Cass. crim., 29 juin 2016, n° 15-81.890
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme Planchon
Avocat général :
M. Le Baut
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, Me Ricard
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, venant aux droits de la société Y, contre l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Nîmes, en date du 10 février 2015, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du Code de commerce, 56, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a limité l'annulation des saisies opérées le 5 décembre 2013 par les agents de la Direction interrégionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, lors de la visite des locaux de la SASU Y situés <adresse>, en ce qu'elles portent sur les quatre-vingt-dix fichiers, dont la liste est annexée aux conclusions du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, dont une copie demeurera annexée à la minute de la présente et ordonné la restitution de ces seules pièces par destruction ;
"aux motifs qu'il convient de relever en premier lieu qu'aucune critique ni réserve n'a été formulée en ce qui concerne la saisie des documents papiers ou du tirage sur support papier des documents informatiques placés sous scellés 1 et 2, tant dans le cadre des écritures de la SASU X, que lors du déroulement de la visite, de sorte que ces saisies ayant par ailleurs été accomplies dans le respect des textes en vigueur et de l'ordonnance d'autorisation, il n'y a pas lieu de procéder à leur annulation, quand bien même les critiques formulées quant à la saisie des documents et fichiers informatiques seraient fondées en tout ou partie ; que s'agissant de cette saisie des fichiers et documents informatiques, effectuée en présence de M. A, lequel a donc été en mesure de vérifier l'exactitude des points relevés, le procès-verbal indique qu'il a été constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire dans l'ordinateur portable de celui-ci, dont il a été effectué une analyse approfondie, et qu'il en a été extrait des fichiers après avoir été procédé à leur authentification numérique, dont il a été fait un inventaire informatique, saisi et gravé sur CD-R placé en annexe 2 au procès-verbal, lesdits fichiers ayant été gravés sur deux DVD-R vierges non réinscriptibles, en deux exemplaires, dont l'un laissé à la SASU Y, M. A ayant reçu copie de l'ensemble des documents, l'autre placé sous scellé n° 3 ; que si M. A, en recevant copie du CD-ROM a émis la réserve qu'il ne lui était pas possible, en l'absence de liste figurant au procès-verbal, de s'assurer que tous les fichiers ainsi saisis, eu égard à leur nombre, avaient un rapport direct et certain avec les marchés visés à l'ordonnance, il a néanmoins été ainsi mis en mesure de vérifier, au moyen des copies qui lui ont été remises, que ces fichiers entraient en tout ou partie dans le champ de l'autorisation, qui n'était pas limitée aux marchés visés dans la requête du représentant du ministre de l'économie ; qu'il s'ensuit que contrairement aux affirmations de la SASU X, la visite et la saisie s'est bien déroulée dans le respect des dispositions de l'article 56 du code de procédure pénale et des droits de la défense ; qu'ensuite, il ressort de l'inventaire des fichiers informatiques saisis, que ceux qui ont été sélectionnés à partir de mots-clefs par le logiciel de recherche, sont au nombre de 227 sur 602 763 fichiers analysés, de sorte que contrairement aux affirmations de la SASU X, il n'a pas été procédé à une saisie massive et indifférenciée des fichiers et documents informatiques, l'intitulé des fichiers inventoriés permettant par ailleurs à l'occupant des lieux de s'assurer, qu'ils présentent des éléments entrant dans le champ de l'autorisation, ou présentent un intérêt pour l'enquête, celui-ci ayant été mis en mesure, au moyen de la copie du DVD-R qui lui a été remise, de vérifier les documents qui à l'intérieur de ces fichiers seraient susceptibles d'en être extraits pour lui être restitués ; que d'ailleurs, il ressort des écritures de la demanderesse au recours, à qui il incombe d'identifier les documents qui n'entreraient pas selon elle dans le champ de l'autorisation, qu'elle a été en mesure de le faire pour les documents visés dans ses conclusions ; que s'agissant de ces documents, le représentant du ministre de l'économie lui objecte à bon droit que dans la mesure où les documents litigieux étaient présents dans les locaux de la SASU Y ils peuvent être saisis, même s'ils concernent une autre personne que le titulaire de l'ordinateur où ils sont stockés (documents