CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 juin 2016, n° 14-03643
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Leblanc (Epoux), Funel (ès qual.), Julise (SARL)
Défendeur :
Martinez (ès qual.), Gasnier (ès qual.), Alizés Diffusion (SAS), Académie du Soleil (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas
Avocats :
Mes Teytaud, Meynard, Gauthier, Lefebvre
FAITS ET PROCÉDURE
La société Groupe Point Soleil détient les sociétés Alizés Exploitation, chargées des centres succursalistes et Alizés Diffusion, tête de réseau de franchise sous l'enseigne Point Soleil. La société Académie du Soleil propose aux franchisés la location, l'acquisition de matériel de bronzage.
Le 20 juillet 2009, un contrat de franchise, d'une durée de 7 ans, a été conclu entre la société Alizés et la société Julise, dont Monsieur Leblanc était gérant, pour l'exploitation d'un centre de bronzage sous l'enseigne Point Soleil à Mandelieu-la-Napoule.
Le même jour, était conclu entre la société Julise et l'Académie du Soleil un contrat de location longue durée portant sur le matériel de bronzage fourni par la société L'Académie du Soleil pour une période de 48 mois.
Le centre a ouvert le 28 août 2009.
En raison des difficultés rencontrées, deux avenants au contrat de location ont été signés, le 29 janvier et le 5 octobre 2010 suspendant les loyers entre les mois de février et avril 2010 puis diminuant le montant de ces loyers tout en allongeant la durée de la location.
La société Julise a cessé de payer les loyers à compter du mois de décembre 2010.
Le 20 mars 2011, la société l'Académie du Soleil a dénoncé le contrat de location en vertu de la clause résolutoire prévue au contrat, après une mise en demeure de régler les loyers demeurée infructueuse.
Le 15 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Nice a placé la société Julise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 6 septembre 2011 et Maître Ferrari était désigné en qualité de mandataire judiciaire.
La société Julise et Monsieur Leblanc ont assigné les sociétés Alizés et l'Académie du Soleil, par acte en date du 30 mars 2011.
Par jugement du 29 janvier 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
" joint les instances enrôlées sous les numéros RG 11-027397 et RG 12-015770 " ;
" donné acte à la Selarl Bauland Gladel Martinez, représentée par Me Carole Martinez, en qualité d'administrateur judiciaire, de son intervention volontaire à la première instance " ;
" donné acte à la Selafa MAJ, représentée par Me Denis Gasnier, en qualité de mandataire judiciaire, de son intervention volontaire à la présente instance " ;
" débouté Me Claude Ferrari, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la SARL Julise, de sa demande de nullité du contrat de franchise et de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre ";
" débouté Me Claude Ferrari de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre ";
" dit recevables les demandes de M. Leblanc et de Mme Assie, épouse Leblanc ";
" débouté M. Leblanc et Mme Assie de l'ensemble de leurs demandes ";
" ordonné l'inscription au passif de la créance de la SARL l'Académie du Soleil sur la SARL Julise soit la somme de 45.108,12 euros au titre des loyers impayés ";
" débouté la société Alizés de sa demande de caducité du contrat ";
" constaté que le contrat de franchise a été résilié aux torts exclusifs du franchisé à compter du 12 avril 2011 ";
" ordonné l'inscription au passif de la créance de la SAS Alizés sur la SARL Julise soit la somme de 9 054,68 euros au titre des redevances impayées " ;
" débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile " ;
" condamné Maître Claude Ferrari aux dépens, dont ceux à recouvrer pour le greffe, liquidés à la somme de 199,44 euros dont 33,02 euros de TVA ".
La cour est saisie de l'appel interjeté par Maître Claude Ferrari, en sa qualité de liquidateur de la société Julise d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 29 janvier 2014.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 18 septembre 2014 par Me Ferrari en sa qualité de liquidateur de la société Julise et M. Leblanc, appelants, et Mme Assie épouse Leblanc, intervenante volontaire, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,
Vu les articles 1108 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil,
Vu les articles 1149, 1150 et 1184 du Code civil
Vu l'article 1382 du Code civil,
Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Dire et juger l'action de Maître Claude Ferrari ès qualité de mandataire de la société Julise recevable et bien fondée ;
Dire et juger que Monsieur Julien Leblanc est recevable et bien-fondé dans son action personnelle ;
Dire et juger que Madame Elise Leblanc est recevable et bien fondée dans son action personnelle ;
Dire et juger que le consentement de Monsieur et Madame Leblanc a été vicié et qu'ils n'ont pu s'engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société Alizés Diffusion :
A remis un compte d'exploitation prévisionnel irréaliste,
A remis un document d'information précontractuelle qui ne repose pas sur des informations sérieuses et prudentes,
A occulté le manque de rentabilité des centres Point Soleil situés en province.
