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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 1 juillet 2016, n° 15-15864

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Centraser (SARL)

Défendeur :

Les Editions Neressis (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Lallement, Barthelemy, Teytaud, Diez

TGI Paris, 3e ch. sect. 22, du 5 juin 20…

5 juin 2015

La société Les Editions Néressis [ci-après : société Néressis] qui a pour activité l'édition, depuis 1975, d'une revue d'annonces immobilières intitulée " de particulier à particulier ", par la suite diffusées sur le site internet accessible à l'adresse <www .pap.fr>, précise qu'elle a réservé ce nom de domaine le 24 juillet 1996, que ce site bénéficie d'une importante notoriété, qu'elle peut, par ailleurs, se prévaloir de la titularité :

de la marque verbale française " P.A.P de particulier à particulier ", n° 1 518 035, déposée le 17 mai 1988 pour désigner les produits et services en classes 16, 35 et 41 en soutenant qu'il s'agit d'une marque notoire,

de la marque verbale communautaire " P.A.P. ", n° 06701973, déposée le 18 février 2008 pour désigner les produits et services en classes 16, 35, 38 et 41.

Elle expose qu'elle a fait procéder, le 07 mars 2013, à un constat sur le site <www nopap.fr> réservé par la société Centraser SARL ayant son siège social à Arcachon - laquelle se présente comme étant à l'origine de diverses activités liées à l'immobilier parmi lesquelles un centre de formation spécialisé en ce domaine et précise que le site <ProVeAc > qu'elle édite (acronyme de Professionnel-Vendeur-Acquéreur) était initialement dénommé "<nopap> pour indiquer la prudence avec laquelle il convient d'envisager les transactions entre particuliers ' et qu'estimant que ce site portait atteinte à ses marques, constituait une véritable diatribe à son encontre et dénigrait, en outre, son économie et son activité, elle a d'abord introduit une action en référé à l'encontre de la société Centraser aux fins d'obtenir une mesure d'interdiction et l'allocation d'une indemnité provisionnelle.

Par ordonnance rendue le 3 mai 2013, le juge des référés a condamné la société Centraser au paiement d'une provision mais dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes d'interdiction (du fait que le site litigieux n'était plus actif) ainsi que sur les griefs de dénigrement et d'atteinte au nom de domaine.

Par arrêt rendu le 26 juin 2014, la cour d'appel de Paris a infirmé cette ordonnance en sa disposition relative à l'atteinte à la marque de renommée tiré de l'usage de l'acronyme " PAP " au sein du nom de domaine <nopap>.

C'est dans ce contexte que, par acte du 30 mai 2013, la société Néressis a assigné au fond la société Centraser en contrefaçon de la marque communautaire précitée et pour atteinte à la marque française renommée également précitée ainsi que pour atteinte à son nom de domaine et dénigrement.

Par jugement contradictoire rendu le 5 juin 2015 le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et sans assortir sa décision de l'exécution provisoire :

' dit qu'en choisissant et en exploitant le nom de domaine <nopap.fr >, en faisant usage sur ce site des mots " PAP " et " noPAP " la société Centraser a porté atteinte à la marque française de renommée n° 1 518 035 et l'a condamnée à verser à la société Néressis la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi,

' dit qu'en faisant usage sur le site <nopap.fr> du terme " PAP ", elle a commis des actes de contrefaçon de la marque communautaire n° 6701973 et l'a condamnée au paiement de la somme indemnitaire de 5 000 euros,

' dit qu'en réservant et exploitant le nom de domaine <nopap.fr>, elle a enfin commis une faute au préjudice de la société Néressis en la condamnant à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette atteinte,

' prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte ainsi qu'une mesure de publication dans deux périodiques,

' condamné la société Centraser à payer à la requérante la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 18 février 2016, la société à responsabilité limitée Centraser, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa de l'article 9 du règlement CE 207/2009 du 26 février 2009, des articles L. 713-2, L. 713-3, L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et 31 du Code de procédure civile, de confirmer le jugement en ses dispositions rejetant la demande relative aux faits de dénigrement en déboutant l'intimée de son appel incident sur ce point, de l'infirmer pour le surplus et :

