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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 5 juillet 2016, n° 15-11182

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conseil National des Associations Familiales Laïques

Défendeur :

Chronopost (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roy-Zenati

Conseillers :

Mmes Louys, Bodard-Hermant

Avocats :

Mes Macchetto, Temple, Di Vetta

T. com. Paris, du 19 janv. 2015

19 janvier 2015

Faisant grief à la SAS Chronopost de faire figurer dans ses conditions générales de vente figurant sur les enveloppes spéciales remises aux clients notamment dans les bureaux de poste ainsi que sur son site Internet, des clauses attribuant compétence au Tribunal de commerce de Paris ou aux tribunaux situés dans le ressort de la Cour d'appel de Paris, le Conseil National des Associations Familiales Laïques (CNAFAL) association de consommateurs agréée au niveau national ayant pour objet la défense des "droits et intérêts moraux et matériels des familles et de chacun de leurs constituants" l'a assigné, par acte d'huissier en date du 6 mars 2015, devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil qui, par ordonnance contradictoire du 19 mai 2015, a :

- écarté la fin de non-recevoir soutenue par la société Chronopost,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la totalité des demandes formulées par l'association CNAFAL,

- donné acte à la société Chronopost de ce qu'elle s'engage à ne pas se prévaloir, dans quelque litige que ce soit avec un consommateur, de la clause attributive de compétence qui figurait dans ses anciennes conditions générales de vente,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamné l'association CNAFAL aux dépens.

L'association CNAFAL a interjeté appel de cette décision le 29 mai 2015.

Par ses conclusions transmises le 11 avril 2016, elle demande à la cour de :

- Reconnaître sa qualité à agir,

- La déclarer recevable en son action et ses demandes,

- Infirmer l'ordonnance du juge des référés de Créteil rendue le 19 mai 2015 sous le RG n° 15-0048,

- Déclarer bien fondées ses demandes et dire que les clauses attributives de compétence territoriale aussi bien au Tribunal de commerce de Paris qu'aux tribunaux du ressort de la Cour d'appel de Paris, sont illicites et donc nulles, et de ce fait réputées non écrites,

- Ordonner à la société Chronopost la suppression des dites clauses générales de vente ou d'utilisation, nulles et abusives de son site Internet, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard, à compter de 8 jours après la date de l'arrêt à venir,

- Ordonner à Chronopost la suppression des dites clauses nulles abusives figurant sur les enveloppes mises à disposition des clients, sous astreinte de 6 000 euros par jour de retard, à compter de 8 jours après la date de l'arrêt à venir,

- Déclarer la clause attributive de compétence réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus entre Chronopost et les consommateurs, y compris les contrats déjà exécutés, et en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés,

- Lui accorder, au titre de l'article 809 Code procédure civile alinéa 2, une somme de 54 677 euros (10 % du total) en provision indemnitaire sur la réparation demandée au Tribunal de grande instance de Paris pour préjudice collectif causé aux consommateurs et à travers eux au marché,

- Condamner la société Chronopost à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- Débouter la société Chronopost de l'ensemble de ses demandes, fins et provisions.

Par ses conclusions transmises le 1er avril 2016, la société Chronopost demande à la cour de:

- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 mai 2015 par le Tribunal de grande instance de Créteil,

- Condamner l'association CNAFAL à lui régler la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2016.

Sur ce, LA COUR

Considérant que l'association CNAFAL fait valoir que la clause litigieuse en ce qui concerne des consommateurs ordinaires revêt un caractère illicite en ce qu'elle les dissuade d'agir; qu'elle fonde ses demandes sur les dispositions des articles L. 421-6 du Code de la consommation et sur celles de l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile en soutenant la primauté de la règle du Code de la consommation; qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander la réparation, notamment par l'octroi de dommages et intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs; que conformément à l'article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile elle sollicite le paiement à titre provision d'une somme de 54 677 euros correspondant à 10 % du préjudice collectif causé aux consommateurs;

Considérant que la société Chronopost réplique que la clause figurant sur son site e-boutique n'impose aucune compétence territoriale aux consommateurs ; que le 27 janvier 2015, elle a passé commande de 1 635 000 nouvelles pochettes venant se substituer aux anciennes qui réservent la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris aux seuls professionnels; que l'octroi d'une provision se heurte à des contestations sérieuses, la notion d'intérêt collectif étant une notion floue et incertaine et le calcul de la somme sollicitée à titre de dommages et intérêts, fantaisiste;

Considérant qu'il résulte du dossier que le site Internet de la société Chronopost réserve aux seules professionnels la compétence territoriale du Tribunal de commerce de Paris de sorte qu'il n'existe aucune illicéité dans le libellé de cette clause ;

Considérant qu'il est établi que dès le 27 janvier 2015, soit antérieurement à la délivrance de l'assignation, la société Chronopost a passé commande de nouvelles pochettes et boites d'expéditions qu'elle met à la disposition des consommateurs et/ou des entreprises portant en son article 13 "Attribution de juridiction" la clause suivant laquelle " tout litige relatif à l'interprétation, la validité et/ou l'exécution des présentes conditions avec un professionnel sera de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris ";

Considérant qu'il est incontestable que le réapprovisionnement de 12 000 bureaux de poste en nouvelles enveloppes et boites d'expéditions nécessite du temps ; que l'appelante ne produit aucune preuve de ce que les anciennes boites et enveloppes seraient toujours commercialisées, ses constats d'huissier étant datés du 2 juin 2015 ;

Considérant que l'association CNAFAL affirme que l'article L. 421-6 du Code de la consommation autorise "implicitement le recours à un référé" et que la primauté revient à la règle du Code de la consommation;

Mais considérant que si ce texte prévoit que les associations répondant à certaines conditions peuvent agir devant la juridiction civile pour faire cesser tout agissement illicite, il ne donne pas pouvoir au juge des référés dont la compétence résulte des dispositions des articles 808 et 809 du Code de procédure civile et le recours à l'esprit du texte, comme tente de le faire l'appelante, ne saurait suppléer l'absence de dispositions légales;

Considérant que selon l'article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile: "Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite";

Considérant que sur ce fondement, force est de constater que l'association CNAFAL n'apporte pas la preuve qu'il existe un trouble manifestement illicite au jour où la cour statue, auquel il devrait être mis un terme;

Considérant dès lors, qu'il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes présentées ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Chronopost les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour sa défense ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre une somme dont le montant sera précisé dans le dispositif de la présente décision ;

Que partie perdante, l'association CNAFAL, supportera la charge des dépens ;

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance entreprise. Y ajoutant, condamne l'association CNAFAL à payer à la SAS Chronopost la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne l'association CNAFAL aux dépens.