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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 juillet 2016, n° 14-07438

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Aux portes de l'évasion (SARL)

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaget

Conseillers :

Mme Clément, M. Nicolas

Avocats :

Me Laurent, SCP Pamponneau Terrie Perrouin Bellen-Rotger, Selarl Lexi

T. com. Saint-Etienne, 1re ch., du 17 ju…

17 juin 2014

L'EURL Aux portes de l'évasion (la société Aux portes de l'évasion) a confié à la société Acess from everywhere (la société AFE) la conception et la fourniture d'un site Internet. À cette fin, elle a conclu avec cette société, par acte du 12 octobre 2011, un contrat de licence d'exploitation de site Internet, d'une durée fixe et irrévocable de 48 mois, moyennant des loyers mensuels de 179,40 euro TTC.

La société AFE a cédé le contrat de location à la société Locam.

Le 17 octobre 2011, la société Aux portes de l'évasion a signé le procès-verbal de réception du site Internet.

Aux motifs que ce site ne correspondait pas à ses attentes, la société Aux portes de l'évasion a adressé un courrier à la société Locam en lui faisant part de son intention de résilier le contrat, et par lettre du 14 novembre suivant, elle a informé la société Locam de son opposition au prélèvement des loyers sur son compte.

Par lettre du 10 février 2012, la société Locam l'a mise en demeure de payer des loyers échus, en lui rappelant les dispositions de l'article 18-1 des conditions générales du contrat.

Puis elle l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne, en demandant sa condamnation au paiement de l'arriéré de loyers, outre l'indemnité de résiliation et la clause pénale prévue par l'article 18-3 des mêmes conditions générales.

Par jugement du 17 juin 2014, le tribunal de commerce a :

- dit que le contrat d'exploitation de licence de site Internet et sa cession, valables et opposables à la société Aux portes de l'évasion ;

- dit que la société Locam a dûment résilié ce contrat par lettre du 11 février 2012 ;

- débouté la société Aux portes de l'évasion de toutes ses demandes ;

- condamné cette dernière à payer à la société Locam la somme de 8 611,20 euro en principal outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2012, et 1 euro au titre de la clause pénale, et 100 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 19 septembre 2014, la société Aux portes de l'évasion a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions du 12 mai 2015 de la société Aux portes de l'évasion, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

- déclarer irrecevable l'action de la société Locam en l'absence de notification de la cession de créance au débiteur cédé ;

- subsidiairement, prononcer la nullité du contrat de prestation de services signé le 12 octobre 2011 pour vice du consentement (erreur et dol) et absence de cause ;

- subsidiairement, prononcer la résolution du contrat de prestation de services en raison du défaut d'exécution de prestataire ;

- ordonner le report du paiement de la dette à 24 mois, ou lui accorder des délais pour la même durée ;

- condamner la société Locam à lui payer 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions du 18 février 2015 de la société Locam, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement, en ce qu'il condamne la société Aux portes de l'évasion à lui payer la somme principale de 8 611,20 euro ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- débouter la société Aux portes de l'évasion de toutes ses demandes ;

- la condamner à lui payer la somme de 861,12 euro au titre de la clause pénale, ainsi que les intérêts au taux légal sur la somme de 9 472,32 euro à compter du 10 février 2012 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 18 février 2015 ;

- condamner la société Aux portes de l'évasion à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 juillet 2015.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que pour conclure à l'irrecevabilité de l'action de la société Locam, la société Aux portes de l'évasion fait valoir en premier lieu que :

- sur l'exemplaire du contrat qu'elle a conservé ne figure pas le cachet et la signature de la société Locam ;

- elle a signé le 17 octobre 2011 une autorisation de prélèvement au profit seulement de la société AFE ;

- nonobstant les dispositions de l'article 2 des conditions générales du contrat, il appartient à la société Locam de rapporter la preuve de la cession du contrat et de sa notification au cédé ;

- or, la cession ne lui a jamais été notifiée régulièrement, selon les dispositions de l'article 1690 du Code civil, de sorte qu'elle lui est inopposable ;

