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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 juin 2016, n° 14-09786

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Système U Centrale Nationale (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Me Baechlin, Renaudier

CA Paris n° 14-09786

29 juin 2016

FAITS ET PROCÉDURE

Agissant dans le cadre de la protection de l'ordre public et économique, le ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (le ministre) représenté dans le département du Val de Marne par le Directeur Départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, a examiné un service de coopération commerciale négocié par la société Système U Centrale Nationale et quatre de ses fournisseurs, Nestlé, Danone, Yoplait et Lavazza, le service "TAC" (action de construction et de diffusion du tronc d'assortissement commun).

Après avoir réalisé une enquête, estimant qu'étaient contraires aux dispositions de l'article L. 442-6 I 2a) du Code de commerce les pratiques du groupe Système U, qui facturait à ses fournisseurs des sommes présentées comme rémunérant des services alors que ces services n'auraient pas été effectivement rendus aux fournisseurs, le ministre a assigné la SA Système U Centrale Nationale par acte d'huissier en date du 25 novembre 2004 devant le Tribunal de commerce de Créteil auquel il a demandé de prononcer la nullité des contrats en cause, d'ordonner la cessation de ces pratiques et la répétition des sommes perçues à hauteur d'environ 77 millions d'euros outre une amende civile d'un million d'euros.

Par jugement contradictoire prononcé le 24 octobre 2006, le Tribunal de commerce de Créteil :

- a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées par la société Système U Centrale Nationale, dit le ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, recevable en ses demandes,

- a dit que la société Système U Centrale Nationale a obtenu des quatre fournisseurs Danone, Nestlé, Yoplait et Lavazza, au cours des années 2002 et 2003, des avantages ne correspondant à aucun service commercial spécifique rendu à ces fournisseurs,

- a prononcé la nullité des contrats en cause :

- contrat n° 02-111911 avec Danone du 17/12/2001,

- contrat n° 02-111932 avec Nestlé du 17/12/2001,

- contrat n° 02-111936 avec Yoplait du 27/12/2001,

- contrat n° 02-113528 avec Lavazza du 27/12/2001,

- contrat n° 125350 avec Danone du 24/12/2002,

- contrat n° 125336 avec Nestlé du 24/12/2002,

- contrat n° 03-124663 avec Yoplait du 18/12/2002,

- contrat n° 03-124895 avec Lavazza du 19/12/2002,

- a ordonné à la société Système U Centrale Nationale de cesser ces pratiques illicites,

- a ordonné le remboursement au Trésor Public de la somme de 76 871 390,28 euros, à charge pour celui-ci de reverser les sommes suivantes ;

- à Danone 34 358 956,32 euros

- à Nestlé 22 523 511,80 euros

- à Yoplait 18 994 616,75 euros

- à Lavazza 994 305,41 euros

- a condamné la société Système U Centrale Nationale à une amende civile de 100 000 euros, déboutant le ministre du surplus de sa demande,

- a dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du NCPC et déboute les parties de leurs demandes formées de ce chef,

- a condamné la société Système U Centrale Nationale aux dépens,

- a liquidé les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 44,82 euros TTC (dont 19,6 % de TVA).

La société Système U Centrale Nationale a interjeté appel du jugement du 24 octobre 2006 par déclaration en date du 16 novembre 2006.

A la requête de la société Système U Centrale Nationale, le Président du Tribunal de commerce de Créteil a, par ordonnance du 29 janvier 2007, nommé un mandataire ad hoc, Maître Didier Ségard, avec mission d'assister les dirigeants de Système U Centrale Nationale dans la mise en place de solutions afin de préserver la pérennité de l'entreprise.

Le 15 mars 2007, Système U Centrale Nationale a soulevé un incident devant le conseiller de la mise en état auquel il demandait de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur la légalité de l'arrêté de délégation de la signature au directeur départemental de la DGCCRF en date du 27 mai 2004, signataire de l'assignation. Saisie du déféré de la décision du conseiller de la mise en état, la Cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 28 mai 2008 sollicité un avis de la Cour de cassation. Celle-ci a, le 29 septembre 2008 dit n'y avoir lieu à avis.

Le Conseil d'Etat, saisi le 26 février 2009 par Système U Centrale Nationale a, par décision du 26 mai 2010, a rejeté la requête de Système U Centrale Nationale au motif que les modifications successives de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui ont élargi et précisé le champ des pratiques restrictives de concurrence susceptibles de faire l'objet d'une action contentieuse " n'ont toutefois pas eu pour effet de changer la nature et l'objet de " l'action " prévue à cet article " et que, par conséquent, le renvoi opéré par le décret du 12 mars 1987 à l'action prévue à l'article 36 de l'ordonnance autorise le ministre à déléguer sa signature aux fonctionnaires qu'il mentionne pour l'ensemble des actes relatifs à l'action prévue à l'article L. 442-6 modifié.

Le 4 février 2011, Maître Ségard a remis son rapport au Président du Tribunal de commerce de Créteil.

Le 21 mars 2011, l'affaire a été rétablie devant la Cour d'appel de Paris.

Par une ordonnance du 2 avril 2012, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance en raison de la disparition, à l'occasion de la réforme de la profession d'avoué, de l'avoué de Système U Centrale Nationale (la SCP Fanet-Serra) le 31 décembre 2011 et a enjoint à Système U Centrale Nationale de constituer un nouvel avocat dans un délai qu'il a fixé à un mois.

Le Conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire par une ordonnance du 22 mai 2012.

Le 5 mai 2013, Maître Jeanne Baechlin s'est constituée aux lieu et place de la SCP Fanet-Serra et a sollicité le réenrôlement de l'affaire.

Le 16 mai 2014, le ministre de l'Économie a également sollicité le réenrôlement de l'affaire.

Par conclusions du 31 mars 2016, la SA Système U Centrale Nationale demande à la cour de:

- Sur la nullité de la procédure de première instance :

- Sur l'absence de pouvoir spécial de Monsieur Bonilla pour délivrer l'assignation du 25 novembre 2004,

Constater que l'arrêté du 27 mai 2004 portant délégation de signature à Monsieur Bonilla n'est pas constitutif d'un pouvoir spécial,

Constater que Monsieur Bonilla ne disposait pas d'un pouvoir spécial pour introduire l'instance devant le Tribunal de commerce de Créteil,

Prononcer, par conséquent, la nullité de l'assignation du 25 novembre 2004 et de tous les actes subséquents,

- Sur l'absence de pouvoir spécial de Monsieur Morel de représenter le ministre lors de l'audience de plaidoirie devant le tribunal de commerce,

Constater que Monsieur Morel, qui représentait le ministre lors de l'audience du Tribunal de commerce de Créteil du 6 juin 2006 ne disposait pas d'un pouvoir spécial régulier de la part du ministre,

Constater en conséquence que le ministre n'a pas régulièrement comparu à l'audience du Tribunal de commerce de Créteil,

- Ecarter en conséquence les pièces et écritures du ministre et déclarer irrecevables les demandes qu'elles contenaient,

Constater, en toute hypothèse, que le ministre de l'économie n'est pas fondé à régulariser dans le cadre de la procédure d'appel l'irrégularité de fond tirée de l'absence de pouvoir spécial affectant la procédure de première instance,

- Sur l'absence d'information valable des fournisseurs :

- Constater que la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel impose au ministre de l'économie d'informer les fournisseurs, dès la première instance, qu'il a introduit une action les concernant afin que ces derniers puissent, s'ils le souhaitent, agir dans le cadre de cette procédure pour faire valoir leurs droits et défendre leurs intérêts,

- Constater que le ministre de l'économie n'a pas informé les fournisseurs, en première instance, de l'introduction de la présente action contre Système U Centrale Nationale,

- Constater que le défaut d'information des fournisseurs en première instance n'est pas régularisable car les fournisseurs ne pourraient pas intervenir pour formuler des demandes nouvelles qui n'auraient pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction,

- Constater que le défaut d'information des fournisseurs en première instance n'est pas régularisable car les fournisseurs ne pourraient plus agir contre Système U Centrale Nationale car leur action serait prescrite,

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 19 septembre 2011 est irrégulière car donnée par une personne ne disposant pas du pouvoir pour informer valablement les fournisseurs,

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 19 septembre 2011 est irrégulière car le contenu de l'information donnée aux fournisseurs est insuffisant,

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 19 septembre 2011 est irrégulière car l'information n'a pas été adressée aux bonnes sociétés s'agissant de Danone et Yoplait,

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 24 février 2015 est irrégulière car donnée par une personne ne disposant pas du pouvoir pour informer valablement les fournisseurs

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 24 février 2015 est tardive car donnée aux fournisseurs après l'expiration du délai de prescription courant à leur encontre,

- Constater que l'information donnée aux fournisseurs par un agent de la Direccte le 24 février 2015 est irrégulière car n'ayant pas été adressée aux bonnes sociétés s'agissant de Danone, Yoplait et Nestlé,

- Déclarer, par conséquent, irrecevables les demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu du ministre de l'Economie,

- Sur la qualité de mandataire de Système U Centrale Nationale :

- Constater que, s'agissant du Service TAC, Système U Centrale Nationale a agi en qualité de mandataire, au nom et pour le compte des Centrales Régionales Système U,

- Constater que toutes les sommes payées par les quatre fournisseurs à Système U Centrale Nationale ont été reversées par Système U Centrale Nationale aux Centrales Régionales Système U,

- Constater que le mandataire ne peut pas être condamné à rembourser des sommes dont il n'est pas le bénéficiaire final,

- Déclarer, par conséquent, irrecevable la demande de répétition de l'indu dirigée par le ministre de l'Economie contre Système U Centrale Nationale,

- A titre subsidiaire, sur les demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu présentées par le ministre :

- Constater que le Tribunal de commerce de Créteil a précisé que le service TAC est un service de coopération commerciale licite dans son principe, et confirmer cette appréciation,

- Constater que le Tribunal de commerce de Créteil a souligné que le service TAC existe et que cela n'est pas contesté par le ministre, et confirmer cette appréciation,

- Dire et juger que le Tribunal de commerce de Créteil a dénaturé le texte clair de l'article L. 442-6-I-2°-a) du Code de commerce en ne se limitant pas au constat de l'existence et de la réalité du service TAC mais en condamnant apparemment Système U Centrale Nationale pour un prétendu défaut d'efficacité,

- Constater que le ministre n'a pas rapporté la preuve qui lui incombe, compte tenu du texte en vigueur au moment des faits, de l'inexistence du service TAC,

- Dire et juger que le Tribunal de commerce de Créteil a renversé la charge de la preuve,

- Constater en toute hypothèse que Système U Centrale Nationale rapporte la preuve que le service TAC est un service qui a été effectivement rendu aux quatre fournisseurs concernés par la procédure en 2002 et 2003,

- En conséquence, Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 24 octobre 2006 et, statuant à nouveau, débouter le ministre de l'Economie de l'ensemble de ses demandes qui sont mal fondées.

- En tout état de cause :

- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 24 octobre 2006 en toutes ses dispositions,

- Condamner le ministre de l'Economie à payer à Système U Centrale Nationale la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner le ministre de l'Economie aux entiers dépens.

Par consultions du 11 avril 2016, Monsieur le ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique demande à la cour de :

- Dire que les représentants du ministre chargé de l'Economie n'avaient pas à justifier d'un pouvoir spécial pour signer l'assignation du 25 novembre 2004 et les conclusions ultérieures et représenter le ministre lors de l'audience de plaidoirie du 6 juin 2006 devant le Tribunal de commerce de Créteil ;

- Dire que le ministre chargé de l'Economie a le pouvoir de solliciter la nullité des contrats en cause et la répétition de l'indu même en l'absence d'information des fournisseurs en première instance ;

- Dire que l'information des fournisseurs a été réalisée conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011 ;

- Dire que l'action du ministre chargé de l'Economie a été valablement dirigée contre la société Système U Centrale Nationale ;

- Confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 24 octobre 2006 (RG n° 2005F00025) et, statuant à nouveau, déclarer recevables l'action du ministre chargé de l'Economie en première instance et devant la présente Cour d'appel ainsi que l'ensemble de ses demandes, y compris celles visant la nullité des contrats et la répétition de l'indu, à l'encontre de Système U Centrale Nationale ;

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 24 octobre 2006 en ce qu'il a dit que la société Système U Centrale Nationale avait obtenu des fournisseurs Danone, Nestlé, Yoplait et Lavazza des avantages ne correspondant à aucun service commercial spécifique au titre du service TAC au sens de l'article L. 442-6 I 2° a) (devenu l'article L. 442-6 I 1°) du Code de commerce.

En conséquence :

- Prononcer la nullité des contrats en cause ;

- Ordonner la répétition des sommes indûment perçues, par le paiement par la société Système U Centrale Nationale entre les mains du Trésor Public, qui les reversera aux fournisseurs concernés, au titre des contrats susvisés :

<TABLEAU>

- Ordonner à la société Système U Centrale Nationale de cesser la pratique consistant à solliciter et obtenir de ses fournisseurs des avantages au titre du service intitulé " Action de construction et de diffusion du Tronc d'Assortiment Commun " (ou tout autre service équivalent) ;

- Prononcer à l'encontre de la société Système U Centrale Nationale une amende civile de 1 million d'euros ;

- Débouter la société Système U Centrale Nationale de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Système U Centrale Nationale au paiement au profit du Trésor public de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamner la société Système U Centrale Nationale aux dépens.

MOTIFS :

- Sur la nullité de la procédure de première instance

- Sur le défaut de pouvoir spécial des représentants du ministre de l'Économie en première instance

Considérant que Système U rappelle qu'en vertu des dispositions de l'article 853 du Code de procédure civile, les parties se défendent elles-mêmes, que leur représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial,

Que M. Bonilla, Directeur Départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, représente le ministre de l'Économie, en application de l'article L. 442-6 §3 du Code de commerce, qu'il a reçu délégation de signature du ministre d'État chargé de l'Économie par arrêté du 27 mai 2004, pris en application du décret n° 87-163 du 12 mars 1987, que l'arrêté du 27 mai 2004 est une délégation de signature octroyée à M. Bonilla qui ne lui donne pas qualité pour présenter les demandes qu'il adresse à Système U Centrale Nationale dans le cadre de la procédure, que cela ne constitue pas un pouvoir spécial ; que l'arrêté ne mentionne ni l'instance pour laquelle il est donné, ni les parties au litige, ni la juridiction saisie ni l'objet de la demande ;

Considérant que le ministre estime la procédure régulière,

Mais considérant que le pouvoir spécial précisé dans l'article 853 n'était pas requis pour la validité de la procédure engagée par M. Bonilla, au nom du ministre chargé de l'Économie et pour la signature des conclusions y afférentes ; que par arrêté en date du 27 mai 2004 pris en application du décret n° 87-163 du 12 mars 1987, M. Bonilla était en effet titulaire d'une délégation de signature, que cet arrété de 2004 l'autorisait à déléguer, par arrêté, sa signature dans le cadre de l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; que cet article a été codifié à droit constant dans l'article L. 442-6 du Code de commerce dont les modifications ultérieures n'ont pas eu pour effet de changer la nature et l'objet de l'action du ministre, de sorte que le renvoi à l'action prévue par l'article 36 de l'ordonnance s'entend comme un renvoi aux dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; que M. Bonilla était bien en droit de signer au nom du ministre les actes relatifs à l'action prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce,

Considérant que l'appelante considère que M. Bonilla qui n'était pas partie à l'instance, mais uniquement mandataire, ne pouvait pas donner mandat à M. Morel de le représenter à l'audience du 6 juin 2006 devant le Tribunal de commerce de Créteil, que de plus l'acte de désignation de M. Morel n'est pas constitutif d'un pouvoir spécial, que le ministre n'était pas représenté régulièrement à l'audience, que les écritures et les pièces devaient être écartées,

Considérant que le ministre conteste ces prétentions,

Mais considérant que M. Bonilla représente le ministre en application de l'arrêté du 12 mars 1987 portant délégation de pouvoir et que cet arrêté précisait qu'il pouvait être suppléé par un fonctionnaire de catégorie A pour développer oralement à l'audience les conclusions déposées ; qu'en sa qualité de représentant du ministre, partie à l'instance, il a, en vertu de l'article L. 470-5 du Code de commerce, le pouvoir de donner mandat pour être représenté à l'audience ; qu'il a ainsi donné à M. Morel, inspecteur, pouvoir de le représenter à l'audience de plaidoiries du 6 juin 2006 ; que le pouvoir est suffisamment précis, se suffit à lui-même, observe les règles de la représentation en justice ; que la procédure est régulière,

- Sur l'impossibilité de régulariser l'irrégularité de fond tirée de l'absence de pouvoir spécial affectant la procédure de première instance

Considérant que l'appelante fait valoir que la nullité n'a pas été couverte par le ministre avant que le juge de première instance ne statue puisque ni M. Bonilla ni M. Morel n'ont présenté aux juges un pouvoir spécial donné par le ministre de l'Économie et conforme à l'article 853 du Code de procédure civile, que toute régularisation pendant la présente procédure d'appel est impossible, qu'en effet, le défaut de pouvoir spécial étant une nullité de fond au sens de l'article 117 du Code de procédure civile, en vertu de l'article 121 du même code, la régularisation d'une nullité de fond suppose que celle-ci intervienne avant que le juge statue, que de plus, Système U Centrale Nationale considère que la communication de tels pouvoirs poserait une sérieuse difficulté au regard du principe de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui,

Considérant que l'intimé ne répond pas à ce moyen,

Mais considérant que dès lors que la régularité de la procédure est établie, ce moyen n'a plus d'objet,

- Sur l'irrecevabilité des demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu du ministre de l'Économie en l'absence d'information donnée en première instance aux parties au contrat

Considérant que la société Système U, se référant à la réserve d'interprétation exprimée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 mai 2011, estime que le ministre doit, lorsqu'il demande l'annulation des contrats, informer les fournisseurs concernés par la procédure, au préalablement, dès la première instance, qu'il soutient que le ministre de l'Économie n'a pas informé les quatre fournisseurs concernés par la présente procédure en première instance et, que de ce fait, les demandes de nullité des contrats et de répétition de l'indu sont irrecevables ; que l'information réalisée tardivement empêche toute intervention volontaire recevable, interdit les demandes des fournisseurs qui se heurtent à la prescription de l'action, que l'information n'est pas " régularisable" ;

Considérant que le ministre soutient que l'exigence d'information des fournisseurs a été imposée par la décision du Conseil constitutionnel du 13 mai 2011, soit huit ans après l'assignation du ministre et quatre ans après le début de la procédure d'appel initiée par la société Système U ; que celle-ci fait donc preuve de mauvaise foi en reprochant au ministre le non-respect d'une exigence d'information qui n'existait pas au moment de l'assignation, ni au moment de la procédure de première instance ; qu'il considère que son action ne nécessite pas la présence ou l'accord préalable des fournisseurs mais seulement l'information de ces derniers, ce qu'elle a fait, dans des conditions régulières dès le 19 septembre 2011 puis le 24 février 2015 ; qu'elle ajoute qu'ils avaient tous exprimé dès 2007 leur volonté de ne pas exercer leur droit de recours,

Mais considérant que l'action du ministre est autonome et n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ; que la réserve du Conseil constitutionnel résultant de la décision du 13 mai 2011 impose au ministre d'informer les fournisseurs parties au contrat, quelle que soit la nature des demandes que le ministre forme devant le tribunal ; que cette information portant sur " l'introduction de la demande" qui permet d'assurer le respect des droits au recours juridictionnel et de la liberté contractuelle peut avoir lieu au cours de la procédure ; qu'elle permet l'intervention des fournisseurs au besoin en cause d'appel sans pour autant qu'il y ait création d'un nouveau litige, s'agissant d'obtenir dans tous les cas la répétition de l'indu, ou encore sans que soit reprochée sérieusement au ministre la responsabilité de prescription éventuelle d'une action des fournisseurs contre Système U d'autant plus que cette action n'est pas subordonnée à celle du ministre mais à la seule volonté de ces derniers, étant observé que le ministre doit très régulièrement la suppléer,

Considérant encore que l'appelante fait valoir que les lettres d'information des fournisseurs du 19 septembre 2011 ont été signées par Monsieur Jean-Claude Proux, inspecteur principal au sein de la Direccte Ile-de-France ; que se référant au "Commentaire au Cahier" de la décision du 13 mai 2011 rendu par le Conseil constitutionnel, l'appelante estime qu'il incombait au ministre de l'Économie, auteur de l'action, de notifier celle-ci aux fournisseurs ; que Monsieur Jean-Claude Proux, en sa qualité d'inspecteur principal au sein de la Direccte Ile-de-France, n'avait pas qualité pour représenter le ministre dans la délivrance d'une information se trouvant hors du champ d'application de l'article R. 470-1-1 du Code de commerce et de l'article L. 470-5 du Code de commerce ; qu'elle ajoute que l'information donnée aux fournisseurs n'était pas complète, ne faisant état ni du fondement juridique, ni des conséquences pour le fournisseur ; qu'elle indique enfin que les informations ont été données à deux personnes morales qui n'avaient pas signé les accords commerciaux, la société Danone et la société Yoplait ;

Qu'elle indique que l'information donnée le 24 février 2015 par M. Jacques Bonnet est tardive et irrégulière, pour les mêmes motifs que l'information donnée en 2011, exception faite du contenu de l'information,

Considérant que le ministre fait valoir que les lettres d'information ne sont pas visées par les articles précités ; qu'en tout état de cause, M. Proux et M. Bonnet étaient habilités à signer les lettres d'information ; que les informations délivrées étaient suffisantes et ont été adressées aux entreprises à leur siège social,

