de cette date il s'est considéré comme totalement dégagé de toute obligation vis-à-vis du franchiseur en s'abstenant de lui communiquer ses chiffres, les plus récent étant les 120 euro enregistrés au mois de décembre ;

9. Mais, comme le soutient M. L., cette lettre ne vaut pas résiliation.

Cela est si vrai que c'est bien ainsi que la société AC Cleaner l'a entendu à l'époque, puisqu'elle lui a répondu le 2 janvier 2012: "À compter de la date de ce courrier nous vous donnons trois mois pour réaliser le chiffre d'affaires mensuel contractuel minimum ('). A défaut, nous engagerons une procédure de résiliation de votre contrat de franchise sans autre préavis ", le fait étant par ailleurs que l'absence de communication des chiffres ne suffit pas à établir la rupture.

Enfin, elle soutient elle-même, n'hésitant pas à se contredire, que sa lettre du 17 janvier 2012 n'avait pas encore acté la résiliation du contrat.

10. Cette lettre du 17 janvier 2012 (" J'engage sans autre préavis une procédure de résiliation de votre contrat pour atteinte à l'image de marque AC Cleaner ") est elle-même regardée par M. L., comme ayant marqué la rupture dont il a lui-même pris acte par une lettre du 23 janvier 2012.

Mais elle évoque seulement l'amorçage d'un processus et non la rupture elle-même , la société AC Cleaner étant fondée à soutenir que si elle avait résilié le contrat par cette lettre, elle n'aurait pas manqué d'exiger immédiatement la restitution du matériel et la cessation de l'exploitation de la marque, ce qu'elle a fait, mais plus tard , c'est-à-dire dans sa lettre du 21 février 2012, reçue le 27 février par M. L. (" Il est temps de tirer les conséquences de cette situation et je prends acte de ta volonté de mettre un terme au contrat de franchise qui nous lie (ta lettre du 9 décembre 2011) mais AC Cleaner ne peut avoir aucune part de responsabilité dans cette résiliation. Je considère donc que le contrat est résilié et je te remercie de bien vouloir restituer le matériel AC Cleaner (')").

11. En définitive, la situation à ce jour est qu'aucune des deux parties n'a résilié le contrat et que chacune a simplement pris acte de la rupture prétendument décidée par l'autre, de sorte qu'il convient d'examiner les griefs de chacun et d'écarter les demandes faites au titre de la rupture brutale.

12. A cet égard, la société AC Cleaner demande à la Cour de tirer les conséquences du comportement fautif de M. L. au regard de l'article 9-2 du contrat de franchise qui prévoit la résiliation anticipée du contrat de franchise pour violation d'une des clauses contractuelles et de prononcer ladite résiliation en application de l'article 1184 du Code civil par suite des manquements graves de M. L. à l'article 6-1 qui prévoit qu'il ne peut envisager de prospecter sur un autre territoire qu'après accord des deux parties et à l'article 5-5 du contrat de franchise qui stipule que le franchisé doit réaliser un chiffre d'affaires de 3 000 euro HT par mois . Elle lui reproche aussi d'avoir démontré par son comportement général sa volonté de ne pas s'intégrer dans le réseau.

121. Sur le premier point, le grief porte sur le fait que M. L. a prospecté dans le département des Pyrénées orientales, c'est-à-dire hors des limites de l'Aude qui lui était concédé.

Mais, il s'est agi d'un fait unique, connu et accepté par AC Cleaner, puisqu'elle lui a écrit dans son courrier du 2 janvier 2012 : " afin de vous aider nous vous avons laissé prospecter dans les Pyrénées-Orientales ".

122. Sur le second point, AC Cleaner fait valoir que M. L. n'a pas réellement exploité le secteur de l'Aude ni développé la marque alors que le contrat fait obligation au franchisé de réaliser un chiffre d'affaires minimum de 3000 euro par mois ; que le seul mois où ce chiffre a été dépassé est le mois de novembre 2011 au cours duquel il a enregistré une rétrocession de rémunération sur un chantier ouvert par le Master ; qu'il n'indique pas comment il a organisé ses tournées, ses plannings et ses déplacements, ni avec quelles entreprises il s'est trouvé en concours avec les Masters franchisés et ne produit devant la Cour que quelques pièces sur le travail qui aurait été accompli entre le 1er septembre 2010 et le 26 décembre 2010 ; que la pièce n° 29 qui est un tableau des clients potentiels contactés fait mention de 19 contacts sur 122 jours, c'est-à-dire un client par semaine ; que la pièce n° 30 comporte 21 noms seulement, à quoi s'ajoutent les lettres et les e-mails qu'il prétend avoir adressés à des clients potentiels qui n'ont pas répondu, prospection qui s'étend sur une période allant du 26 octobre 2010 au 17 mai 2011, soit 14 démarches sur une période de 7 mois, ce qui représente une lettre tous les 13 jours ; qu'il produit également des cartes de visite dont on ne sait dans quelles circonstances elles ont été recueillies.