Dire et juger que le consentement de Monsieur et Madame Leblanc a été vicié et qu'ils n'ont pu s'engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société l'Académie du Soleil leur a dissimulé les conditions financières de la location des appareils de bronzage.
Dire et juger que la société Alizés Diffusion a violé son obligation d'aide et assistance ;
Constater que la société Alizés Diffusion a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat ;
Dire et juger que la société Alizés Diffusion doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de franchise ;
A titre principal :
Prononcer la nullité du contrat de franchise ;
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéficie de Maître Claude Ferrari ès qualités de mandataire de la société Julise :
La somme de 154 603 euros au titre des pertes d'exploitation.
La somme de 124 438 euros au titre des investissements non amortis.
La somme de 80 000 euros au titre de la perte de chance de faire un meilleur emploi des fonds.
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Monsieur Julien Leblanc la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à son manque à gagner à titre de rémunération ;
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Madame Elise Leblanc la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à son manque à gagner à titre de rémunération ;
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Monsieur et Madame Leblanc la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds (étant précisé que les comptes courants s'élèvent à 79 408 euros ;
A titre subsidiaire :
" Prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Alizés Diffusion ";
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Maître Claude Ferrari ès qualité de mandataire de la société Julise :
La somme de 154 603 euros au titre des pertes d'exploitation.
La somme de 124 438 euros au titre des investissements non amortis.
La somme de 80 000 euros au titre de la perte de chance de faire un meilleur emploi des fonds.
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Monsieur Julien Leblanc la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à son manque à gagner à titre de rémunération ;
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Madame Elise Leblanc la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à son manque à gagner à titre de rémunération ;
Inscrire au passif de la société Alizés Diffusion au bénéfice de Monsieur et Madame Leblanc la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de faire une meilleure utilisation de leurs fonds (étant précisé que les comptes courants s'élèvent à 79 408 euros).
En tout état de cause :
Prononcer la nullité du contrat de location des appareils de bronzage ;
Condamner la société l'Académie du Soleil à rembourser à la société Julise l'intégralité des loyers payés à hauteur de 83 783 euros ;
" Débouter la société Alizés Diffusion représentée par Maître Carole Martinez ès qualités d'administrateur judiciaire et par Maître Denis Gasnier ès qualités de mandataire judiciaire de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles ";
" Débouter la société l'Académie du Soleil de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ";
Condamner la société l'Académie du Soleil à payer aux Consorts Leblanc la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Mettre les dépens à la charge de la société Alizés Diffusion en procédure de sauvegarde.
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 18 juillet 2014 par les sociétés Alizés Diffusion, Bauland Gladel Martinez, MJA et l'Académie du Soleil, intimées, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les contrats de franchise et de location longue durée sans option d'achat,
Vu les articles 1101, 1110, 1116, 1118, 1134, 1147 et 1149 du Code civil,
Vu les articles L. 330-3, L. 442-6-I-2°, L. 622-22 et R. 330-1 du Code de commerce,
Débouter Maître Claude Ferrari, ès qualité de liquidateur de la société Julise et Monsieur et Madame Leblanc de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu tout vice du consentement de la société Julise, de M. Julien Leblanc et de Mme Elise Leblanc dans la conclusion du contrat de franchise avec la société Alizés Diffusion autant que dans celui du contrat de location financière conclu avec la société L'Académie du Soleil ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'inscription au passif de la SARL Julise de la créance de la SARL L'Académie du Soleil d'un montant de 45 106,12 euros au titre des loyers impayés et de la créance de la SAS Alizés Diffusion d'un montant de 9 054,68 euros au titre des redevances impayées ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Me Claude Ferrari, ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la SARL Julise, aux dépens de première instance ;
Statuer à nouveau sur les autres chefs de préjudice comme suit :
Condamner au profit de la société Alizés Diffusion et Fixer au passif de la société Julise les sommes suivantes :
28 400 euros au titre du préjudice relatif aux redevances d'exploitation non perçues,
22 500 euros au titre du préjudice né de la perte de la redevance de communication,
4 545,98 euros au titre des marges de référencement et d'approvisionnement,
10 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image, par des pratiques de bronzage illimité dangereuses pour la santé sous l'enseigne Point Soleil conservée indument.
Condamner au profit de la société L'Académie du Soleil et Fixer au passif de la société Julise les sommes suivantes :
223 479,90 euros au titre du préjudice causé par la rupture anticipée du contrat,
30 000 euros au titre du préjudice moral,
Condamner solidairement Maître Claude Ferrari ès qualité de liquidateur de la société Julise, Monsieur et Madame Leblanc à verser à la société Alizés Diffusion la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
" Condamner solidairement la Société Julise, Maître Claude Ferrari, ès qualités, et Monsieur et Madame Leblanc aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Meynard " SCP Brodu Cicurel Meynard Gauthier, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de Monsieur et Madame Leblanc :
Considérant que la recevabilité des demandes des époux Leblanc est exposée par ceux-ci mais n'est pas discutée par les intimées dans le dispositif de leurs conclusions, de sorte que la cour, non saisie de cette question, ne se prononcera pas sur celle-ci,
Sur les obligations légales précontractuelles et sur l'annulation du contrat :
Considérant, selon les appelants, la société Alizés n'a pas respecté les règles d'ordre public relatives à la franchise et définies aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; que la société Alizés, professionnelle, avait l'obligation de s'assurer de la faisabilité économique du projet d'ouverture d'un centre sous son enseigne à Mandelieu-la-Napoule ;
qu'ils exposent que le compte d'exploitation prévisionnel remis aux époux Leblanc par la société Alizés était erroné et irréalisable, que la société Alizés n'a pas tenu compte du fait que le concept Point Soleil était exclusivement exploité à Paris et en région parisienne, que les chiffres concernent des succursales et non des salons exploités en franchise,
qu'ils font valoir que la société Alizés veut se délier de sa responsabilité dans l'établissement du compte d'exploitation prévisionnel en précisant qu'il ne s'agit pas d'un document contractuel, qu'ils critiquent la qualité des informations mises à la disposition du candidat à la franchise qui n'ont pas les capacités d'analyse du franchiseur,
qu'ils font état des conditions d'acquisition des machines de bronzage par la société Julise qui ont eu des conséquences défavorables sur la rentabilité du centre ; que la société Alizés a sciemment surévalué le montant de la location, dans le but de percevoir une "marge exorbitante", qu'elle ne leur a donné aucune information sur les conditions financières de la location,
qu'ils font valoir que la société Alizés ne peut pas mettre en avant la crise économique de 2008 ni la campagne anti ultra violets de 2009 pour justifier l'échec de l'exploitation ; que la société Alizés n'a cessé de communiquer, notamment dans le magazine interne du réseau, sur l'absence d'effets néfastes de la crise,
qu'ils considèrent avoir été victimes d'une erreur sur la rentabilité du concept lors de la signature du contrat ; qu'ils soutiennent qu'ils se sont engagés sur la foi du prévisionnel remis par la société Alizés et que le résultat annoncé était nécessairement déterminant de leur volonté ; qu'ils ont été trompés par la réticence dolosive de la société Alizés ;
que le contrat doit être annulé et les sommes versées restituées,
Considérant selon les intimés, qu'aucune tromperie n'a été faite sur le concept Point Soleil, que le document d'information précontractuelle (DIP) remis comporte la liste des franchisés du réseau, implantés dans toute la France et fortement en province ; que les nombreux centres implantés en province témoignent de la profitabilité du concept ; qu'il est artificiel de distinguer Paris du reste de la France, qu'il n'y avait aucun obstacle à ce que le centre soit implanté à Mandelieu-la-Napoule, et que cette localisation relevait par ailleurs entièrement du choix du franchisé.