' au constat d'une nouvelle dénomination du site "<nopap> depuis avril 2013, soit : <ProVeAc>, et de l'absence de reproduction de l'expression " de particulier à particulier " ou de son abréviation " PAP " sur celui-là, de dire n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure d'interdiction quant à l'utilisation de ces termes,

' sous divers constats tenant à l'usage du signe " PAP " dans son sens courant comme abréviation de " particulier à particulier " et non à titre de marque, de l'absence d'identité des signes et de similarité des services proposés et, en tout état de cause, à l'absence de risque de confusion entre les services, de considérer qu'elle n'a pas commis d'acte de contrefaçon de la marque communautaire " PAP " en cause,

' au constat de l'usage du signe " de particulier à particulier " dans son sens courant et non à titre de marque et, par ailleurs, de l'absence de preuve d'atteinte à la distinctivité et à la renommée de la marque notoire ainsi que du profit qui en aurait été indûment tiré, de considérer qu'elle n'a pas porté atteinte à la marque française notoire " PAP - De Particulier à Particulier " en cause,

' de considérer, en tout état de cause, que la société Néressis ne rapporte pas la preuve de l'atteinte à ses droits de marque,

' de considérer que la brève exploitation du nom de domaine <nopap.fr> n'a pu engendrer un risque de confusion avec les activités exercées par la requérante sur le site <pap.fr> ni porter atteinte à ce nom de domaine au sens de l'article 1382 du Code civil,

' de condamner l'intimée à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2015, la société par actions simplifiée à associé unique Editions Néressisprie, en substance, la cour, au visa des articles L. 713-5, L. 713-2, L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 et 1383 du Code civil,

' de confirmer le jugement en ses dispositions retenant la contrefaçon de la marque communautaire, l'atteinte à sa marque notoire française et l'atteinte à son nom de domaine,

' de l'infirmer en ce qu'elle a écarté l'existence d'actes de dénigrement à son préjudice et d'en retenir l'existence, au sens de l'article 1382 du Code civil,

' de condamner la société Centraser à lui verser les sommes de 30 000 euros, 15 000 euros, 15 000 euros et 15 000 euros en réparation, respectivement, de l'atteinte à la marque notoire n°1 518 035, de la contrefaçon du titre de son journal " de particulier à particulier ", de l'atteinte à son nom de domaine <pap.fr> et de son préjudice résultant des actes de dénigrement,

' de condamner l'appelante à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

SUR CE,

Sur la contrefaçon de la marque verbale communautaire " PAP " par le nom de domaine <nopap> et l'usage du signe " pap " sur le site accessible par cette adresse

Considérant que l'appelante poursuit l'infirmation partielle du jugement qui a, certes, considéré que le nom de domaine <nopap> n'est pas contrefaisant mais que l'est, en revanche, l'usage du signe <pap> sur le site auquel il permet d'accéder, en faisant valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 9 § 1 sous b) du règlement 207/2009 selon lequel " le titulaire (du droit) est habilité à faire interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires : (') b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public (.) " ;

Qu'elle se prévaut de la circonstance selon laquelle l'utilisation dans son sens courant du vocable " PAP ", acronyme usuel de l'expression " de particulier à particulier ", est descriptif des ventes entre particuliers et ne vise pas à distinguer des produits ou services ;

Qu'elle expose, de plus, que les signes en présence ne sont pas identiques du fait de l'adjonction du préfixe négatif " n° " accolé à " pap " et que la preuve d'un risque de confusion n'est pas administrée que le consommateur d'attention moyenne ne pourra raisonnablement croire qu'un groupement de professionnels de l'immobilier critiquant les ventes entre particuliers et un site proposant des transactions immobilières sans intermédiaire ont une même origine commerciale, pas plus qu'il ne pourra penser à une diversification de l'activité de la société Néressis, d'autant que le contenu du site <nopap>, différent de l'édition par l'intimée de petites annonces sans contenu éditorial, est d'ordre critique et polémique et manifeste le refus des ventes entre particuliers dans la plus élémentaire des libertés que constitue celle de s'exprimer ; qu'elle rappelle enfin que l'atteinte à un droit de marque par un acte de contrefaçon n'est constituée qu'en cas d'atteinte à la fonction de garantie d'identité d'origine et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte effectivement des enseignements de la juridiction communautaire que l'atteinte à la marque suppose que le signe litigieux soit utilisé dans la vie des affaires pour désigner des produits ou services ou, en présence d'un signe distinctif non protégé par le droit de marque, pour identifier une activité économique ;

Que le nom de domaine litigieux réservé par la société Centraser identifie le site où elle présente ses activités dans le domaine de la vente immobilière en en permettant l'accès ;

Qu'à l'analyse et contrairement à ce qu'elle soutient, l'usage qu'elle fait de l'acronyme " pap " vise à promouvoir, dans la vie des affaires, le recours aux services de professionnels de l'immobilier et à obtenir un avantage économique à leur profit si bien qu'il est de nature à compromettre les fonctions de la marque dont la société Néressis est titulaire ;

Qu'à cet égard, la société Centraser ne peut être suivie lorsqu'elle évoque l'usage de cet acronyme dans un sens courant dès lors que rien ne permet de considérer qu'il peut être tenu pour un terme descriptif ou générique du langage courant ou professionnel, d'autant qu'il est distinctif à l'égard des produits et services d'une entreprise connue de longue date d'un large public ;

Qu'elle ne le peut, non plus, lorsqu'elle se prévaut d'un détournement à des fins militantes dans la mesure où l'utilisation du signe au sein du nom de domaine litigieux ou du contenu éditorial du site en question ne permet pas de considérer qu'il soit étranger à la vie des affaires, comme il a été dit, ou qu'il n'exerce pas une fonction de désignation d'activités économiques ; que si la société Centraser laisse entendre qu'elle en a fait usage dans un but d'intérêt général, à savoir : sécuriser les transactions immobilières de particuliers, le moyen employé consistant à ne viser qu'une entreprise déterminée et les services couverts par sa marque, ne peut, en toute hypothèse, être considéré comme proportionné au but poursuivi ;

Que, s'agissant du risque de confusion entre les services désignés par la marque et l'activité de la société Centraser identifiée par le nom de domaine qu'elle a réservé, il convient de tenir compte, pour apprécier leurs similitudes, de tous les facteurs pertinents caractérisant leurs rapports, lesquels incluent, en particulier, leurs nature, destination, utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ;

Qu'en l'espèce, les services couverts par la marque communautaire, en particulier en classes 35 et 38, portent sur le marché de l'immobilier, à l'instar de l'activité de la société Centraser ; qu'ils sont, en outre, destinés à une même clientèle de particuliers, selon de semblables modes de communication, et peuvent être tenus pour concurrents ou complémentaires ;

Que l'appelante n'est donc pas fondée à se prévaloir d'une absence de similitude entre eux ;

Que le signe critiqué <nopap> ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque communautaire, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion (lequel comprend le risque d'association) qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'en outre, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement ;

Que, visuellement, quand bien même la marque communautaire " PAP " calligraphiée en lettres noires majuscules sans points d'abréviation ne se présente pas de la même façon que la racine du nom de domaine <nopap>, en minuscules et d'une longueur supérieure, il n'en demeure pas moins que ce dernier inclut en son entier, en sa désinence et sans que la présence du préfixe " n° " ne vienne altérer cette séquence, la marque enregistrée d'une seule syllabe, distinctive en regard des services qu'elle désigne et dont la distinctivité doit être considérée comme élevée du fait de la large connaissance qu'en a le public puisque son site connaît, notamment, un taux de fréquentation mensuel de plus de 8 millions d'internautes ; que le consommateur sera conduit, de ce fait, à opérer un rapprochement entre eux ;

Qu'il en va de même phonétiquement, en dépit d'un rythme de prononciation en une ou deux syllabes légèrement différent du fait de la commune désinence, sonore, " pap " des signes en conflit ;

Que, conceptuellement et étant rappelé que le risque de confusion comprend le risque d'association, du fait de la proximité de ces deux signes, le consommateur sera conduit à percevoir le second comme désignant une déclinaison sous forme d'alternative de la marque enregistrée ;

Qu'il résulte de l'analyse globale ainsi menée que l'impression d'ensemble qui se dégage de la comparaison des signes <pap> et <nopap> est propre à générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui sera conduit, en raison de la reprise intégrale de la brève marque enregistrée, fortement distinctive, combinée à la similarité des services et activités en cause, à associer les deux signes et à leur attribuer une origine commune en forme de déclinaison de la marque antérieure ou à considérer qu'il peut exister un lien économique entre les entreprises en cause ;

