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Décisions

ADLC, 6 juillet 2016, n° 16-D-15

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer

ADLC n° 16-D-15

6 juillet 2016

L'Autorité de la concurrence (section V)

Vu la décision n° 10-SO-01 du 29 janvier 2010, enregistrée sous le numéro 10/0005F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer en application des dispositions de l'article L. 462-5 du Code de commerce ; Vu la décision n° 14-SO-06 du 14 octobre 2014, enregistrée sous le numéro 14/0078F, par laquelle l'Autorité a étendu sa saisine d'office aux pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer pour lesquelles l'Autorité est compétente ; Vu la décision du 17 octobre 2014, par laquelle la rapporteure générale a joint l'instruction de ces deux dossiers ; Vu la décision du 31 mars 2015 de la rapporteure générale adjointe par laquelle il a été procédé à la disjonction de l'instruction du volet des saisines 10/0005F et 14/0078F concernant les pratiques autres que celles mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard et à l'ouverture d'un dossier distinct pour cette affaire sous le numéro 15/0029F ; Vu la décision du 23 novembre 2015 par laquelle la rapporteure générale adjointe de l'Autorité de la concurrence a procédé à la disjonction de l'instruction du dossier 15/0029F pour la partie relative aux pratiques concernant la société Henkel France et a procédé à l'ouverture d'un nouveau dossier enregistré sous le n° 15/0107F ; Vu la décision de la rapporteure générale en date du 12 février 2016 prise en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce, qui dispose que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité de la concurrence sans établissement préalable d'un rapport ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 14 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés General Import et ADLP en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 15 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés Sogerep, Sogepar et Agence Netter en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 15 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés Bamyrag et Groupe Bernard Hayot en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 de Code de commerce ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 15 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGAA en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 15 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés Scagex et Safo en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal de transaction en date du 15 avril 2016 signé par la rapporteure générale adjointe et les sociétés CDHP Antilles et Valeur Plus en application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les décisions relatives au secret des affaires n° 15-DSA-73 du 17 février 2015, n° 15-DSA-103 du 6 mars 2015, n° 15-DSA-116 du 11 mars 2015, n° 15-DSA-119 du 11 mars 2015, n° 15-DSA-124 du 16 mars 2015, n° 15-DSA-313 du 10 septembre 2015, n° 15-DSA-314 du 10 septembre 2015, n° 15-DSA-368 du 18 novembre 2015, n° 15-DSA-379 du 18 novembre 2015, n° 15-DSA-389 du 18 novembre 2015, n° 15-DSA-390 du 18 novembre 2015, n° 15-DSA-391 du 18 novembre 2015, n° 15-DSA-435 du 15 décembre 2015, n° 15-DSA-436 du 15 décembre 2015, n° 15-DSA-439 du 15 décembre 2015, n° 16-DSA-17 du 18 janvier 2016, n° 16-DSA-31 du 3 février 2016 ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié et notamment l'article L. 420-2-1 ; Vu la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés General Import et de l'ADLP, des sociétés Sogerep, Sogepar et Agence Netter, des sociétés Bamyrag et Groupe Bernard Hayot et des sociétés Henkel France et Henkel AG & Co. KGAA entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 30 juin 2016 ; Adopte la décision suivante :

I. Rappel de la procédure

1. À la suite de son avis n° 09-A-45 du 9 septembre 2009 relatif à l'importation et la distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office, par décision du 29 janvier 2010 enregistrée sous le n° 10/0005 F, de pratiques dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation dans les départements d'outre-mer. Par décision du 14 octobre 2014 enregistrée sous le n° 14/0078 F, l'Autorité a étendu sa saisine d'office à l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

2. Par une décision du 17 octobre 2014, il a été procédé à la jonction de l'instruction des deux affaires précitées.

3. Par une décision du 31 mars 2015, il a été procédé à la disjonction de l'instruction du volet des saisines 10/0005F et 14/0078F concernant les pratiques mises en œuvre par les sociétés Bolton Solitaire SA, Danone SA, Johnson & Johnson Santé et Beauté France et Pernod-Ricard dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en outre-mer et à l'ouverture d'un dossier distinct pour cette affaire sous le numéro 15/0029F, laquelle a donné lieu à la décision n° 15-D-14 du 10 septembre 2015. Le volet concernant les pratiques autres que celles mises en œuvre par ces sociétés a été enregistré sous le n° 15/0107F.

