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Décisions

Cass. com., 21 juin 2016, n° 14-29.874

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Saint-Cyr (Sté)

Défendeur :

Bricocyr (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocat :

Me Richard

Bordeaux, du 27 nov. 2014

27 novembre 2014

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Saint-Cyr capitalisation que sur le pourvoi incident relevé par M. et Mme X : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 3 septembre 2001, M. et Mme X ont cédé à la société Saint-Cyr capitalisation (la société Saint-Cyr) l'intégralité des actions de la société Bricocyr qui exploitait un magasin de bricolage à l'enseigne " Monsieur Bricolage " ; que dans l'acte de cession les époux X indiquaient ne pas avoir connaissance d'un événement pouvant avoir un effet défavorable sur la situation, l'activité ou le fonctionnement de la société ; qu'ayant appris l'existence d'un projet d'implantation, à proximité, d'un commerce de bricolage à l'enseigne " Leroy Merlin ", la société Saint-Cyr a assigné les cédants en dommages-intérêts ; que par un arrêt du 7 avril 2005, devenu irrévocable, la cour d'appel de Rouen a dit que M. et Mme X avaient commis un dol par réticence et rejeté les demandes de la société Saint-Cyr au titre de la réduction du prix et de divers préjudices ; que le magasin à l'enseigne Leroy Merlin ayant ouvert ses portes au mois de mai 2006, la société Saint-Cyr a assigné les époux X en dommages-intérêts le 18 août 2011 ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de M. et Mme X, qui est préalable : - Attendu que M. et Mme X font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Saint-Cyr tendant à l'indemnisation de son préjudice lié à leur réticence dolosive alors, selon le moyen : 1°) qu'il y a autorité de la chose jugée lorsque la même question litigieuse oppose les mêmes parties prises en la même qualité et procède de la même cause que la précédente ; qu'il ressort des propres constations de l'arrêt attaqué que la société Saint-Cyr capitalisation avait été déboutée, par un arrêt définitif de la cour d'appel de Rouen du 7 avril 2005, de sa demande de réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de la réticence dolosive des époux X dans la cession litigieuse des actions de la société Bricocyr ; qu'en considérant néanmoins que les époux X ne peuvent opposer l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 7 avril 2005, qui concernait les mêmes parties et la même cause qu'à la présente instance, aux demandes d'indemnisation de la société SAS Saint-Cyr Capitalisation, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du Code civil ; 2°) que l'événement postérieur qui permet d'écarter l'autorité de la chose jugée doit venir modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; que par son arrêt définitif du 7 avril 2005, la cour d'appel de Rouen a débouté la société Saint-Cyr Capitalisation de sa demande de réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de la réticence dolosive des époux X, qui lui avait dissimulé l'ouverture prochaine d'un magasin Leroy Merlin directement concurrent du fonds de commerce dont ils lui vendaient les parts ; qu'en considérant que l'ouverture du magasin Leroy Merlin, postérieur à cette décision, était venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice cependant que cet événement était sans lien avec le préjudice résultant pour la société du fait que la connaissance du projet d'implantation lui aurait permis de négocier un prix moins élevé, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, qu'il résulte des motifs de l'arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 7 avril 2005, qui éclairent son dispositif, que les demandes formées par la société Saint-Cyr au titre du résultat d'exploitation, de la résiliation du contrat de crédit-bail et de la perte d'une chance de devenir propriétaire ont été rejetées en ce qu'elles étaient prématurées tant que le magasin à l'enseigne " Leroy Merlin " n'aurait pas commencé à être exploité ; qu'il constate, ensuite, que ce magasin a ouvert ses portes au mois de mai 2006 ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a déduit de ces constatations et appréciations que des événements postérieurs au premier arrêt sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice et que la société Saint-Cyr était recevable à demander l'indemnisation des préjudices qu'elle invoquait au titre de la perte du chiffre d'affaires et des frais de déménagement et de réinstallation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche : - Vu les articles 1116 et 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner M. et Mme X à payer une certaine somme à la société Saint-Cyr à titre de dommages-intérêts au titre des pertes subies et du gain manqué causés par le dol, l'arrêt relève que cette dernière leur réclame paiement de la somme de 450 000 euros au titre du gain manqué sur les exercices 2006 à 2008, soit 150 000 euros par exercice ; qu'il retient qu'il est justifié qu'à compter de l'exercice 2005/2006 le chiffre d'affaires a diminué et les résultats sont devenus déficitaires et que ces mauvais résultats, notamment ceux du dernier exercice, peuvent s'expliquer en partie par la décision prise en 2006 de vendre le terrain et partant de fermer le magasin, décision de nature à ralentir l'activité, ce qui a été fait en septembre 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Saint-Cyr ayant fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat à la suite du dol dont elle avait été victime, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses, ou de ne pas contracter, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, Casse et annule, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamne les époux X à payer à la société Saint-Cyr capitalisation une somme de 60 000 euros de dommages-intérêts outre celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.