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Décisions

Cass. 1re civ., 29 juin 2016, n° 15-23.441

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

Mes Balat, Le Prado

Aix-en-Provence, du 26 févr. 2015

26 février 2015

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, du 26 février 2015), que M. X a vendu, le 7 mars 2009, à M. Y un bateau d'occasion au prix de 16 500 euro ; qu'ayant constaté une surchauffe récurrente du moteur, qu'un expert judiciaire a attribuée à une importante corrosion interne, due à des entrées d'eau de mer favorisées par une détérioration des joints de culasse, M. Y a assigné M. X sur le fondement de la garantie des vices cachés et demandé la restitution d'une partie du prix de vente, ainsi que des dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que M. X fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme de 5 289,59 euro, au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, alors, selon le moyen : 1°) que le vice est apparent lors de la vente même si l'acquéreur, de surcroît s'il est profane, n'a pu en déterminer précisément la cause technique ; qu'il suffit à cet égard que ses effets se soient manifestés clairement aux yeux de l'acquéreur avant la vente pour que le vice soit considéré comme apparent ; qu'en faisant droit à l'action de M. Y fondée sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil, tout en constatant que le vice tenant au " mauvais état du moteur " s'était révélé antérieurement à la vente par une surchauffe du moteur visible par l'acquéreur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ; 2°) que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ; que la clause aux termes de laquelle l'acquéreur " déclare bien connaître le navire et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état où il se trouve " décharge le vendeur des vices cachés dont il n'avait pas connaissance ; qu'en estimant que cette stipulation ne constituait " pas d'une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, même si M. Y savait que le bateau avait plus de 20 ans et un nombre important d'heures de navigation ", cependant qu'une telle clause exonérait nécessairement M. X des vices cachés dont il n'avait pas connaissance, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer le sens des pièces versées au débat et a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, d'abord, l'arrêt relève que l'étendue et l'importance de la corrosion ne sont pas en rapport avec les 50 heures de navigation effectuées par M. Y, pendant lesquelles le dommage s'est seulement aggravé ; qu'ensuite, il retient que le vice du moteur, qui le rend impropre à l'usage auquel il était destiné, ne correspond pas à la surchauffe, non significative jusqu'au jour de l'avarie, mais au mauvais état du moteur, constaté par l'expert judiciaire ; qu'enfin, l'arrêt énonce que, si M. Y, dont il n'est pas démontré qu'il soit un professionnel de la navigation, a déclaré accepter le bateau dans l'état où il se trouvait, cette clause du contrat de vente n'a pu l'engager au-delà de ce qu'un simple examen visuel pouvait révéler à un acquéreur néophyte ; qu'ayant ainsi fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que le vice était antérieur à la vente, qu'il rendait le bateau impropre à sa destination et qu'un acquéreur profane ne pouvait en déceler la cause et l'amplitude par un examen relevant de diligences normales, la cour d'appel, qui s'est livrée, sans dénaturation, à une interprétation de la portée de la clause restrictive du contrat de vente que son imprécision rendait nécessaire, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches : - Attendu que M. X fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, que la cour d'appel devait mettre en œuvre, l'instruction de l'affaire " débattue le 29 janvier 2015 " ayant " été déclarée close " le même jour, l'article 1644 du Code civil disposait que, " dans le cas des articles 1641 et 1643 du Code civil, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts " ; qu'en jugeant dès lors que M. Y, qui avait fait le choix d'exercer l'action estimatoire, était fondé à demander la restitution d'une partie du prix de vente, soit la somme de 5 289, 59 euro, sans avoir fait préalablement arbitrer par un expert le montant de la somme devant être restituée, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ; 2°) que, dans leurs conclusions respectives, l'appelant et l'intimé fondaient tous deux leur argumentation et leurs prétentions sur les dispositions de l'article 1644 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-177 du 16 févier 2015 ayant eu pour effet de supprimer l'obligation pour le juge de désigner un expert dans le cadre de l'action estimatoire ; qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, faisant application d'office de l'article 1644 du Code civil dans sa nouvelle rédaction issue de la loi susvisée sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 3°) que dans ses écritures d'appel, M. X faisait valoir que la somme devant être restituée à M. Y ne pouvait certainement pas s'élever à 5 289,59 euro comme il le demandait, cette somme correspondant au prix d'un moteur neuf, cependant que, lorsque M. Y avait acheté le bateau, le moteur d'origine avait vingt-et-un ans et 1 461,30 heures de navigation, ce qui nécessitait évidemment l'application d'un coefficient de dépréciation ; qu'en statuant comme elle l'a fait dès lors, condamnant M. X à payer à M. Y la somme de 5 289,59 euro, correspondant au prix d'un moteur neuf, que celui-ci réclamait, sans répondre aux conclusions susvisées de M. X, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que M. X ait soutenu, devant la cour d'appel, que les prétentions émises par M. Y au titre de la restitution d'une partie du prix étaient irrecevables pour n'avoir pas été arbitrées par experts ;

Et attendu que la cour d'appel a souverainement estimé que le dommage provoqué par le vice constaté justifiait, au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, le paiement d'une somme correspondant au coût de remplacement du moteur défectueux ; d'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et, donc, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi