ADLC, 21 juillet 2016, n° 16-D-17
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide
LAutorité de la concurrence (section IV),
Vu la décision n° 10-SOI-01 du 17 mars 2010, enregistrée sous le numéro 10/0031F, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des appareils mobiles de chauffage à combustible liquide ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions de secret des affaires n° 11-DSA-75 du 3 mars 2011, n° 11-DSA-206 du 15 juin 2011 ; n° 12-DSA-125 du 15 mars 2012, n° 12-DSA-192 du 15 mai 2012, n° 12-DSA-193 du 15 mai 2012, n° 12-DSA-122 du 14 mars 2012, n° 14-DSA-63 du 12 mars 2014, n° 15-DSA-232 du 1er juillet 2015, n° 15-DSA-233 du 1er juillet 2015, n° 15-DSA-310 du 8 septembre 2015, n° 15-DSA-427 du 14 décembre 2015, n° 16-DSA-72 du 23 mars 2016 ; Vu les décisions de secret des affaires et de déclassement n° 12-DECR-16 du 17 juillet 2012, n° 15-DECR-09 du 9 février 2015, n° 15-DECR-10 du 9 février 2015, n° 16-DECR-04 du 5 février 2016, n° 12-DEC-31 du 8 novembre 2012, n° 12-DEC-32 du 23 juillet 2012, n° 15-DEC-25 du 20 avril 2015, n° 15-DEC-44 du 9 juillet 2015 ; Vu la notification des griefs du 22 avril 2015 ; Vu le procès-verbal du 19 mai 2015 par lequel les sociétés Ligne Plus, Essege, SG Holding et Tolefi ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 26 juin 2015 par lequel les sociétés PVG France, PVG International, PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V ont déclaré ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés et ont demandé le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Brico Dépôt & Kingfisher France, le Groupe Adeo, Leroy Merlin et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Ligne Plus, Essege, SG Holding et Tolefi, PVG France, PVG International, PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V, Brico Dépôt & Kingfisher, Groupe Adeo, Leroy Merlin entendus ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. RAPPEL DE LA PROCÉDURE
1. Le 29 janvier 2008, une enquête dans le secteur de la distribution des appareils de chauffage mobile à combustible liquide a été demandée par l'administration centrale de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (ci-après, la " DGCCRF ") à la Brigade Interrégionale d'Enquêtes de Concurrence de Lille. Une opération de visite et saisie a été réalisée le 14 octobre 2008 au siège des entreprises PVG France et Ligne Plus, respectivement à Sotteville sous le val (76) et à Lezennes (59).
2. Par décision n° 10-SOI-01 du 17 mars 2010, l'Autorité de la concurrence (ci-après, " l'Autorité ") s'est saisie d'office de pratiques relatives au secteur de la distribution des appareils mobiles de chauffage à combustible liquide.
3. Par lettre du 24 avril 2015, des griefs ont été notifiés, en tant qu'auteurs des pratiques, aux sociétés PVG France, PVG international, Ligne Plus, Brico Dépôt et Leroy Merlin France.
4. La société Ligne Plus et ses sociétés mères Essege, SG Holding et Tolefi ont sollicité et obtenu le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce relatives à la non-contestation des griefs. Cette demande a donné lieu au procès-verbal du 19 mai 2015 (cotes nos 11411 à 11413).
5. Les sociétés PVG International et PVG France et ses sociétés mères PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V. ont sollicité et obtenu le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2 III relatives à la non-contestation des griefs. Cette demande a donné lieu au procès-verbal du 26 juin 2015 (cotes nos 11476 à 11479).
B. LE SECTEUR ET LES ENTREPRISES CONCERNÉES
1. LES PRODUITS CONCERNÉS
a) Les appareils de chauffage mobiles
6. Les appareils mobiles constituent en général des produits de consommation saisonniers, utilisés comme chauffage d'appoint (cote n° 6933).
7. La catégorie des appareils de chauffage mobiles peut être distinguée selon le type d'énergie utilisé : électrique, pétrole ou gaz en bouteilles (cote n° 6908). Les utilisateurs sont susceptibles d'arbitrer entre ces différentes catégories, en fonction du prix des appareils, du prix de l'énergie utilisée et de la surface de chauffe nécessaire. Le prix de l'appareil reste le critère le plus important pour les consommateurs (cotes nos 6882, 6883, 6908, 6933, 6945).
8. Les appareils mobiles de chauffage à combustible liquide se répartissent en deux types distincts selon la technologie utilisée : les appareils à mèche et les appareils électroniques. Au sein de ces deux catégories, il est possible de distinguer les équipements en fonction de diverses options technologiques telles que, par exemple, l'existence d'un programmateur, d'une alarme sur le réservoir de combustible ou de fonctions d'économies d'énergie.
b) La réglementation applicable à ces produits
9. La commercialisation en France des appareils mobiles de chauffage à combustible liquide est soumise à des obligations réglementaires. Les appareils mis sur le marché en France doivent donc disposer d'une attestation de conformité aux exigences de sécurité qui est délivrée à la suite d'un contrôle technique.
10. Le décret n° 2004-945 du 1er septembre 2004 a édicté de nouvelles prescriptions de sécurité relatives aux appareils mobiles de chauffage à combustible liquide. À compter du 8 mars 2005, tous les appareils doivent disposer d'un dispositif de sécurité destiné à mesurer le gaz carbonique (dit " détecteur de CO2 ") afin d'être éligibles à la norme NF 128 et pouvoir être commercialisés en France.
2. LES FOURNISSEURS D'APPAREILS DE CHAUFFAGE MOBILES À COMBUSTIBLE LIQUIDE
a) PVG France SARL, PVG Distribution B.V. et PVG International B.V.
11. La société PVG France est détenue depuis 2005 par PVG distribution B.V., implantée aux Pays-Bas. Elle réalisait en 2008 environ 80 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont plus de 16 millions pour les appareils de chauffage mobiles à combustible liquide. PVG international B.V. est une société soeur de PVG distribution B.V. (cote n° 10589).
b) Ligne Plus SA, Essege SA, SG Holding et Tolefi
12. La société Ligne Plus est implantée dans le département du Nord. Elle est détenue à 99,7 % par la société Essege SA basée en Belgique, qui est elle-même détenue par la société SG Holding. Cette dernière est contrôlée de façon exclusive par la société Tolefi (voir cote n° 10520).
13. Tolefi est une société ayant réalisé plus de 55 millions d'euros de chiffre d'affaires pour l'exercice clos au 30 avril 2008. Ligne Plus réalisait en 2007/2008 un chiffre d'affaires global d'environ 20 millions d'euros, dont plus de 4 millions dans le secteur des appareils de chauffage mobiles.
3. LES DISTRIBUTEURS CONCERNÉS
a) La société Leroy Merlin
14. Le groupe Leroy Merlin a été rebaptisé Groupe Adeo en 2007. Il est contrôlé par l'association familiale Mulliez, laquelle contrôle également le groupe Auchan. Le groupe rassemble les enseignes Leroy Merlin, Bricoman, OBI, Domaxel, Weldom et Bricocenter.
15. En France, deux sociétés exploitent les enseignes Leroy Merlin : Leroy Merlin France S.A. et Leroy Merlin GSB.
16. Le Groupe Adeo détient 100 % du capital de Leroy Merlin France. Franckreichbastel Gmbh 1 et Franckreichbastel Gmbh 2 détiennent respectivement à hauteur de 0,01 % et 99,99 % la société Leroy Merlin GSB. Le Groupe Adeo a réalisé un chiffre d'affaires de 7 923 608 000 euros en 2007.
b) La société Brico Dépôt
17. Les enseignes Castorama et Brico Dépôt sont exploitées par le groupe Kingfisher. L'enseigne Castorama est exploitée en France par la société Castorama France (SASU, présidée par Kingfisher France). L'enseigne Brico Dépôt est exploitée en France par la société Brico Dépôt (SASU, présidée par Kingfisher France,).
18. Les enseignes Castorama et Brico Dépôt disposent chacune de leur propre structure d'achat et d'approvisionnement (cote n° 6908).
19. Le groupe Kingfisher a réalisé un chiffre d'affaires de 9 364 000 000 Livres Sterling en 2007/2008.
4. L'ORGANISATION DU SECTEUR
20. Les appareils de chauffage à combustible liquide sont tous importés d'Asie du Sud Est. La distribution des produits en France est assurée par le biais de grossistes importateurs qui assurent également les prestations liées au service après-vente.
21. Les principaux grossistes importateurs sur le marché français sont les sociétés PVG France et Ligne Plus.
22. PVG France commercialise ses produits sur le marché français sous la marque " Zibro " pour les produits de gamme et sous les marques " Tectro " ou " Stover " pour les produits " premiers prix ". La société PVG se fournit principalement auprès de la société Toyotomi, basée au Japon. Sa part de marché dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide en France s'élevait à 79 % en 2007/2008.
23. Ligne Plus commercialise ses produits sous le nom de marque " Inverter " pour les produits de gamme et sous les appellations commerciales " Kero ", " Kanzaï ", " Tayosan ", " Squall " pour les produits " premiers prix ". Ligne Plus se fournit en appareils mobiles de chauffage auprès des sociétés Corona Co. Ltd. et Sengoku Electronics basées au Japon. La part de marché de Ligne Plus dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide en France en 2007/2008 représentait environ 20 %.
24. Les appareils de chauffage mobiles à combustible liquide sont vendus principalement à deux catégories de distributeurs : les grandes surfaces alimentaires (G.S.A.) et dans une plus grande mesure les grandes surfaces de bricolage (G.S.B.).
C. LES PRATIQUES CONSTATÉES
1. LES PRATIQUES RELATIVES AUX PRIX ET À LA RÉPARTITION DES CLIENTS
25. Il résulte de l'ensemble du dossier, et notamment des déclarations de deux responsables " comptes " de PVG France, que les dirigeants de PVG France et Ligne Plus se rencontraient régulièrement pour échanger, d'une part, sur les prix intermédiaires et finaux des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide " premier prix " et, d'autre part, sur la répartition de la clientèle et des quantités à commercialiser. Ces échanges se déroulaient en fin ou début d'année, au moment de la préparation des commandes pour la future période de chauffage.
26. Ainsi, l'ancien responsable de comptes-clés de PVG France de 2002 à 2004 a déclaré : " J'ai également été informé par [le directeur commercial] des rencontres et entretiens que ce dernier avait avec Ligne Plus au niveau national. [Le directeur commercial] faisait des allusions à ces rencontres lorsque nous formulions un besoin d'information pour la préparation des rendez-vous avec nos clients. En tant que responsable comptes-clés, mes demandes portaient sur les produits à proposer, les prix, les conditions, et ce en vue de mes entretiens de référencement. Il m'a été indiqué par [le directeur commercial] lors de la préparation de ma deuxième saison de chauffage qu'il fallait attendre les résultats de la rencontre avec Ligne Plus. [...].
Il m'apparaît que cette façon de faire en partage de marchés résulte de pratiques très anciennes...Ces rencontres qui avaient lieu en fin d'année/début d'année suivante, avaient notamment pour but de parler des prix de vente publics des appareils premiers prix [...] ".
27. Si, selon un des responsables " comptes clés " de PVG France, ces pratiques étaient très anciennes, les premiers éléments matériels présents au dossier de nature à les caractériser ne datent que du 15 mars 2005. De même, les dernières traces d'échange entre les deux entreprises remontent au 23 septembre 2008.
28. Seront successivement présentées les pratiques relatives à la fixation des prix intermédiaires des produits et celles concernant la répartition des clients.
a) Concernant les échanges sur les prix
Concernant la campagne 2005/2006
Sur les échanges concernant les prix des appareils " premier prix "
29. En amont de la campagne de vente 2005/2006, plusieurs échanges concernant les prix des appareils " premier prix " ont eu lieu entre les fournisseurs PVG France et Ligne Plus.
30. Le rapprochement des éléments de l'agenda électronique du directeur opérationnel de Ligne Plus et des notes manuscrites reportées par ce dernier sur un cahier saisi, établissent l'existence d'une réunion, le 15 mars 2005, entre ce directeur opérationnel et des salariés de Conforama. L'examen des notes retranscrites par ce directeur opérationnel de Ligne Plus permet de relever les mentions suivantes : " entente pour augmenter les prix vente publique rencontrer PVG ", " quel prix pour p electr. ? 129 ou 139 ? ".
31. Quelques jours plus tard, dans un courriel du 21 mars 2005, le directeur commercial de PVG France indique aux responsables " comptes clés " de la même société : " Messieurs, nous sommes en négociation sur la partie poêles à pétrole et je souhaite revenir sur un certains nombre de choses : [...] produits 1er prix : mèche (R 252 ou 253) : 50.08 HT pièce, électronique : 108.61 HT la pièce pour des prix publics de 59.90 TTC et 129.90 TTC " (soulignement ajouté).
32. Or, dans un cahier de notes manuscrites du directeur opérationnel de Ligne Plus, que l'on peut dater du 4 avril 2005, on retrouve des indications faisant référence aux prix à facturer aux distributeurs sur les produits " premiers prix " en fonction des prix facturés par le concurrent PVG aux distributeurs. Ces notes mentionnent en effet, sous l'intitulé " PVG " (cote n° 2040) (encadrement ajouté) :
33. De même, dans un courriel du 29 août 2005 adressé à PVG International, le directeur commercial international de PVG France indique que le président et directeur général de Ligne Plus s'était prononcé sur les prix finaux envisagés par sa société avant que ceux-ci ne soient effectifs : " Vous trouverez ci-joint le catalogue Castorama jusqu'au 26 septembre 2005. Sa lecture et les appels de nos clients me font vous écrire les choses suivantes : 1) Inverter : S. G. [président directeur général de Ligne Plus] avait indiqué sa volonté de maintenir des prix publics cohérents : 54.90 TTC et 129.90 TTC, or sur l'électronique il attaque à ce prix [...] " (cote n° 10684).
Concernant la campagne 2006/2007
Sur les échanges concernant les prix
34. Une réunion a eu lieu début février 2006 entre des dirigeants des sociétés concurrentes PVG International et Ligne Plus portant sur les prix futurs des appareils de chauffage et les clients.
35. En effet, le directeur commercial de PVG France a indiqué s'être déplacé à Bruxelles les 2 et 3 février 2006, précisant qu'il devait y rencontrer le directeur commercial de PVG International (cote n° 6868). Mais, à la date du 3 février 2006, figure dans l'agenda électronique du directeur opérationnel de Ligne Plus la mention " 10:00 11:00 Zibro ", étant rappelé que " Zibro " est la marque de l'appareil de gamme commercialisé par la société PVG France (cote n° 3677).
36. À cette même date du 3 février 2006, figurent (cote n° 2143) dans le cahier manuscrit du directeur opérationnel de Ligne Plus des notes manuscrites faisant état d'un compte rendu d'échanges portant sur les prix des produits des sociétés Ligne Plus et PVG France (cote n° 2143).
37. Dans un courriel du 14 mars 2006, le directeur commercial de PVG France) annonce les conditions commerciales des appareils " premiers prix " aux responsables " comptes clés " de la société. Le prix public des appareils est annoncé à 89 euros (produits à mèches) et à 159 euros (produits électroniques). Ces annonces coïncident précisément avec les prix (89,90 et 159,99 euros) figurant dans les notes manuscrites du 3 février 2006 du directeur opérationnel de Ligne Plus) auxquelles il est fait référence dans le paragraphe ci-dessus.