qu'ils font valoir que le franchiseur a remis au franchisé, non pas un budget prévisionnel, mais une synthèse des comptes de résultats provisionnels concernant des centres proches de celui concerné, simple document d'appui ; que l'écart entre les chiffres réels de la société Julise et les chiffres indicatifs communiqués par les intimés, n'est que de 15 % au titre du premier exercice, ce qui est faible et exclut le dol ; que les chiffres communiqués volontairement ne sont pas faux ou irréalistes,
qu'ils relèvent que le franchisé avait la possibilité d'interroger les nombreux franchisés déjà en place et qu'il a disposé du temps nécessaire pour se renseigner (4 mois et demi) mais que la société Julise s'est abstenue d'effectuer le moindre travail de prospection et prévision,
que selon les intimés, l'échec de la société Julise procède à la fois de circonstances extérieures ainsi que des fautes du franchisé ; que la crise économique de 2008 a constitué un handicap pour tout le réseau de même que la décision de 2009 du Centre international de recherche sur le cancer de classifier les rayonnements UV dans la catégorie des produits cancérigènes ; qu'ils estiment avoir tout fait pour gérer au mieux cette crise et avoir donné aux franchisés les moyens de la surmonter (campagne publicitaire, conseil aux franchisés de porter le message d'un "bronzage responsable") ;
que le franchisé a commis des fautes, notamment, d'avoir proposé des rabais trop importants (jusqu'à 76 %) malgré les avertissements du franchiseur, que pour ce qui concerne le contrat de location des machines de bronzage, les intimés soutiennent qu'il n'y a pas eu tromperie, car la société Julise a opté pour le tarif convenu entre les parties et n'avait pas à être informée ni du prix d'achat, ni du taux d'intérêt du crédit-bail, qu'ils estiment n'y avoir lieu à annulation des deux contrats,
Mais considérant que l'article L. 330-3 du Code commerce dispose que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ", que ce " document (le DIP), dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités " ; que " Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, (...) " ;
que selon les dispositions de l'article R. 330-1 du Code de commerce, "Code de procédure civileLe document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes : (...)
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et l'identité du chef d'entreprise,
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants. Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les " comptes " annuels des deux derniers exercices (...) ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau " compte " plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques l'enseigne ou à la " marque " que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ;
Considérant selon les pièces versées aux débats, que le DIP a été remis aux époux Leblanc trois mois avant la signature du contrat ; que ce document fait une description détaillée et précise de l'entreprise créée en 1992 et des étapes de son évolution, décrit l'état général du marché des produits objets du contrat ; qu'il explique les dépenses et investissements auxquels s'expose le candidat à la franchise, comporte des annexes détaillées sur plusieurs points précis, les résultats de la société Alizés diffusion (annexe 1), la liste des entreprises appartenant au réseau (pilotes, franchises, autres en annexe 2), les cessations de relations contractuelles (résiliation, cessation d'activité, dépôt d'enseigne et leurs dates en annexe 3), l'état du marché local remis une fois l'emplacement sélectionné (annexe 4) versé en pièce 5 par les appelants, daté du 5 mars 2009 ; qu'un document comportant plusieurs tableaux produit en pièce 20 par les appelants est le modèle-type de compte de résultat prévisionnel leur a été remis ;
Considérant que le franchiseur qui n'a pas l'obligation de remettre un compte d'exploitation prévisionnel, doit, lorsqu'il décide de le faire, établir un document sérieux et prudent ; qu'en l'espèce, la société franchiseur a remis un modèle-type de compte de résultat prévisionnel, document qui devait permettre au franchisé d'établir lui-même son propre compte d'exploitation prévisionnel, tenant compte de ses propres recherches et estimations ainsi que des données du marché local ; que ceci était rappelé à plusieurs reprises dans le DIP remis aux époux Leblanc ainsi que dans le document remis qui précisait "Les chiffres indiqués dans ce tableau sont donnés à titre indicatif afin de faciliter l'élaboration de comptes prévisionnels ils doivent être validés avec vos propres conseils et sont à relativiser en fonction de votre emplacement",
