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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 juin 2016, n° 15-01078

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bretagne Maine de travaux publics (SAS)

Défendeur :

Wacker Neuson (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dabosville

Conseillers :

M. Loos, Mme Schaller

Avocats :

Mes Régnier, Guillin, Grappotte-Benetreau, Pollak, Grall

T. com. Bordeaux, 7e ch., du 28 nov. 201…

28 novembre 2014

Faits et procédure

Vu le jugement prononcé le 28 novembre 2014 par le Tribunal de commerce de Bordeaux qui a débouté la société Wacker Neuson de son exception d'incompétence, s'est déclaré compétent, a débouté la société Bretagne Maine de travaux publics de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 2 500 euro à la société Wacker Neuson au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions du 25 février 2016 de la société Bretagne Maine de travaux publics, ci-après dénommée SBMTP, appelante, qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la compétence du Tribunal de commerce de Bordeaux, de l'infirmer pour le surplus, de juger que la société Wacker Neuson a remis en cause sans préavis son exclusivité territoriale et rompu partiellement sans notification de préavis la relation commerciale poursuivie depuis 1999, de condamner en conséquence cette société à lui payer la somme de 187 577 euro de dommages-intérêts au titre de la marge dont elle a été privée du fait des machines neuves fournies par la société Wacker Neuson à la société Solomat d'août 2011 à août 2012 et celle de 27 328 euro en compensation de la marge supplémentaire qu'elle aurait pu retirer des ventes de machines neuves qu'elle a réalisées en 2012 si elle avait bénéficié des mêmes conditions tarifaires que celles consenties à la société Solomat, de juger que la société Wacker Neuson a rompu totalement la relation commerciale établie sans préavis suffisant à effet du 31 décembre 2012, et de condamner cette société à lui payer la somme de 170 000 euro à titre de dommages-intérêts en compensation de la marge qu'elle aurait pu retirer de la poursuite de la distribution des machines neuves Wacker Neuson jusqu'au 31 décembre 2013 ainsi que celle de 12 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures du 22 février 2016 de la société Wacker Neuson qui conclut, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, au rejet des pièces 12, 13, 15, 17 et 24 communiquées par la société SBMTP, à la confirmation du jugement sauf à condamner la société appelante à lui verser la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Considérant que la société SBMTP expose que depuis l'année 1999 les sociétés Roland Barraud et Solimat se sont vues confier par la société Wacker Neuson la distribution exclusive des gammes de machines de chantiers Neuson et Kramer Allrad à partir de leurs sites respectifs, la relation commerciale se poursuivant après l'absorption de la société Solimat par les établissements Roland Barraud en 2008 puis l'absorption en 2010 de la société SBMTP par ces mêmes établissements qui ont adopté la dénomination SBMTP; que, par lettre du 14 octobre 2011, la société Wacker Neuson lui a notifié sa décision de mettre fin à la relation commerciale à effet du 30 juin 2012 pour les machines et du 31 décembre 2012 pour les pièces de rechange; que, suite à ses protestations, la société Wacker Neuson a partiellement accédé à ses demandes de prorogation jusqu'au 31 décembre 2013 pour les pièces de rechange et jusqu'au 31 décembre 2012 pour les machines neuves en proposant au-delà une poursuite de la relation limitée aux départements 16 et 17 conditionnée à une renonciation à toute demande d'indemnité ; que les parties n'étant pas parvenues à un accord, la relation commerciale a pris fin au titre des machines neuves au 31 décembre 2012; qu'ayant appris à la suite d'un constat d'huissier effectué à sa demande le 20 août 2012 que la société Wacker Neuson approvisionnait la société Solomat depuis le mois de janvier 2012 en machines neuves et pièces de rechange en vue d'une distribution sur cinq départements (19, 23, 79, 86 et 87) sur lesquels elle avait assuré la distribution exclusive jusqu'au mois de décembre 2011 et considérant que l'exclusivité territoriale qui lui avait été concédée avait été remise en cause sans préavis et que les préavis respectés dans le cadre de la rupture commerciale étaient insuffisants, la société SBMTP a fait assigner la société Wacker Neuson en payement de diverses sommes devant le Tribunal de commerce de Bordeaux qui a statué dans les termes susvisés en retenant l'absence d'exclusivité territoriale faute de preuve contractuelle et que les délais de préavis proposés par la société Wacker Neuson " étaient largement suffisants pour mettre fin à une relation d'une douzaine d'années " ;

Considérant que la société SBMTP critique le jugement en ce que les premiers juges ont méconnu la remise en cause sans aucun préavis de l'exclusivité convenue verbalement pour la distribution régionale de ses machines neuves et pièces de rechange et ont estimé à tort que les préavis octroyés par l'intimée, soit 14 mois pour les machines neuves et 26 mois pour les pièces de rechange, étaient suffisants ; qu'elle affirme avoir été le seul revendeur de 1999 à 2012 dans les départements 16, 17, 19, 23, 24, 79, 86 et 87 jusqu'au mois d'août 2011, date des premières ventes de machines par la société Wacker Neuson à la société Solomat à laquelle elle a vendu 19 machines entre le mois d'août 2011 et le mois d'août 2012 ; qu'elle conteste la durée du préavis pour les machines neuves en faisant valoir que si elle n'a pas connu de perte d'exploitation sur ce marché en 2012 ce ne fut pas le cas pour l'exercice 2013 au cours duquel elle a enregistré une perte de 178 000 euro ;