[TABLEAU]
38. Il ressort des échanges répértoriés dans le tableau ci-dessus que les entreprises PVG France et Ligne Plus ont, durant la campagne 2007/2008, discuté des prix qu'il convenait de faire appliquer par les distributeurs aux consomateurs finaux.
10
39. L'analyse des prix appliqués tant par PVG France que par Ligne Plus montre que les deux fournisseurs ont pratiqué les mêmes prix, lesquels sont parfaitement identiques aux prix évoqués lors des rencontres, ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessus (cote n° 10872).
[TABLEAU]
Concernant la campagne 2008/2009
[TABLEAU]
40. Il ressort du tableau ci-dessus que les fournisseurs, en évoquant explicitement un " Yalta ", ont échangé aussi bien sur les prix intermédiaires que sur les prix finaux concernant les appareils " premiers prix ". En effet, tant dans le compte rendu interne de PVG France de septembre 2008 que dans le courriel du directeur commercial de PVG France, PVG France envisage de mener une action pour endiguer les baisses de prix annoncées par les distributeurs des produits de Ligne Plus et, pour ce faire, prévoit de contacter le président et directeur général de Ligne Plus.
Conclusion
41. L'ensemble des éléments factuels ci-dessus présentés, constitués de déclarations d'anciens salariés de PVG France, de courriels internes à PVG France, de notes manuscrites, de l'agenda du directeur opérationnel de Ligne Plus et d'échanges de courriels entre les deux concurrents montrent que, durant quatre campagnes, des échanges entre PVG France et Ligne Plus ont eu lieu au sujet de la fixation des prix des appareils " premier prix ". Ces échanges avaient lieu en amont de la saison de chauffage s'étendant chaque année de fin aout à fin décembre.
42. Il a été constaté que les prix effectivement appliqués sont soit très proches, soit identiques aux prix échangés.
b) Sur le partage de clientèle
43. De nombreuses pièces présentes au dossier illustrent une volonté commune de PVG France et Ligne Plus de se répartir les clients. Ce partage de clientèle se vérifie notamment par le constat d'une absence de démarchage - ou visite de référencement - de certains distributeurs par l'un ou l'autre des deux fournisseurs et par une exclusivité de fait sur certains distributeurs au bénéfice de l'un ou l'autre fournisseur.
Sur la politique de répartition des clients
44. En premier lieu, l'ancien responsable de " comptes clés " de PVG France de 2004 à 2008 a indiqué concernant la configuration de marché :
" Il est exact que pour certains clients, je n'avais pas les moyens de faire une offre compétitive en raison d'une certaine réserve qui pourrait s'expliquer par une forme de pacte de non agression. Cela pourrait être le cas de Carrefour International ou Castorama par exemple.
Dans ce contexte, PVG France, par exemple, avait comme client Leroy Merlin et Ligne Plus avait Castorama [...]. [Le président directeur général de PVG France] était informé de la teneur de ces discussions qui étaient menées au principal par [le directeur commercial de PVG France] qui avait pour interlocuteur [le directeur opérationnel de Ligne Plus]. [...] [Ces rencontres] se situaient en début d'année, c'est-à-dire au moment de la préparation de la future saison de chauffage qui va de fin août à fin décembre pour l'essentiel des ventes. Ces rencontres étaient effectivement l'occasion de parler clients et prix de vente aux consommateurs " (soulignement ajouté) (cote n° 2040).
45. Aussi, l'ancien responsable de " comptes clés " de PVG France de 2002 à 2004 a déclaré concernant la stratégie commerciale de PVG France :
" Je me suis rendu compte rapidement que nous n'allions pas démarcher et développer le chiffre d'affaires auprès de certaines centrales d'achat en raison du fait que les centrales en question étaient en affaires avec notre concurrent. Il y avait des consignes strictes de la part [du directeur commercial de PVG France] de ne pas prospecter ce type de client potentiel. [...] Il m'a été indiqué par [le directeur commercial] lors de la préparation de ma deuxième saison de chauffage qu'il fallait attendre les résultats de la rencontre avec Ligne Plus. J'ai été très surpris de cette démarche dans laquelle aucune initiative de conquête de parts de marché n'était possible.
[...]
Je n'étais pas informé d'éventuelle exclusivité chez les distributeurs des produits concurrents. Chez PVG, il n'y avait pas d'exclusivité contractuelle. Cela étant, par le jeu de protections réciproques, nous étions dans les faits exclusifs chez Leroy Merlin, de la même manière que Castorama était exclusif chez Ligne Plus en raison de notre non-agression vis-à-vis de cette enseigne qui n'était pas visée volontairement " (soulignement ajouté) (cotes nos 6536 à 6541).
46. En second lieu, des notes manuscrites prises par le directeur opérationnel de Ligne Plus peu avant la réunion du 19 janvier 2007 indiquent très clairement une répartition des clients (cotes nos 2255 et 2256) :
" En 2006, nous avons perdu : cofaq : 2800p BAQ : 1200p Boulanger : 1600p = 5600p et gagné Galec : 3000 p Solde -2600 pour L+
En 2007 nous allons perdre Schiever : 2400 Tabur 9000 ?
Sans compter Tabur nous avons certainement perdu 2600+2400 = 5000
Si nous perdons Tabur aussi 14000p "
Compenser par Auchan : 7000 Cora : 4000 Boulanger 1200 BAD : 1000 Média Saturn : 500
[TABLEAU]
Sur l'application effective du partage de clientèle
47. La volonté de partage de clientèle a été largement suivie en pratique et se vérifie par, d'une part, une absence continue de 2005 à 2008 de démarchage de certains distributeurs par Ligne Plus ou PVG France et, d'autre part, des exclusivités de fait au bénéfice de l'un ou l'autre des fournisseurs.
En ce qui concerne l'absence de démarchage de certains distributeurs
48. Selon les déclarations d'un responsable de Castorama, " il y a en général deux ou trois rounds [de démarchage] qui ont lieu en fin d'année et au premier trimestre de l'année suivante " (cote n° 6909). Ainsi, de telles visites auraient dû avoir lieu au moins une fois par an pour chaque distributeur. Toutefois, ainsi qu'il ressort du tableau de visite de référencement de Ligne Plus et de PVG France, certains distributeurs n'ont pas été démarchés par l'un ou l'autre des fournisseurs entre 2005 et 2008 (cotes nos 5877, 5878, 5268).
[TABLEAU]
49. Concernant Leroy Merlin, il convient de souligner qu'entre 2005 et 2008 l'enseigne a fait l'objet de deux visites de référencement avec Ligne Plus. Un ancien responsable de " comptes clés " chez PVG France explique : " Les visites qui ont pu avoir lieu, tant par [un salarié de PVG France] chez Castorama, que par [un dirigeant de Ligne Plus] chez Leroy Merlin relèvent plus à mon sens de la visite de courtoisie que d'une démarche commerciale... ". La chef de produits chauffage de Leroy Merlin confirme : " Nous avons rencontré Essege [Ligne Plus] en 2006 à leur demande [...]. A ce jour j'attends encore sa proposition claire et définitive. Nous aurions pu attendre de leur part qu'ils proposent des pièces ou des produits de gamme. Cela n'a pas été le cas " (cote n° 6538). Ainsi, si Ligne Plus a bien effectué deux visites de référencement de 2005 à 2008 auprès de Leroy Merlin, il apparaît que la société n'avait pas l'intention de faire aboutir ces opérations de démarchage.
En ce qui concerne les exclusivités de fait
50. Sur la période 2004/2009, il est constaté que, en pratique, les appareils de chauffage mobiles à combustible liquide sont, pour certaines campagnes, fournis de manière exclusive ou quasi-exclusive par, d'un côté, PVG France aux distributeurs Leroy Merlin, Galec et Carrefour (en ce qui concerne les appareils Zibro) et, d'un autre côté, Ligne Plus aux distributeurs Carrefour (en ce qui concerne les appareils " premier prix "), Castorama, Conforama, Tabur, Casino, Cora et Auchan.
51. Ces exclusivités découlent toutes d'une démarche volontaire de la part des deux fournisseurs ainsi qu'en atteste la confrontation de nombreuses pièces présentes au dossier - dont les principales sont résumées dans le tableau ci-après - avec les chiffres d'affaires de PVG France et de Ligne Plus.
[TABLEAU]
52. Le tableau ci-dessus correspond aux colonnes " eux " et " nous " des notes prises par le directeur opérationnel de Ligne Plus peu avant la réunion du 19 janvier 2007 présentées au paragraphe 46 ci-dessus.
c) Conclusion
53. L'ensemble des éléments factuels constitués par des déclarations d'anciens salariés de PVG France, de courriels internes à PVG France, de notes manuscrites, de l'agenda du directeur opérationnel de Ligne Plus et d'échanges de courriels entre les deux concurrents montre que, durant quatre campagnes, PVG France et Ligne Plus se sont répartis entre eux certains clients et certaines quantités.
54. La répartition de clientèle s'observe à la fois dans l'absence de démarchage de certains distributeurs pour les campagnes concernées et également dans des situations d'exclusivité de fait de certains distributeurs. Au regard des éléments qui matérialisent les échanges, la répartition entre fournisseurs a été appliquée de manière variable selon les clients et selon les campagnes. Ainsi, les distributeurs Conforama, Castorama, Carrefour et Tabur ont fait l'objet d'une exclusivité totale durant les quatre campagnes de vente alors que Casino, Auchan et Cora n'ont fait l'objet d'une exclusivité totale que pour certaines campagnes. Néanmoins, la répartition effective de chacun de ces clients respecte les termes des échanges tels qu'ils apparaissent dans les éléments matériels découverts lors de l'instruction. Concernant les distributeurs Leroy Merlin et la coopérative Galec, l'application des termes des échanges est plus variable.
2. SUR LES CONCERTATIONS ENTRE PVG FRANCE ET SES CLIENTS DISTRIBUTEURS
a) Sur la politique commerciale de PVG France
55. Le président directeur général de PVG France a expliqué que le respect des prix de vente publics indiqués " permet en tout cas aux distributeurs de dégager une marge conforme à leurs espérances lors de la signature du contrat et la mention dans mon rapport signifie que j'informe mon responsable que je pense que nous sommes à l'abri de rétorsions financières qui pourraient être exigées par les clients et qui pourraient alors avoir un impact très négatif sur notre résultat budgété. Ce respect des prix publics fait partie de notre politique commerciale " (soulignement ajouté) (cote n° 6523).
56. Le prix de vente conseillé était souvent, et notamment pour les produits " premiers prix ", fixé au seuil de revente à perte, de sorte que la latitude laissée aux distributeurs dans la fixation de leurs prix était limitée. Or, conformément aux dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce applicable à l'époque des pratiques, le seuil de revente à perte était calculé sans prendre en compte les ristournes conditionnelles et les autres avantages financiers. PVG France garantissait ainsi une marge arrière à ses clients et maintenait par la même occasion le prix de vente public au niveau souhaité.
57. Un courriel de PVG France à Leroy Merlin illustre cette organisation : " Budget sur 1er prix : - un budget de 4 % sur les 1er prix mèche et 8 % sur les 1er prix électronique sera accordée par PVG sous forme de contrat séparé afin de ne pas avoir d'incidence sur le SRP [seuil de revente à perte]. Cependant une exception est faite chez Leroy Merlin où cette remise sera sur facture en contrepartie d'un engagement de prix public, avec possibilité de modifier ce prix en cas de dérive chez les concurrents de [Leroy Merlin] (Castorama, Bricodépôt, Bricomarché, Carrefour, Leclerc) sur des produits de qualités similaires, ainsi que de la facturation des magasins [Leroy Merlin] par l'entrepôt aux tarifs de base " (cote n° 10688).
58. De même, le directeur commercial de PVG France a indiqué que " Mousquetaire et Leroy Merlin sont deux très grosses centrales pour PVG. Les conditions commerciales sont donc plus favorables pour ces enseignes. Les remises sur factures créent un risque amenant la pratique de prix en dessous des prix conseillés. Nous avons donc demandé des engagements de respect des prix publics pour éviter ces phénomènes de baisse de prix et donc de demande de remboursements. Ces engagements n'ont pas toujours été respectés localement... il arrive à [Leroy Merlin] de ne pas suivre les indications de prix de vente publics, et cela pour ses 110 magasins. L'exemple a été donné en 2007 " (cote n° 6534).
59. Ainsi, lorsque les avantages financiers accordés à certains clients impactent le seuil de revente à perte, PVG France exige de ces clients un engagement à respecter les prix de vente publics préalablement fixés.
60. Les distributeurs ont un intérêt à la mise en œuvre de prix publics uniformes puisque ce système leur confère une garantie pour leurs marges. L'existence d'un prix public fixé par le fournisseur leur permet ainsi de se retourner vers lui pour réclamer des compensations financières lorsqu'un concurrent propose à sa clientèle des appareils substituables à des prix plus bas.
61. Certains distributeurs ont accepté ce système, ainsi que l'expliquent le responsable " comptes clés " de 2002 à 2004 (" il est vrai que les GBS étaient demandeurs du système de PVP [...] " cote n° 6540) et un chef de secteur (" les clients distributeurs étaient demandeurs de cette assurance " cote n° 6555). De son côté, le directeur commercial de PVG France a évoqué un engagement à respecter les prix de vente publics de la part des distributeurs Mousquetaire et Leroy Merlin (cote n° 6534).
62. Certains courriels évoquent expressément un engagement de la part du distributeur Leroy Merlin. En effet, un courriel de PVG à Leroy Merlin en date du 25 août 2005 évoque " un accord [...] qui prévoyait un prix de vente public ". De même, un courriel du 9 mai 2006 adressé par PVG France adressé au même distributeur fait référence à un " engagement de prix public ", un " accord sur les prix des appareils de marque Zibro et respect des prix publics préconisés " de la part de Leroy Merlin (cote n° 10688).
63. Ces différents éléments permettent d'établir que certains distributeurs et notamment Leroy Merlin ont accepté de respecter les prix de vente publics que leur communiquait PVG France. Cette démarche confirme l'application effective de la politique de PVG par ces distributeurs.
b) Sur la mise en œuvre de la politique par PVG
64. De nombreux éléments présents au dossier démontrent l'application effective de la politique de PVG décrite ci-dessus à l'égard de plusieurs distributeurs.
65. Ainsi, entre autres exemples, un responsable " comptes clés " de PVG France a déclaré, s'agissant des entretiens annuels de référencement : " ces rencontres, qui avaient lieu en fin d'année/début d'année suivante, avaient notamment pour but de parler des prix de vente publics (PVP) des appareils 1er prix, des clients et des parts de marché, et ce en vue de la saison de chauffage à venir, saison qui débute en août de chaque année. [...] L'application des PVP était facilitée par le fait que les bons de commande édités et expédiés par PVG comportaient l'indication des PVP à l'instar des deux bons de commande que vous me présentez concernant Auchan et Intermarché. Cette indication des PVP était systématique dans la communication externe de PVG " (cotes nos 6539 et 6555).
66. Pour assurer l'efficacité de sa politique commerciale, PVG France a mis en place plusieurs moyens de vérification de l'application effective des prix de vente publics. Ainsi, un ancien responsable " comptes clés " de PVG France en fonction de 2002 à 2004 a déclaré que " dans le cas de constat de prix de vente en dessous des PVP, il était demandé au chef de rayon de remonter le prix. Au besoin, nous remontions au niveau de la centrale d'achat pour faire remonter le prix. Il est vrai que les GSB étaient demandeurs du système de PVP et que les écarts étaient peu nombreux. Sur le terrain, c'était le travail des responsables de secteur de vérifier l'application des référencements négociés par les comptes clés, de signaler et de faire remonter les prix qui se situaient en dessous des PVP. D'ailleurs, une partie de la rémunération des chefs de secteur était liée à une partie qualitative comprenant l'implantation, la mise en avant, le respect de la PLV, de l'ILV et du respect du prix de vente public ".
67. Un autre ancien responsable " comptes clés " de PVG France, en fonction de 2004 à 2008, a expliqué qu'au sein de la société était opérée une compilation des " publicités des clients distributeurs [ce qui] permet une surveillance du respect des prix conseillés et une veille concurrentielle en même temps. Le document de synthèse permet aussi d'argumenter sur le respect des prix en cas de réclamation de la part d'un distributeur. [...] Le rôle des chefs de secteur était, entre autres, de surveiller l'application des prix conseillés et de faire les remontées qui s'imposaient pour permettre, si possible, une action correctrice de ma part ou de celle de mon homologue [...] pour les GBS, auprès des acheteurs... Lorsqu'il était constaté un non respect du PVP, PVG France engageait une demande de relèvement, demande qui correspondait à sa ligne commerciale directrice et à celle du groupe PVG de manière plus globale " (cotes nos 6556 et 6565, voir aussi les cotes nos 6541 et 5373).
68. À plusieurs reprises, PVG France a eu l'occasion d'intervenir auprès de ses distributeurs lorsque ces derniers ne pratiquaient pas les prix demandés. En effet, un ancien responsable " comptes clés " de PVG France en fonction de 2002 à 2004 a rapporté : " J'ai le souvenir de notre client LA BOITE A OUTILS à qui, mon collaborateur [...] et moi-même avons demandé avec succès, à l'occasion d'une tournée magasin, de relever un prix de vente d'un appareil d'entrée de gamme pour le replacer au niveau du PVP. [...] De même, le chef de secteur Île de France de 2005 à 2008 a déclaré : " J'ai parfois été alerté sur la pratique de prix inférieurs aux prix conseillés, ce qui m'a amené à intervenir auprès du distributeur concerné pour avoir les explications du fait et, si possible, faire remonter au niveau du prix conseillé. ", puis a donné des exemples concrets de remontées des prix (voir cotes nos 6561 à 6563).
69. En outre, PVG a envoyé des courriels demandant la correction des prix afin de respecter les prix de vente publics aux enseignes Bricorama (dont la filiale discount est Batkor), Gedimat et Mr Bricolage (voir cotes nos 3485, 3493, 3339, 3341, 3345, 3346, 5640, 3557).
c) Sur l'application de la politique par les distributeurs
Sur l'application des prix de vente publics par les distributeurs
70. Si les responsables " comptes clés " en fonction entre 2002 et 2008 estiment que les prix étaient respectés dans 90 à 95 % des cas (cotes nos 6540 et 6555), un chef de secteur de 2005 à 2008 évalue à plus de 80 % les revendeurs qui respectaient les prix.
71. Une analyse quantitative de l'application des prix a pu être réalisée sur la base des publicités collectées par PVG France dans les grandes surfaces généralistes ou spécialisées en bricolage. Les relevés de prix distinguent les produits premier prix ou de gamme (marque Zibro), pour chaque fabricant et chaque campagne de ventes. Pour chaque référence, sont ainsi connus les prix constatés, l'enseigne où chaque prix a été relevé, ainsi que le poids de la référence en pourcentage du total des volumes de ventes et du chiffre d'affaires du fabricant. Par ailleurs, est également connu le prix conseillé (PVP).
72. Le tableau ci-dessous synthétise les caractéristiques des relevés de prix des produits PVG obtenus sur la base de ces publicités (cotes nos 10949 à 10951), en distinguant les produits " premier prix " et les produits de gamme. Pour PVG, l'enquête a relevé pour chaque campagne de 97 à 152 prix, concernant entre 14 et 24 références distinctes. Chaque référence a fait l'objet de 1 à 26 relevés. Les références concernées représentent, pour chacune des années considérées, plus de 90 % du chiffre d'affaires total du fabricant.
[TABLEAU]
73. Sur la base de ces relevés de prix, la proportion de relevés conformes à la politique de prix minimum imposés peut être calculée, le prix constaté étant considéré comme conforme au prix conseillé dès lors qu'il lui est égal à 1 % près, ou supérieur.
74. Le tableau ci-dessous représente la proportion de relevés conformes aux prix conseillés pour les produits de PVG France de 2005 à 2008.
[TABLEAU]
75. Pour les produits " premier prix ", les références pour lesquelles au moins 80 % des relevés sont conformes représentent entre 87 % et 100 % des volumes et entre 82 % et 100 % du chiffre d'affaires du fabricant sur les références relevées. Pour les produits de gamme, les références pour lesquelles au moins 80 % des relevés sont conformes représentent entre 75 % et 88 % des volumes et entre 66 % et 81 % du chiffre d'affaires du fabricant sur les références relevées.
Sur le comportement individuel de Leroy Merlin
76. La chef de produits chauffage de Leroy Merlin estime que les magasins sont libres de fixer leurs prix : " La société PVG communique à Leroy Merlin France des prix de vente conseillés. Il ne s'agit cependant que de préconisations émises à titre indicatif, le Chef de Produits conservant toute latitude pour les modifier en fonction des conditions commerciales recherchées par Leroy Merlin France " (cote n° 10616).
77. Les échanges entre PVG France et Leroy Merlin France évoquent cependant un accord sur le prix de détail des produits en cause.
Concernant l'année 2005
78. Le 7 juin 2005, Leroy Merlin France a adressé à PVG France le courriel suivant : " je vous confirme le PV [prix de vente] indiqué dans votre mail " (cote n° 3523). En réponse à ce courriel, le 25 août 2005, PVG France a indiqué : " Suite à notre conversation téléphonique de ce mercredi 24 août 2005 vous m'avez indiqué votre volonté de mettre en Prix de vente public 125,90 ttc le sre 702 en réponse au catalogue Castorama et 53,90 ttc le R 252 stover. Cependant j'apprends ce matin que votre catalogue " les prix incroyables " annonce sur ce produit un prix de vente à 126,77 TTC, sans référence par rapport à Castorama au moment de l'impression du catalogue. Je suis très déçu par cette attitude, car nous avions conclu un accord (e-mail du 3 juin et votre réponse du 7 juin) qui prévoyait un prix de vente public sur ce produit de 127,90 ttc. Je vous propose la solution suivante : facturation du produit SRE 702 à 106,94 HT et en fonction des commandes de produits accessoires, un avoir fin de saison pour revenir au tarif de 102,80 HT " (soulignement ajouté) (cote n° 2949).
Concernant l'année 2006
79. Il ressort du contenu d'un courriel interne à PVG France daté du 14 avril 2006, qu'un " désaccord sur le prix public " a vu le jour avec le client Leroy Merlin France (cote n° 2949). Un courriel daté du 9 mai 2006, adressé par PVG France à Leroy Merlin France, indique :
" Budget sur 1er prix : - un budget de 4 % sur les 1er prix mèche et 8 % sur les 1er prix électronique sera accordée par PVG sous forme de contrat séparé afin de ne pas avoir d'incidence sur le SRP. Cependant une exception est faite chez Leroy merlin ou cette remise sera sur facture en contrepartie d'un engagement de prix public, avec possibilité de modifier ce prix en cas de dérive chez les concurrents de LM (Castorama, Bricodépôt, Bricomarché, Carrefour, Leclerc) sur des produits de qualités similaires, ainsi que de la facturation des magasins LM par l'entrepôt aux tarifs de base.
Accord sur les prix des appareils de marque Zibro, et respect des prix public préconisés " (soulignements ajoutés) (cote n° 10688).
80. Il est ensuite relevé dans un courriel daté du 25 septembre 2006 adressé par PVG France à Leroy Merlin France, les points suivants :
" Vous trouverez à ma grande surprise votre catalogue " chauffage " avec le 1er prix mèche à 85.90 TTC, pour certains magasins du sud est. Nous avions un accord sur le respect des prix publics à 89 qui conditionnait l'application du tarif net chez LM [Leroy Merlin]. Vous venez de remettre en cause nos accords, et des sommes considérables sont en jeu. Je souhaite qu'un erratum soit mis dans les magasins concernés avec le bon prix public. J'attends de votre part des explications sur ce fait. Je vous ai fait confiance et je suis pris en défaut dès le 1er catalogue de LM. Toute la distribution est à 89 et vous venez de prendre la responsabilité de la baisse des prix au niveau national " (soulignements ajoutés) (cote n° 10692).
81. Enfin, en réponse au courriel ci-dessus, le distributeur Leroy Merlin France a indiqué à PVG France :
" Voici le message que je viens d'envoyer aux magasins du Sud est concernés par le dé positionnement prix. Je leur demande de remonter ce prix expressément. [...].
" Bonjour,
PVG vient de me remonter l'information selon laquelle vous avez décidé de positionner le 1er prix mèche à 85.90 . Je vous demande de remonter immédiatement votre prix à 89 par le biais d'un erratum. L'ensemble du marché est 89 , nous n'avons donc aucune raison de casser le prix. J'ai passé un temps infini avec PVG pour qu'il nous accorde des prix d'achat qui nous permettent de marger ; en contrepartie, je m'étais engagée à ce que Leroy Merlin respecte le prix de vente. Je vous demande donc que, sans attendre, vous remontiez ce prix... Je ne souhaite pas que ce positionnement prix fasse une trainée de poudre au [plan] national " (soulignements ajoutés) (cote nos 3478 et 10700).
Concernant l'année 2007
82. À la suite d'une remarque de PVG France concernant le prix de vente de ses produits par Leroy Merlin France, il est répondu par la chef de produit de la centrale Leroy Merlin par courriel du 24 août 2007 : " Je découvre la chose, je vais essayer de faire remonter le PV " (cote n° 2968).
83. Ligne Plus a sollicité PVG France concernant les prix de ses produits relevés chez le distributeur Leroy Merlin France. Ainsi dans un courriel en date du 20 septembre 2007, Ligne Plus a adressé à PVG France un cliché correspondant à un produit PVG proposé à la vente par le point de vente Leroy Merlin France de Reims (cote n° 3365). À propos de ces faits, le Responsable " comptes clés " de PVG France en fonction de décembre 2004 à juin 2008 indique :
" Pour le cas Leroy Merlin de Reims pour lequel [un responsable du groupe Essege] a adressé [au directeur commercial de PVG International] une photo montrant la pratique du prix de 149,90 SRE 713, premier appareil électronique, J'ai fait intervenir le chef de secteur de la région Nord [...] auprès du responsable du magasin concerné. L'explication donnée par ce dernier réside dans la vente du stock de l'année précédente. Cette situation n'a pas permis un relèvement de prix. J'imagine qu'une réponse à été donnée au [responsable du groupe Essege] sur le cas cité. Le prix de marché de cette référence était en 2007 de 169 , soit 141,30 HT, étant précisé que les 1ers prix n'étaient généralement par margés, hors ristournes arrières ou RFA " (cote n° 6555).
Concernant l'année 2008
84. En premier lieu, lors d'une braderie organisée par Leroy Merlin en 2008, les éléments qui suivent ont été constatés.
85. Il est relevé dans un courriel du 3 juillet 2008, adressé par PVG France à Leroy Merlin France, concernant la braderie : " Respect des PVP sur les 1er prix lors des catalogues de BRADERIE : Nord (magasin pilote : ARRAS). Merci d'intervenir auprès des différents interlocuteurs en région afin de faire respecter les prix publics : 89 et 169 " (soulignement ajouté) (cote n° 10696). Leroy Merlin a obtempéré ; il ressort en effet d'un courriel interne à Leroy Merlin France, daté du 7 juillet 2008, adressé en copie cachée à son fournisseur PVG France, les éléments suivants : " Dans le cadre de votre braderie, je vous demande de bien vouloir respecter les prix de vente en poêle à pétrole 1er prix mèche électronique : Je vous rappelle que brico dépôt communique à 89 pour les mèches et 169 pour les électroniques. Merci de respecter ces Prix de vente compte tenu du fait que BD [Brico dépôt] comme les autres acteurs ont beaucoup de stocks de l'année dernière " (soulignement ajouté) (cotes n° 3316).
86. Le directeur commercial de PVG France a indiqué : " Des catalogues ont été édités par des magasins Leroy Merlin du sud (catalogue CHAUFFAGE), et à l'occasion de la Braderie dans le Nord avec des prix en dessous des prix conseillés. Je savais que les magasins du sud avaient sorti le catalogue sans l'accord de [la chef de produits de la centrale Leroy Merlin]. Je suis donc intervenu auprès de la centrale pour faire remonter les prix en question sachant qu'il ne s'agissait pas d'une stratégie nationale Leroy Merlin. J'ai joué sur le fait que [la] chef produit à la centrale Leroy Merlin n'avait pas cette stratégie. Cette responsable a effectivement fait remonter les prix suite à mon intervention " (soulignements ajoutés) (cote n° 6534).
87. En deuxième lieu, il est constaté que Leroy Merlin a expréssément demandé à son fournisseur PVG France d'intervenir sur les prix des distributeurs concurrents.
88. Il ressort ainsi du courriel du 8 janvier 2008, qu'à la suite d'une sollicitation de Leroy Merlin France, PVG France est intervenu pour vérifier un prix chez un distributeur concurrent : " Suite à votre réclamation selon laquelle Auchan Le Pontet afficherait le SRE 139 à 169 , je suis passé vérifier sur place en fin de journée pour en avoir le coeur net. Auchan affiche le SRE 139 à 229,6 TTC. J'ai pris 2 photos, sur lesquelles figure le SRE 139. Vous remarquerez qu'à coté de celui-ci figure des chariots de déplacement à 16,90 . Le consommateur n'aurait-il pas confondu 16,90 et 169,6 ? " (cote n° 3307).
89. De la même manière, un courriel en date du 14 février 2008, adressé par Leroy Merlin France à PVG France, indique : " Mr [le directeur commercial de PVG France], pouvez-vous intervenir auprès du Bricoman de Villeparisis afin qu'il remonte son prix de vente sur le SRE 139 E. Ils sont à 215 . Merci de votre intervention " (soulignement ajouté) (cote n° 3310).
90. Enfin, dans un compte-rendu interne à PVG France daté de septembre 2008, il est relevé :
" Alerte sur les prix bas de bas de gamme lasers avec des offres très agressives de déstockage à Bricodépôt, où certains magasins proposent des promotions sur des modèles Essege... à 99 [...] certains magasins Leroy Merlin commencent à faire pression sur la centrale qui commence à son tour à faire pression sur nous. Nous devons travailler par tous les moyens pour éviter que cette situation, qui est d'abord censée être une promotion exceptionnelle d'été " unique ", ne s'étende pas à d'autres régions et s'étende à la saison d'automne ce qui créerait, de toute évidence une panique sur le marché, un discrédit sur le produit et un désastre sur la marge " (soulignement ajouté) (cote n° 2982).
91. En troisième lieu, il a été constaté que Leroy Merlin a agi en interne afin de faire respecter les prix de vente souhaités par le fournisseur PVG France. Ainsi, concernant les prix pratiqués par une enseigne Bricoman, appartenant au groupe Leroy Merlin, le chef de secteur " Ile de France " de PVG France a indiqué aux services d'enquête :
" Vous me présentez mon compte rendu hebdomadaire concernant le semaine 8 de 2008 portant la mention : " Demande de remise au prix à Bricoman OK ". J'ai été alerté sur ce cas par les trois magasins Leroy Merlin du secteur, étant précisé que Bricoman fait partie du groupe Leroy Merlin. Ce magasin Bricoman de Villeparisis pratiquait, de mémoire, le prix de 199 pour la référence SRE 139, alors que le prix conseillé de cet article est de 229 . Le chef de rayon de ce magasin m'a indiqué qu'il s'agissait d'un sur stock de la campagne de chauffage 2007/2008. Il a néanmoins accepté de se remettre au niveau du prix conseillé " (soulignement ajouté) (cote n° 6563).
Concernant les données quantitatives relevées
92. Des données quantitatives quant à l'application des prix par l'enseigne Leroy Merlin ont été réalisées à partir des catalogues destinés aux consommateurs et relevés par PVG France (cotes nos 10949 à 10951). Ces relevés témoignent, bien qu'en nombre limité, pour les produits premiers prix, d'un suivi très large des prix établis en concertation entre les deux fournisseurs.
[TABLEAU]
d) Conclusion sur les pratiques
93. Il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus mentionnés que les produits de marque et premiers prix de PVG France ont fait l'objet d'une communication de prix de vente conseillés à l'intention des distributeurs entre 2005 et 2008 et que PVG France a exercé, durant la même période, une surveillance des prix de revente des distributeurs au moyen, notamment, de la collecte des publicités comportant les prix des produits, des rappels et communications des prix conseillés adressées aux distributeurs.
94. Il ressort de l'analyse du comportement des distributeurs qu'ils ont communiqué à leurs différents points de vente les prix publics et que certains d'entre eux ont sollicité PVG France afin qu'il fasse respecter sa politique tarifaire à l'égard des points de vente concurrents. Des distributeurs ont sollicité le fournisseur afin que ce dernier valide leur politique tarifaire. Des distributeurs ont explicitement acquiescé aux demandes du fournisseur tendant à ce qu'ils adoptent une politique tarifaire définie.
95. Enfin, l'observation des relevés de prix pratiqués par l'ensemble des distributeurs dans les publicités collectées par PVG (paragraphes 70 à 75 supra) fait état d'une application significative des prix recommandés.
3. LES CONCERTATIONS ENTRE LIGNE PLUS ET SES CLIENTS DISTRIBUTEURS
96. Sur le sujet de la communication des prix de revente publics aux distributeurs, Ligne Plus a déclaré :
" Ligne Plus SA ne recommande pas en tant que tel des prix de vente à ses clients distributeurs. Dans le cas où des clients de Ligne Plus SA demandent le prix auquel des produits peuvent être revendus, nous pouvons leur indiquer un niveau de prix fondé sur la constatation des prix publics généralement constatés ou, pour des produits nouveaux, sur notre propre connaissance du marché, par rapport aux prix généralement pratiqués pour des produits comparables. Bien que Ligne Plus SA ne communique donc pas systématiquement une liste de prix recommandés, certains des documents joints comportent une colonne " prix généralement constatés " ou " prix généralement constatés TTC ". Il arrive également que nous indiquions le niveau de prix constaté oralement aux distributeurs qui en font la demande " (cote nos 5921 et 5922)
97. Selon un témoignage de PVG France, " Ligne Plus a adopté aussi une politique de prix conseillés, mais uniquement en communication revendeurs et ne dispose pas d'une force de vente sur le terrain. Ligne Plus ne pratique que le référencement " (cote n° 6564).
98. Il a toutefois été constaté les éléments suivants :
99. En premier lieu, les notes manuscrites du [directeur opérationnel de Ligne Plus] font état de comptes-rendus d'entretiens de référencement et indiquent de nombreux prix de vente publics, qui couvrent la période 2004 à 2008 (cotes nos 233 et 236). Aussi, il ressort d'un courriel daté du 5 avril 2005 adressé par Ligne Plus au client Atac : " Suite à votre conversation téléphonique avec [le directeur opérationnel de Ligne Plus], veuillez trouver ci-joint notre offre tarifaire modifiée pour la saison chauffage 2005-2006. Pour information : l'Inverter 5006, le prix de vente généralement constaté est de 249,00 . Pour l'Inverter 5040, le prix de vente généralement constaté est de 299,00 . Vous trouverez également les fiches produits ATAC des références Inverter 5006 et 5040 " (cote n° 3712).
100. Un courriel en date du 21 février 2007, adressé à La Redoute, indique : " Je suis surpris que vous ne reteniez pas l'Inverter 5902 malgré notre effort de prix important [...]. C'est un excellent produit dont le prix de vente public est de 549 ttc " (cote n° 8939). Il ressort d'un courriel adressé par Ligne Plus à Carrefour en date du 20 juin 2008 : " Vous m'avez parlé d'un prix de vente public de 199 ttc pour cet appareil. Etant donné que l'on va trouver des 1er prix électroniques à 169 ttc, je pense que vous pourriez proposer ce produit à un prix "fracassé" à 179 ttc " (cote n° 8919). Il ressort du dossier d'autres échanges dans lesquels Ligne Plus communique les prix de vente publics aux distributeurs (voir cotes nos 10976, 2028, 2265, 2489, 8914, 8921, 8939, 5879, 5882, 5883 et 9938).
101. Les distributeurs Apex,Auchan, Bati Brico Jardi Leclerc (BBJ),Brico Dépôt, Carrefour France, Casino, Castorama, Conforama France, Cora, Darty, Gamm Vert, La Redoute, Mr. Bricolage, MRB Saint Omer RAGT, Schiever (Cora), Sodice Expansion (Conforama), Electro Dépôt, et Media Saturn ont été, au moins à l'occasion d'une campagne, destinataires des prix de vente publics concernant les produits à marque " Inverter " et dans une moindre mesure les produits " premier prix ".
102. En deuxième lieu, il ressort des notes manuscrites reportées dans les carnets tenus par le directeur opérationnel de Ligne Plus qu'à la date du 15 mars 2005, ce dernier inscrivait : " Confo France, Devigne, Legrand, Y Decroix Carrieri entente pour augmenter les prix de vente publics rencontrer PVG- augmenter PVP avec PP on paye en coop." (cote n° 2028). Sollicité sur le sens de ces annotations, Ligne Plus a indiqué : " Les noms portés sur [ce document] correspondent à des notes d'entretien prises lors d'un rendez-vous de référencement. Je ne peux vous préciser le lieu du rendez-vous, c'est soit Secun ou région parisienne. C'était avec Conforama. L'un des interlocuteurs, [le] chef de produit à l'époque, m'a indiqué son mécontentement concernant les faibles marges dégagées sur les produits Ligne Plus et m'a suggéré de rencontrer mon concurrent PVG pour augmenter les prix de vente publics. C'est le sens de la mention " Rencontrer PVG " " (soulignement ajouté) (cote n° 6569).
103. Par courriel du 25 juin 2008, Ligne Plus indique : " Je constate que vous avez l'intention de vendre l'Inverter Minimax au prix de 219 ttc, or le prix de vente public généralement constaté pour cet appareil est de 249,00 ttc. Merci de bien vouloir corriger ce prix ". (cote n° 3799). En retour le client précise : " Nous rectifions le prix tout de suite ! " (soulignement ajouté)(cote n° 3799).
104. Dans un courriel en date du 8 février 2007, adressé à Ligne Plus, le distributeur Bricodépôt mentionne les prix des produits " premiers prix " de PVG commercialisés par Leroy Merlin :
" Je reviens vers toi au sujet du problème important d'alignement prix par rapport au catalogue de Leroy Merlin Martigues [...] les modèles que nous avons en stock ne se vendent plus et j'ai particulièrement hâte d'une réponse positive d'alignement, cela devient urgent comme tu peux l'imaginer " (cote n° 2496).
105. Des courriels similaires ont été relevés concernant les distributeurs Castorama et Gamm Vert (voir cotes nos 8890, 2838 et 2840).
106. En troisième lieu, les services d'enquête ont relevé les prix de détail des produits Ligne Plus en se basant sur les publicités diffusées par les distributeurs et dans lesquelles figurent les produits et leurs prix de vente. Le tableau ci-dessous synthétise les caractéristiques des relevés de prix des produits Ligne Plus obtenus sur la base de ces publicités. Pour Ligne Plus, l'enquête a relevé pour chaque campagne entre 36 et 87 prix, concernant entre 11 et 13 références distinctes. Chaque référence a fait l'objet de 1 à 26 relevés. Les références concernées représentent chaque année plus de 80 % du chiffre d'affaires total du fabricant, à l'exception de la campagne 2006-2007 où elles représentent 69 % du chiffre d'affaires.
[TABLEAU]
107. Chaque année, la proportion de relevés conformes est supérieure à 80 %, aussi bien pour les produits " premier prix " que pour les produits de gamme.
108. En raisonnant produit par produit, en pondérant par le chiffre d'affaires que représente chaque référence, il apparaît que les références pour lesquelles au moins 80 % des relevés sont conformes représentent 100 % du chiffre d'affaires du fabricant sur les références " premier prix " relevées ; elles représentent respectivement 89 % et 96 % du chiffre d'affaires du fabricant sur les références de produits de gamme Ligne Plus relevées en 2005/2006 et 2007/2008, mais seulement 46 % en 2007/2008.
Tableau 2 Proportions de relevés conformes aux prix conseillés pour Ligne Plus 2005-2008
[TABLEAU]
109. Concernant plus particulièrement le distributeur Brico Dépôt, en ce qui concerne les premiers prix, les relevés suivants ont été réalisés :
Tableau 3 Prix des produits " premiers prix " Ligne Plus chez Brico Dépôt
[TABLEAU]
110. S'agissant des produits de gamme de ce même distributeur, les relevés, peu nombreux, sont portés dans le tableau ci-dessous :
Tableau 4 Prix des produits de gamme Ligne Plus chez Brico Dépôt
[TABLEAU]
Conclusion
111. Il ressort des constats relevés ci-dessus que Ligne Plus a communiqué des prix de revente conseillés concernant ses produits de gamme et ses produits " premier prix ". Certains distributeurs ont sollicité le fournisseur sur le niveau de prix qu'il conviendrait de pratiquer et signalent les tarifs de points de vente concurrents.
112. L'observation des relevés de prix pratiqués au niveau de l'ensemble des distributeurs (paragraphes 106 et suivants supra) permet de constater une application significative en particulier pour les produits " premier prix ", pour les saisons 2005/2006 à 2007/2008.
D. LES GRIEFS NOTIFIÉS
113. Le 22 avril 2015, la rapporteure générale a notifié les griefs suivants :
Grief n° 1 : les pratiques relevées entre PVG France et Ligne Plus
" Il est fait grief d'une part, aux sociétés Ligne Plus SA (R.C.S. Lille Métropole 344 744 362) en tant qu'auteur des pratiques et Essege (BE 0441003075), SG holding (BE 0475565957), et Tolefi (BE 0449147711) en leur qualité de sociétés mères, et d'autre part à PVG France (RCS Rouen 343 590 683) et PVG international (NL 160467510000) en tant qu'auteures et aux sociétés PVG Distribution B.V. (NL 160549200000) et PVG Holding B.V. (NL 160467510000) en leur qualité de sociétés mères, d'avoir pris part entre mars 2005 et septembre 2008, à une entente prohibée par l'article L 420-1 du Code de commerce et l'article 101 du TFUE, ayant consisté, en premier lieu à se concerter, sur le niveau des prix intermédiaires et publics et sur les conditions de vente des appareils de chauffage mobile à combustible liquide " premiers prix ", et en second lieu, à se répartir la clientèle et les quantités de produits proposées ou vendues concernant les appareils de chauffages mobiles à combustible liquide "premiers prix" et appareils de gamme ".
Ces pratiques sont de nature à fausser le jeu de la concurrence en raison de leur objet et effets, en substituant à la détermination des prix par le libre jeu de la concurrence, des pratiques de détermination en commun des prix et de répartition de la clientèle.
Grief n° 2 : pratiques relevées entre PVG France et ses distributeurs
" Il est fait grief, à la société PVG France (RCS Rouen 343 590 683) en tant qu'auteure, et aux sociétés PVG Distribution B.V. (NL 160549200000) et PVG Holding B.V. (NL 160467510000) en leur qualité de sociétés mères, d'avoir entre 2005 et 2008, pris part à une entente pour fixer le prix de vente aux consommateurs finaux des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide " premiers prix " et de marque, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.
Il est également fait grief à la société Leroy Merlin France (RCS Lille Métropole 384 560 942) en tant qu'auteure et à la société Groupe Adeo (RCS Lille Métropole 358 200 913) en sa qualité de société mère, d'avoir participé entre 2005 et 2008, à cette même infraction consistant à fixer le prix de vente aux consommateurs finaux des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide " premiers prix " et de marque, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.
Ces pratiques sont de nature à fausser le jeu de la concurrence en raison de leur objet et effets, en substituant à la libre détermination des prix finaux, un mécanisme destiné à fixer artificiellement les tarifs ".
Grief n° 3 : pratiques relevées entre Ligne Plus et ses distributeurs
" Il est fait grief d'une part, aux sociétés Ligne Plus SA (R.C.S. Lille Métropole 344 744 362) en tant qu'auteur des pratiques et Essege (BE 0441003075), SG holding (BE 0475565957), et Tolefi (BE 0449147711) en leur qualité de sociétés mères, d'avoir, entre 2005 et 2008, pris part à une entente pour fixer le prix de vente aux consommateurs des appareils mobiles à combustible liquide " premiers prix " et de marque, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.
Il est également fait grief à la société Brico Dépôt (R.C.S. Evry B 451 647 903), et à la société Kingfisher France (R.C.S. Lille B 300 500 766) en sa qualité de société mère, d'avoir participé, entre 2005 et 2008, à cette même infraction consistant à fixer le prix de vente aux consommateurs finaux des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide " premiers prix " et de marque, en violation de l'article L. 420-1 du Code de commerce et l'article 101 TFUE.
Ces pratiques sont de nature à fausser le jeu de la concurrence en raison de leur objet et effets, en substituant à la libre détermination des prix finaux, un mécanisme destiné à fixer artificiellement les tarifs ".
II. Discussion
114. Seront successivement discutés :
- l'application du droit de l'Union,
- les moyens relatifs à la procédure,
- le bien-fondé des griefs notifiés.
A. SUR L'APPLICATION DU DROIT DE L'UNION
115. Les pratiques reprochées, qui concernent l'ensemble du territoire français, sont susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres. Elles portent d'une part sur des produits qui font l'objet d'échanges intra-groupes en provenance des pays de production (Corée, Chine, et Japon principalement) vers des pays de l'Union européenne. D'autre part, Ligne Plus et PVG France réalisaient, à l'époque des faits, la totalité des ventes des produits concernés (cotes nos 7035 et 7062). Dans ces conditions, les pratiques en cause affectent nécessairement les courants d'échanges entre la France et les autres pays de l'Union européenne.
116. Le droit de l'Union est donc applicable à ces pratiques. Ce point n'est pas contesté par les parties mises en cause.