Mais, cette présentation est contestée par M. L., qui fait valoir au vu des pièces 29,30 et 31 qu'il a démarché de nombreux clients, dont des mairies et des communautés de communes et qu'il a eu de nombreux contacts pour développer son activité et qu'il est titulaire d'un BTS Action Commerciale et d'une expérience réussie en tant qu'attaché commercial et responsable de clientèle.

123. Ces pièces suffisent à démontrer qu'il n'est pas resté inerte et qu'il n'a pas méconnu ses obligations contractuelles, le fait méritant d'être souligné que l'absence de nouveau franchisé en mai 2013 sur le département de l'Aude et l'exploitation de ce département par le seul Master Franchisé P. / S., sans communication des chiffres de son activité, témoigne en soi de l'impossibilité rencontrée par M. L. de réaliser le chiffre d'affaires assigné sur un territoire économiquement asséché par l'intervention d'un tiers.

13. En définitive, la faute incombe à la société AC Cleaner d'avoir manqué à l'obligation essentielle née de son engagement, consistant à réserver un territoire à M. L. pour qu'il y exerce son activité et d'avoir manqué à l'obligation de bonne foi et de loyauté que lui faisait l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil, en permettant à un tiers, dénommé " Master " d'intervenir sur son territoire et en lui réservant la clientèle la plus lucrative des " grands comptes ", ce qui a de facto, placé M. L. en situation de difficulté pour intégrer réellement le réseau de franchise.

La Cour prononcera donc la résolution du contrat pour manquement de la société AC Cleaner à ses obligations.

14. En vertu des articles 1183 et 1184 du Code civil, la résolution du contrat aux torts de la société AC Cleaner, implique la remise en état des parties dans l'état antérieur et l'octroi de dommages et intérêts à M. L. pour le préjudice démontré.

Chaque partie devra donc restituer à l'autre ce qu'elle a reçu d'elle.

En particulier, AC Cleaner devra restituer à M. L. le droit d'entrée de 25 000 euro ayant pour contrepartie, selon l'article 5.1 du contrat de franchise la formation initiale, qu'il a reçue en pure perte, et le droit d'appartenance au réseau.

15. D'autre part, la rupture lui cause un préjudice car elle le prive de l'éventualité favorable de réaliser les bénéfices qu'il escomptait sur la base de son activité, tel que cela ressort du " Business Plan " qu'il produit en pièce 16 et qui contient des données chiffrées, dont les tarifs conseillés par AC Cleaner pour parvenir à la conclusion que son objectif à moyen terme était d'atteindre 120 000 euro de chiffre d'affaires en trois ans, chiffre non démenti par AC Cleaner.

Son préjudice ne doit donc pas être évalué à proportion du chiffre d'affaires qu'il a réalisé, comme cela a été jugé par le tribunal, car ce chiffre d'affaires a été fonction de la situation qui lui a été imposée, mais de la perte de chance de réaliser un gain qui sur la base du chiffre d'affaires mensuel minimum de 3 000 euro imposé par le contrat (36 000 euro par an), peut être chiffré à 800 euro par mois pendant trois ans, soit 28 800 euro.

16. M. L. n'établit pas qu'il a subi un préjudice qui excède ce chiffre, si ce n'est le préjudice moral inhérent à la situation qu'il subit du fait de la faute de la société AC Cleaner et qui a désorganisé pour un temps sa vie professionnelle, ce pourquoi il lui sera accordé la somme supplémentaire de 5 000 euro.

Les autres demandes seront rejetées.

17. Partie qui succombe, la société AC Cleaner sera condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles.

Par ces motifs, Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. L. a été largement privé du bénéfice du contrat de franchise par la faute de son cocontractant, la société AC Cleaner ; Réformant quant au surplus, Prononce la résolution dudit contrat de franchise, signé le 22 octobre 2010, aux torts exclusifs de la société AC Cleaner ; Dit que chaque partie devra donc restituer à l'autre ce qu'elle a reçu d'elle, dont le droit d'entrée de 25 000 euro que doit restituer AC Cleaner à M. L. ; Outre cette somme, condamne la société AC Cleaner à payer à M. L., celle de 33 800 euro, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 janvier 2012 et jusqu'à complet paiement ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société AC Cleaner à payer à M. L. la somme de 3 000 euro, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel.