Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 10e ch., 21 juillet 2016, n° 15-09078

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Thierry L

Défendeur :

Decathlon (SAS), Zurich insurance PLC, Caisse primaire d'assurance maladie de Loire Atlantique, Shimano France composants cycles (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Belieres

Conseillers :

Mmes Gilly-Escoffier, Vella

TGI Marseille, du 9 avr. 2015

9 avril 2015

Le 9 juillet 2011, M. Thierry L. a acheté dans le magasin à l'enseigne Décathlon, situé à Aubagne, un VTT de marque Rockrider 5.2, pour un montant de 249,95euro.

Le 25 juillet 2011 ce VTT a été rapporté à l'atelier du magasin pour contrôle et réglage du dérailleur.

Le 27 juillet 2011, M. L. a été victime d'un accident qu'il a imputé à un blocage de la roue arrière de son vélo.

Par ordonnance du 17 septembre 2012, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Marseille a désigné le docteur Yves C. aux fins d'évaluer les conséquences médico-légales de la chute, et il a rejeté la demande de provision présentée par M. L..

L'expert a établi son rapport le 4 mars 2013.

Par acte du 14 juin 2013, M. L. a fait assigner la société Décathlon devant le Tribunal de grande instance de Marseille pour la voir condamner à l'indemniser de ses préjudices corporels, et ce en présence de la Cpam de Loire Atlantique.

Selon acte du 1er août 2013 la société Décathlon a appelé en garantie la société Shimano France Composants cycles (la société Shimano).

La société Zurich Insurance PLC est intervenue volontairement aux débats en sa qualité d'assureur de la société Decathlon.

Par jugement du 9 avril 2015, cette juridiction a :

- reçu l'intervention volontaire de la société Zurich Insurance ;

- rejeté l'ensemble des prétentions de M. L. à l'encontre de la société Decathlon ;

- dit que l'appel en garantie de la société Decathlon à l'encontre de la société Shimano est sans objet ;

- condamné M. L. à payer à la société Decathlon et à la société Zurich Insurance la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Elle a considéré que l'ensemble des analyses versées au dossier étaient contradictoires et non corroborées par des éléments indubitables et objectifs, les circonstances de l'accident dont M. L. a été victime restant floues, et la preuve n'étant pas rapportée par le requérant de l'existence d'un vice caché.

Par acte du 22 mai 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. L. a interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

Dans ses conclusions du 2 novembre 2015, M. L. demande à la Cour de :

' réformer le jugement ;

' constater que la société Decathlon n'a donné aucune information sur l'identité du fournisseur ou du fabricant du vélo, ou de la pièce litigieuse avant le 1er novembre 2011 ;

' par conséquent juger que la société Decathlon, vendeur du vélo ou fournisseur professionnel de celui-ci dans le cadre de son service après-vente, doit être assimilé au producteur ;

' constater que le produit en cause est affecté d'un défaut, peu important l'origine exacte de ce défaut ;

' constater qu'il a résulté de ce défaut un dommage corporel dont il est victime ;

' condamner en conséquence la société Decathlon, et au besoin tout garant de son chef, et subsidiairement in solidum avec la société Shimano à réparer le dommage corporel évalué à 39 249,95 euro ;

' les condamner au paiement de cette somme, outre celle de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de son conseil.

Il explique qu'il circulait sur son VTT, quand dans la descente, au moment de changer de vitesse, la roue arrière s'est bloquée en même temps qu'il a entendu un bruit sec provoquant l'immobilisation brutale du vélo de telle sorte qu'il est passé par-dessus le guidon et a perdu connaissance lors de la chute.

Il expose que les parties ont procédé à une expertise technique amiable du vélo par le truchement d'un expert mandaté par la société Zurich Insurance, qui a attribué la rupture de la patte de fixation du dérailleur, soit à une défectuosité intrinsèque, soit à un affaiblissement lié à sa manipulation, c'est à dire soit à un défaut du vélo tel qu'il a été vendu, soit au réglage réalisé 48h avant la chute. Dans les deux cas il s'agit d'un défaut du produit que le consommateur doit imputer à son vendeur. Le fabricant du dérailleur, la société Shimano, a été convoqué aux opérations d'expertise dans le Courant du mois de janvier 2012 sans que le contenu de l'expertise ne change.

Il fonde sa demande sur les dispositions des articles 1386-1, 1386-4 et 1386-9 du Code civil, et part du principe énoncé par l'article 1386-7 du même Code, que la société Decathlon est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, en tant que vendeur assimilé au producteur, pour ne pas avoir notifié dans les trois mois suivant le 1er aout 2011, l'identité exacte de son propre fournisseur. Peu importe en conséquence pour le consommateur, la recherche des causes exactes de la rupture, qui n'intéresse que les rapports entre la société Décathlon et la société Shimano, et qui ne peut valoir comme moyen d'exonération à son égard.

Le lien de causalité entre le défaut du produit et la chute est avéré, en l'état du témoignage de Mme D. qui évoque un bruit métallique imputé au dérailleur.

Il chiffre son préjudice comme suit :

- dépenses de santé actuelles : les débours du tiers payeur

- frais médicaux à charge : réservé

- frais de consignation : 500 euro

- frais d'assistance à expertise médicale : 500 euro

- frais matériel (vélo) : 249,95 euro

- perte de gains professionnels actuels et ou futurs (perte de chance) : 5000 euro,

- incidence professionnelle liée à la pénibilité : 10 000euro

- déficit fonctionnel temporaire : 4 200 euro

- souffrances endurées : 5 300 euro

- déficit fonctionnel permanent : 7 500 euro

- préjudice esthétique : 3 000 euro

- préjudice d'agrément : 3 000 euro.

Il demande l'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels au titre d'une perte de chance, puisqu'il a été contraint de refuser des offres d'emploi en intérim de juillet à septembre 2011. L'algie du coude dont il souffre lui occasionne une pénibilité au travail qui doit également être indemnisée.

Dans leurs conclusions du 20 mai 2016, la société Décathlon et la société Zurich Insurance demandent à la Cour de :

' confirmer le jugement ;

' juger que les causes et circonstances de la chute dont M. L. a été victime demeurent inconnues ;

' rejeter les demandes formées par la Cpam des Bouches du Rhône ;

à titre subsidiaire, et si la Cour devait imputer la chute à la rupture du support du dérailleur tout en excluant d'autres causes, de :

' juger que l'action engagée à leur encontre sur le fondement des dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil, est irrecevable et en tout état de cause infondée ;

' juger que l'action engagée par M. L. à leur encontre sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil est infondée ;

à titre plus subsidiaire encore et si la Cour devait entrer en voie de condamnation à leur encontre, de :

' juger qu'elles seront relevées et garanties indemnes par la société Shimano ;

' juger que les préjudices subis par M. L. seront indemnisés à hauteur de 15 989,32 euro ;

' condamner M. L. ou tout autre succombant à leur verser la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens d'appel distraits au profit de leur conseil.

Elles soutiennent que la chute s'est produite alors que M. L. roulait à vive allure sur une route en descente, et contrairement à ce qu'il affirme, aucune pièce du débat ne permet d'établir l'existence d'un défaut affectant le vélo. En effet rien ne permet de dire que la patte incriminée aurait rompu avant la chute, et il peut s'agir d'une dégradation consécutive à celle-ci.

L'expert du cabinet C. L. n'ayant pas conclu que la patte de fixation s'était rompue avant la chute, ni que cette chute serait due à un défaut du produit.

La société Décathlon soutient qu'elle a désigné le fournisseur dans le délai légal de trois mois, et le point de départ de ce délai ne peut être le 1er août 2008 qui correspond à une demande adressée au cabinet A., Courtier. Dans le cadre de la procédure de référé initiée le 19 avril 2012, elle a sollicité la mise en cause de la société Shimano dès le 2 mai 2012, en désignant ainsi le producteur de la pièce litigieuse. Le délai de l'article 1386-7 a donc parfaitement été respecté, et sa responsabilité doit être écartée.

Au surplus M. L. ne démontre pas, et alors que cette charge lui incombe au visa de l'article 1386-9 du Code civil, le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Il doit donc être débouté.

Sur le terrain de l'article 1641 du Code civil, visé par M. L. mais non suivi de développements, la société Décathlon souligne que la charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut de cette action, or à ce jour la preuve d'un vice caché n'a pas été rapportée puisque les cause et origine de la chute sont totalement inconnues. Qui plus est lors du réglage du dérailleur aucune faute du service après-vente de la société Décathlon n'a été caractérisée.