B. SUR LA PROCÉDURE
117. Leroy Merlin fait valoir que la durée de la procédure d'instruction a été excessive. Elle estime que la complexité du dossier n'était pas de nature à justifier la durée de cette procédure et que cette situation a obéré sa capacité à se défendre, portant ainsi atteinte à ses droits fondamentaux. Elle fait également valoir qu'en raison d'un changement de système informatique en 2008, un grand nombre de données, qui n'entreraient pas dans le champ des données comptables directement visées par l'article L. 123-22 du Code de commerce, ne seraient plus en sa possession. Elle estime, enfin, que la procédure aurait pâti des réorganisations et priorités internes au sein des services d'instruction de l'Autorité.
118. Le caractère raisonnable de la durée de la procédure garanti par l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales s'apprécie au regard de la complexité et de l'ampleur de l'affaire en cause comme du comportement des autorités compétentes (arrêts de la Cour de cassation du 6 mars 2007, Demathieu et Bard SA, n° 06-13501, p. 13 et de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté prestige international, précité, p. 18). En outre, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour l'Autorité de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai excessif, sous réserve que ce délai n'ait pas causé à chacune des entreprises, formulant un grief à cet égard, une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre (arrêts de la Cour de cassation du 6 mars 2007, précité, et du 23 novembre 2010, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, n° 09-72.031, p. 5).
119. En l'espèce, le rapport administratif d'enquête a été mené sur l'ensemble du secteur de la distribution des appareils mobiles de chauffage à combustible liquide. L'enquête mettait en cause une vingtaine de distributeurs adossés à neuf grands groupes. L'instruction a notamment nécessité de vérifier la participation individuelle de tous ces acteurs avant d'écarter leur responsabilité dans les pratiques en cause. La durée de la procédure résulte du nombre des entreprises initialement impliquées et de l'importance des pièces du dossier. Du reste, la longueur de la procédure n'a pas privé Leroy Merlin de l'exercice normal de ses droits de la défense. Sur ce point, il convient de rappeler qu'il incombe à chaque partie mise en cause d'apporter la preuve d'une violation concrète, effective et irrémédiable de ses droits de la défense (voir arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2010, Parfums, n° 09-72.031). En outre, il est de la responsabilité de chaque entreprise de veiller à la bonne conservation de ses documents comme de tous éléments permettant de retracer la licéité de ses pratiques en cas d'action judiciaire ou administrative (arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2010, Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, précité, et de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2012, précité, p. 19). Or Leroy Merlin ne démontre pas que la durée de la procédure l'aurait privée de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui lui sont reprochés. Il ressort au contraire de la longueur et du caractère détaillé des observations de Leroy Merlin que l'entreprise a pu jouir du plein exercice de ses droits à la défense. Enfin, Leroy Merlin a été auditionnée le 13 septembre 2010. Elle était donc nécessairement informée de l'existence d'une enquête de concurrence dès cette date et pouvait prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver les éléments et pièces nécessaires à sa défense.
C. SUR LE BIEN-FONDÉ DES GRIEFS NOTIFIÉS
1. SUR LA DÉFINITION DU MARCHÉ PERTINENT
120. Lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, comme c'est le cas en l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir le marché avec précision dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre (voir notamment l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, aff. T-30/05, Rec. p. II-107, point 86 et décision de l'Autorité de la concurrence n° 15-D-18 du 2 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des jeux vidéo, paragraphe 128).
121. Au cas présent, les pratiques sont observées sur les marchés amont et aval de la vente d'appareils mobiles de chauffage à combustible liquide sur lesquels PVG France et Ligne Plus interviennent en tant que fournisseurs des GSA et GSB et Leroy Merlin en tant que distributeur aux consommateurs finaux (paragraphes 20 et suivants ci-dessus). Il n'est pas nécessaire, au stade de la qualification, d'entrer dans une définition plus fine des marchés de produits considérés.
2. SUR LES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN œUVRE DE LA PROCÉDURE DE NON-CONTESTATION DES GRIEFS
a) Rappel des principes
122. L'organisme ou l'entreprise qui choisit de solliciter le bénéfice de la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce doit respecter les conditions imposées à cet égard, en ne contestant pas la réalité des griefs qui lui ont été notifiés.
123. L'intéressé doit ainsi renoncer à contester, non seulement la réalité de l'ensemble des pratiques visées par la notification des griefs mais également la qualification qui en a été donnée au regard des dispositions du droit de l'Union et du Code de commerce, ainsi que sa responsabilité dans la mise en œuvre de ces pratiques (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, p. 23). Cette renonciation doit, sur l'ensemble de ces points, être expresse, complète et dépourvue d'ambiguïté (décisions n° 04-D-42 du 4 août 2004 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre du marché de la restauration de la flèche de la cathédrale de Tréguier, paragraphe 15, n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes, paragraphe 303 ; voir également, en ce sens, décisions n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, paragraphes 226, 228 et 425, et n° 11-D-07 du 24 février 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux de peinture d'infrastructures métalliques, paragraphe 113).
124. Une telle renonciation à contester les griefs suffit pour permettre à l'Autorité de considérer que l'ensemble des infractions en cause sont établies à l'égard des parties qui ont fait ce choix procédural (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 janvier 2010, Adecco France e.a., n° 2009/03532, p. 10, et sur pourvoi arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France e.a., n° 10-12.913 ; voir également les décisions n° 04-D-42, précitée, paragraphe 12, et n° 11-D-07, précitée, paragraphe 113).
b) Application au cas d'espèce
Concernant PVG
125. Il convient de constater que, par procès-verbal du 26 juin 2015, les sociétés PVG France, PVG International B.V., PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V. ont fait le choix de ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés.
126. En conséquence, les griefs rappelés au paragraphe 113 ci-dessus et relatifs aux pratiques d'entente horizontale décrites aux paragraphes 25 et suivants et aux pratiques d'entente verticale décrites aux paragraphes 55 et suivants ci-dessus sont établis à l'égard des entreprises PVG France, PVG International B.V., PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V. de mars 2005 à septembre 2008.
Concernant Ligne Plus
127. Il convient de constater que, par procès-verbal du 19 mai 2015, les sociétés Ligne Plus, Essege, SG Holding, et Tolefi ont fait le choix de ne pas contester les griefs d'entente horizontale et verticale qui leur ont été notifiés.
128. En conséquence, le grief rappelé au paragraphe 113 ci-dessus et relatifs aux pratiques d'entente horizontale décrites aux paragraphes 25 et suivants et aux pratiques d'entente verticale décrites aux paragraphes 55 et suivants ci-dessus sont établis à l'égard des entreprises Ligne Plus, Essege, SG Holding, et Tolefi de mars 2005 à septembre 2008.
Concernant Leroy Merlin et Brico Dépôt
129. Concernant Leroy Merlin et Brico Dépôt, qui n'ont pas fait le choix procédural de la procédure de non-contestation des griefs, il demeure nécessaire de démontrer leur participation individuelle aux pratiques reprochées, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 29 mars 2011, Manpower France.
3. EN CE QUI CONCERNE LES DISTRIBUTEURS LEROY MERLIN ET BRICO DÉPÔT
a) Rappel des principes applicables
La pratique de prix imposés est une restriction de concurrence par objet
130. Dans son arrêt du 16 mai 2013, Kontiki, la Cour d'appel de Paris a rappelé que " les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence ".
131. En ce qui concerne plus précisément les prix imposés, la cour d'appel a souligné dans le même arrêt que " les pratiques de prix imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des restrictions caractérisées et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l'établissement d'un prix de vente fixe ou minimal que l'acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence " (confirmé par la Cour de cassation dans son arrêt du 7 octobre 2014, Président de l'Autorité de la concurrence).
La preuve d'une entente verticale sur les prix
132. Il ressort d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constantes, tant en droit de l'Union qu'en droit interne, que la preuve de l'accord de volontés entre les parties à une entente est démontrée lorsque sont établis, d'un côté, l'invitation d'une partie à l'accord à mettre en œuvre une pratique et, d'un autre coté, l'acquiescement d'au moins une autre partie à cette invitation (arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 112, du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, aff. C-277/87, Rec. p. I-45, point 13, et du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, aff. T-41/96, Rec. p. II-3383, point 67 ; et de la Cour d'appel de Paris, 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, devenu définitif après les arrêts de rejet de la Cour de cassation du 7 avril 2010).
133. Le Tribunal a précisé à cet égard que " la notion d'accord au sens de l'article [101, paragraphe 1, du TFUE] telle qu'elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l'existence d'une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n'est pas importante pour autant qu'elle constitue l'expression fidèle de celles-ci " (arrêt du Tribunal, Bayer/Commission du 26 octobre 2000, aff. T-41/96, point 69) (soulignement ajouté). Dans cette même affaire, le Tribunal a précisé que " la preuve d'un accord entre entreprises au sens de [101, paragraphe 1, du TFUE] du traité doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord " (arrêt Bayer c/ Commission précité, point 173) (soulignement ajouté).
134. Ainsi, et comme l'a rappelé la Cour d'appel de Paris dans l'arrêt du 26 janvier 2012 (Beauté Prestige International, RG n° 2010/23945, pp. 44 à 45), la démonstration de l'accord de volonté peut se faire par tout moyen, étant entendu que la Cour de justice de l'Union européenne considère avec constance qu'il n'est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l'examen de preuves additionnelles de nature comportementale (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services c/ Commission, aff. T-168/01, Rec. p. II-2969, point 83, non remis en cause par l'arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services c. Commission, aff. C-501/06 P e.a., Rec. p. I-9291 ; voir également décisions n° 12-D-10 du 20 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'alimentation pour chiens et chats, paragraphe 157, et n° 13-D-21 du 18 décembre 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché français de la buprénorphine haut dosage commercialisée en ville, paragraphe 425). La Cour d'appel de Paris s'est inscrite dans cette jurisprudence, par son arrêt Kontiki du 16 mai 2013, en considérant que " la preuve d'un accord [vertical] peut être constituée par des preuves directes (tel qu'un écrit) ou indirectes (tel qu'un comportement) et qu'en présence de preuves documentaires ou contractuelles, il n'est pas besoin de recourir, au surplus, à l'étude de preuve de nature comportementale ".
135. L'arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a c/ Commission, aff. C-204/00, point 237) qualifie de " preuves documentaires directes " des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d'ordre du jour ou encore des notes de séance de réunion. Les preuves ont été qualifiées ainsi en raison de leur caractère suffisamment explicite :
" Contrairement à ce que soutiennent Italcementi et Cementir, le Tribunal n'a opéré ni un renversement indu de la charge de la preuve ni une violation de la présomption d'innocence. Le Tribunal a conclu, d'une part, que les documents mentionnés au point 18 des motifs de la décision Ciment, à savoir les notes internes de Blue Circle, la déclaration de M. Y... et les déclarations de Cembureau elle-même (documents nos 33.126/11525 et 13568 à 13573), faisaient état explicitement de l'existence d'une entente entre les producteurs européens de ciment ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des ventes d'un pays à l'autre (voir point 920 de l'arrêt attaqué) et, d'autre part, que les documents mentionnés aux points 19 et 45 des motifs de la décision Ciment indiquaient qu'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, avait été conclu dans le cadre de la réunion du 14 janvier 1983 (voir point 1003 de l'arrêt attaqué). C'est à juste titre que le Tribunal a qualifié, au point 862 de l'arrêt attaqué, lesdits documents de "preuves documentaires directes" de l'existence de l'accord Cembureau " (point 237) (soulignements ajoutés).
136. Ainsi, s'agissant d'une entente sur les prix, la démonstration de l'accord de volontés résulte de preuves documentaires directes et, à défaut, de preuves comportementales indirectes constituées par la réunion d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants (arrêts de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, Espé Joué Club, et de la Cour de cassation du 11 juin 2013, n° 614, Parfums).
b) Appréciation de l'Autorité
Sur la participation de Leroy Merlin France à l'entente verticale avec PVG France (grief n° 2)
137. Leroy Merlin France conteste l'existence de toute entente verticale et soutient qu'en tout état de cause, celle-ci ne pourrait être démontrée que par la réunion de trois éléments que sont la communication de prix conseillés à la société Leroy Merlin France par la société PVG France, la participation de la société Leroy Merlin France à la surveillance et au contrôle des prix de détail et enfin l'application par Leroy Merlin France des prix de revente, afin de former un faisceau d'indices graves, précis et concordants.
138. Mais, comme indiqué aux paragraphes 76 à 92 de la présente décision, les preuves documentaires directes concernant la participation de Leroy Merlin France à l'entente verticale avec PVG France sont, pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008, particulièrement nombreuses et explicites.
139. Les échanges de l'été 2005 relatés au paragraphe 78 ci-dessus démontrent, sans ambiguité possible, un accord de volonté entre le fournisseur PVG France et le distributeur Leroy Merlin France. En effet, par un échange de courriels du 3 juin 2005 - dans lequel PVG indique à Leroy Merlin le prix de vente à respecter - et du 7 juin 2005 - dans lequel Leroy Merlin confirme à PVG l'application de ce prix -, les deux parties se sont accordées sur le prix de vente. Un courriel adressé par PVG à Leroy Merlin, faisant mention d'une conversation téléphonique du 24 août 2005 par lequel les deux parties auraient réaffirmé leur accord sur le prix de vente à respecter, mentionne " Je suis très déçu par cette attitude, car nous avions conclu un accord (e-mail du 3 juin et votre réponse du 7 juin) " (soulignements ajoutés), avant de proposer un nouvel accord à Leroy Merlin.
140. En 2006, les échanges décrits aux paragraphes 79 et suivants démontrent, là aussi sans ambiguité, un accord de volonté sur les prix entre les parties en cause. Le courriel du 9 mai 2006 envoyé par PVG France à Leroy Merlin France propose une remise sur certains produits à Leroy Merlin en contrepartie d'un engagement de prix public de la part de ce dernier et préconise un accord sur les prix des appareils de marque Zibro et un respect des prix publics :
" Budget sur 1er prix : - un budget de 4 % sur les 1er prix mèche et 8 % sur les 1er prix électronique sera accordée par PVG sous forme de contrat séparé afin de ne pas avoir d'incidence sur le SRP. Cependant une exception est faite chez Leroy merlin ou cette remise sera sur facture en contrepartie d'un engagement de prix public, avec possibilité de modifier ce prix en cas de dérive chez les concurrents de LM (Castorama, Bricodépôt, Bricomarché, Carrefour, Leclerc) sur des produits de qualités similaires, ainsi que de la facturation des magasins LM par l'entrepôt aux tarifs de base.
Accord sur les prix des appareils de marque Zibro, et respect des prix public préconisés " (cote n° 3331) (soulignements ajoutés).
141. Un deuxième courriel envoyé en septembre 2006 par PVG à Leroy Merlin demande des explications quant au non-respect de l'engagement pris par Leroy Merlin sur le respect des prix de vente. Le courriel indique en effet " Nous avions un accord sur le respect des prix publics à 89 " et " Vous venez de remettre en cause nos accords ". En réaction, Leroy Merlin, bien loin de démentir l'existence d'un tel accord, prend les mesures nécessaires en interne pour faire respecter les termes de cet accord et en informe PVG France. La chef de produit de la centrale d'achat Leroy Merlin explique : " Je leur demande de remonter ce prix expressément " et dans le courriel adressé aux magasins concernés " J'ai passé un temps infini avec PVG pour qu'il nous accorde des prix d'achat qui nous permettent de marger ; en contrepartie, je m'étais engagée à ce que Leroy Merlin respecte le prix de vente " (paragraphe 81 ci-dessus).
142. En 2007, à la suite d'une remarque de PVG France concernant le prix de vente de ses produits par Leroy Merlin France, la chef de produit de la centrale Leroy Merlin répond qu'elle va faire le nécessaire pour faire remonter les prix concernés, démontrant ainsi un accord de volonté entre les deux parties (paragraphe n° 82 ci-dessus).
143. Concernant l'année 2008, les éléments décrits au paragraphe 85 établissent clairement un accord de volontés, PVG demandant à Leroy Merlin d'" intervenir [...] afin de faire respecter les prix publics : 89 et 169 " et ce dernier réagissant rapidement en interne afin de faire respecter effectivement ces prix tout en en informant PVG.
144. En effet, dans un courriel du 3 juillet 2008, adressé par PVG France à Leroy Merlin France, il est indiqué : " Respect des PVP sur les 1er prix lors des catalogues de BRADERIE : Nord (magasin pilote : ARRAS). Merci d'intervenir auprès des différents interlocuteurs en région afin de faire respecter les prix publics : 89 et 169 " (cote n° 3355) (soulignement ajouté). Leroy Merlin a obtempéré comme il ressort d'un courriel interne à Leroy Merlin France, daté du 7 juillet 2008, adressé en copie cachée à son fournisseur PVG France, les éléments suivants : " Dans le cadre de votre braderie, je vous demande de bien vouloir respecter les prix de vente en poêle à pétrole 1er prix mèche électronique : Je vous rappelle que brico dépôt communique à 89 pour les mèches et 169 pour les électroniques. Merci de respecter ces Prix de vente compte tenu du fait que BD [Brico dépôt] comme les autres acteurs ont beaucoup de stocks de l'année dernière " (cotes n° 3316) (soulignement ajouté).
145. Au vu des principes évoqués aux paragraphes 132 et suivants, il apparaît que ces quatre preuves documentaires directes démontrent chacune sans ambiguïté un accord de volontés entre PVG France et Leroy Merlin France, sans qu'il soit besoin, comme le voudrait Leroy Merlin France, de rechercher l'existence d'un faisceau d'indices graves, précis et concordants. Ces preuves directes permettent de caractériser l'entente verticale qui est donc établie concernant Leroy Merlin France de juin 2005 à juillet 2008.
146. À titre surabondant, des indices supplémentaires particulièrement éloquents sont constitués par des déclarations de responsables de PVG France - décrits aux paragraphes 83, 86 et 90 ci-dessus - des demandes de Leroy Merlin faites à PVG France afin que celui-ci intervienne sur les prix pratiqués par les distributeurs concurrents - décrits aux paragraphes 88 et 89 - et d'un compte-rendu interne à PVG décrit au paragraphe 91, qui confortent les preuves directes.
147. Il résulte de tout ce qui précède que la participation de Leroy Merlin à l'entente verticale avec PVG France est établie. C'est donc de manière inopérante que Leroy Merlin invoque dans ses observations la représentativité insuffisante des relevés de prix qui ne sont pas utiles à la démonstration de l'accord de volonté entre PVG France et Leroy Merlin.
Sur la participation de Brico Dépôt à l'entente verticale avec Ligne Plus (grief n° 3)
148. Il a été constaté au paragraphe 104 ci-dessus que le distributeur Brico Dépôt a sollicité son fournisseur Ligne Plus à propos de certains prix pratiqués par l'enseigne Leroy Merlin Martigues : " Je reviens vers toi au sujet du problème important d'alignement prix par rapport au catalogue de Leroy Merlin Martigues [...] les modèles que nous avons en stock ne se vendent plus et j'ai particulièrement hâte d'une réponse positive d'alignement, cela devient urgent comme tu peux l'imaginer " (cote n° 2496).
149. Ce courriel, dans la mesure où il peut être interprété de diverses façons, ne saurait constituer une preuve au regard des principes évoqués aux paragraphes 132 et suivants ci-dessus. En effet, une preuve, qu'elle soit constituée d'un seul élément ou de plusieurs indices, doit pouvoir démontrer en elle-même un accord de volontés sans ambigüité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
150. À défaut de preuves directes, il convient d'apprécier l'ensemble des autres éléments présents au dossier. Bien que des relevés de prix de Brico Dépôt aient été effectués concernant les produits " premier prix " et les produits de gamme (voir paragraphes 109 et suivants de la présente décision), ces indices ne sauraient constituer une preuve comportementale indirecte suffisante au sens de la jurisprudence précitée. La participation de Brico Dépôt à une entente verticale avec Ligne Plus (grief n° 3) n'est en conséquence pas établie.
4. SUR L'IMPUTABILITÉ
a) Rappel des principes
151. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, et 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, " TFUE "), visent les infractions commises par des entreprises, comprises comme désignant des entités exerçant une activité économique.
152. En droit interne comme en droit de l'Union, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Ces solutions jurisprudentielles cohérentes sont fondées sur le fait qu'en l'absence d'autonomie de la société filiale par rapport à la société mère, ces deux sociétés font partie d'une même unité économique, et, partant, forment une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
153. En droit de l'Union, la jurisprudence a défini un régime de la preuve spécifique pour apprécier l'autonomie d'une filiale par rapport à sa mère en ce qui concerne son comportement sur le marché. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur d'un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle la société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Il incombe alors à la société mère de renverser la présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, l'Autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale (arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel, aff. C-97/08, points 60 et 61 et jurisprudence citée, et de la Cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pp. 18 et 19).
154. Ces principes, et notamment le régime de la preuve institué par la jurisprudence européenne, s'imposent à l'Autorité lorsqu'elle fait application des stipulations des articles 101 et 102 du TFUE.
b) Appréciation au cas d'espèce
Concernant le groupe PVG
155. Les sociétés PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V. n'ont pas contesté les griefs et donc l'imputation des pratiques.
156. En conséquence, il y a lieu d'imputer les pratiques à PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V.
Concernant le groupe Ligne Plus
157. Les sociétés Essege, SG Holding et Tolefi n'ont pas contesté les griefs et donc l'imputation des pratiques.
158. En conséquence, il y a lieu d'imputer les pratiques à Essege, SG Holding et Tolefi.
Concernant le Groupe Adeo
159. Le Groupe Adeo conteste l'imputabilité du grief d'entente à son encontre, au motif que la présomption d'imputabilité des pratiques aux sociétés mères détenant l'intégralité du capital de leur filiale serait contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). Le Groupe Adéo observe que seules " des circonstances très exceptionnelles " pourraient conduire l'Autorité à renverser l'application de la présomption. Elle en conclut qu'" en pratique " la présomption est " irréfragable " et fait valoir que " la possibilité de renverser la présomption " est " totalement théorique " puisqu'elle nécessite la démonstration " d'une autonomie totale de la filiale " équivalent à rapporter une " preuve négative " de l'absence d'interférence de la société mère.
160. L'application de cette présomption serait de ce fait " attentatoire au principe de la présomption d'innocence consacré par l'article 6 de la CEDH ", et aux principes de responsabilité personnelle et de légalité des peines, principes garantis par l'article 7 de la CEDH.
161. Selon le Groupe Adeo l'application de la présomption doit s'appuyer sur " des faits matériels " qui permettent " de laisser penser qu'une personne est coupable d'infraction ". Or l'imputation des pratiques à la société mère par l'application de la présomption serait contraire à ce principe, dans la mesure où " la société mère n'a commis aucun acte matériel et n'a participé d'aucune manière à une infraction ".
162. Dans le cas présent, le Groupe Adeo, au soutien de l'argument qui précède, explique qu'il n'a " qu'un rôle de holding non opérationnelle au sein du groupe ", qu'il n'existe " aucune communication commune à l'ensemble des enseignes du groupe Adeo " et que chaque enseigne se trouve " en situation de concurrence ". Il affirme, enfin, que Leroy Merlin n'est pas dépendante des ressources de la société mère, que les sièges sociaux des entreprises sont distincts, de même que les équipes opérationnelles et techniques. Leroy Merlin déterminerait " librement la gamme des produits qu'elle commercialise " et est " totalement autonome dans la définition de sa politique tarifaire et de ses marges " de même que dans " sa stratégie de publicité " et sa " politique financière ". S'agissant du reporting, Leroy Merlin France se limiterait " à un reporting classique pour un actionnaire non impliqué opérationnellement ".
163. Il est de jurisprudence constante que " dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l'Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale ", eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnelles et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 11 juillet 2013, Commission/Stichting Administratiekantoor-Gosselin Groupe NV, aff. C-440/11 P, point 40, voir également l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 mai 2016, n° 2014/25803, p. 7) (soulignement ajouté).
164. Comme l'a indiqué la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 20 janvier 2011, General Química, au vu de son caractère réfragable, la présomption, pouvant être renversée dans chaque cas d'espèce " ne conduit pas à une attribution automatique de responsabilité à la société mère détenant la totalité du capital social de sa filiale, qui serait contraire au principe de la responsabilité personnelle sur lequel repose le droit de la concurrence de l'Union " (aff. C-90/09, point 52).
165. Cependant, le fait que l'entité détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital d'une autre entité ou contrôlant la totalité ou la quasi-totalité des parts sociales de cette autre entité soit constituée sous la forme juridique d'une holding purement financière ou d'une fondation plutôt que d'une société n'est pas suffisant pour renverser cette présomption, ainsi que l'a rappelé la Cour de l'Union dans son arrêt du 11 juillet 2013 précité, toutes ces sociétés mères ou entités faîtières ayant le même intérêt économique à l'activité concrètement exercée par leurs filiales respectives sur le marché (voir aussi l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 mai 2016, précité, pp. 7 et 8).
166. Le Tribunal a adopté le même raisonnement pour des holdings non opérationnelles dans l'arrêt Total et Elf Aquitaine: " D'autre part, même à supposer qu'Elf Aquitaine ne soit qu'une holding non opérationnelle et une " direction financière " cela ne saurait suffire pour exclure qu'elle ait exercé une influence déterminante sur sa filiale Arkema en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du Groupe [...] " (paragraphe 85).
167. La seule absence d'adoption de décisions de gestion de la filiale par cette entité dans le respect des exigences de forme prévues par le droit des sociétés ne saurait dès lors suffire à démontrer l'autonomie de la filiale, ainsi que l'a rappelé la Cour de justice de l'Union dans l'arrêt du 11 juillet 2013 précité. L'adoption de décisions formelles par des organes statutaires n'est pas nécessairement requise pour constater l'existence d'une unité économique constituée de l'auteur de l'infraction et de son entité faîtière et, au contraire, cette unité peut également naître de façon informelle, notamment, en raison de l'existence de liens personnels existant entre les entités juridiques qui composent une telle unité économique.
168. La présomption ne peut en l'espèce être renversée sur le fondement des éléments apportés par les parties.
169. Le grief n° 2 a été notifié à Leroy Merlin en tant qu'auteur et au Groupe Adeo en tant que société mère de Leroy Merlin. Pendant toute la période des pratiques en cause, Leroy Merlin était détenue directement à 100 % par le Groupe Adeo. Il est donc présumé que le Groupe Adeo exerçait pendant la période des pratiques une influence déterminante sur Leroy Merlin.
170. Au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir la responsabilité de Leroy Merlin en tant qu'auteur pour la totalité de l'infraction visée par le grief n° 2 et celle du Groupe Adeo en tant que société mère, également pour la totalité des mêmes pratiques.
III. Sur les sanctions
171. Le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation individuelle de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ".
172. L'Autorité apprécie les critères légaux énoncés ci-dessus selon les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
173. Lorsque plusieurs griefs ont été notifiés, l'Autorité peut imposer à chaque entreprise mise en cause plusieurs sanctions correspondant à plusieurs infractions (arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2007, société Bouygues Télécom), en déterminant chacune d'elles en fonction des critères prévus par le Code de commerce (voir, en ce sens l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011, Lafarge). Mais l'Autorité peut aussi décider, pour chaque entreprise mise en cause, une sanction unique correspondant à plusieurs infractions (voir, en ce sens, les arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2005, société Dexxon Data Media, et de la Cour d'appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club).
174. En l'espèce, les griefs d'entente verticale et d'entente horizontale notifiés visent des pratiques mises en œuvre sur le marché des appareils de chauffage mobiles à combustion liquide, tant au stade de la vente de gros qu'à celle de détail, et sur la même période. Cette identité des périodes, des marchés et de l'objet général poursuivi par les différentes ententes empêche de distinguer les effets potentiels ou réels produits sur le marché par l'une et l'autre de ces infractions et d'apprécier séparément le dommage causé à l'économie par chacune des pratiques.
175. Partant, l'Autorité déterminera une seule sanction au titre de ces deux griefs pour les deux fournisseurs mis en cause, c'est-à-dire les entreprises PVG France et Ligne Plus et leurs sociétés mères, en tenant compte de la participation de ceux-ci aux deux pratiques.
176. Pour les trois entreprises mises en cause, seront successivement examinées : la valeur des ventes, la gravité des pratiques, l'importance du dommage causé à l'économie et la situation individuelle de chacune.
A. SUR L'ASSIETTE DES SANCTIONS
177. La valeur des ventes de l'ensemble des catégories de produits ou services en relation avec les infractions effectuées par les entreprises en cause, durant leur dernier exercice comptable complet de participation à ces infractions, est retenue comme assiette de leur sanction respective. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité dans le communiqué du 16 mai 2011 précité, au paragraphe 23, " Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part ".
178. Certes, le Code de commerce, en ne se référant pas au chiffre d'affaires lié au secteur ou au marché en cause, mais uniquement au chiffre d'affaires mondial consolidé ou combiné, n'impose pas à l'Autorité de procéder de la sorte (arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997, Société française de transports Gondrand frères, n° 95-16.378). Pour autant, ce paramètre constitue généralement une référence appropriée et objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à la réalité économique de l'infraction en cause, et plus précisément à son ampleur ainsi qu'au poids relatif sur le secteur concerné de chacune des entreprises qui y a participé (arrêts de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, page 72 et du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., n° 2011/01228, pages 37 et 38), comme cela ressort aussi de la jurisprudence constante des juridictions de l'Union (arrêts de la Cour de justice du 7 juin 1983, Musique diffusion française/Commission, 100/80, points 119 à 121, et du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P, point 114).
179. Dans le présent dossier, les pratiques poursuivies concernaient, pour les trois griefs, les produits des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide " premier prix " et de marque. Il y a donc lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes.
180. La Cour d'appel de Paris rappelle qu'une entente ne saurait être constituée entre deux entreprises qui ne sont pas autonomes l'une vis-à-vis de l'autre (arrêt du 20 janvier 2011, relatif à la décision n° 10-D-13 de l'Autorité de la concurrence). Ainsi, dans l'hypothèse où un groupe de sociétés, formant une seule et même entreprise au sens du droit de la concurrence participe à une entente au travers de plusieurs des personnes morales qui le composent, il convient de considérer que cet ensemble ne constitue qu'un seul et unique participant à l'entente et non pas plusieurs.
181. Aux fins du calcul de la sanction, une seule valeur des ventes sera retenue pour les sociétés PVG France, PVG International, PVG Distribution et PVG Holding qui font toutes parties de la même unité économique.