Attendu cependant que l'article 2 des conditions générales du contrat de licence d'exploitation de site Internet, signé par la société Aux portes de l'évasion, stipule la clause suivante : " le client reconnaît à Locam la possibilité de céder les droits résultant du présent contrat au profit d'un cessionnaire et il accepte dès aujourd'hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire. Le client ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord. Le client sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l'avis de prélèvement qui sera émis " ; que la société Aux portes de l'évasion ne conteste pas avoir reçu une " facture unique de loyers " en date du 25 octobre 2011 au nom de la société Locam, mentionnant les 48 loyers mensuels prévus par le contrat ; qu'il résulte de ces éléments qu'elle a accepté la cession du contrat de location et que celle-ci lui est opposable ; que la demande de l'intimée ne peut donc être rejetée au seul motif que la cession de créance n'aurait pas été notifiée au débiteur cédé ;

Attendu en deuxième lieu que la société Aux portes de l'évasion soutient, pour conclure à la nullité du contrat de prestation de services, que :

- la société Locam savait que la société AFE avait été mise en redressement judiciaire à l'époque de la signature du contrat litigieux, et qu'elle n'avait plus de recours contre cette société, depuis sa mise en liquidation judiciaire le 16 avril 2012 ;

- ainsi, elle accepté la cession des créances, tout en sachant que le contrat de prestation de services ne serait pas exécuté dans la durée, de sorte qu'elle ne peut invoquer les dispositions du contrat de location pour faire échec aux exceptions tirées du contrat principal ;

- la société AFE lui a fait signer, au moyen de manœuvres, un procès-verbal sans réserves, et par anticipation, alors que le site mis en ligne n'a jamais été conforme à ses instructions ;

- son consentement a donc été vicié par l'erreur ou le dol ;

- aucun accord n'ayant été donné sur le contenu du site Internet, son obligation de payer les loyers n'est pas causée ;

- la société Locam ne peut invoquer la clause du contrat selon laquelle la réception sans réserve engage le client, dès lors que le site Internet n'existait pas lors de la signature du procès-verbal de réception et que celui-ci est nul de ce fait ;

Attendu cependant que la société Aux portes de l'évasion ne peut demander à la cour de prononcer la nullité du contrat de prestation de service, alors que la société AFE n'est pas dans la cause ;

Attendu ensuite que l'article 3 des conditions générales du contrat stipule la clause suivante : " choix du site Internet-livraison et installation : l'obligation de délivrance du site Internet est exécutée par AFE, sous le contrôle du client. En cas de défaillance d'AFE dans la délivrance du site Internet, le client dégage le cessionnaire de toute responsabilité. Lors de la livraison du site Internet, le client signera le procès-verbal de conformité. La signature de ce procès-verbal par le client vaut reconnaissance par ce dernier de la conformité du site Internet au cahier des charges et à ses besoins " ; que la société Aux portes de l'évasion ne fait pas la preuve de l'erreur ou du dol dont elle aurait été victime lors de la conclusion du contrat le 12 octobre 2011, la preuve de ces vices du consentement ne pouvant se déduire de manœuvres, à les supposer établies, contemporaines de la signature le 17 octobre suivant du procès-verbal de réception ;

qu'aux termes de ce procès-verbal elle a déclaré avoir vérifié la conformité du site Internet au cahier des charges et à ses besoins, et accepté en conséquence ce site et les prestations sans restrictions ni réserves ; que l'obligation de la société Aux portes de l'évasion de payer des loyers avait pour cause l'obligation pour la société Locam de lui concéder une licence d'exploitation sur l'architecture technique et la charte graphique du site Internet ; que le contrat ne peut donc être annulé pour défaut de cause ; qu'en conséquence la société Aux portes de l'évasion n'est pas fondée à demander la nullité du contrat de prestation de services ;

Attendu en troisième lieu que pour justifier de sa demande de résolution judiciaire du contrat cédé à la société Locam ou à défaut le débouté de ses demandes, elle soutient que :

- cette résolution s'impose depuis la liquidation judiciaire de la société AFE, qui a rendu les loyers sans contrepartie ;

- cette société, qui n'a jamais eu son accord sur le contenu du site mis en ligne, n'a pas donné de suite à ses demandes de modification ;