Mais considérant qu'il appartient à la juridiction à qui est soumise la contestation de vérifier si le ministre s'est acquitté de son obligation d'information en temps utile, peu important que les fournisseurs aient connu la procédure, comme il est avéré en l'espèce, par l'information qui leur avait été faite par Maître Segard dès l'année 2007 ; qu'il est constaté que cette information n'est soumise à aucun formalisme particulier et que les articles L. 470-5 et R. 470-1-1 du Code de commerce ne la visent pas ; qu'il est constaté que l'arrêté du 31 juillet 2007 portant délégation de signature disposait en son article 1 que Jean-Claude Proux, inspecteur principal recevait délégation permanente à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et de sa compétence territoriale, au nom du ministre, les actes relatifs à l'action prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce susvisé, devant les juridictions de première instance et d'appel et que de ce fait, il pouvait adresser aux fournisseurs les lettres en 2011 ; que de même, M. Bonnet agissait en vertu d'une subdélégation de signature du directeur régional de la Direccte selon arrêté du 25 avril 2014 ; que les informations données dans les courriers de 2011 portaient sur les numéros de rôle de l'affaire devant le tribunal de commerce et la Cour d'appel de Paris, sur le fondement de l'action du ministre et de ses demandes et indiquaient aux fournisseurs qu'ils avaient la possibilité d'intervenir volontairement en application de l'article 544 du Code de procédure civile, que les envois du ministre ont été adressés aux sièges sociaux et/ou administratifs des sociétés Danone et Yoplait qui étaient visés par la procédure ; que les courriers de 2015 portaient sur la date du jugement, la nature et le fondement légal de l'infraction reprochée à Système U, les contrats concernés par l'action du ministre, les condamnations prononcée contre Système U, la possibilité d'intervenir à l'instance, outre divers renseignements sur la déclaration d'appel, la répartition de la répétition de l'indu, la date de l'audience, que ces courriers ont été envoyés à l'adresse du siège social des entreprises,

Considérant que ces courriers remplissaient l'exigence d'information posée par le Conseil constitutionnel pour le respect du droit au recours et à la liberté contractuelle ; que la procédure est régulière,

- Sur l'irrecevabilité de la demande de répétition de l'indu du ministre de l'Économie en raison de la qualité de mandataire de Système U Centrale Nationale

- Sur la qualité de mandataire des Centrales régionales par Système U Centrale Nationale

Considérant que Système U Centrale Nationale soutient qu'en raison de son statut légal, elle agit en qualité de mandataire des quatre centrales régionales et expose en justifier par les mentions portées dans les contrats de coopération commerciale, par les mentions figurant sur les factures émises au titre du service TAC, par la production de son règlement intérieur du 1er juillet 2001 dont le titre est " Mandat confié à Système U Centrale Nationale " et qui vient compléter ses statuts,

Qu'en sa qualité d'Union de coopératives, Système U Centrale Nationale, émanation des quatre Centrales Régionales Système U, coopératives qui sont ses associés, négocie avec les fournisseurs pour le compte des Centrales Régionales qui achètent les produits référencés aux fournisseurs,

Que Système U soutient qu'en l'espèce, s'agissant du paiement du service TAC par les fournisseurs, elle a encaissé les sommes au nom et pour le compte des quatre centrales régionales et qu'elle leur a reversé l'intégralité de ces sommes dans le cadre du mandat qu'elles lui ont confié ; qu'elle expose que les documents comptables et fiscaux qu'elle verse aux débats permettent de constater que les prestations du service TAC sont facturées par Système U Centrale Nationale en qualité de mandataire et sont comptabilisées en comptes "tiers" et non en compte "produits",

Que Système U considère que l'action en répétition de l'indu peut être exercée contre les bénéficiaires des sommes, c'est-à-dire les mandants et non contre celui qui les a reçues en qualité de mandataire ; que la demande en répétition de l'indu du ministre est donc irrecevable faute d'avoir été dirigée à l'encontre des Centrales Régionales Système U,

Considérant que le ministre considère que Système U Centrale Nationale négocie en toute indépendance avec les fournisseurs les contrats de coopération commerciale, qu'elle facture ses prestations aux fournisseurs et qu'elle encaisse le montant des factures par la suite ; que Système U Centrale Nationale agit en véritable cocontractant des fournisseurs et de ce fait viole les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; que si Système U Centrale Nationale était considérée comme mandataire des quatre centrales régionales, sa responsabilité personnelle en tant que mandataire serait engagée pour avoir commis des fautes civiles lors de sa mission,

Que le règlement intérieur de Système U Centrale Nationale est un document purement interne au groupe qui ne permet pas de démontrer en pratique la qualité de mandataire de la Centrale Nationale de Système U ; que la société Système U Centrale Nationale ne soumet qu'une partie des redditions de compte censées démontrer que les sommes perçues ont toutes été reversées aux centrales régionales,

Que l'action en répétition de l'indu peut être engagée soit contre celui qui a reçu le paiement soit contre celui pour le compte duquel le paiement a été reçu, et en l'espèce, il n'est pas contesté qu'elle a été destinataire des sommes facturées aux fournisseurs au titre du TAC,

Mais considérant que si Système U Centrale Nationale entend démontrer qu'elle n'agit qu'en qualité de mandataire, ce qui résulterait de son statut légal ainsi que des documents émis lors des contrats de coopération commerciale, il apparaît que cette société agit également en véritable contractant autonome avec les fournisseurs, négociant directement et librement avec ceux-ci ; qu'ainsi le contrat de coopération commerciale indique : " Système U coordonne les politiques d'achat, formule sur la base de propositions des recommandations en matière de sélection de produits " ; que Système U précise d'ailleurs dans ses factures à son en-tête sociale agir " au nom et pour son compte ou pour celui des centrales régionales ou des magasins U" et encaisse les sommes versées par les fournisseurs,