Si la Cour estimait que la chute de M. L. trouve son origine dans la rupture de la patte de fixation, seule la responsabilité du fabricant peut être recherchée. Cette pièce est bien un élément constitutif du dérailleur, même si elle n'a pas été fabriquée par la société Shimano, qui devant l'expert n'a pas contesté l'origine du produit, et qui à l'issue de la réunion d'expertise a reçu comme conseil de son expert mandaté, de provisionner une somme de 10 000 euro. La société Shimano doit donc répondre directement et exclusivement des condamnations susceptibles d'être prononcées, et à titre subsidiaire elle doit la relever et la garantir indemne.

Ce n'est qu'à titre très subsidiaire, qu'elles proposent de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

- dépenses de santé actuelles : créance de la caisse : 2 979,32 euro

- déficit fonctionnel temporaire : 1 010 euro

- souffrances endurées : 4 000 euro

- déficit fonctionnel permanent : 7 000 euro

- préjudice esthétique : 1 000euro

Selon conclusions du 2 octobre 2015, la société Shimano demande à la Cour de :

' confirmer le jugement ;

' débouter la société Decathlon et M. L. de leurs entières demandes ;

à titre subsidiaire, de :

' statuer ce que de droit sur les demandes formées par la Cpam,

' limiter l'indemnisation de M. L. de la façon suivante :

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 999 euro,

- déficit fonctionnel permanent : 5 000 euro,

- souffrances endurées : 4 500 euro,

- préjudice esthétique : 1 000 euro,

' condamner tout succombant à lui verser la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que les circonstances de la chute sur une route à fort dénivelé, ne peuvent exclure un freinage brutal ou un déséquilibre de la part de M. L., qui circulait sans casque, de sorte qu'une part de responsabilité lui est imputable.

Aucune expertise contradictoire non discutable n'est produite. Si des experts ont été dépêchés par les assureurs, aucun avis technique n'a été fourni à l'issue de la réunion. L'expert de la société Décathlon étant déjà reparti quand celui de la société Shimano est arrivé en retard à la suite d'un contre temps.

Elle soutient que la patte du dérailleur, qui serait la pièce défectueuse n'est ni fabriquée ni commercialisée par elle, et qu'elle s'est contentée de fournir à la société Décathlon le dérailleur RD M310, à charge pour les ateliers de la société Décathlon de procéder à son montage sur le vélo. Elle explique que l'unique patte de dérailleur qu'elle fabrique porte les initiales SIS, alors que la patte en litige ne présente aucun signe distinctif. La cause de l'accident ne réside pas dans un état défectueux du produit qu'elle aurait fabriqué, mais dans une faute commise par la société Décathlon, tout en soulignant que la cause de l'accident n'a jamais pu être déterminée, et qu'elle ne l'est toujours pas à ce jour.

La Cpam de la Loire-Atlantique, assignée par M. L., par acte d'huissier du 7 août 2015, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par Courrier du 17 décembre 2015, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour un montant de 2979,32 euro, correspondant en totalité à des prestations en nature.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur le droit à indemnisation

L'appel porte sur l'imputabilité de l'accident à la société Décathlon, en sa qualité de vendeur, et à la société Shimano en sa qualité de fabricant du dérailleur monté sur le vélo.

En vertu des articles 1386-1 et suivants du Code civil, pour être indemnisée, la victime agissant contre le producteur d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, doit prouver la présence d'un produit qui a été mis en circulation et qui s'est avéré défectueux. La preuve du dommage ainsi que le lien de causalité est exigée pour la mise en œuvre de la responsabilité. La victime doit être en mesure de désigner le responsable, qui par principe est le producteur du produit. A défaut d'identification du producteur, le vendeur est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.

La matérialité de la chute est incontestable. En effet M. L. a déclaré qu'il circulait sur la [...], qui présente une forte pente, quand il a tenté de changer de vitesse sans succès. Il a expliqué que le pédalier s'était alors bloqué puis, que le vélo s'était arrêté brutalement provoquant sa chute en avant, par-dessus le guidon. La réalité de la chute est attestée par l'intervention des services de seCours qui ont conduit la victime à l'hôpital. Les circonstances de cette chute ont été confirmées par le témoignage de Mme Sandrine D., qui a assisté à l'accident, et qui indique dans un Courrier du 12 août 2014, qu'elle était au volant de son véhicule lorsqu'elle a croisé M. L., sur son vélo, et l'a vu " passé par-dessus son guidon, sans aucune raisons particulières, se relever et rejoindre le trottoir " avant de perdre connaissance.