Considérant que la société Wacker Neuson, fabricant d'équipements de chantier et de machines compactes sous les marques Wacker Neuson et Kramer Allrad, objecte que la société SBMTP ne bénéficiait d'aucune exclusivité territoriale, d'autant que cette société commercialisait des produits concurrents, le terme d'exclusivité n'ayant jamais été utilisé par les parties au cours de leur relation commerciale mais seulement par l'appelante à compter de la notification de la rupture, rappelant qu'avant la transmission de patrimoine de la société Solimat aux Établissements Roland Barraud en 2008 et la fusion-absorption par ces derniers en 2010 de la société SBMTP, il existait trois distributeurs sur le secteur et qu'il n'y a donc pas eu de rupture partielle de la relation commerciale, ajoutant que les 19 ventes de machines à la société Solomat n'auraient pu être réalisées par l'appelante ; qu'elle conteste de même la rupture brutale de la relation commerciale compte tenu de la durée du préavis consenti, de l'absence de dépendance économique et de ce que la société SBMTP a, dès avant l'expiration du préavis, trouvé des alternatives à ses produits ;

Considérant, cela exposé, qu'il est constant qu'aucun contrat écrit n'a été signé par les parties ;

Considérant que la société SBMTP fait grief à la société Wacker Neuson, en premier lieu, d'avoir remis en cause l'exclusivité territoriale dont elle aurait bénéficié depuis 1999 sur les départements 16, 17, 19, 23, 24, 79, 86 et 87; que l'appelante se réfère, tout d'abord, à la reconnaissance de cette exclusivité par la société Wacker Neuson dans sa lettre du 14 octobre 2011 ;

Mais considérant que cette société ne fait pas état dans cette lettre d'une exclusivité, se bornant à rappeler que le contrat verbal existant entre les parties l'autorise à commercialiser les produits de la gamme compacte sous les marques Wacker Neuson et Kramer Allrad, y compris l'accès direct aux pièces détachées, dans les départements 16, 17, 19, 23, 24, 79, 86 et 87, la société SBMTP y distribuant par ailleurs d'autres marques ;

Que cette société affirme, ensuite, qu'elle a toujours été le seul revendeur dans les départements susvisés des machines neuves et des pièces de rechange de 1999 à 2012 ; que, cependant, deux distributeurs ont commercialisé les produits de la société Wacker Neuson à compter de 2002 comme cela ressort des factures communiquées, les sociétés Roland Barraud et Solimat constituant deux entités juridiques distinctes comme le révèle leur numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés; que ne peut se déduire de la volonté de la société intimée de n'avoir qu'un revendeur dans les secteurs concernés à compter du 1er janvier 2013, dans l'optique d'une nouvelle stratégie commerciale, l'existence d'une exclusivité territoriale au profit de l'appelante de 1999 à 2012 ; que la société Wacker Neuson avait donc toute liberté pour vendre ses machines à un autre distributeur dès lors que ces ventes ne réduisaient pas le volume d'affaires traitées avec la société SBMTP durant le préavis ;

Que s'agissant des conditions préférentielles dont la société Wacker Neuson aurait fait bénéficier la société Solomat au cours de l'année 2011-2012, les documents comparatifs, au demeurant incomplets, que produit la société SBMTP permettent de constater que certaines des machines incriminées ne présentent pas les mêmes caractéristiques ou options que celles acquises à la même période par la société SBMTP, que pour d'autres les écarts ne sont pas significatifs et donc non constitutifs d'un abus et que pour d'autres encore le prix est supérieur; que la demande de dommages-intérêts formée de ce chef par l'appelante doit être en conséquence rejetée ;

Considérant que la société SBMTP fait grief à la société Wacker Neuson, en second lieu, d'avoir respecté un préavis insuffisant, estimant que la relation commerciale établie entre les parties avait commencé en 1999 et justifiait un préavis de 26 mois pour les machines neuves ; que la société intimée fixe le début de la relation commerciale à l'année 2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;

Considérant que les factures versées aux débats par la société SBMTP démontrent qu'en 1999 une vente a été réalisée par la société Solimat d'une pelle de marque Neuson puis deux ventes de mini pelles de cette même marque en 2000 par cette même société, les ventes devenant plus nombreuses à partir de l'année 2001; que compte tenu de l'absorption de la société Solimat par les établissements Roland Barraud qui prendra en 2010 la dénomination de la société SBMTP elle-même absorbée, il convient de fixer le début de la relation commerciale établie entre les parties à l'année 1999, soit une

période de treize ans ; que compte tenu de cette durée, du volume d'affaires traité par la société appelante avec la société Wacker Neuson, les ventes des produits représentant 13% du chiffre d'affaires de l'appelante sur les exercices 2009, 2010 et 2011 comme celle-ci l'indique elle-même, et de l'absence de dépendance économique, le délai de 14 mois et demi proposé par la société Wacker Neuson pour les machines neuves et de 26 mois pour les pièces détachées apparaît raisonnable; que ce délai ayant été respecté dans son intégralité, la société SBMTP déclarant que ses ventes de machines neuves en 2012 n'avaient pas baissé, la demande d'indemnisation formée par cette dernière doit être rejetée et le jugement confirmé ;

Que la société Wacker Neuson sera déboutée de sa demande tendant à voir écarter les pièces 12, 13, 15, 17 et 24 de la société SBMTP dès lors que ces pièces ont été régulièrement communiquées et qu'il appartient à la cour d'apprécier le caractère probant de chacune de ces pièces ;

Et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société Wacker Neuson une indemnité supplémentaire au titre de ses frais irrépétibles, la demande formée du même chef par l'appelante étant rejetée.

Par ces motifs : Confirme le jugement, Condamne la société Bretagne Maine de travaux publics à payer à la société Wacker Neuson la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Bretagne Maine de travaux publics aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.