Considérant que la société Système U Centrale Nationale est le cocontractant des fournisseurs et dès lors, quel que soit le sort des sommes qu'elle a encaissées à la suite de la signature des contrats de coopération commerciale, elle peut être valablement assignée à la fois en annulation des contrats qu'elle a signés et en répétition (restitution) des sommes qu'elle a perçues à la suite de la signature de ces contrats,

Considérant que la fin de non-recevoir soulevée par Système U Centrale Nationale sera rejetée,

- Sur la réalité et l'efficacité du service TAC "Tronc d'Assortiment Commun"

- Sur la charge de la preuve

Considérant que Système U soutient que la charge de la preuve a été renversée de manière injustifiée, qu'il ne lui appartient pas de démontrer que le service TAC correspondait à un service commercial effectivement rendu aux quatre fournisseurs concernés en application de l'article 1315 du Code civil, qu'il appartient au ministre de rapporter la preuve que le service rendu a un caractère fictif, les faits étant antérieurs à la loi dite Dutreil du 2 août 2005,

Considérant que le ministre fait valoir qu'il s'agit de l'application classique de l'article 1315 alinéa 2 du Code civil qui dispose que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation,

Mais considérant que la loi 2005-882 du 2 août 2005 (article 442-6 III alinéa 2 in fine) précise : "Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services qui se prétend libéré de justifier du fait qui produit l'extinction de son obligation", reprenant les dispositions de l'article que cite le ministre ; que ce texte qui reprend les termes de l'alinéa 2 de l'article 1315 du Code civil et a modifié la charge de la preuve, s'applique à la présente procédure ; qu'il appartient donc à la société Système U de rapporter la preuve qu'elle a réalisé effectivement les services dont elle demande le paiement, et elle ne peut prétendre que la charge en incombe au ministre,

- Sur le service TAC

Considérant que le ministre expose que la loi prohibe dans l'article L. 442-6 I 2° a) devenu L. 442-6 I 1° du Code de commerce, l'obtention par un partenaire commercial d'un avantage quelconque qui ne correspond pas à un service commercial effectivement rendu,

Qu'il rappelle que les dispositions de l'article L. 442-6 III s'appliquent indépendamment du statut juridique de la personne de l'entreprise et sans considération de la personne qui l'exploite, seul important le secteur d'activité des personnes concernées ; qu'aucune entreprise, fût-elle une multinationale, ne peut envisager de perdre une partie de son chiffre d'affaire avec la société Système U,

Qu'il met en cause la réalité du service compte tenu des déclarations des responsables du distributeur et des fournisseurs concernés par l'enquête de la DGCCRF du Val-de-Marne (réunions sans remise de documents, apport important des fournisseurs, achat des données panel Nielsen par les fournisseurs) et estime que les témoignages des fournisseurs qui, selon lui, ne montrent en rien l'existence d'un service commercial spécifique rendu, le paiement sans réserve ne suffisent pas à écarter l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Qu'il soutient que la prestation TAC se trouve en amont de l'achat des produits du fournisseur, c'est-à-dire au stade du référencement, et non de la revente en magasin ; que par le TAC, Système U promeut la politique de l'enseigne des magasins U ; qu'il ne s'agit pas de coopération commerciale ; que les fournisseurs n'ont donc pas à supporter le coût de la construction et de la diffusion du TAC,

Qu'il soutient que la collaboration marketing entre Système U et ses fournisseurs se résume à deux, trois réunions par an sans remise de documents aux fournisseurs qui apportent leur savoir-faire et leur expertise sur leurs propres catégories de produits pour répondre aux attentes et besoins de la société Système U ; que ce sont toujours les fournisseurs, qui, par leur expertise et les informations dont ils disposent, participent le plus à l'élaboration des préconisations d'assortiments destinées aux points de vente, qu'il considère que l'aide au positionnement des produits en magasins est très générale et repose sur les informations et le savoir des fournisseurs au bénéfice de la société Système U, que le TAC n'est pas une garantie de mise en rayon de l'ensemble des références qui le composent et qui apparaissent sur les accords de coopération commerciale ; que l'information concernant les différents assortiments de produits est encore principalement diffusée par les représentants des fournisseurs ; qu'il souligne que l'outil intranet de Système U, Prima, ne diffuse pas toujours des informations adaptées à l'environnement du point de vente ; qu'il remarque que la diffusion en magasin de fiches descriptives de nouveaux produits des fournisseurs est facturée par la Centrale nationale en plus du service TAC,

Qu'il estime que les études de satisfaction n'ont pas force probante : qu'elles concernent 33 fournisseurs, ne portent pas spécifiquement sur le tronc d'assortiment commun,

Qu'il considère que les déterminants des variations du chiffre d'affaires étant multiples, conjoncturels ou structurels, l'étude de l'appelante sur les évolutions de données globales du réseau U à parc constant n'est pas pertinente,

Considérant que la société Système U Centrale Nationale soutient que le service TAC est un service de coopération commerciale qui regroupe trois composantes : la collaboration marketing entre Système U Centrale Nationale et les fournisseurs, l'aide au positionnement des produits en magasin et l'incitation à la vente des produits sélectionnés auprès des commerçants indépendants du groupement Système U ; qu'à aucun moment, les fournisseurs n'ont contesté la réalisation de la prestation qu'ils ont payée d'ailleurs sans réserve, que les déclarations des directeurs de magasins Système U ne portent pas sur les prestations TAC et ne contredisent pas la réalité de ce service,