Considérant que selon le document remis et après correction des chiffres pour tenir compte de la réalité du centre équipé de cinq cabines, il était fait état d'un chiffre d'affaires de 159 794 euros HT la première année et d'un chiffre HT de 207 732 la seconde année ; que les chiffres réalisés par les époux Leblanc sont de 150 092 euros HT sur seize mois d'exploitation entre le 28 août 2009 et le 31 décembre 2010 ( soit 112 569 euros HT pour douze mois) et de 112 569 euros HT la seconde année ; qu'il est remarqué que les éléments chiffrés donnés par le franchiseur ont été établis à partir des chiffres d'affaires réalisés par seize centres de provinces et trois centres de la région parisienne dont certains sont très comparables avec le centre de Mandelieu-la Napoule, peu important le mode d'exploitation, succursale ou franchise qui n'a pas d'effet sur le chiffre d'affaires ; que la société Alizés Diffusion verse aux débats une étude sur l'activité de 48 centres (14 à Paris, 16 en région parisienne et 18 en province) en 2010 dont il résulte que les réseaux de franchises de province sont rentables en ce que la moyenne des chiffres annuels atteste de la profitabilité du réseau provincial et dont la croissance atteste de l'efficacité du concept ; que de même, le prévisionnel transmis à la société Julise fait état d'un taux de fréquentation moyen journalier (36 pour la première année et de 47 pour la seconde) qui n'est pas sans rapport avec le taux de fréquentation moyen journalier des centres de province (45 en 2010) et de la région parisienne (43 en 2010) ; que le panier moyen retenu pour le centre Mandelieu-La-Napoule est particulièrement prudent, de 14,50 euros alors qu'il est de 16 euros dans les centres pilotes,
Considérant que ces divers éléments ne permettent pas de constater le caractère irréaliste des chiffres fournis par le franchiseur, qu'ils ne traduisent pas non plus l'absence de rentabilité du concept ; qu'ils ne traduisent aucune volonté de tromper le candidat à la franchise ; que l'attestation établie par une ancienne salariée licenciée de la société intimée et en litige avec celle-ci, au demeurant peu précise, ne saurait conforter les reproches des appelants ;
Considérant encore que le DIP précisait en page 23 quels étaient les matériels nécessaires à l'aménagement et à l'équipement du centre de bronzage, quel en était le montant (144 409 euros HT) ; que le modèle-type reprenait ces informations ; que les époux Leblanc ne peuvent critiquer les conditions de financement de l'utilisation du matériel alors qu'ils devaient, en commerçants avisés, rechercher le meilleur mode de financement de ce matériel indispensable à la marche du centre et alors qu'ils ne justifient pas qu'ils n'auraient pas contracté s'ils avaient eu tous les éléments d'information sur ce mode de financement consenti par une société distincte de la société franchiseur,
Considérant qu'il apparaît que le franchiseur a donné des éléments d'étude sérieux et non dénués de réalisme ; qu'il appartenait aux candidats à la franchise, qui reconnaissent eux-mêmes n'avoir aucune expérience, de les exploiter, d'effectuer leurs propres recherches, de se renseigner, de réaliser une étude de marché afin de choisir l'emplacement le plus adapté à leur entreprise, d'établir leur compte prévisionnel à partir de cette étude, à partir des données relatives au financement de l'entreprise et ce, afin de se faire leur propre opinion sur l'opération qu'ils projettent de réaliser ; qu'ils n'ont été victimes d'aucun dol par les informations qui leur ont été transmises et n'ont commis aucune erreur sur la rentabilité du concept par le fait du franchiseur ; que les appelants ne peuvent rechercher sa responsabilité contractuelle ; que l'annulation du contrat pour vice du consentement sera rejetée,
Sur l'exécution du contrat de franchise et sa résiliation :
Considérant, selon les appelants que la gestion du centre a été faite avec rigueur et professionnalisme (respect des préconisations, travaux d'aménagement...) ; qu'en revanche, l'intimée a manqué à son obligation essentielle d'assistance "individualisée, technique et commerciale continue", "renforcée" en cas de difficultés financières, n'apportant aucune aide concrète à la société Julise dont elle connaissait les difficultés, qu'ils ajoutent n'avoir commis aucune faute, qu'ils n'ont pas négligé l'activité Point Soleil en faveur du centre de remise en forme qu'ils exploitaient dans le même temps, exposant avoir ouvert ce centre pour développer par tout moyen le chiffre d'affaires et dégager une rentabilité,