4. Le 12 février 2016, la rapporteure générale a décidé, en application de l'article L. 463-3 du Code de commerce, que l'affaire fera l'objet d'une décision de l'Autorité de la concurrence sans établissement préalable d'un rapport et a adressé une notification de griefs simplifiée pour des pratiques prohibées par l'article L. 420-2-1 du Code de commerce aux sociétés suivantes :

- Henkel France (en tant qu'auteur),

- Henkel AG & Co. KGaA (en tant que société mère),

- Sogerep (en tant qu'auteur),

- Agence Netter (en tant que société mère),

- Sogepar (en tant qu'auteur),

- CDHP Antilles (en tant qu'auteur),

- Valeur Plus (en tant que société mère),

- General Import (en tant qu'auteur),

- ADLP (en tant que société mère),

- Scagex (en tant qu'auteur),

- Safo (en tant que société mère),

- Bamyrag (en tant qu'auteur),

- Groupe GBH (en tant que société mère).

II. Constatations

A. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNÉS

1. LE SECTEUR CONCERNÉ

5. Le secteur concerné par la présente affaire est celui de la distribution des produits de grande consommation en outre-mer, tels que les produits d'alimentation frais ou non, les boissons, les produits d'hygiène corporelle et d'entretien domestique et les produits cosmétiques commercialisés sous marque de fabricant. Un très grand nombre de ces produits sont importés depuis l'Europe métropolitaine.

6. Dans son avis n° 09-A-45, précité, l'Autorité a distingué trois circuits d'approvisionnement des territoires ultramarins : le circuit intégré, le circuit court et le circuit long.

7. Le circuit intégré est celui par lequel l'industriel implante une structure logistique lourde sur le territoire concerné. Il assure ainsi le transport, la manutention des produits et l'approvisionnement des points de vente. Ce circuit, choisi par certains fournisseurs dans les territoires dans lesquels ils réalisent des chiffres d'affaires importants, est le moins fréquemment rencontré en pratique.

8. Dans le cas du circuit court (ou " circuit désintermédié "), le distributeur est livré sur ses propres plateformes de stockage situées en métropole, outre-mer ou dans les deux. Ce circuit d'approvisionnement est, par exemple, privilégié par les grands distributeurs pour l'approvisionnement en produits vendus sous leur marque.

9. Enfin, le circuit long (ou " circuit intermédié ") consiste à recourir à un intermédiaire, généralement désigné sous le terme " d'importateur-grossiste ", qui assure certaines opérations logistiques (stockage, livraison, etc.), revend aux distributeurs les produits achetés auprès des industriels et prend en charge certaines actions commerciales.

10. Le circuit long est le circuit d'approvisionnement historique dans les territoires ultramarins. Malgré le développement de l'approvisionnement direct au cours des deux dernières décennies, les industriels métropolitains ont recours au système intermédié de manière quasi systématique pour la vente de leurs produits de marque.

11. Les importateurs-grossistes sont indépendants des fournisseurs dont ils distribuent les produits. Malgré cette indépendance, le marché de l'intermédiation est caractérisé par une grande inertie des relations commerciales entre fournisseurs et grossistes-importateurs, établies pour certaines depuis plusieurs décennies, relations souvent renforcées par des pratiques d'exclusivités territoriales accordées par les fabricants et distributeurs aux grossistes-importateurs. Or, ces situations d'exclusivité sont susceptibles de limiter l'ampleur de la concurrence intramarque sur chaque territoire domien. Cette limitation peut, dans une certaine mesure, réduire la concurrence intermarque en raison d'un risque de nivellement des prix des produits de grande consommation importés de métropole, déjà très élevés par rapport aux prix de mêmes produits vendus en métropole.

12. C'est pour remédier à cette situation que la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dite loi " Lurel ", a interdit les pratiques ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation dans les collectivités d'outre-mer dès lors qu'elles ne sont pas justifiées par l'intérêt des consommateurs. Les entreprises devaient s'être conformées à ces nouvelles dispositions législatives au plus tard le 22 mars 2013.

2. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

a) Henkel France

13. La société Henkel France (ci-après Henkel France), est une filiale du groupe allemand Henkel AG & Co. KGaA. Le groupe Henkel est présent dans trois grands secteurs d'activité : les détergents, les cosmétiques et les adhésifs. Il a réalisé, en 2014, un chiffre d'affaires consolidé de 16,4 milliards d'euros.

14. Henkel France fabrique et commercialise en France métropolitaine et en outre-mer, des produits détergents, des produits cosmétiques et des adhésifs à destination des particuliers, sous les marques Mont Saint-Michel, Syoss, Schwarzkopf, Palette, Vademecum, Denivit, Teraxyl, Diadermine, Le Chat, SuperCroix, Xtra, Mir, Minidou, Bref, Decapfour, Terra, Loctite, Patex, Rubson Loctite, Rubson. Son chiffre d'affaires, en 2014, s'est élevé à 781 millions d'euros, dont 6 millions d'euros en outre-mer.

15. Aux Antilles, en Guyane et à la Réunion, 80 % des produits de marque Henkel France sont distribués en circuit long, les 20 % restants étant importés directement par la grande distribution, par des enseignes qui ne passent pas par un grossiste-importateur.

b) Les grossistes-importateurs

CDHP Antilles

16. La société CDHP Antilles (ci-après CDHP) est une société par actions simplifiée, filiale de la société Valeur Plus. Elle a réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 5,3 millions d'euros. Jusqu'en 2014, CDHP a distribué les produits de la société Henkel France, en Guadeloupe, Martinique et Guyane ainsi que dans les collectivités d'outre-mer Saint-Martin et Saint Barthélémy. Depuis le mois de décembre 2014, elle ne distribue les produits du groupe Henkel qu'en Guadeloupe et à Saint Barthélémy.

Sogerep et Sogepar

17. La Société générale de représentation (ci-après Sogerep) est une société par actions simplifiée, filiale à 100 % de la société française " Agence Netter " dont le capital social est détenu à parts égales par M. D. X et M. G. X.

18. La Société générale de participation, (ci-après Sogepar) est une société par actions simplifiée détenue par M. D. X à hauteur de 96 %, par M. G. X à hauteur de 2% et par Sogerep à hauteur de 2 %.

19. Sogerep et Sogepar ont une direction commune. Elles assurent l'importation et la distribution à La Réunion des produits commercialisés par le groupe Henkel.

20. En 2014, Sogerep a réalisé un chiffre d'affaires de 29 millions d'euros, Sogepar un chiffre d'affaires de 3,3 millions d'euros et Agence Netter un chiffre d'affaires consolidé de 182 millions d'euros.

Scagex

21. La société Scagex est une société par actions simplifiée filiale du groupe Safo, détentrice des enseignes Carrefour Market, 8 à Huit et Proxi à la Martinique, dont le chiffre d'affaires consolidé en 2014 s'est élevé à 493 millions d'euros. Scagex importe et distribue en Martinique les produits d'hygiène et d'entretien commercialisés par le groupe Henkel depuis 2014.

Bamyrag

22. La société Bamyrag est une société par actions simplifiée, filiale du groupe Bernard Hayot (GBH), qui a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 2,5 milliards d'euros en 2014. Bamyrag importe et distribue les produits d'hygiène et d'entretien du groupe Henkel en Guyane depuis 2014.

General Import

23. La société General Import est une société par actions simplifiée, filiale de la société ADLP. Son chiffre d'affaires pour l'exercice 2014 s'est élevé à 3,2 milliards de francs CFP (26,8 millions d'euros). Elle importe, achemine, stocke et distribue à Wallis et Futuna l'ensemble des produits du groupe Henkel depuis plusieurs années.

B. LES PRATIQUES CONSTATÉES

24. Il ressort des pièces du dossier qu'Henkel France confie la distribution de ses produits par contrat à un seul grossiste-importateur sur un ou plusieurs territoires ultra-marins. Le grossiste-importateur a ainsi la possibilité de signer un contrat pour l'ensemble des produits cosmétiques, d'entretien et adhésifs ou pour une seule catégorie d'entre eux.

25. Pour la Guyane et les Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélemy), la distribution a été confiée à CDHP Antilles par deux contrats conclus le 26 janvier 2009 pour une période de trois ans renouvelable tacitement.

26. Pour la Réunion, le contrat entre Henkel France et Sogerep a été conclu le 22 juillet 2008 pour une durée de 18 mois, renouvelable par période de deux ans.

27. Pour Wallis et Futuna, les deux contrats signés par Henkel avec General Import sont entrés en vigueur le 1er janvier 2013 pour une durée de deux ans renouvelable tacitement par période de deux ans.

28. Tous ces contrats sont rédigés selon le même modèle : l'article 2 stipule que " Henkel France concède au distributeur, qui l'accepte, la qualité de distributeur exclusif (...) " et l'article 3 ajoute que " Le distributeur s'engage à ne pas pratiquer, hors du territoire, une politique active de vente, ni par l'implantation d'un point de vente ou d'un dépôt, ni le développement d'actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles ".

29. De plus, ces contrats comportent une clause de non-concurrence (article 12) qui interdit au distributeur, sauf accord exprès de Henkel France, " de commercialiser sur le territoire, par l'adaptation des accords existants listés en annexe 4 ou la conclusion de nouveaux accords tous produits susceptibles de concurrencer ceux dont la distribution lui a été confiée dans le cadre du contrat ".

30. A compter de l'année 2014, Henkel France a progressivement renégocié l'ensemble de ses contrats de distribution de ses produits dans les territoires de la Guyane, de la Réunion, de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Wallis et Futuna.

31. La distribution des produits Henkel en Guyane a été confiée à Bamyrag par deux contrats conclus le 24 mars 2014 d'une durée de deux ans et huit mois, renouvelable. Leur distribution en Martinique a été confiée à Scagex, par deux contrats conclus le 1er décembre 2014 d'une durée de trois ans et huit mois, reconduits tacitement par période de deux ans. CDHP Antilles a conservé la distribution en Guadeloupe par deux contrats conclus le 10 décembre 2014 d'une durée de deux ans, reconductibles

32. Le 31 juillet 2014, deux contrats d'une durée de deux ans et demi, renouvelables par période de deux ans, ont été signés avec Sogerep et un, de même durée, avec Sogepar, pour la distribution des produits détergents et cosmétiques à La Réunion.

33. Pour Wallis et Futuna, deux contrats ont été signés avec General Import le 5 novembre 2014, d'une durée de deux ans, reconductibles par période de deux ans.

34. Tous ces contrats sont rédigés selon le même modèle. Le mot " exclusif " a été retiré de l'article 2 mais l'article 3 reste identique. Il continue à délimiter le territoire géographique contractuel de distribution dévolu au grossiste-importateur et à interdire toute forme de politique active de vente en dehors de ce territoire. De plus, la clause de non-concurrence de l'article 12 subsiste.

C. LES GRIEFS NOTIFIÉS

35. Par courrier en date du 12 février 2016, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié les griefs suivants aux parties :

" Grief n° 1 : Il est fait grief à Henkel France en tant que société auteur, et à la société Henkel AG & Co. KGaA en qualité de société mère ultime de l'auteur, d'avoir accordé des droits exclusifs d'importation des produits Henkel :

1. aux sociétés Sogerep et Sogepar (sauf pour la marque Fa) sur le territoire de la Réunion, pour la période du 22 mars 2013 à la date de la notification de griefs ;

2. à la société CDHP Antilles sur les territoires de la Martinique et de Saint-Martin, pour la période du 22 mars 2013 au 1er décembre 2014 ;

3. à la société CDHP Antilles sur le territoire de la Guyane, pour la période du 22 mars 2013 au 1er mars 2014 ;

4. à la société CDHP Antilles sur le territoire de la Guadeloupe et de Saint-Barthélemy et de la Guyane, pour la période du 22 mars 2013 à la date de notification de griefs ;

5. à la société General Import sur le territoire de Wallis et Futuna, du 22 mars 2013 à la date de la notification de griefs ;

6. à la société Scagex, sur le territoire de la Martinique, pour la période du 2 décembre 2014 à la date de la notification de griefs ;

7. à la société Bamyrag, sur le territoire de la Guyane, pour la période du 24 mars 2014 à la date de la notification de griefs ;

Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Grief n° 2 : Il est fait grief à la société Sogerep pour la période du 22 mars 2013 à la date de notification de griefs et à la société Sogepar à compter du 31 juillet 2014 à la date de notification de griefs en tant qu'auteurs formant une seule unité économique et à la société Agence Netter en qualité de société mère de Sogerep d'avoir bénéficié de droits exclusifs d'importation des produits Henkel, sauf pour ceux de la maque Fa, sur le territoire de la Réunion. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Grief n° 3 : Il est fait grief à CDHP Antilles en tant qu'auteur, et à la société Valeur Plus en qualité de société mère de l'auteur d'avoir,

- pour la période du 22 mars 2013 au 1er mars 2014, sur le territoire de la Guyane,

- pour la période du 22 mars 2013 au 1er décembre 2014, sur le territoire de la Martinique et de Saint-Martin,

- pour la période du 22 mars 2013 à la date de la notification de griefs, sur le territoire de la Guadeloupe, et de Saint-Barthélemy,

bénéficié de droits exclusifs d'importation de l'ensemble des produits Henkel. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Grief n° 5 : Il est fait grief à General Import en tant qu'auteur et à la société ADLP en tant que société mère de l'auteur d'avoir, pour la période du 22 mars 2013 à la date de la notification de griefs, bénéficié de droits exclusifs d'importation pour la distribution des produits Henkel sur le territoire de Wallis et Futuna. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Grief n° 6 : Il est fait grief à Scagex en tant qu'auteur, et au groupe Safo en tant que société mère de l'auteur, d'avoir, pour la période du 2 décembre 2014 à la date de notification de griefs, bénéficié de droits exclusifs d'importation des produits Henkel, sur le territoire de la Martinique. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Grief n° 7 : Il est fait grief à Bamyrag en tant qu'auteur, et au groupe GBH en tant que société mère de l'auteur, d'avoir, pour la période du 24 mars 2014 à la date de notification des griefs, bénéficié de droits exclusifs d'importation des produits Henkel, sur le territoire de la Guyane. Cette pratique est contraire à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

III. Discussion

A. SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE DE TRANSACTION

36. Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire (...) dans les limites fixées par la transaction ".

37. En l'espèce, les sociétés mises en cause, en qualité d'auteur et de société mère, n'ont pas contesté la réalité du grief qui leur a été notifié et ont sollicité l'application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce auprès de la rapporteure générale de l'Autorité qui leur a soumis à chacune une proposition de transaction.

38. La mise en œuvre du texte précité a donné lieu à l'établissement de procès-verbaux de transaction par lesquels les sociétés mises en cause et leur société mère ont donné leur accord à une proposition de transaction.

39. Lors de la séance du 30 juin 2016, toutes les sociétés mises en cause et leur société mère ont confirmé leur accord avec les termes de la transaction dont elles ont accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques notamment en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire.

B. SUR L'EXISTENCE DE DROITS EXCLUSIFS D'IMPORTATION

1. POUR LA PÉRIODE DU 22 MARS 2013 AU MOIS DE MARS 2014

40. Il résulte de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus qu'entre le 22 mars 2013, date à laquelle les entreprises concernées devaient s'être conformées aux dispositions de l'article L. 420-2-1 du Code de commerce précité, et les 24 mars, 31 juillet, 1er décembre et 10 décembre 2014, dates auxquelles, selon les territoires, Henkel France a renégocié ses contrats de distribution, Henkel France a concédé la distribution exclusive en circuit long d'un large ensemble de produits à un seul grossiste-importateur sur un territoire.

2. A COMPTER DU MOIS DE MARS 2014

41. Les nouveaux contrats de distribution applicables à partir de mars 2014 ont supprimé des contrats l'adjectif " exclusif " mais chaque grossiste-importateur a conservé la qualité de distributeur des produits Henkel pour une zone déterminée tout en étant soumis à une interdiction de procéder à des ventes actives en dehors de son " territoire ", se trouvant, de fait, protégé de la concurrence des autres distributeurs d'Henkel France. La clause l'empêchant de distribuer les produits des concurrents d'Henkel consolide cette situation d'exclusivité de fait.

42. Ces pratiques d'exclusivité sont contraires à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

C. SUR LES SANCTIONS

43. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ".

44. L'article L. 464-5 du Code de commerce dispose que l'Autorité peut, lorsqu'elle met en œuvre la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce, prononcer les sanctions prévues au I de l'article L. 464-2 de ce code. Toutefois, la sanction ne peut excéder 750 000 euros pour l'entreprise mise en cause.

1. SUR LA GRAVITÉ DES PRATIQUES ET LE DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

a) Sur la gravité des pratiques

45. L'infraction à l'article L. 420-2-1 du Code de commerce, qui consiste à accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises en outre-mer, non justifiés par l'intérêt des consommateurs a, en elle-même, un impact négatif sur la concurrence intramarque et empêche l'animation de la concurrence sur les marchés intermédiaires.

46. Les débats parlementaires (notamment l'avis de la commission des lois du 3 octobre 2012, n° 243) ont explicité les raisons pour lesquelles il convenait de mettre fin à la pratique de droits exclusifs d'importation en outre-mer. L'Autorité rejoint ce raisonnement et estime cependant que cette pratique ne saurait revêtir le même caractère de gravité que les ententes et les abus de position dominante.

b) Sur l'importance du dommage à l'économie

47. Les pratiques, relevées dans l'ensemble des territoires ultra-marins, ont conduit à limiter la mise en concurrence des grossistes par les détaillants pour leur approvisionnement en produits de marque Henkel. Elles ont concerné la distribution de produits d'hygiène et d'entretien indispensables aux consommateurs domiens, dont le pouvoir d'achat est plus faible qu'en métropole. De plus, ces produits de consommation courante, de marques notoires, sont difficilement substituables en outre-mer par une marque de distributeur. Elles ont donc causé un dommage certain à l'économie.

2. SUR LE MONTANT FINAL DE LA SANCTION

48. Au vu de l'ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction :

- le montant de la sanction infligée solidairement à Henkel France et à Henkel AG & Co. KGAA est fixé à 250 000 euros.

- le montant de la sanction infligée solidairement à Sogerep et à Agence Netter est fixé à 145 000 euros.

- le montant de la sanction infligée à Sogepar est fixé à 65 000 euros.

- le montant de la sanction infligée solidairement à CDHP Antilles à Valeur Plus est fixé à 90 000 euros.

- le montant de la sanction infligée solidairement à Scagex et à Safo est fixé à 25 000 euros.

- le montant de la sanction infligée solidairement à Bamyrag et à GBH est fixé à 25 000 euros.

- le montant de la sanction infligée solidairement à General Import et à ADLP est fixé à 15 000 euros.

DECISION

Article 1er : Il est établi que Henkel France, Sogerep, Sogepar, Scagex, CDHP Antilles, Bamyrag et General Import ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2-1 du Code de commerce.

Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

à Henkel France en tant qu'auteur solidairement avec Henkel AG & Co. KGAA en sa qualité de société mère, une sanction de 250 000 euros.

à Sogerep en tant qu'auteur et solidairement avec à Agence Netter, en sa qualité de société mère, une sanction de 145 000 euros.

à Sogepar une sanction de 65 000 euros.

à CDHP Antilles en tant qu'auteur et solidairement avec Valeur Plus, en sa qualité de société mère, une sanction de 90 000 euros.

à Scagex en tant qu'auteur et solidairement avec Safo en sa qualité de société mère, une sanction de 25 000 euros.

à Bamyrag en tant qu'auteur et solidairement avec GBH en sa qualité de société mère, une sanction de 25 000 euros.

à General Import en tant qu'auteur et solidairement avec ADLP en sa qualité de société mère, une sanction de 15 000 euros.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Audrey Sabourin, rapporteure et l'intervention de Mme Juliette Théry-Schultz, rapporteure générale adjointe, par M. Thierry Dahan, vice-président, président de séance, et Mmes Laurence Idot et Carol Xueref, membres.