Que Système U définit la collaboration marketing ou "category management" comme un processus par lequel le distributeur gère les catégories de produits comme des unités commerciales stratégiques et améliore les résultats en s'attachant à offrir de la valeur au consommateur ; que cette collaboration se matérialise par des réunions au cours desquelles Système U Centrale Nationale livre sa stratégie commerciale aux fournisseurs, établie à partir des données de panelistes (Nielsen) mais également à partir de données recueillis par Système U auprès des Magasins U (chiffre précis sur les ventes de magasins, informations sur les consommateurs), ce qui permet aux fournisseurs de rationaliser leurs offres de produits en la faisant correspondre aux besoins et attentes des consommateurs :

Qu'une fois l'assortiment général défini pour la catégorie, il est indispensable de l'adapter à toutes les typologies de Magasins U pour définir une préconisation d'assortiment visant notamment à optimiser la présence des gammes des fournisseurs dans les Magasins U, qu'il ne s'agit pas d'une aide physique au positionnement des produits en rayon,

Que l'incitation résulte de la mise à disposition des Magasins U des outils adaptés pour la mise en rayon de la préconisation et de la présence des produits préconisés sur entrepôt via le réseau intranet Prima ; que Système U assure une présence permanente des produits du TAC sur tous les entrepôts Système U, que la liste des produits dans le cadre du TAC est diffusée à travers les cadenciers auxquels les magasins ont accès pour passer commande auprès des entrepôts Système U,

Que selon Système U, la preuve est faite par les études réalisées que les fournisseurs et les consommateurs sont satisfaits du service TAC ; que les chiffres d'affaires des fournisseurs sont en progression, que les fournisseurs en cause sont des sociétés multinationales ayant la possibilité de "résister " à une demande en paiement d'un tel service s'il ne correspondait à rien ou était illicite et que Système U ne pourrait sérieusement envisager de les déréférencer ; que les attestations des fournisseurs concernés peuvent servir de preuve de la réalité des services rendus par le distributeur en application de l'arrêt du 20 février 2007 rendu par la cour de cassation.

Mais considérant que le service qui donne lieu à rémunération dans le cadre d'une convention de coopération commerciale doit être spécifique en ce qu'il donne droit à un avantage particulier au fournisseur en stimulant, facilitant la revente par celui-ci de ses produits, que ce service doit par conséquent aller au-delà des simples obligations résultant d'achats et de vente ;

Considérant que ce service est selon le contrat ainsi défini : "Prestation de service" : "Action de diffusion du tronc d'assortiment commun TAC" : "Etant rappelé que chacun des magasins U est autonome quant à ses décisions d'achat et libre d'acheter ou de ne pas acheter les produits au fournisseur, des études spécifiques ont été réalisées au sein de Système U sur la base des attentes des clients du magasin U. Ainsi, à partir des bases de données communiquées par les panelistes, Système U procède à des analyses en valeur et en volume, catégories de produits par catégories de produits, afin de déterminer les performances des produits dans les magasins U. Il en résulte un assortiment commun de produits alimentaires et non alimentaires communément appelés chez Système U Traitement d'Assortiment Commun (TAC), mis à disposition de l'ensemble des magasins U sur les entrepôts des Centrales régionales. Intéressé par cette méthodologie de sélection et de recommandation de produits à destination des magasins U, le fournisseur souhaite que Système U National, par l'intermédiaire de ses centrales régionales, entreprenne auprès des magasins U des actions de commercialisation et de diffusion d'informations concernant les produits U désignés ci-dessous et les intègre dans le Tronc d'Assortiment Commun (par exemple à l'occasion de la diffusion des cadenciers ou de tout autre support d'informations internes aux centrales régionales tels que bulletins d'information régulièrement adressés à l'ensemble des magasins, les fichiers d'informations mis à disposition des magasins sur réseau informatique) de telle façon que, grâce à cette procédure de sensibilisation et d'intégration au TAC, les produits du fournisseur soient mieux connus des magasins Système U" ;

Considérant qu'il convient de constater que la définition du service n'est pas précise :

- que les fournisseurs ignorent son contenu exact, l'un expliquant par exemple que les nouveaux produits sont concernés par le service TAC alors que leur lancement fait l'objet d'un service distinct ("mise en place de nouveaux produits") rémunéré de façon distincte ; que ce service TAC doit encore être différencié d'autres services rendus aux fournisseurs dont l'objectif n'est pas autre mais qui donnent lieu à une rémunération différente facturée à Danone, Yoplait et Nestlé, tel que la "diffusion de fiches descriptives de nouveaux produits",

- que certains des magasins Système U ne connaissaient pas ce service spécifique, que ceux qui le connaissent ne l'apprécient pas plus, exposant, devoir s'adapter, ne pas respecter certaines préconisations et manifestement préfèrer les rencontres directes avec les fournisseurs dont les analyses sont plus fines, précises et actualisées,

Considérant ensuite que les services TAC donnent lieu à des informations orales dispensées lors de quelques réunions annuelles, au cours desquelles les fournisseurs peuvent consulter des documents établis par Système U qui les considère comme confidentiels, que Système U Centrale Nationale produit à cette fin le guide de "stratégie à la catégorie" (pièce 12) qui ne concerne pas les quatre fournisseurs en cause et ne peut être d'une quelconque pertinence pour la démonstration qu'elle entend faire,

Considérant pour la collaboration marketing, qu'il résulte des déclarations des fournisseurs intéressés que ce sont ces derniers qui apportent les données chiffrées, les orientations du marché, les études de panel (la société Lavazza expose que pour l'analyse du marché, elle "achète à Nielsen le panel de l'ensemble du marché ainsi que le panel spécifique à certaines enseignes (système U, Auchan Hyper, Carrefour Hyper, Champion)"), les "études de consommation, connaissance de l'existant" (déclaration Danone) ;