Considérant que les intimées estiment avoir respecté leurs obligations d'assistance en tous points, avoir fait preuve de compréhension et de patience à l'égard de la société Julise lorsqu'elle a cessé de régler les redevances de franchise et les loyers pour le matériel de bronzage, qu'elles relèvent que la société Julise a commis de nombreuses fautes, ne respectant pas la politique commerciale de l'enseigne, commettant des erreurs de gestion, ne s'impliquant pas dans la vie du réseau, conservant indument l'enseigne et les machines, violant le concept du réseau, qu'elles estiment que la résiliation des deux contrats qui sont indivisibles doit être prononcée aux torts des appelants,
Mais considérant pour ce qui concerne les obligations contractuelles des intimées, que le centre de Mandelieu-La-Napoule a été ouvert au moment où les rayonnements ultraviolets ont été classés dans la catégorie des produits cancérigènes, que l'impact d'une telle mesure sur l'activité des centres de bronzage ne peut être contesté,
qu'il est établi que la société Alizés Diffusion a alors engagé une campagne publicitaire pour permettre aux franchisés de surmonter cet impact, qu'elle a engagé des actions commerciales, justifiant avoir recherché et obtenu un accord avec la société Groupon France pour permettre des remises aux clients, justifiant avoir mis en place un " pack marketing ",
Considérant encore que les chiffres d'affaires réalisés, lorsqu'ils ont été transmis au franchiseur, ne démontraient pas une situation financière difficile et les appelants ne peuvent reprocher un défaut d'assistance financière au franchiseur pour ne pas avoir réagi à la lecture des informations transmises ; qu'en outre, la cour constate qu'aucune demande d'aide n'a été formulée par la société Julise (que le mail versé à cet effet aux débats en ce qu'il émane du centre de Brest n'est que peu d'intérêt pour la solution à donner au litige), qu'elle constate encore que la société l'Académie du Soleil, loueur qui appartient au groupe Point Soleil, a consenti une modification du paiement des loyers, par leur suspension et par la réduction des mensualités moyennant une augmentation de la durée de la location, par la suspension des paiements des loyers relatifs aux machines ; qu'elle constate que la société Alizés a attendu de nombreux mois avant de mettre en demeure la société Julise de payer ses factures,
Considérant, pour ce qui concerne les obligations du franchisé, que la société Alizés Diffusion ne justifie pas que la société Julise n'a pas transmis ses chiffres mensuels conformément à l'article du contrat, ou qu'elle ne s'est pas impliquée dans la vie du réseau et a délaissé son activité de bronzage, la cour ne relevant, dans le dossier, aucune remarque de la société Alizés à la société Julise sur ces points ; que de même, le forfait pour des séances de bronzage illimitées n'est pas spécifiquement interdit en ce qu'il serait contraire aux prescriptions sanitaires et à celles du franchiseur ; qu'en revanche, il est avéré que la société Julise a consenti des rabais manifestement excessifs qui ne respectaient pas des conditions tarifaires conformes à l'image que le franchiseur entendait donner à l'enseigne et qu'elle n'a plus payé ses redevances de franchise et de communication ; qu'au surplus, la société Julise n'a plus payé les loyers très rapidement alors que dans le cadre de l'exploitation par le biais d'une autre société (la société Elise) d'une activité fitness, les époux Leblanc proposaient une activité "bien-être et détente" avec Solarium et UVA sans en avoir informé la société Alizés Diffusion, alors que l'établissement du franchisé devait être affecté exclusivement à l'exploitation du centre de bronzage (article 1),
Considérant que la société Alizés Diffusion n'a pas utilisé, dans la lettre de mise en demeure du 12 mars 2011, la faculté donnée dans l'article 12-2 du contrat de franchise de résilier de plein droit "sans formalité judiciaire" le contrat ; que par ailleurs, l'automaticité de la résiliation du contrat de franchise en raison de la résiliation de plein droit du contrat de location ne saurait être retenue ; que dès lors, la résiliation doit être prononcée judiciairement ; qu'en l'espèce, elle est justifiée par les manquements contractuels de la société Julise ; que la résiliation du contrat de franchise sera prononcée à ses torts,
Considérant que le contrat de location avait lui-même pris fin dès le 20 mars 2011, huit jours après la mise en demeure infructueuse de payer les loyers non réglés,
Sur les sommes dues :
Au titre du contrat de franchise :
Considérant selon les appelants, qui invoquent l'exception d'inexécution, ces redevances ne sont pas dues, étant sans contrepartie, qu'ils contestent tout manque à gagner et toute demande d'indemnité de résiliation,
