CJUE, 2e ch., 8 septembre 2016, n° C-225/15
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Politanò
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Ileic
Avocat général :
Wahl
Juges :
Rosas, Prechal, Jaraiunas
Avocats :
Mes Agnello, Neto, Colelli, Vlaemminck, Verbeke, Van Vooren
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 49 TFUE, des principes d'égalité de traitement et d'effectivité ainsi que de l'article 47 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'une procédure pénale engagée contre M. Domenico Politanò en raison d'une infraction à la législation italienne régissant la collecte de paris.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, sous a) et d), et paragraphe 4, de la directive 2004/18 :
" 2. a) Les "marchés publics" sont des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l'exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive.
[...]
d) Les "marchés publics de services" sont des marchés publics autres que les marchés publics de travaux ou de fournitures portant sur la prestation de services visés à l'annexe II.
[...]
4. La "concession de services" est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché public de services, à l'exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter le service, soit dans ce droit assorti d'un prix. "
4 L'article 17 de cette directive, intitulé " Concessions de services ", prévoyait :
" Sans préjudice de l'application des dispositions prévues à l'article 3, la présente directive ne s'applique pas aux concessions de services définies à l'article 1er, paragraphe 4. "
5 L'article 47 de ladite directive, intitulé " Capacité économique et financière ", était rédigé comme suit :
" 1. La justification de la capacité économique et financière de l'opérateur économique peut, en règle générale, être constituée par une ou plusieurs des références suivantes :
a) des déclarations appropriées de banques ou, le cas échéant, la preuve d'une assurance des risques professionnels ;
b) la présentation des bilans ou d'extraits des bilans, dans les cas où la publication des bilans est prescrite par la législation du pays où l'opérateur économique est établi ;
c) une déclaration concernant le chiffre d'affaires global et, le cas échéant, le chiffre d'affaires du domaine d'activités faisant l'objet du marché, pour au maximum les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création ou du début d'activités de l'opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d'affaires sont disponibles.
2. Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, faire valoir les capacités d'autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre lui-même et ces entités. Il doit, dans ce cas, prouver au pouvoir adjudicateur qu'il disposera des moyens nécessaires, par exemple, par la production de l'engagement de ces entités à cet effet.
3. Dans les mêmes conditions un groupement d'opérateurs économiques visé à l'article 4 peut faire valoir les capacités des participants au groupement ou d'autres entités.
4. Les pouvoirs adjudicateurs précisent, dans l'avis de marché ou dans l'invitation à soumissionner, celle ou celles des références visées au paragraphe 1 qu'ils ont choisies ainsi que les autres références probantes qui doivent être produites.
5. Si, pour une raison justifiée, l'opérateur économique n'est pas en mesure de produire les références demandées par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur. "