Que pour l'aide au positionnement des produits en magasin, ainsi que l'incitation à la vente des produits, il apparaît que les magasins U traitent directement avec les fournisseurs : qu'en effet, les recommandations données par la Centrale restent très générales, ne prennent pas en compte les spécificités locales et en fait, par leur expérience, leur expertise, par les informations dont ils disposent, ce sont les fournisseurs qui réalisent ce travail directement avec les magasins (" La centrale nous adresse une préconisation répondant à une analyse régionale. Le fournisseur lui amènera une analyse plus fine en fonction de notre environnement commercial et socio-économique" (déclaration du directeur de supermarché de Plessis-Trevise)) ;

Que pour l'incitation à la vente, il apparaît que les produits peuvent être proposés pendant plusieurs années de suite cependant que le lancement de nouveaux produits doit faire l'objet d'un contrat de coopération commerciale distinct dont l'objet est la "mise en place de nouveaux produits" et la rémunération distincte de celle du service TAC ; que les magasins "attendent des conseils non seulement sur l'assortiment mais aussi sur l'agencement des produits en rayon" des fournisseurs (déclaration Danone), que le directeur du magasin U de Rosny-sous-bois indique être en partenariat avec Yoplait pour tester un nouveau concept d'implantation ; que c'est l'aide des fournisseurs qui est le plus appréciée des magasins, le directeur du magasin U de Champigny fait état de la "valeur ajoutée apportée par le fournisseur", partie prenante,

Considérant qu'il résulte de ces motifs que le service TAC ne correspond à rien et qu'il est par conséquent fictif ; que la centrale Système U ne peut demander aux fournisseurs de payer un service qu'ils fournissent eux-mêmes,

Considérant que les attestations remises par Système U émanant des fournisseurs concernés par cette procédure, le paiement sans réserve qu'ils ont pu faire pour le "service rendu" ne peuvent utilement contredire ces constatations que le service ne correspond à rien : que si Système U relève que ces fournisseurs sont des multinationales ayant les moyens juridiques et financiers de résister à conclure des contrats qui ne correspondraient à aucune prestation de la part de Système U, il y a lieu d'observer tout d'abord, que les attestations de ces fournisseurs n'apparaissent pas spontanées, ayant été manifestement obtenues après des réunions et discussions avec le mandataire ad hoc désigné par le Président du tribunal de commerce, et ensuite, que même si Système U a une part de marché relativement peu importante, les sociétés Danone, Yoplait, Nestle et Lavazza ne peuvent courir le risque de voir leurs produits déréférencés par cette centrale nationale ;

Considérant que la progression du chiffre d'affaires des quatre fournisseurs en 2002 et 2003 invoquée par Système U pour soutenir qu'elle a apporté aux fournisseurs dans le cadre du service TAC son expertise sur l'analyse, la compréhension et l'anticipation des attentes du consommateur doit être appréciée au regard de l'augmentation de la surface de vente de Système U de 35,5 % entre 2000 et 2004, et le ministre souligne opportunément que l'augmentation de la surface de vente fait l'objet d'une facturation pour service "opération promotionnelle d'ouverture et de réouverture" qui a été payée par les quatre fournisseurs en cause,

Considérant ensuite que les études de satisfaction des consommateurs ne sauraient justifier la réalité du service rendu par Système U Centrale Nationale,

Considérant enfin, que mettant en avant son statut légal, la Centrale Nationale valorise l'enseigne, communique sur celle-ci grâce à ces contrats ; qu'il n'y a ici aucun avantage spécifique permettant au fournisseur d'enrichir sa politique commerciale ou de remettre en cause sa stratégie,

Considérant qu'il résulte de ces motifs que le service TAC est fictif, que Système U Centrale Nationale ne peut exiger rémunération pour un service qu'elle n'a pas donné sans violation des dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce ; que la demande en annulation du contrat de coopération commerciale doit être accueillie et qu'il sera ordonné à Système U Centrale Nationale de cesser ces pratiques illicites,

Considérant que le jugement sera confirmé,

- Sur les condamnations prononcées par le Tribunal de commerce de Créteil

Considérant que Système U rappelle qu'elle est une union de coopératives de commerçants indépendants qui n'a pas vocation à réaliser des bénéfices, qu'elle n'est pas en mesure de faire face au paiement de cette somme de 76 871 390,28 euros et serait alors en état de cessation de paiement ; qu'elle soutient que chaque Magasin U devrait en moyenne payer une somme supérieure à 90 000 euros, qu'une décision de condamnation engendrerait un risque de déstabilisation des Magasins U, que Maître Ségard estime que la liquidation judiciaire en cas de condamnation de Système U, pourrait être envisagée,

Considérant que le ministre soutient que Système U peut faire face au paiement de 76,8 millions d'euros, relevant qu'aucune preuve factuelle de la fragilité économique du groupe n'a été apportée,

Mais considérant que la société Système U Centrale Nationale a conclu des contrats dans les circonstances ci-dessus rappelées et a encaissé les fonds remis par les fournisseurs au titre d'un service de coopération commerciale fictif ; que violant les dispositions de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce, elle doit en application de l'article L. 442-6 III être condamnée au paiement d'une amende civile que le tribunal a justement fixée et doit restituer les fonds perçus qu'elle a encaissés sans fournir de contrepartie,

Considérant que le jugement sera confirmé,

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement, Condamne la société Système U Centrale Nationale à payer au ministre la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Système U Centrale Nationale aux dépens.