182. Enfin, selon la méthode développée par le communiqué du 16 mai 2011, la référence retenue par l'Autorité est la valeur des ventes durant le dernier exercice comptable complet de participation de chaque entreprise en cause. Dans les cas où elle considère que le dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction ne constitue manifestement pas une référence représentative, l'Autorité retient un exercice qu'elle estime plus approprié.
183. En l'espèce, le dernier exercice comptable complet pour les trois griefs est celui clos au 30 avril 2008 pour Ligne Plus, au 31 juillet 2008 pour PVG France et au 31 décembre 2007 pour Leroy Merlin. Mais compte tenu de l'irrégularité des ventes constatées selon les années pour les trois entreprises concernées, avec une baisse sensible en 2007, l'Autorité retiendra une moyenne de la valeur des ventes réalisées pendant toutes les années des pratiques, qui est plus représentative.
184. Au vu des considérations qui précèdent, le tableau ci-dessous récapitule les valeurs des ventes servant d'assiette à la sanction individuelle de chacune des entreprises (en euros) :
Tableau 5 - Valeur des ventes
Entreprise | Année de référence | Valeur des ventes (en euros)
PVG | Moyenne mensuelle annualisée sur la durée des pratiques | 23 121 386
Ligne Plus | Moyenne mensuelle annualisée sur la durée des pratiques | 10 965 561
Leroy Merlin | Moyenne mensuelle annualisée sur la durée des pratiques | 5 312 028
B. SUR LA GRAVITÉ
185. Lorsqu'elle apprécie la gravité d'une infraction, l'Autorité tient compte notamment de la nature des pratiques qu'elle poursuit, des personnes susceptibles d'être affectées et des caractéristiques objectives de l'infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.) (point 26 du communiqué sanctions).
186. La détermination du degré de gravité d'une pratique implique donc d'en examiner les caractéristiques, à la lumière de ces critères.
1. CONCERNANT PVG ET LIGNE PLUS
187. Il ressort de la jurisprudence des juridictions de l'Union qu'une entente horizontale portant sur les prix futurs constitue une infraction parmi les plus graves (arrêt de la Cour de justice du 24 septembre 2009, Erste Groupe Bank e.a./Commission, aff. C-125/07 P e.a., point 103).
188. De même, au niveau national, la Cour d'appel de Paris s'est prononcée en ce sens dans son arrêt du 24 avril 2007, JH Industrie, ainsi que dans son arrêt du 25 février 2009, Société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations, dans lequel elle a indiqué :
" Considérant, sur la proportionnalité, que, pour ce qui est de la gravité de l'entente sur les prix, le Conseil a rappelé à juste titre que les ententes ou actions concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la libre fixation des prix par le jeu du marché sont de celles qui sont considérées injustifiables par l'OCDE dans sa recommandation du 25 mars 1998, qu'elles portent une atteinte grave au fonctionnement du marché et donc aux avantages que peuvent en attendre les consommateurs, peu important que certains parmi les clients victimes des pratiques disposent d'un fort pouvoir de marché [...] ".
189. Concernant plus spécifiquement les ententes verticales, la cour d'appel a indiqué dans l'affaire des " jouets " que " les ententes verticales sur les prix, constitutives de " restrictions caractérisées " au sens du règlement européen n° 2790 du 27 décembre 1999 [...] même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d'autant plus d'être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marque demeure " (arrêt de la Cour d'appel de Paris 28 janvier 2009, affaire des jouets, n° 2008/00255, page 17).
190. En l'espèce, les pratiques horizontales relevées ont fait obstacle au libre jeu de la concurrence par les prix entre les deux seuls fournisseurs d'appareils mobiles de chauffage à combustible liquide. Les pratiques ont permis aux deux fournisseurs de fixer d'un commun accord les prix intermédiaires et les ont conduits à s'abstenir de démarcher les distributeurs attribués au fournisseur concurrent en se répartissant la clientèle et les volumes. Dans ces conditions, l'objet de la pratique était de fortement atténuer la concurrence inter-marque, privant les distributeurs des conditions optimales de prix et par répercussion les consommateurs finaux de prix compétitifs. Pour ce qui concerne les pratiques verticales, celles-ci avaient pour objet une harmonisation des prix des produits des fournisseurs sur le marché de la vente au consommateur. Elles ont ainsi fortement réduit la concurrence intra-marque entre les réseaux de revente et contribué en conséquence à priver les consommateurs finaux de la possibilité de profiter de prix concurrentiels.
191. Pour PVG et Ligne Plus, la gravité des pratiques résulte également du cumul des pratiques horizontale et verticale. En participant à une entente à la fois sur les prix de gros et de détail, entre distributeurs et fournisseurs, en se répartissant le marché au moyen d'un partage de clientèle, les pratiques en cause ont conduit à entraver la concurrence inter et intra-marque, tant à l'amont qu'à l'aval. L'ensemble de ces pratiques fait ainsi directement obstacle aux règles de concurrence, et plus précisément à la libre fixation des prix et des volumes sur le marché. Ainsi, si la jurisprudence classe les pratiques d'entente verticale à un degré de moindre gravité par rapport aux ententes horizontales, en l'espèce, la combinaison des deux pratiques contribue à en renforcer la gravité. L'ensemble des pratiques commises peut être classé parmi les infractions les plus graves aux règles de concurrence, dans la mesure où elles présentent un caractère général et ne peuvent tendre qu'à confisquer, au profit des auteurs de l'infraction, le bénéfice que les consommateurs sont en droit d'attendre d'un fonctionnement concurrentiel de l'économie.
192. L'étude économique soumise par PVG considère que la combinaison des pratiques horizontales et des pratiques verticales n'accroit pas la gravité des pratiques ou leurs effets anticoncurrentiels. D'après celle-ci, du fait de la loi Galland, PVG n'avait pas besoin de fixer des prix de revente imposés pour contrôler les prix de détail. Par ailleurs, l'entente portait sur un partage de clientèle et une déviation était donc facilement détectable sans prix de revente imposés.
193. Cependant, contrôler les prix de revente par manipulation du seuil de revente à perte est contraire à l'article L. 442-2 du Code de commerce : le contrefactuel proposé n'est donc pas opérant (voir décisions n° 03-D-45 du 25 septembre 2003, paragraphe 405, et n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de jouets, paragraphe 675). Au surplus, en raison de l'entrée en vigueur de la loi dite " Dutreil II ", l'argument n'est théoriquement pertinent qu'à condition que le niveau des marges arrière soit inférieur à 20 % (en 2006), puis 15 % (en 2007) du prix net - les marges arrière supérieures à ces seuils pouvant, d'après cette loi, être réintégrées dans le seuil de revente à perte. Or il est loin d'être certain que ce niveau de marge arrière ait suffi à contraindre les distributeurs à pratiquer le prix souhaité par les fabricants. Par ailleurs, l'entente ne portait pas seulement sur le partage de la clientèle, mais également sur le niveau des prix de gros. Dans ce cadre, l'imposition de prix de revente contribuerait à garantir une meilleure " stabilité " de l'entente horizontale : comme les distributeurs ne pouvaient, du fait des prix de revente imposés, répercuter sur les consommateurs les baisses des prix de gros, ces dernières ne pouvaient plus animer la concurrence entre les fabricants et ne présentaient plus aucun intérêt pour ces derniers. De surcroît, en l'absence de prix de revente imposés, une baisse des prix par un distributeur aurait pu être interprétée par les fabricants comme la preuve d'une diminution des prix de gros du fournisseur en question et une rupture de l'entente horizontale. À nouveau, la stabilité de l'entente horizontale a donc été renforcée grâce à la pratique de prix de revente imposés.
194. Concernant la nature des acteurs susceptibles d'être affectés, les personnes directement visées par les pratiques sont les distributeurs, en ce qui concerne la pratique de répartition de clientèle, et surtout les consommateurs finaux.
195. Sur les caractéristiques objectives de l'infraction, les sociétés du groupe PVG avancent que les pratiques revêtaient un " faible degré de sophistication " ce qui viendrait " tempérer la gravité des faits " prenant appui sur la " fréquence peu élevée des prises de contact entre les différentes parties dans le cadre des pratiques " (cote n° 13018).
196. Cependant, la relative faiblesse de fréquence des contacts doit être nuancée par le fait que le marché comprenait, au moment des faits, deux fournisseurs (PVG France et Ligne Plus), de sorte qu'il n'était pas nécessaire de développer une sophistication particulière dans la commission des pratiques, ni même une grande fréquence dans les contacts.
2. CONCERNANT LEROY MERLIN
197. S'agissant de la nature de l'infraction, seule l'entente verticale présentée au paragraphe 189 ci-dessus est imputée à Leroy Merlin. Contrairement aux fournisseurs, la gravité doit être appréciée uniquement par rapport à cette infraction : elle est moindre que celle attachée à une entente horizontale et, a fortiori, à un cumul des deux infractions.
198. Concernant la nature des acteurs susceptibles d'être affectés, les personnes visées par les pratiques sont les consommateurs finaux.
C. SUR L'IMPORTANCE DU DOMMAGE CAUSÉ À L'ÉCONOMIE
199. Selon la jurisprudence, l'importance du dommage causé à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique, sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise individuellement (arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a. n° 02-11754, et CA Paris, du 17 septembre 2008, Coopérative agricole L'ardéchoise, n° 2007/10371, p. 6).
200. L'importance du dommage à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, n° 2007/18 040).
201. L'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause (arrêt de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, p. 5, confirmé par la Cour de cassation par arrêts du 30 mai 2012 et 26 janvier 2012, Beauté prestige international, p. 89). L'existence du dommage à l'économie ne saurait donc être présumée, y compris en cas d'entente (arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Orange France, n° 09-12984).
202. En se fondant sur une jurisprudence établie, l'Autorité tient notamment compte, pour apprécier l'incidence économique de la pratique en cause, de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des participants sur le secteur ou le marché concerné, de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné (voir, par exemple, arrêts de la Cour d'appel de Paris du 30 juin 2011, précité, page 5 et du 26 janvier 2012, précité, page 89 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2012, précité). Les effets tant avérés que potentiels de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2005, Novartis Pharma, n° 04-13910).
1. S'AGISSANT DE PVG FRANCE ET LIGNE PLUS
203. Concernant l'ampleur des infractions, celles-ci concernent l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse des pratiques horizontales ou verticales. Les pratiques ont en effet concerné les produits commercialisés en France métropolitaine. Par ailleurs, c'est l'ensemble des appareils de chauffage mobiles à combustion liquide, tant au stade de la vente de gros qu'à celle de détail, qui ont été impactés par les pratiques. En effet, les pratiques ont réuni les deux seules entreprises animant, depuis 2005, le marché des appareils de chauffage à combustion liquide, PVG France et Ligne Plus. Les pratiques ont par ailleurs été mises en œuvre avec l'ensemble des distributeurs.
204. Les sociétés du groupe PVG avancent que les poêles à pétrole subissent également la pression concurrentielle d'autres produits (convecteurs électriques, appareils à gaz ou à bois, etc.). Mais certaines caractéristiques de ces produits alternatifs sont cependant susceptibles de limiter leur substituabilité avec les produits à pétrole. C'est par exemple le cas de la différence de coût de l'énergie entre les chauffages à pétrole et les chauffages électriques. C'est également le cas du caractère non mobile de certaines de ces alternatives ou de leur capacité de chauffage de volumes moins importante.
205. Néanmoins, il est vrai qu'une certaine substitution peut exister entre les poêles à pétrole et ces modes de chauffage alternatifs, qui vient alors limiter la capacité des fabricants et des distributeurs à élever leurs prix. Ainsi, la totalité des utilisateurs de poêles à pétrole ne sont pas sensibles à la facilité de mobilité de ces produits et les utilisent avant tout pour la qualité de son rendement. Une telle substitution a également été observée sur le marché, plusieurs éléments indiquant ainsi que les consommateurs ont pu substituer un chauffage à bois, qui présente un rendement attractif pour les consommateurs, aux chauffages à pétrole (cotes nos 6883 et 7629). Cette pression concurrentielle atténue alors l'ampleur de la hausse de prix qui a pu résulter des pratiques.
206. Par ailleurs, les volumes de ventes de poêle à pétrole ont connu des baisses significatives depuis la mise en œuvre des pratiques, du fait, en partie, des hausses significatives du prix du pétrole. Cette baisse des volumes de vente peut attester indirectement de l'existence d'une certaine élasticité de la demande des consommateurs au prix de ce mode de chauffage.
207. S'agissant des barrières à l'entrée, il a été noté plus haut que, à partir de 2004, les poêles à pétrole ont dû être équipés d'un détecteur de CO2 afin de pouvoir être commercialisés sur le marché français, obligation qui n'existe pas dans les autres pays de l'Union. Les produits font l'objet d'une homologation technique et réglementaire par le Laboratoire National de métrologie et d'essais (LNE) sans laquelle il n'est pas possible de mettre les produits sur le marché. Toutefois, et comme les parties l'ont souligné en séance, cette contrainte ne constitue pas une barrière à l'entrée insurmontable.
208. Concernant les conséquences conjoncturelles des pratiques tant horizontales que verticales, les études soumises par PVG proposent des estimations des surprix causés par les pratiques.
209. Elles concluent à l'existence de surprix positifs et statistiquement significatifs d'environ 1,7% sur les prix triple nets et nuls sur les prix nets. L'analyse ne porte toutefois que sur les données de PVG et ne peut exclure des hausses de prix plus importantes (ou plus faibles) de Ligne Plus, notamment du fait des pratiques de partage de clientèle également mises en œuvre. L'analyse ne prend pas non plus en compte les surprix causés, au stade du détail. À cet égard, les estimations réalisées sur les prix nets, censés refléter les prix de détail du fait de la loi Galland, ne sont pas probantes, dans la mesure où les prix de détail n'étaient pas systématiquement fixés par les distributeurs au niveau du seuil de revente à perte. Si les fournisseurs pouvaient dans certains cas fixer le prix de détail à travers le contrôle du seuil de revente à perte, dans d'autres cas, le seuil de revente à perte ne permettait pas aux fournisseurs de fixer le prix souhaité comme il a été exposé supra. Dans ce dernier cas, l'examen du prix net n'équivaut pas à un examen du prix de détail. Par ailleurs, l'année 2005/2006 n'est pas prise en compte dans l'analyse.
210. Au-delà de ces contraintes de données, la méthode d'estimation utilisée est la méthode " pendant/après " qui compare les prix des produits affectés pendant la période des pratiques aux prix postérieurs aux pratiques. Or les produits de PVG constituant les différentes gammes dont les prix moyens sont étudiés ne sont pas les mêmes pendant et après les pratiques. Cette évolution de la composition des différentes gammes ne peut être mesurée par l'évolution des coûts des différents produits, puisque le prix de ces derniers dépend d'autres facteurs comme par exemple leur qualité (cf. p. 45 de l'étude économique qui relève que lorsqu'on tient déjà compte des coûts d'achat, la gamme du produit est un important déterminant du prix des produits) ce qui diminue la fiabilité des estimations.
211. Certaines variables susceptibles d'affecter les prix pendant la période étudiée (comme l'évolution des prix de l'énergie) ne sont pas prises en compte dans les estimations. PVG indique tenir compte des variations de la demande au travers des volumes achetés. Mais une telle prise en compte est cependant insatisfaisante car les volumes achetés dépendent de nombreux paramètres, dont les prix pratiqués par les fabricants. À nouveau, ces limites diminuent la fiabilité des estimations.
212. En dernier lieu, sur l'ensemble de la période, le respect des prix recommandés par les distributeurs dans leurs publicités a en moyenne été très significatif, particulièrement pour les produits premiers prix. Il peut toutefois être relevé, tant pour PVG France que pour Ligne Plus, que mesuré en valeur, le respect des prix recommandés par les distributeurs dans leurs publicités s'est atténué lors de la dernière saison des pratiques pour les produits de gamme.
213. Il résulte des éléments exposés ci-dessus que le dommage à l'économie causé par les pratiques apparaît certain mais limité.
2. CONCERNANT LEROY MERLIN
214. Concernant l'ampleur de l'infraction, celle-ci concerne l'ensemble du territoire national. Les pratiques ont en effet concerné les produits commercialisés en France métropolitaine.
215. Leroy Merlin avance, tout comme le groupe PVG, que les poêles à pétrole subissent également la pression concurrentielle d'autres produits. Il est renvoyé sur ce point aux paragraphes 204 et 205 ci-dessus.
216. Concernant les conséquences conjoncturelles des pratiques de Leroy Merlin, la première de ses deux études économiques conclut à une absence de surprix causé par les pratiques. Les estimations ne portent cependant que sur les prix de Leroy Merlin alors que les pratiques de ce distributeur ont pu conduire à une hausse de prix des autres distributeurs (au travers de sa participation à la police des prix) et ont pu faciliter l'entente entre Ligne Plus et PVG (cf. supra). Par ailleurs, les données ne sont disponibles qu'à compter du 1er janvier 2007 et ne portent donc que sur une partie réduite de la période des pratiques. Enfin, la méthode d'estimation en double différence utilise les appareils de chauffage au gaz comme groupe de contrôle. Or des évolutions de prix fortement différenciées entre les deux produits, par exemple entre juin 2009 et juin 2010 ou à partir de 2014, peuvent être observées en dehors de la période des pratiques, remettant en cause la pertinence du groupe de contrôle.
217. Cette étude économique conclut également que les pratiques verticales n'ont pas conduit à une harmonisation des prix et n'ont donc pas réduit la concurrence intra-marque. Il existerait ainsi des différences de prix entre les magasins Leroy Merlin et, pour un même magasin Leroy Merlin, il existerait des différences de prix dans le temps au sein d'une même saison. La fin des pratiques n'aurait par ailleurs pas conduit à une hausse de la dispersion des prix de Leroy Merlin.
218. Cependant, l'harmonisation des prix qui est reprochée porte avant tout sur une harmonisation des prix entre les différents distributeurs. Cette harmonisation ne peut être mise en évidence par l'étude produite par Leroy Merlin puisqu'elle ne porte que sur les données de prix de cette enseigne. La relative dispersion des prix pratiqués par Leroy Merlin a néanmoins pu contibuer à diminuer cette harmonisation des prix entre enseignes.
219. Une seconde étude économique de Leroy Merlin vise à démontrer que les prix de vente conseillés n'ont pas été appliqués.
220. L'analyse porte sur l'ensemble des ventes de produits PVG par Leroy Merlin mais concerne la seule saison 2007/2008. Quelle que soit la méthodologie ou le type de produit retenus (produits premiers prix, produits de gamme), les taux de respect n'atteignent, selon l'étude, jamais 80 %.
221. Il convient de rappeler que, comme il a été établi au paragraphe 92, pour ce qui concerne les produits premiers prix, selon les relevés, en nombre certes limité, établis à partir des catalogues, le taux de respect s'élève à 93 % en moyenne sur les trois années.
222. En ce qui concerne la seule saison 2007/2008, évoquée par Leroy Merlin, les taux de respect mesurés au niveau des prix affichés en magasin restent très significatifs, entre 67 et 73 % sur le total des références concernées par les pratiques. De même, les taux de respect mesurés au niveau des prix facturés sont compris entre 58 et 62 %. Pour autant, cette étude montre que le respect des prix de Leroy Merlin a été imparfait pour cette année 2007, notamment dans la mesure où les prix des catalogues nationaux font abstraction des prix éventuellement inférieurs affichés dans certains magasins. Par ailleurs, d'une manière générale, le taux de respect est moins significatif pour les produits de gamme durant la période concernée.
223. Eu égard à ce qui précède, il apparaît que le dommage à l'économie est certain mais limité, du fait d'un respect des prix de vente public qui, bien qu'établi, n'a pas été généralisé sur l'ensemble des gammes et l'ensemble de la période.
D. CONCLUSION SUR LES PROPORTIONS DES ASSIETTES DES SANCTIONS À RETENIR
224. Concernant PVG France et Ligne Plus, compte tenu de l'appréciation qu'elle a faite ci-dessus de la gravité des faits et de l'importance certaine mais limitée du dommage causé à l'économie dans le secteur concerné, l'Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, au titre des deux griefs, une proportion de 20 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires.
225. Concernant Leroy Merlin, l'Autorité retiendra pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, au titre du deuxième grief, une proportion de 6 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions pécuniaires.
E. SUR LA DURÉE DE PARTICIPATION DES ENTREPRISES AUX PRATIQUES
226. Comme indiqué ci-dessus, la durée de l'infraction est un facteur pertinent qu'il convient de prendre en compte dans le cadre de l'appréciation tant de la gravité des faits que de l'importance du dommage à l'économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l'atteinte qu'elle porte au libre jeu de la concurrence et la perturbation qu'elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l'économie, sont susceptibles d'être substantielles.
227. Dans le cas d'infractions qui se sont prolongées plus d'une année, l'Autorité s'est engagée à prendre en compte leur durée selon les modalités pratiques suivantes. La proportion retenue, pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l'importance du dommage à l'économie, est appliquée une fois, au titre de la première année complète de participation individuelle de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l'exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes. Au-delà de la dernière année complète de participation à l'infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.
228. Dans chaque cas d'espèce, cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur, défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l'infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d'entre elles pendant l'exercice comptable retenu comme référence.
Entreprise | Durée individuelle de participation | Coefficient à retenir
PVG | 3 ans et 7 mois | 2,29
Ligne Plus | 3 ans et 7 mois | 2,29
Leroy Merlin | 3 ans et 2 mois | 2,08
F. CONCLUSION SUR LA DÉTERMINATION DU MONTANT DE BASE
229. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, eu égard à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé en proportion des ventes liées à la commercialisation des services en relation avec les infractions commises par les sociétés en cause, d'une part, et de la durée des pratiques, d'autre part, est le suivant :
Société | Montant de base (en euros)
PVG France | 10 589 595
Ligne Plus | 5 022 227
Leroy Merlin France | 662 941
TOTAL | 16 274 763
G. SUR L'INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
1. SUR LES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES OU AGGRAVANTES
230. L'Autorité s'est engagée à adapter les montants de base retenus ci-dessus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause, qu'il s'agisse d'organismes ou d'entreprises, appartenant le cas échéant à des groupes plus larges.
231. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d'espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d'autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu'à la baisse.
232. Aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'une des entreprises en cause aurait joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l'entente, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant.
2. SUR LES AUTRES ÉLÉMENTS D'INDIVIDUALISATION
233. Le groupe Leroy Merlin dispose d'une taille, d'une puissance économique et de ressources globales importantes.
234. La société Leroy Merlin France, à laquelle l'infraction a été imputée en tant qu'auteur des pratiques, a réalisé, en 2014, un chiffre d'affaires qui s'est élevé à environ 4,9 milliards d'euros.
235. Le Groupe Adeo, auquel l'infraction a été imputée en tant que société mère ultime de l'auteur des pratiques, a réalisé, en 2014, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 14,7 milliards d'euros.
236. Dans ces conditions, il y a lieu, pour proportionner la sanction à la taille et à la puissance économique du Groupe Adeo, d'augmenter de 20 % la sanction infligée à Leroy Merlin au titre des infractions qui lui sont imputables, portant ainsi la sanction à 795 529 euros.
H. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) Sur la vérification du respect du maximum légal
237. L'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ".
238. Par ailleurs, le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose qu'en cas de non-contestation de grief " [...] le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".
239. Le chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu réalisé par le groupe PVG était de 194 863 000 euros en 2007. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 9 743 150 euros, ce qui est inférieur au montant mentionné au paragraphe 229 ci-dessus. Il y a donc lieu de ramener la sanction infligée à PVG à 9 743 150 euros.
240. En ce qui concerne le groupe Ligne Plus, son chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu était de 122 031 000 euros en 2013. Du fait de la mise en œuvre de la procédure de non-contestation des griefs, le montant maximum de la sanction s'élève à 6 101 550 euros, ce qui est supérieur au montant mentionné au paragraphe 229 ci-dessus.
241. Enfin, s'agissant de Leroy Merlin, son chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes le plus élevé connu était de 14 745 412 000 euros en 2014. Le montant maximum de la sanction s'élève à 1 474 541 200 euros. Ce montant est supérieur à celui indiqué au paragraphe 236 ci-dessus.
b) Sur la prise en compte de la non-contestation des griefs
242. Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce permet au rapporteur général de proposer à l'Autorité de tenir compte, dans le cadre de la détermination de la sanction, du fait qu'une entreprise ou un organisme choisit de ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Le rapporteur général peut, par ailleurs, lui proposer de tenir compte du fait que l'intéressé s'engage en outre à modifier son comportement pour l'avenir.
243. En l'espèce, les sociétés PVG France, PVG International B.V., PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V ont signé un procès-verbal de non-contestation des griefs le 26 juin 2015 et ont présenté des engagements dont l'ensemble est substantiel, crédible et vérifiable. Il convient donc d'accorder à ces sociétés une réduction de 16 % du montant de leur sanction solidaire au titre de la procédure de non-contestation des griefs, portant la sanction à un montant de 8 184 246 euros.
244. Les sociétés Ligne Plus, Essege, SG holding, et Tolefi ont signé un procès-verbal de non-contestation des griefs le 19 mai 2015 et ont présenté des engagements dont l'ensemble est substantiel, crédible et vérifiable. Il convient donc d'accorder à ces sociétés une réduction de 16 % du montant de leur sanction solidaire au titre de la procédure de non-contestation des griefs, portant la sanction à un montant de 4 218 671 euros.
c) Sur la situation financière des entreprises
245. Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l'Autorité s'est en dernier lieu engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive dont les parties invoquent l'existence, selon les modalités pratiques indiquées dans le communiqué du 16 mai 2011 précité.
246. Il appartient en effet à l'entreprise de justifier l'existence de telles difficultés en s'appuyant sur des preuves fiables, complètes et objectives attestant de leur réalité et de leurs conséquences concrètes sur sa capacité contributive (voir, en ce sens, arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 octobre 2012, précité, p. 73).
247. L'examen des éléments financiers et comptables transmis par la société PVG attestent effectivement de l'existence de difficultés financières particulières et actuelles affectant sa capacité à s'acquitter de la sanction que l'Autorité envisage de lui imposer, comme indiqué au paragraphe 243 ci-dessus. Il convient donc de réduire le montant de sa sanction de 8 184 246 euros à 4 000 000 euros.
I. SUR LE MONTANT FINAL DES SANCTIONS
[TABLEAU]
J. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION
248. Aux termes de l'article L. 464-2, alinéa 5 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux ou publications qu'elle désigne aux frais des entreprises en cause.
249. En l'espèce, afin d'informer les acteurs économiques du secteur de la présente décision et de les inciter à la vigilance vis-à-vis des pratiques condamnées, il y a lieu d'ordonner la publication, à frais partagés des entreprises sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans les éditions de " Aujourd'hui en France ", du résumé de la présente décision figurant ci-après :
Résumé de la décision :
" Le 21 juillet 2016, l'Autorité de la concurrence a rendu une décision par laquelle elle sanctionne, pour un montant total de 9 013 000 euros, trois ententes intervenues dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide en France.
Une première entente horizontale entre les deux seuls fournisseurs de ces appareils de chauffage, PVG France et Ligne Plus, s'est déroulée du mois de mars 2005 au mois de septembre 2008. Elle reposait, en premier lieu, sur une concertation sur les prix de vente sur le marché de gros et sur les prix publics de revente des appareils premiers prix, et, en second lieu, sur une répartition entre ces deux fournisseurs de la clientèle des distributeurs, chacune s'abstenant de démarcher les distributeurs de son concurrent, en se concertant également sur les volumes d'appareils proposés à la vente, en ce qui concerne les produits premiers prix et les produits de gamme.
Les deux autres ententes, de nature verticale, se sont déroulées entre, d'une part, PVG France et ses distributeurs, et notamment Leroy Merlin France dont la responsabilité a été retenue par l'Autorité, et, d'autre part, Ligne Plus et ses distributeurs, entre 2005 et 2008. Les pratiques consistaient en une concertation sur la fixation et le respect d'un prix de revente au consommateur final des appareils de chauffage premiers prix et de gamme.
Ces infractions au droit de la concurrence, dont l'objet était de fixer les prix à la fois sur le marché de gros et le marché de détail, et dans le meme temps également de se répartir les marchés et les volumes entre fournisseurs, sont particulièrement graves car elles interdisaient toute concurrence à la fois entre les deux seules marques existantes et également entre les distributeurs pour une même marque. Elles ont donc causé un dommage certain mais limité aux consommateurs et à l'économie. En effet, les consommateurs ont eu la possibilité de se tourner vers d'autres produits (convecteurs électriques, appareils à gaz, etc.) et les distributeurs n'ont pas systématiquement respecté les prix fixés par les fournisseurs.
Les trois entreprises concernées se sont vues infliger des sanctions pécuniaires. PVG France a bénéficié d'une réduction de sanction de plus de 50 % en raison des difficultés financières dont elle a fait état.
Au total, l'Autorité a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
[TABLEAU]
Le texte intégral de la décision de l'Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ".
Décision
Article 1er : Il est établi que les sociétés PVG France, PVG International, PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V. ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, entre mars 2005 et septembre 2008, à des ententes horizontale et verticale sur le marché français des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide.
Article 2 : : Il est établi que les sociétés Ligne Plus S.A., Essege, SG Holding et Tolefi ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1, du TFUE, en participant, entre mars 2005 et septembre 2008, à des ententes horizontale et verticale sur le marché français des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide.
Article 3 : Il est établi que les sociétés Leroy Merlin France et Groupe Adeo ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE, en participant, entre juin 2005 et juillet 2008, à une entente verticale sur le marché français des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide.
Article 4 : Sur la base des informations dont dispose l'Autorité, il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure en ce qui concerne les sociétés Brico Dépôt et Kingfisher France.
Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes au titre des pratiques visées à l'article 1er :
- aux sociétés PVG France et PVG International, solidairement avec les sociétés PVG Distribution B.V. et PVG Holding B.V, une sanction de 4 000 000 euros ;
- à la société Ligne Plus S.A., solidairement avec les sociétés Essege, SG Holding et Tolefi, une sanction de 4 218 000 euros.
Article 6 : Est infligée à la société Leroy Merlin France, solidairement avec la société Groupe Adeo, au titre des pratiques visées à l'article 2, une sanction pécuniaire de 795 000 euros.
Article 7 : Les sociétés visées aux articles 1, 2 et 3 feront publier le texte figurant au paragraphe 249 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions du journal Aujourd'hui en France. Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractères gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 16-D-17 du 21 juillet 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide ". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 30 septembre 2016.