CA Dijon, 2e ch. civ., 9 juin 2016, n° 15-00691
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
ASTP (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Ott
Conseillers :
M. Wachter, Mme Dumurgier
Avocats :
Mes Sarce, Soulard, SCP Buffard-Faillenet Elvezi
Le 26 novembre 2012, M. Sébastien X, exploitant à Saint Claude (39) un commerce sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare, a, suite à un démarchage effectué par la SASU ASTP, souscrit auprès de celle-ci un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire pour une durée de 60 mois.
Par courriers recommandés des 29 novembre 2012 et 6 décembre 2012, M. X a notifié à la société ASTP sa volonté d'exercer le droit de rétractation en application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation.
Par exploit du 18 septembre 2013, faisant valoir que les dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile n'étaient pas applicables en l'espèce, la société ASTP a fait assigner M. X devant le Tribunal de commerce de Dijon en résiliation du contrat aux torts de son client, et en paiement de la somme de 1 883,70 euro TTC à titre d'indemnité contractuelle de résiliation.
M. X s'est opposé à ces demandes, estimant que le contrat était étranger au domaine de son activité professionnelle.
Par jugement du 2 avril 2015, considérant qu'il n'était pas démontré que le contrat litigieux aurait eu pour effet de développer l'activité professionnelle du commerce de M. X, de telle sorte que celui-ci devait bénéficier des dispositions protectrices du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, le tribunal :
- a dit que le contrat souscrit par M. Sébastien X auprès de a société ASTP le 26 novembre 2012 ne présentait pas un rapport direct avec son activité professionnelle ;
- a constaté que M. X a valablement utilisé la faculté de rétractation dont il bénéficiait, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 novembre 2012 et que le contrat s'est trouvé résolu à cette date ;
- a débouté la société ASTP de l'ensemble de ses demandes ;
- a condamné la société ASTP à payer à M. Sébastien X la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- a dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées ;
- a condamné la société ASTP en tous les dépens de l'instance.
La société ASTP a relevé appel de cette décision le 21 avril 2015.
Par conclusions notifiées le 16 novembre 2015, l'appelante demande à la cour :
Vu l'article 1134 du Code civil,
Vu l'article 10 du contrat du 26 novembre 2012,
- de constater la résiliation du contrat d'abonnement de télésurveillance aux torts exclusifs de M. Sébastien X ;
En conséquence,
- de le condamner à verser à la société ASTP les sommes de :
* 1 883,70 euro TTC à titre d'indemnité de résiliation contractuelle :
* 600 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner le même aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 1er décembre 2015, M. X demande à la cour :
- de dire et juger la société ASTP recevable mais mal fondée en son appel ;
Rejetant toutes conclusions contraires,
- de dire et juger que le contrat souscrit le 26 novembre 2012 est nul ;
A titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté que M. Sébastien X a valablement utilisé la faculté de rétractation dont il bénéficiait, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 novembre 2012 et que le contrat s'en trouvait résolu à cette date ;
En tout état de cause,
- de débouter la société ASTP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la société ASTP à payer à M. Sébastien X la somme de 2 500 euro de dommages et intérêts ;
- de condamner la société ASTP à payer à M. Sébastien X la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la société ASTP aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de la procédure a été prononcée le 18 février 2016.
Sur ce, LA COUR,
Vu les dernières écritures des parties auxquelles la cour se réfère,
Pour solliciter la nullité du contrat, M. X se prévaut de l'applicabilité au contrat litigieux des dispositions du Code de la consommation relatives au démarchage à domicile, qui exigent diverses mentions obligatoires faisant défaut en l'espèce, telles le rappel des dispositions de ce Code, la présence d'un formulaire de rétractation détachable ou la signature des parties.
L'article L. 121-22 4° du Code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat litigieux, dispose que ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'espèce, le contrat portait sur une installation de télésurveillance destinée à sécuriser le commerce de tabac-presse exploité par M. X.
Certes, comme l'ont relevé les premiers juges, cette installation n'est ni indispensable à l'exploitation du commerce, ni de nature à permettre, en elle-même, le développement de son activité. Toutefois, en s'en tenant à ces considérations pour décider que la prestation litigieuse ne pouvait être exclue du champ d'application de la législation protectrice du Code de la consommation, le tribunal a fait une mauvaise interprétation des dispositions légales précitées, qui n'exigent pas que la prestation soit nécessaire à l'exercice de l'activité commerciale, mais simplement qu'elle soit en lien direct avec celle-ci.
Or, tel est manifestement le cas en l'occurrence. En effet, l'installation de vidéo-surveillance équipant un bureau de tabac, type de commerce dont il est de notoriété commune qu'il constitue l'une des cibles privilégiées des braqueurs, et qui permet d'une part d'obtenir un effet certain de dissuasion à l'égard des vols, et d'autre part de faciliter l'identification d'éventuels malfaiteurs, a pour finalité d'assurer au quotidien la protection des personnes et des biens nécessaires à l'exercice de l'activité, ainsi que la préservation des bénéfices que cette activité procure. Il existe ainsi un rapport direct entre le contrat litigieux et l'activité commerciale de M. X.
Dès lors, il doit être constaté que les dispositions protectrices du Code de la consommation ne s'appliquent pas en l'espèce.
Il en résulte en premier lieu que l'argument tiré de la nullité du contrat ne peut qu'être rejeté, étant observé qu'en matière commerciale il n'est exigé aucun formalisme particulier pour la validité des contrats, et que la signature dont l'absence est invoquée est celle de la société ASTP, dont le cachet figure sur la convention et qui se reconnaît expressément liée par celle-ci.
Il s'en déduit ensuite que c'est à tort que le tribunal a considéré que M. X avait pu valablement exercer un droit de rétractation.
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Le contrat a été valablement conclu entre les parties, mais il y a été unilatéralement mis fin par M. X.
L'article 10 des conditions générales du contrat stipule que "dans le cas d'une résiliation par l'abonné avant son installation, il sera dû au prestataire une somme correspondant à 35 % des loyers qui lui auraient été dus en cas d'exécution du contrat. S'agissant d'une indemnité contractuelle, cette dernière ne peut aucunement être assimilée à une clause pénale et soumise à révision".
Cette indemnité, qui vise non pas à sanctionner l'inexécution de ses obligations par l'abonné, mais sa renonciation au contrat avant que le prestataire n'ait lui-même exécuté son obligation, s'analyse en une clause de dédit, et non en une clause pénale, de telle sorte qu'elle ne peut être réduite. M. X sera donc condamné à verser à l'appelante la somme de 1 833,70 euro TTC (89,70 euro TTC x 60 x 35 %). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, en l'absence de prétention spécifique sur ce point.
Il sera d'autre part condamné, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à la société ASTP la somme de 600 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ses propres demandes de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure devant être rejetées.
Par ces motifs : Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Déclare la SASU ASTP recevable et bien fondée en son appel ; Déclare M. Sébastien X, exerçant sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare, recevable mais mal fondé en son appel incident ; En conséquence, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 avril 2015 par le Tribunal de commerce de Dijon ; Statuant à nouveau, Condamne M. Sébastien X, exerçant sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare, à payer à la société ASTP la somme de 1 833,70 euro avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Rejette l'ensemble des demandes formées par M. Sébastien X, exerçant sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare ; Condamne M. Sébastien X, exerçant sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare, à payer à la société ASTP la somme de 600 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Sébastien X, exerçant sous l'enseigne Tabac Presse de la Gare, aux entiers dépens de première instance et d'appel.