de la dame B) ou des archives anciennes enregistrées alors que M. A étaient employé dans une autre société, dès lors qu'ils sont susceptibles d'être en relation avec l'objet de l'enquête ; que l'entreprise Z est l'une de celle visées par l'ordonnance d'autorisation ; que le mémoire W concernait la SASU Y et se rapporte à un marché de l'éclairage public ; que pour autant, à l'exception de ce dernier document, les quatre-vingt-dix autres fichiers cités aux conclusions de la demanderesse au recours se révèlent étrangers au champ de l'autorisation et à l'enquête, ce que reconnaît la DIRECCTE ; qu'il convient en conséquence d'annuler partiellement la saisie en ce qui les concerne et d'en ordonner la restitution par voie de destruction ;
"1°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'en considérant que quand bien même les critiques formulées quant à la saisie des documents et fichiers informatiques seraient fondées en tout ou partie, la saisie avait eu lieu dans le respect des textes en vigueur ou encore que ladite saisie était régulière, dès lors qu'un DVD non réinscriptible avait été remis au représentant de la société, le conseiller délégué qui a refusé de procéder à l'examen concret des pièces saisies, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce ;
"2°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, ne peut, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs se borner à apprécier la seule régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'annuler la saisie de l'essentiel des pièces, que ces saisies ont été accomplies dans le respect des textes en vigueur et de l'ordonnance d'autorisation, la cour d'appel qui a refusé d'exercer son contrôle de pleine juridiction a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et L. 450-4 du Code de commerce ;
"3°) alors qu'à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d'appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, ne peut, sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs se borner à apprécier la seule régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu'en se bornant à ordonner la restitution des pièces, que l'Administration, elle-même, acceptait de restituer, la cour d'appel qui n'a procédé à aucun contrôle concret de proportionnalité, a violé de plus fort les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 450-4 du Code de commerce ;
"4°) alors que le juge est désormais tenu d'exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu'en se bornant à affirmer pour dire que la saisie n'avait pas été massive est indifférenciée que les fichiers informatiques " qui ont été sélectionnés à partir de mots-clefs par le logiciel de recherche, sont au nombre de 227 sur 602 763 fichiers analysés ", sans vérifier la pertinence des mots clefs utilisés par l'Administration, la cour d'appel qui n'a pas exercé son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"5°) alors que le juge est désormais tenu d'exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu'en se bornant à affirmer pour dire que la saisie n'avait pas été massive et indifférenciée que les fichiers informatiques " qui ont été sélectionnés à partir de mots-clefs par le logiciel de recherche, sont au nombre de 227 sur 602 763 fichiers analysés ", sans répondre au moyen déterminant de la société X établissant que certains fichiers inventoriés contiennent en réalité chacun plusieurs milliers de documents, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
"6°) alors qu'il appartient à l'administration de la concurrence de rapporter la preuve que seuls des documents entrant dans le champ de l'autorisation délivrée ont été saisis ; qu'en affirmant au contraire, qu'il incombe à la demanderesse au recours d'identifier les documents qui n'entreraient pas selon elle dans le champ de l'autorisation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé contre les opérations de visite, l'ordonnance prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que, d'une part, les agents de l'Administration ont procédé à une saisie sélective de certains fichiers à partir de mots-clés dont ils n'avaient pas à rendre compte et sur lesquels le premier président n'était pas tenu de se fonder, et d'autre part, les représentants de l'occupant des lieux ont reçu, avant la saisie, un inventaire des fichiers saisis ainsi qu'une copie de ceux-ci et ont été mis en mesure d'en prendre connaissance, le premier président de la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions dont il était saisi et qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette le pourvoi.