Que, s'agissant de l'usage du terme " PAP ", en majuscules, émaillant le message diffusé sur le site internet de la société Centraser (" confronté (') aux problèmes que posent les ventes de PAP ", " comment combattre au quotidien les ventes de PAP ", .) ou sur des schémas (professionnels / PAP dans des encadrés), le risque de confusion ci-avant retenu se trouve renforcé puisqu'est employée la séquence " PAP " à diverses reprises précédé du terme " de " ; qu'il l'est d'autant plus que l'internaute est, notamment, invité à participer à un " projet de loi 2013 sur la fin des transactions de " particulier à particulier " ;

Qu'il suit que la société Centraser n'est pas fondée en son appel et que doit être confirmée la disposition du jugement retenant les faits de contrefaçon de la marque communautaire, entendus par la cour comme se rapportant à l'usage fautif du nom de domaine et au terme " PAP " tel qu'employé dans les divers messages diffusés sur internet ;

Sur l'atteinte à la marque verbale française jouissant d'une renommée " PAP De Particulier A Particulier "

Considérant qu'eu égard à ce qui précède, c'est par motifs inopérants que la société Centraser qui ne conteste pas la notoriété de cette marque se prévaut d'un usage polémique étranger à la vie des affaires du terme " PAP " ou de la reproduction de ce signe dans son sens courant, à savoir la désignation de manière générique des ventes entre particuliers, quand bien même il s'agirait d'une marque notoire ;

Que rappelant les termes de l'article L. 713-5 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, elle estime que l'atteinte à la marque renommée suppose que l'usage du signe litigieux soit réalisé à dessein, pour désigner des produits mêmes non similaires et dans le but de se rattacher à la renommée du signe ainsi usurpé et que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit d'un usage usuel et qu'en outre, n'est pas repris l'intitulé exact de cette marque sur aucune des pages internet ;

Que par ailleurs, s'agissant de l'atteinte portée au caractère distinctif ou à la renommée de la marque, l'appelante fait valoir que la juridiction européenne exige de son titulaire qu'il démontre une modification du comportement économique du consommateur moyen (CJCE, 27 nov. 2008, Intel Corporation), ce dont s'abstient l'intimée de la même façon qu'elle ne démontre pas l'avantage par elle-même tiré de l'usage du signe ou encore le fait que cette marque notoire jouit d'une image particulièrement positive ou de prestige à même de faciliter l'exploitation de ses propres activités ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il est désormais constant que l'emploi d'un signe identique ou similaire à une marque jouissant d'une renommée engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice à son titulaire ou constitue une exploitation injustifiée de la marque ; qu'il importe donc peu que ne soit pas repris l'intitulé exact de la marque ;

Que, s'agissant du rapprochement que le public sera conduit à opérer entre les signes en conflit portant sur des services et activités similaires ou complémentaires, dès lors qu'a été retenue précédemment l'existence d'un risque de confusion entre ceux-ci, le lien que le public pertinent sera conduit à faire entre eux est nécessairement établi ;

Que, s'agissant de la démonstration de l'atteinte à la marque de renommée, eu égard aux termes de l'article 5 § 2 de la directive 2008/95 à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, il incombe à la société Néressis, comme le soutient l'appelante, de rapporter la preuve du préjudice qui a été porté au caractère distinctif de la marque ou à sa renommée ou encore d'établir que la société Centraser en a indûment tiré profit ;

Que l'intimée fait seulement état dans ses écritures de l'avantage tiré par son adversaire de l'usage de sa marque en indiquant qu'il a " manifestement bénéficié indûment de la renommée de la marque notoire de la société et des investissements qui lui sont consacrés pour développer de façon parasitaire sa propre activité commerciale, étant entendu qu'une cotisation payante de 65 euros " (sic) ;

Qu'à admettre, comme le soutient la société Centraser pour réfuter ce moyen, que la cotisation annuelle de 65 euros réclamée pour adhérer au groupement promu par le site accessible à l'adresse <nopap> n'ait servi qu'à la simple couverture de frais, l'absence de profit économique chiffrable ne suffit pas pour la dédouaner de toute responsabilité à cet égard dès lors que la faute demeure caractérisée si l'auteur de l'atteinte, afin de favoriser sa propre activité, a pu tirer profit de la force attractive attachée à la marque, du fait de sa distinctivité ou de sa renommée, et que tel est le cas en l'espèce ;