Considérant que la société Alizés Diffusion demande la fixation au passif de la liquidation de la société Julise des sommes dues au titre des redevances impayées (9 054,68 euros TTC), au titre du gain manqué en application des articles 12-4, 7 et 6-2 du contrat soit la redevance d'exploitation (soit 443,75 X 64 = 28 400 euros), perte de redevance de communication (soit 4 500 euros HT X 5 = 22 500 euros) et les sommes versées au titre des marges de référencement et d'approvisionnement en raison de l'obligation d'approvisionnement exclusif en produits de la marque "Point Soleil" (soit 13 775,70 euros X 0,33 = 4 585,98 euros) ; qu'elle demande également réparation pour atteinte à l'image (10 000 euros) ;
Considérant que l'article 8 du contrat précise que le franchisé s'engage à payer une redevance mensuelle d'assistance et d'exploitation, ainsi qu'une participation à la communication ; qu'en l'absence de manquements du franchiseur à ses obligations, les sommes non payées à ce titre sont dues incontestablement pour 7 570,80 euros HT,
Considérant que le contrat de franchise précise dans son article 12-4 que " Dans l'hypothèse où le contrat de franchise est rompu unilatéralement par le franchisé, le franchisé s'engage à lui payer une somme destinée à compenser son manque à gagner. Cette somme sera égale à la moyenne mensuelle de la redevance au cours des vingt-quatre derniers mois ou de l'intégralité de la période d'exécution du contrat si celle-ci s'avérait inférieure à 24 mois multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'à l'arrivée du terme des présentes " ; que le contrat de franchise avait été conclu pour sept ans (article 2), et qu'il a été exécuté quelques mois ; que la somme de 28 400 euros HT demandée par Alizés Diffusion est justifiée,
Considérant encore que la société Alizés Diffusion peut demander, au titre du manque à gagner, ce qu'elle n'a pas perçu au titre des redevances de communication sur les années restant à courir (22 500 euros) ; qu'elle peut, invoquant la clause d'approvisionnement exclusif, faire état d'un préjudice au titre de la non perception des marges de référencement et d'approvisionnement de produits de la marque mais que le calcul qu'elle effectue (selon les pièces versées : 4 545,98 euros) doit prendre en compte une nécessaire fluctuation dans le temps ; que la cour fixera la somme due à ce titre à 3 500 euros,
Considérant que le préjudice d'atteinte à l'image n'est pas établi,
Au titre du contrat de location :
Considérant que les appelants font valoir que les marges excessives de la société l'Académie du Soleil justifient tout rejet de demande de fixation d'une créance pour son compte,
Considérant que la société l'Académie du Soleil demande dans le dispositif de ses conclusions la fixation au passif de la société Julise d'une somme de 223 479, 90 euros TTC au titre du "'gain manqué'" résultant du préjudice causé par la rupture prématurée du contrat, par le refus de restituer les matériels, par la mise à disposition illicite du matériel au profit de la société Elise, ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral,
Mais considérant que le contrat stipulait en son article 9 "résiliation" que le locataire paierait en cas de résiliation du contrat à ses torts, une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total des loyers restant à échoir au moment de la résiliation, outre à titre de clause pénale non réductible, une indemnité forfaitaire de 10 % des loyers TTC pour la période restant à courir à la date effective de la résiliation du contrat ; que les sommes demandées au titre de l'article 9 sont justifiées ;
qu'il sera fait droit à la demande de fixation de la créance,
Considérant enfin que la réalité du préjudice moral dont fait état la société l'Académie du Soleil n'est pas justifiée, qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef ;
Par ces motifs : LA COUR, Réformant sur la date de résiliation du contrat de franchise et sur les sommes à inscrire au passif de la procédure collective de la société Julise, Prononce la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Julise, Ordonne l'inscription au passif de la procédure collective de la société Julise de la créance de la société Alizés Diffusion pour le montant de 63 970,80 HT euros, Ordonne l'inscription au passif de la procédure collective de la société Julise de la créance de la société L'Académie du Soleil pour le montant de 22 3479,90 euros, Déboute pour le surplus de leurs demandes les sociétés Alizés diffusion et L'Académie du Soleil, Confirme le jugement pour le surplus, Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Julise représentée par Maître Ferrari mandataire liquidateur, d'une part, les époux Leblanc, d'autre part, à supporter les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.