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Décisions

Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-11.415

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Garage Gremeau (SA), Bourtourault (ès qual.), Maître (ès qual.)

Défendeur :

Mercedes-Benz France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Poillot-Peruzzetto

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois

Cass. com. n° 15-11.415

6 septembre 2016

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2014), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 28 juin 2005, pourvoi n° 04-15.279, rectifié le 12 juillet 2005), qu'en 2002, la société Daimler Chrysler France, devenue la société Mercedes-Benz France (la société Mercedes), a réorganisé son réseau de distribution en supprimant de nombreux distributeurs et en créant de grandes "plaques" de distribution à l'échelon départemental ou régional ; qu'elle a ainsi décidé de regrouper deux concessions situées en Côte-d'Or pour créer une zone Bourgogne ; que le 25 juin 2001, elle a notifié à la société Garage Gremeau (la société Gremeau), concessionnaire exclusif à Chenôve, la résiliation de son contrat de concession avec un préavis de deux ans venant à échéance le 30 juin 2003 ; que le règlement d'exemption alors en vigueur ayant été remplacé par le règlement n° 1400/2002 du 31 juillet 2002, la société Gremeau a, par lettre recommandée du 28 septembre 2002, notifié à son concédant sa candidature officielle pour un contrat de distribution de véhicules neufs ; que par mise en demeure du 9 octobre 2002, la société Gremeau a demandé à la société Mercedes de lui communiquer les éléments objectifs à partir desquels elle avait défini son critère quantitatif ; que le 13 février 2003, la société Mercedes lui a fait savoir que le nombre des distributeurs à nommer dans son réseau étant déjà atteint, il n'était pas possible de donner une suite favorable à sa candidature ; que la société Gremeau l'a assignée en responsabilité pour son refus de l'agréer en qualité de distributeur ;

Attendu que la société Gremeau fait grief à l'arrêt de dire que la société Mercedes n'a pas commis de faute en refusant de l'agréer en qualité de distributeur de véhicules neufs et de rejeter sa demande en réparation alors, selon le moyen : 1°) que les conditions de licéité d'un réseau de distribution sélective supposant une sélection des membres du réseau à partir de critères précis, objectifs, préalablement déterminés et appliqués de façon uniforme et non discriminatoire à tous les candidats à l'agrément, un candidat ne saurait être sélectionné avant d'avoir effectivement respecté la totalité des critères qualitatifs de sélection ; qu'en retenant néanmoins, en l'espèce, que l'intervention du règlement 1400/2002 n'empêchait pas " le libre choix " du distributeur, pourvu qu'il ait été " en mesure de mettre en œuvre les critères retenus par le fabricant ", qu'il ait adhéré " à ces conditions dès leur définition ", qu'il se soit engagé, dans le cadre de son projet, " à les respecter " ou qu'il ait présenté des " garanties sérieuses " quant à la mise en œuvre des critères, cependant que ce candidat ne pouvait être choisi ou sélectionné aussi longtemps qu'il ne respectait pas effectivement les critères de sélection requis, la cour d'appel a violé les articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; 2°) que dans un système de distribution sélective qualitative et quantitative, le refus d'agrément opposé par le constructeur, sur le fondement du numerus clausus de ses distributeurs, est illicite lorsqu'il est établi que le distributeur retenu ne remplissait pas effectivement les critères qualitatifs posés ; qu'en estimant, pour déclarer légitime le refus d'agrément opposé à la société Garage Gremeau, qu'au jour de la candidature de cet ancien concessionnaire, la société Mercedes-Benz avait déjà choisi un autre candidat sous condition qu'il remplisse les critères de sélection précédemment définis, cependant que ce candidat ne pouvait être valablement choisi ou sélectionné aussi longtemps qu'il ne respectait pas effectivement les critères de sélection requis, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; 3°) que dans ses conclusions d'appel, la société Garage Gremeau faisait valoir, offres de preuve à l'appui, qu'au 28 septembre 2002, date à laquelle elle lui avait fait parvenir sa candidature, la société Daimler Chrysler France, devenue Mercedes France, n'avait encore déterminé aucun critère qualitatif de sélection, ceux-ci n'ayant été édités et transmis aux candidats que le 21 mars 2003, ainsi que l'attestait le copyright apposé sur les CD-Rom ayant servi de support à la transmission de ces critères ; qu'aux termes de ces mêmes conclusions, la société Garage Gremeau soutenait en outre que les critères quantitatifs ne lui avaient été communiqués, par le conseil de la société Daimler Chrysler France, que le 15 juillet 2003, pour les seuls besoins de la procédure de première instance la veille de l'audience ; qu'en retenant qu'au 28 septembre 2002, " la société Mercedes avait déjà... déterminé les critères qualitatifs et quantitatifs de son réseau et... choisi la société Etoile 21 ", sans motiver cette affirmation ni répondre aux conclusions de la société Garage Gremeau, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que dans un système de distribution sélective qualitative et quantitative, le refus d'agrément opposé par le constructeur, sur le fondement du numerus clausus de ses distributeurs, est illicite, car discriminatoire, lorsqu'il est établi qu'à sa date, le distributeur retenu ne remplissait pas les critères qualitatifs posés ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'au 28 septembre 2002, date de la candidature posée par la société Garage Gremeau, un accord était déjà intervenu entre la société Mercedes et la société Etoile 21, de sorte que la société Mercedes avait pu valablement opposer son numerus clausus à la candidature de son ancien concessionnaire, après avoir pourtant relevé que la société Etoile 21 n'avait déposé son permis de construire qu'en novembre 2002, ce dont il résultait qu'à cette date cette société ne pouvait être réputée remplir ces critères, eussent-ils été déjà définis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a une nouvelle fois violé les articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; 5°) que dans un système de distribution sélective qualitative et quantitative, le refus d'agrément opposé par le constructeur, sur le fondement du numerus clausus de ses distributeurs, est illicite, car discriminatoire, lorsqu'il est établi qu'à sa date, le distributeur retenu ne remplissait pas les critères qualitatifs posés ; qu'en estimant que la société Mercedes avait pu " légitimement considérer que son numerus clausus sur l'aire de Dijon était atteint " et " réitérer à plusieurs reprises le refus opposé à la société Garage Gremeau d'examiner sa candidature sans commettre de fautes ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces refus successifs datant des 7 octobre 2002, 18 février et 28 mars 2003, soit avant et 7 jours après la transmission, intervenue le 21 mars 2003, des critères de sélection aux membres du réseau, de telles circonstances n'interdisaient pas à la société Mercedes d'opposer à la candidature du Garage Gremeau que son numerus clausus était atteint, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil ; 6°) que dans un système de distribution sélective qualitative et quantitative, le refus d'agrément opposé par le constructeur, sur le fondement de son numerus clausus, est illicite lorsqu'il est établi qu'à sa date, le distributeur retenu ne remplissait pas les critères qualitatifs posés ; qu'en estimant qu'au 1er juillet 2003, la société Etoile 21 remplissait les critères déterminants pour être valablement agréées et que la société Mercedes n'avait partant aucun motif de lui refuser son agrément, après avoir pourtant constaté qu'à cette date, l'un des critères standards posés par la société Mercedes " n'était pas parfaitement respecté... à savoir la présence d'un véhicule exposé devant un mur jaune sur son point de vente ", la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, a encore violé les articles L. 420-1 du Code de commerce et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que lorsque la société Gremeau a déposé sa candidature le 28 septembre 2002, la société Mercedes avait déjà, d'une part, déterminé les critères qualitatifs et quantitatifs de son nouveau réseau, d'autre part, choisi la société Etoile 21 sous condition que celle-ci remplisse les critères de sélection ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que la société Etoile 21, ayant déposé un permis de construire en novembre 2002 et procédé à des investissements de grande ampleur, présentait des garanties sérieuses quant à la mise en œuvre effective des critères de sélection posés par la société Mercedes, la cour d'appel a pu retenir que celle-ci pouvait légitimement considérer que son numerus clausus sur l'aire de Dijon était atteint, et réitérer à plusieurs reprises son refus d'examiner la candidature de la société Gremeau sans commettre de faute ;

Et attendu, enfin, qu'ayant relevé que le seul critère manquant, à savoir un véhicule exposé devant un mur jaune, pouvait être rempli dans les meilleurs délais, c'est souverainement que la cour d'appel a retenu que la société Mercedes pouvait néanmoins accorder son agrément ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.