Que l'utilisation de la marque renommée auprès d'un public concerné par les ventes immobilières entre particuliers, laquelle constitue partie des services couverts par cette marque, qui pourrait croire à une offre alternative, ceci plutôt que tout autre terme véhiculant la même idée d'alternative (tel celui qu'a pu choisir la société Centraser - <ProVeAc> - après mise en demeure de la société Néressis) doit, en effet, être considéré comme un profit indûment tiré de la distinctivité ou de la renommée de la marque en cause, compte tenu de l'attractivité que la marque a pu acquérir du fait son implantation et des efforts humains et financiers déployés sur une longue période afin d'y parvenir ;

Que le jugement sera donc confirmé en cette disposition ;

Sur l'atteinte au nom de domaine <pap.fr>

Considérant que l'appelante reprend l'argumentation développée devant les premiers juges tenant au fait que la réservation d'un nom de domaine ne fait pas naître un droit privatif et que l'action de ce chef, fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, suppose la démonstration, en l'espèce non satisfaite, à son sens, d'un risque de confusion ;

Qu'elle souligne le caractère adéquat de l'emploi de l'abréviation " pap " pour véhiculer son message et faire naître un débat d'intérêt général, estime que son usage correspond à une référence nécessaire et qu'en l'absence de tout risque de confusion, il relève de sa liberté d'expression ; que, de surcroît, ajoute-t-elle, l'intimée n'est pas à même de rapporter la preuve de sa mauvaise foi ou l'existence d'un quelconque préjudice, critiquant à cet égard les premiers juges qui, après avoir énoncé qu'aucun préjudice commercial quantifiable découlant de ce grief n'était établi, n'en ont pas moins, arbitrairement selon elle, évalué le préjudice de la société Néressis à la somme de 5 000 euros ;

Considérant, ceci étant exposé, que la société Centraser ne peut valablement se prévaloir de l'exercice de droits et libertés fondamentales comme énoncé plus avant ;

Que le risque de confusion, comprenant le risque d'association, a pertinemment été retenu par le tribunal, par motifs circonstanciés que la cour fait siens, de même qu'il a pu juger que la réservation du nom de domaine <nopap> cause nécessairement un trouble au réservataire du nom de domaine <pap>, largement connu des internautes, dont l'activité économique se voit critiquée au moyen d'un choix non fortuit de nom de domaine ;

Que la demande d'infirmation du jugement de ce chef sera, par conséquent, rejetée ;

Sur les faits de dénigrement

Considérant que, formant appel incident, la société Néressis soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui, pour rejeter sa demande, énonce qu'elle n'est pas expressément visée pas plus que les annonces immobilières particulières qu'elle diffuse, et que le contenu des écrits n'excède pas les limites de la liberté d'expression, la société Centraser a abusé de son droit à la libre critique " qui doit être objective, neutre et justifiée " et que le fait de répandre sur un concurrent des propos malveillants, comme le révèle en l'espèce le contenu rédactionnel publié sur le site de la société Centraser, constitue un acte de concurrence déloyal fautif ;

Considérant, ceci exposé, que s'il ne saurait être contesté, comme revendiqué par la société Centraser, qu'un concurrent peut librement s'exprimer pour la défense de ses propres intérêts, voire recourir à une certaine emphase pour mettre en valeur les mérites de son activité, encore faut-il, s'il use d'un message porteur de critiques à l'égard de la concurrence, que celle-ci reste mesurée dans son contenu ;

Que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et à ce que soutient la société Centraser pour sa défense,

la société Néressis, si elle n'est pas expressément citée dans le contenu éditorial du site de la société Centraser reste aisément identifiable et que cette dernière n'est pas fondée à prétendre incidemment que la société Néressis est irrecevable à agir pour la défense d'un intérêt collectif, lequel n'est que prétendu ;

Qu'à cet égard, force est de constater que le texte, en écho au nom de domaine choisi, est émaillé de références, sans nécessité puisque de multiples alternatives sont possibles pour exprimer le même type de convention, à " PAP " précédé du terme " de " ; que, dans le contexte des propos tels que formulés, l'emploi de cet article ne peut être tenu, ainsi que l'affirme la société Centraser, pour une facilité de langage désignant de manière générique un ensemble de ventes entre particuliers, mais constitue un élément de rattachement aux produits et services exploités sous la marque " PAP " ; que l'identification résulte également de la mention figurant de manière récurrente sur les diverses entrées du site, à savoir : << (c) 2013 NoPap : Projet de loi 2013 sur la fin des transactions de " Particulier à Particulier ">> (guillemets et majuscules figurant en pièce 1 de la société Néressis/ procès-verbal de constat du 7 mars 2013) ;

Que la lecture de divers propos consignés dans le site litigieux qui a pour destinataire la communauté des internautes, ajoutée à l'insertion, en page d'accueil (annexe 1 du PV), de tableaux visualisant des données chiffrées singulièrement défavorables à l'intimée sur le contentieux et les pertes induits par les ventes entre particuliers (" chimériques " selon la société Néressis et, en tout cas, dont les sources ne sont pas précisées) conduisent la cour à considérer que la société Centraser s'est départie d'une prudence élémentaire dans sa critique en excédant de façon répétitive ce que tolère son exercice mesuré ;

Que cela ressort notamment de phrases reprises par l'intimée, telles :

" (') noPAP est né de la réflexion de Claude Bas, patron d'un jeune réseau d'agences immobilières confronté comme tous nos compatriotes aux problèmes que posent les ventes de PAP ",

" (') salariés de l'immobilier, agents commerciaux, auto-entrepreneurs, mandataires, ETTP, portage salarial, promoteurs, gestionnaires locatifs, portails professionnels, et même clients ayant subi les affres d'une procédure consécutive à un achat de PAP. tous doivent s'exprimer individuellement avec noPAP de manière indépendante et libre ",

" chaque agent immobilier, autour de son secteur, doit devenir lui-même " ce prince " notable représentatif, il doit dénoncer les dangers de telles transactions de PAP et nul n'est besoin de faire des réunions, des salamalecs, (.) " ;

Qu'il en résulte que la société Néressis qui peut légitimement se plaindre d'une atteinte portée à sa réputation, voire à ses capacités de concurrence, du fait de ces actes de dénigrement, est recevable et fondée en son action à ce dernier titre et que doit être infirmé le jugement qui en décide autrement (en omettant, ce faisant, de reprendre cette décision dans son dispositif) ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que pour voir substantiellement majorer le montant des indemnisations que lui a allouées le tribunal, la société Néressis fait état de la mauvaise foi de la société Centraser et du préjudice qu'elle a subi, sans davantage d'éléments permettant de considérer que le tribunal a sous-évalué la réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de la marque communautaire et de l'atteinte tant à la marque renommée dont elle est titulaire qu'au nom de domaine qu'elle a réservé

Que, dans ces conditions, pas plus qu'il n'y a lieu de considérer que son préjudice est inexistant, comme voudrait le voir juger la société Centraser, il n'y a pas lieu de modifier le quantum des sommes allouées par le tribunal, eu égard, en particulier, aux substitutions terminologiques rapidement mises en œuvre par la société Centraser, réservant notamment le nom de domaine <ProVeAc> ;

Que l'appelante qui poursuit l'infirmation du jugement ne développe aucune argumentation précise sur les autres mesures réparatrices ordonnées ;

Considérant, s'agissant de l'indemnisation des faits de dénigrement retenus par la cour, qu'il convient d'indemniser l'atteinte portée à la réputation de la société Néressis et à ses capacités concurrentielles en lui allouant une somme de 5 000 euros à ce titre ;

Sur les autres demandes

Considérant que l'équité conduit à condamner la société Centraser à verser à la société Néressis une somme complémentaire de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de demande, la société Centraser qui succombe supportera les dépens d'appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande fondée sur le dénigrement et, statuant à nouveau en y ajoutant ; Dit qu'en excédant les limites que permet l'exercice de la libre critique sur le site accessible à l'adresse <www nopap>, la société Centraser SARL a commis des actes de dénigrement au préjudice de la société Les Editions Néressis Sasu ; Condamne, en conséquence, la société Centraser SARL à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de ce préjudice ; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ; Condamne la société Centraser SARL à verser à la société Les Editions Néressis Sasu une somme complémentaire de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.