Le lien de causalité entre la chute et le dommage corporel subi par M. L. qui a été immédiatement transporté dans un centre hospitalier, où un certificat médical initial des blessures constatées a été établi, n'est pas sérieusement discutable.

Il est constant que le VTT Rockdriver S2, commercialisé par la société Décathlon, qui a été à l'origine de la chute, a été mis en circulation pour la première fois le 9 juillet 2011, lorsque M. L. en a fait l'acquisition, dans un des magasins à l'enseigne de cette société.

La société Zurich Insurance, assureur de la société Décathlon a dépêché le cabinet C. L. pour procéder à une expertise du vélo en litige. Une première réunion s'est tenue le 7 septembre 2011, donnant lieu à un rapport déposé le 8 septembre 2011, hors la présence de la société Shimano, qui par Courrier du 14 décembre 2011 a sollicité l'organisation d'une expertise à son contradictoire, en faisant état le 10 janvier 2012, de l'intervention de la société Mac Laren International, dont elle n'a pas précisé quelle était la prestation ou la fourniture.

Le 5 janvier 2011, ont été convoqués à cette seconde réunion d'expertise qui s'est déroulée le 25 janvier 2012 à 14h00, la société Décathlon, M. L., la société Shimano et la société Mac Laren International. Seul, M. L. s'est présenté à ces opérations, l'expert ayant mentionné dans son rapport que la société Shimano, n'était ni présente ni représentée.

Si le représentant de la société Shimano s'est présenté en retard au rendez-vous et alors que la réunion d'expertise avait été levée, il n'en demeure pas moins que l'expertise est contradictoire, à l'égard de toutes les personnes physiques ou morales dument convoquées, comme cela a été le cas, ce qui n'est pas discuté.

M. L., expert de ce cabinet, indique dans son rapport que l'examen du matériel a permis de constater " la rupture d'une pièce servant de support au dérailleur, survenu 24h après son retour du service après-vente. " Une photographie illustre la rupture de la patte de fixation du dérailleur ayant entraîné un mouvement latéral du dérailleur qui passant dans les rayons a brutalement bloqué la roue arrière.

M. L. ajoute : " Nous n'avons relevé sur le dérailleur et le cadre du vélo aucune trace de choc ", ce qui vient au support de la version selon laquelle cette rupture est à l'origine de la chute, et non pas comme le soutient la société Décathlon, qu'elle aurait été provoquée par la chute elle-même.

Sur l'origine de la chute, l'expert estime que " compte tenu des circonstances du sinistre, des témoignages recueillis et de la pathologie observée sur le vélo, la chute et son mécanisme paraissent difficilement contestables. " L'attestation de Mme Sandrine D., qui rapporte qu'un autre témoin dont elle n'a pas relevé l'identité lui a " spécifié avoir entendu un bruit de dérailleur avant la chute ", vient corroborer l'existence d'une difficulté technique sur le vélo. En l'état de ces éléments, la défectuosité de la patte de fixation du dérailleur, posée sur le vélo, qui n'a pas présenté la sécurité à laquelle M. L. pouvait légitimement s'attendre, est établie.

L'expert qui avait articulé ses conclusions, à l'occasion de son premier rapport, autour de deux axes, en attribuant la rupture, soit à une défectuosité intrinsèque liée à un problème de fonderie de la patte, soit à un affaiblissement de cette pièce, lié à la manipulation, lors du traitement par le SAV de la société Décathlon, a indiqué dans ses dernières conclusions à l'issue de la réunion du 25 janvier 2012 : " le dérailleur a correctement fonctionné quelques heures. La pièce s'est donc rompue indépendamment du réglage réalisé dans les ateliers du service après-vente. "

L'article 1386-6 du Code civil définit le producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, pour être notamment le fabricant d'une partie composante, et tel est le cas d'une patte de fixation de dérailleur.

La société Shimano admet être le fabricant du dérailleur RD M310, en revanche, elle conteste être celui de la patte de fixation, installée sur le VTT Rockdriver S2, acquis par M. L.. Pour en justifier elle soutient que les pattes de fixation qu'elle fabrique supportent toutes le sigle SIS, et elle produit une reproduction de la première page du manuel sur lequel figure le modèle des pattes de dérailleur de sa fabrication supportant effectivement ce sigle. Or il ressort de la lecture du rapport du cabinet C., et notamment des photographies qu'il contient, que la patte de fixation en litige, montée sur le vélo acquis par M. L., d'une part n'a pas exactement la même forme, et surtout, ne supporte aucune marque visible de fabricant et en tout cas pas celle de la société Shimano.