- certaines dispositions des conditions générales du contrat de location, spécialement les articles 13-2, 15, 18 et suivants, constituent des clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu cependant que l'article 13 des conditions générales du contrat de location stipule la clause suivante : "responsabilité : le choix des éléments constitutifs du site Internet a été fait sous l'unique et entière responsabilité du client. La responsabilité du cessionnaire ne pourra en aucun cas être recherchée par le client à quelque titre que ce soit au regard des fonctionnalités, de la qualité, de l'adéquation avec les besoins du client, de l'utilisation, et la maintenabilité du site Internet. Le cessionnaire ne pourra donc être tenu pour responsable des anomalies de fonctionnement du site Internet, quelles qu'en puissent être la cause et la durée" ; qu'en conséquence de cette clause, la société Aux portes de l'évasion ne peut se fonder sur des manquements commis par la société AFE pour justifier de sa demande de résolution du contrat ;

Attendu ensuite que la société Aux portes de l'évasion a apposé sa signature à la première page du contrat de location, en dessous d'une clause rédigée comme suit : " le client reconnaît, en sa qualité de professionnel, que l'objet du contrat de licence d'exploitation de site Internet a un lien direct avec son activité professionnelle et que, ce faisant, le Code de la consommation ne s'applique pas " ; qu'elle ne peut donc se prévaloir des dispositions de ce Code relatives aux clauses abusives pour justifier de sa demande de résolution judiciaire ;

Attendu enfin que la société Aux portes de l'évasion prétend que les manœuvres de la société AFE avec la complicité de la société Locam, consistant à lui faire signer un procès-verbal de réception avant la réalisation du site et peu de temps avant la liquidation judiciaire du prestataire, ont créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties susceptible d'engager la responsabilité de la société AFE et de la société Locam sur le fondement de l'article L. 442-6 I du Code du commerce ;

Attendu cependant que L. 442-6 I.2° du Code de commerce ne concerne que les rapports entre partenaires commerciaux, qualification qui suppose une continuité dans la relation d'affaires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la société Aux portes de l'évasion et la société Locam ayant été mises en relation à l'occasion seulement d'une opération ponctuelle de financement d'un site Internet ;

Attendu en conséquence que la société Aux portes de l'évasion n'est pas fondée à demander la résolution judiciaire du contrat ;

Attendu que selon l'article 18 des conditions générales du contrat de location , intitulé " résiliation ", ce contrat peut être résilié de plein droit par le cessionnaire, sans aucune formalité judiciaire, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse, en cas de non-paiement à terme d'une seule échéance ; que l'article 18-3 stipule que suite à une résiliation, le client devra verser au cessionnaire une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard, ainsi qu'une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin du contrat majorée d'une clause pénale de 10 % ;

qu'en l'espèce, la société Locam, en raison du défaut de paiement par la société Aux portes de l'évasion de quatre loyers à leur échéance, a régulièrement fait jouer la clause résolutoire prévue par l'article 18 des conditions générales, après lui avoir notifié sans succès une mise en demeure ;

que la clause pénale fixée par cet article n'étant pas manifestement excessive, c'est à tort que le premier juge a réduit les indemnités sollicitée par la société Locam ;

Attendu dans ces conditions, que la créance de celle-ci est certaine, liquide et exigible à hauteur de 9 472,32 euro, correspondant à 6 loyers échus et impayés (1 076,40 euro), l'indemnité de résiliation (7 534,80 euro) outre la clause pénale (861,12 euro) ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accorder des délais de paiement à la société Aux portes de l'évasion

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, sauf en ce qu'il fixe à 1 euro l'indemnité due au titre de la clause pénale ; Et statuant à nouveau, Condamne la société Aux portes de l'évasion à payer à la société Locam la somme de 861,12 euro au titre de la clause pénale, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 février 2012 ; Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 18 février 2015, dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil ; Y ajoutant, Déboute la société Aux portes de l'évasion de ses demandes de nullité ou défaut de résolution judiciaire du contrat de prestation de services ; Rejette sa demande de délais de paiement ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes ; Condamne la société Aux portes de l'évasion aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.