En conséquence, la société Shimano qui ne peut voir engager sa responsabilité pour un produit défectueux dont il n'est pas établi avec certitude qu'elle en serait le fabricant, ne peut être désigné comme tel par le vendeur.

En vertu de l'article 1386-7 du Code civil si le producteur ne peut être identifié, le vendeur est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur.

Dès lors, la société Décathlon qui est le vendeur du produit, à savoir le VTT qu'elle commercialise sous une marque qui lui appartient, doit être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de la chute dont M. L. a été victime, et condamnée in solidum avec son assureur la société Zurich Insurances PLC à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices corporels et matériels.

La société Décathlon et la société Zurich Insurances PLC qui ne démontrent pas que la société Shimano est le fabricant de la patte de fixation défectueuse, sont déboutées de leur action, en relevé et garantie de toutes condamnations prononcées contre elles.

Sur le préjudice corporel

L'expert, le docteur Yves C., indique que M. L. a présenté une fracture déplacée de la tête radiale du coude gauche, ainsi qu'un traumatisme du poignet droit, et qu'il conserve comme séquelles un syndrome algique du coude gauche avec une gêne fonctionnelle chez un sujet droitier.

Il conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 27 juillet 2011 au 29 juillet 2011

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % du 30 juillet 2011 au 30 septembre 2011

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 15 % du 1er octobre 2011 au 2 avril 2012

- une consolidation au 2 avril 2012

- des souffrances endurées de 3/7

- un déficit fonctionnel permanent de 5 %

- un préjudice esthétique permanent de 1/7.

- un préjudice d'agrément lié à l'arrêt des activités sportives comme le VTT et la musculation.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le 27 octobre 1967, inscrit à Pôle emploi au moment des faits et depuis le 1er juillet 2011, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le reCours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 2 979,32 euro

Ce poste correspond aux frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, massages pris en charge par la Cpam soit la somme de 2 979,32 euro

M. L. demande à la Cour de réserver l'indemnisation au titre des frais de santé actuelles restés à sa charge. Toutefois, l'accident a eu lieu le 9 juillet 2011, soit depuis plus de cinq ans, et si M. L. n'a pas été en mesure depuis lors de dresser un état des frais de médicaux ou para médicaux, qui sont restées à sa charge, aucun élément versé aux débats ne vient justifier ce délai écoulé, eu encore établir l'assurance que le montant de ces frais dépendrait d'un document qu'il ne détiendrait pas encore. En conséquence il convient de rejeter la demande tendant à voir réserver ce poste de préjudice.

- Frais divers 749,50 euro

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur B., médecin conseil, soit 500 euro au vu de la facture produite du 4 mars 2013,

Aux termes de l'articles 1386-2 du Code civil, les dispositions des articles 1386-1 et suivants s'appliquent à la réparation du dommage supérieur à la somme de 500 euro, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux. En conséquence, M. L. est fondé en sa demande de dédommagement matériel du produit défectueux en l'occurrence le coût du VTT pour un montant de 249,95 euro, conformément à la facture produite du 9 juillet 2011.

Ces dépenses pour un montant total de 749,50 euro supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables

La demande d'indemnisation des frais de consignation, est comprise dans les dépens et ne peut être examinée au titre de l'indemnisation des préjudices corporel et matériel.

- Perte de gains professionnels actuels Rejet

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Pour étayer sa demande, M. L. se contente de faire référence à l'expertise médicale dans laquelle il soutient que l'expert a relevé qu'il aurait été contrait de refuser diverses offres d'emploi en intérim entre juillet et septembre 2011, en raison de son état médical.

Or la lecture de ce rapport révèle que l'expert a porté certaines mentions sur la seule foi des dires de la victime, à savoir en page 4 que l'intéressé " au moment des faits était inscrit à Pôle Emploi et ce depuis le 1er juillet 2011. Du 2 Juillet 2011 au 15 Juillet 2011 il a exercé comme intérimaire la profession de câbleur. ", et en pages 6 et 8 que " sur le plan professionnel, Monsieur L. Thierry nous dit avoir repris son travail de façon intérimaire à compter de fin septembre 2011 ". En revanche et en pages 10 et 11 à propos de l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement une activité professionnelle, ou économique, l'expert a répondu " Néant ; au moment des faits Monsieur L. Thierry était demandeur d'emploi et aucun arrêt de travail ne nous a été fourni. "

Devant la Cour, M. L. ne produit aucun élément justifiant qu'il percevait un revenu au moment de l'accident. Il ne verse aucun bulletin de salaire venant accréditer le fait qu'il aurait été employé en qualité d'intérimaire du 2 au 15 juillet 2011 et qu'il aurait perçu une rémunération. Il ne justifie pas plus avoir été inscrit à Pôle Emploi au moment de l'accident et avoir perçu des indemnités de chômage.

En conséquence M. L. doit être débouté de ce chef de demande qu'il s'agisse de l'indemniser d'une perte réelle de gains ou encore d'une perte de chance de gains professionnels.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Incidence professionnelle Rejet

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. L. ne fournit aucun élément sur le métier qu'il exerçait au moment de l'accident, ni encore sur sa situation professionnelle avant l'accident, et même après l'accident. De ce fait rien ne permet de vérifier la nature exacte de la formation professionnelle dont il dispose, ou encore les diplômes qu'il aurait obtenus.

M. L. à qui incombe la charge de la preuve est parfaitement défaillante, de telle sorte que la Cour n'est pas en mesure d'évaluer l'incidence des séquelles qu'il présente sur sa sphère professionnelle. Il est donc débouté de ce chef de demande.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 1 250 euro

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 750 euro par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 75 euro pendant la période d'incapacité totale de 3 jours et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 33 % de 2 mois soit la somme de 495 euro, et au taux de 15 % de 6 mois et un jour soit 678,50 euro, et au total la somme de 1 248,50 euro arrondie à 1 250 euro.

- Souffrances endurées 5 000 euro

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial traité par ostéosynthèse, et d'une dizaine de séances de rééducation ; évalué à 3/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 euro.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 7 200 euro

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par un syndrome algique du coude gauche avec gêne fonctionnelle chez un sujet droitier, ce qui conduit à un taux de 5 % justifiant une indemnité de 7 200 euro pour un homme âgé de 45 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique 1 200 euro

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique

Qualifié de 1/7 au titre d'une cicatrice et de la déformation du coude gauche, il doit être indemnisé à hauteur de 1 200 euro

- Préjudice d'agrément Rejet

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. L. qui pratiquait le VTT lorsque l'accident s'est produit, ne justifie pas ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles il s'adonnait avant l'accident, comme la pratique du cyclisme ou de la musculation comme il l'a déclaré à l'expert, et il doit être débouté de toute demande à ce titre.

Le préjudice corporel global subi par M. L. s'établit ainsi à la somme de 18 378,82 euro soit, après imputation des débours de la Cpam (2 979,32 euro), une somme de 15 399,50 euro lui revenant qui, en application de l'article 1153-1 du Code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 9 avril 2015.

Sur les demandes annexes

La société Décathlon et la société Zurich Insurances PLC qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens de premières instance, qui comprendront les frais de l'expertise médicale, ainsi que des dépens de l'appel.

Aucune considération liée à l'équité ne justifie d'allouer à la société Décathlon, à la société Zurich Insurances PLC et à la société Shimano une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En revanche l'équité commande de condamner la société Decathlon à payer à M. L. une indemnité de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la Cour.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement, hormis sur l'intervention volontaire de la société Zurich Insurance, Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant, Dit que la société Décathlon a engagé sa responsabilité ; Dit que la société Décathlon doit prendre en charge l'intégralité de la réparation des dommages corporels consécutifs à la chute du 9 juillet 2011 ; Déboute la société Décathlon et la société Zurich Insurances PLC de leur action récursoire à l'encontre de la société Shimano ; Fixe le préjudice corporel global de M. L. à la somme de 18 378,82 euro ; Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 15 399,50 euro ; Condamne in solidum la société Décathlon et la société Zurich Insurances PLC à payer à M. L. les sommes de :* 15 399,50 euro, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 avril 2015 ;* 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la société Décathlon, la société Zurich Insurances PLC et la société Shimano de leurs demandes au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en appel ; Condamne in solidum la société Décathlon et la société Zurich Insurances PLC aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.