6 La directive 2004/18 a été abrogée par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2014, L 94, p. 65).
Le droit italien
7 L'article 10, paragraphes 9 octies et 9 novies, du decreto-legge n. 16 - Disposizioni urgenti in materia di semplificazioni tributarie, di efficientamento e potenziamento delle procedure di accertamento (décret-loi n° 16 portant dispositions urgentes en matière de simplification fiscale, d'amélioration de l'efficacité et de renforcement des procédures de contrôle), du 2 mars 2012 (GURI n° 52, du 2 mars 2012, p. 1), converti en loi, après modifications, par la loi n° 44, du 26 avril 2012 (supplément ordinaire à la GURI n° 99, du 28 avril 2012) (ci-après le " décret-loi de 2012 ") prévoit :
" 9 octies Dans le cadre d'une réorganisation des dispositions en matière de jeux publics, y compris celles en matière de paris sur des événements sportifs, notamment hippiques, et non sportifs, les dispositions du présent paragraphe ont pour but de favoriser ladite réorganisation, à travers un premier alignement temporel des échéances des concessions ayant pour objet la collecte des paris en question, tout en respectant l'exigence d'adaptation des règles nationales de sélection des personnes qui, pour le compte de l'État, collectent des paris sur des événements sportifs, y compris hippiques, et non sportifs, aux principes dégagés par l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, le 16 février 2012, dans les affaires jointes C 72/10 et C 77/10. À cet effet, eu égard à la prochaine échéance d'un groupe de concessions pour la collecte desdits paris, l'Administration autonome des monopoles d'État lance immédiatement, et en tout état de cause au plus tard le 31 juillet 2012, un appel d'offres pour la sélection des personnes qui collectent lesdits paris dans le respect, à tout le moins, des critères suivants :
a) possibilité de participation pour les personnes qui exerçaient déjà une activité de collecte de jeux dans un des États de l'Espace économique européen, pour y avoir son siège légal ou opérationnel, sur la base d'un titre d'habilitation valide et efficace délivré selon les dispositions en vigueur dans l'ordre juridique dudit État et qui possèdent également les qualités d'honorabilité, de fiabilité, ainsi que les qualités économiques et patrimoniales indiquées par l'Administration autonome des monopoles d'État, compte tenu des dispositions en la matière visées par la loi n° 220, du 13 décembre 2010, et par le décret-loi n° 98, du 6 juillet 2011, converti, avec modifications, par la loi n° 111, du 15 juillet 2011 ;
b) attribution de concessions, avec échéance au 30 juin 2016, pour la collecte, exclusivement dans un réseau physique, de paris sur des événements sportifs notamment hippiques, et non sportifs, auprès d'agences, jusqu'à un maximum de 2 000, ayant comme activité exclusive la commercialisation de produits de jeux publics, sans contrainte quant aux distances minimales entre ces agences ou par rapport à d'autres points de collecte, déjà actifs, de paris identiques ;
c) il est prévu, comme composante du prix, une valeur de base du marché de 11 000 euros pour chaque agence ;
d) conclusion d'un contrat de concession au contenu conforme à tout autre principe dégagé par l'arrêt précité de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 février 2012, ainsi qu'aux dispositions nationales compatibles en vigueur en matière de jeux publics ;
e) possibilité de gérer les agences dans n'importe quelle commune ou province, sans limites numériques déterminées sur une base territoriale ni conditions de faveur par rapport à des concessionnaires déjà habilités à la collecte de paris identiques ou qui peuvent, en tout état de cause, s'avérer favorables pour ces derniers ;
f) constitution de cautions cohérentes avec les dispositions de l'article 24 du décret-loi n° 98, du 6 juillet 2011, transformé, avec modifications, par la loi n° 111, du 15 juillet 2011.
9 novies Les concessionnaires assurant la collecte des paris visés au paragraphe 9 octies, dont la concession arrive à échéance le 30 juin 2012, poursuivent leurs activités de collecte jusqu'à la date de conclusion des contrats de concession adjugés conformément au paragraphe précité. Sont abrogés les paragraphes 37 et 38 de l'article 24 du décret-loi n° 98, du 6 juillet 2011, converti, avec modifications, par la loi n° 111, du 15 juillet 2011, l'article 1er, paragraphe 287, sous e), de la loi n° 311, du 30 décembre 2004, ainsi que l'article 38, paragraphe 4, sous e), du décret-loi n° 223, du 4 juillet 2006, converti, avec modifications, par la loi n° 248, du 4 août 2006. "
8 Conformément aux dispositions du décret-loi de 2012, des procédures d'appel d'offres ont été lancées par les autorités italiennes au cours de l'année 2012. L'article 3.2 des règles administratives d'attribution des concessions et de signature des conventions annexées à l'avis de marché correspondant (ci-après l'" avis de marché Monti ") faisait obligation aux soumissionnaires ayant moins de deux années d'existence et dont les recettes globales liées à l'activité d'opérateur de jeux étaient inférieures à deux millions d'euros au cours des deux derniers exercices de présenter des attestations délivrées par au moins deux établissements bancaires, justifiant de leurs capacités économiques et financières.
9 La directive 2004/18 a été transposée dans l'ordre juridique italien par le decreto legislativo n. 163 - Codice dei contratti pubblici relativi a lavori, servizi e forniture in attuazione delle direttive 2004/17/CE e 2004/18/CE (décret législatif n° 163, portant création du code des marchés publics de travaux, de services et de fournitures en application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE), du 12 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI n° 100, du 2 mai 2006).
10 En vertu de l'article 41 dudit décret législatif, les conditions à remplir pour prouver la capacité économique et financière requise pour exécuter la prestation sont précisées par le pouvoir adjudicateur. Toutefois, selon ce même article, le concurrent qui, pour de justes motifs, n'est pas en mesure de présenter les références bancaires ou comptables requises peut prouver cette capacité par la production de tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Le 6 février 2015, lors d'un contrôle effectué dans le local commercial dénommé " Betuniq " sis à Polistena (Italie), géré par M. Politanò et affilié à UniqGroup Ltd, une société de droit maltais, les services de police administrative de la Questura di Reggio Calabria (préfecture de police de Reggio de Calabre, Italie) ont constaté qu'y était exercée une activité de collecte de paris sans qu'une concession ait été préalablement délivrée.
12 De ce fait, par décision du 13 février 2015, le Giudice per le indagini preliminari (juge des enquêtes préliminaires) du Tribunale di Palmi (tribunal de Palmi, Italie) a ordonné la mise sous séquestre conservatoire des biens utilisés pour ladite activité.
13 À la suite de cette décision, M. Politanò a introduit un recours contre celle-ci devant la juridiction de renvoi en invoquant l'incompatibilité de certaines clauses de l'avis de marché Monti avec les articles 49 et 56 TFUE.
14 Ainsi, selon le requérant au principal, sa conduite n'est pas constitutive d'une infraction, car la collecte de paris sur des événements sportifs pour le compte de la société maltaise UniqGroup doit être considérée comme licite dans la mesure où la législation interne est contraire aux articles 49 et 56 TFUE.
15 Il soutient à cet égard que UniqGroup a été exclue de la procédure d'appel d'offres lancée au cours de l'année 2012 au motif qu'elle n'aurait pas présenté deux attestations de capacité économique et financière délivrées par deux établissements bancaires différents, ainsi que l'exige l'article 3.2 des règles administratives annexées à l'avis de marché Monti.
16 Selon la juridiction de renvoi, une procédure d'appel d'offres mettant en concurrence des opérateurs de jeux d'argent établis dans différents États membres, telle que celle en cause au principal, devait nécessairement respecter l'article 47 de la directive 2004/18, qui prévoit la possibilité d'évaluer la capacité économique et financière des opérateurs économiques " par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur ".
17 La définition par les autorités italiennes de conditions de participation strictes à la procédure d'appel d'offres aurait nécessairement dû se concilier avec le principe de la plus large participation possible à l'appel d'offres, tout intéressé devant se voir garantir la possibilité de justifier de sa capacité économique et financière au moyen de tout document, autre que ceux demandés par le pouvoir adjudicateur, considéré comme approprié.
18 Selon la juridiction de renvoi, il s'ensuit que ces autorités auraient été tenues d'indiquer expressément les critères considérés comme appropriés et utiles pour démontrer la capacité économique et financière requise, afin que chaque soumissionnaire puisse, en tout état de cause, en justifier utilement.
19 Or, cette juridiction estime que, en l'occurrence, les règles administratives annexées à l'avis de marché Monti n'ont pas permis à UniqGroup de prouver, autrement que par la production des pièces qui y sont spécifiées, sa capacité économique et financière.
20 Dans ces conditions, le Tribunale di Reggio Calabria (tribunal de Reggio de Calabre, Italie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) [L'article] 49 TFUE ainsi que les principes d'égalité de traitement et d'effectivité doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale en matière de jeux de hasard qui, pour l'octroi de concessions, met en place une nouvelle procédure d'appel d'offres (régie par l'article [10, paragraphe] 9 octies [du décret-loi de 2012]) qui, sans prévoir à cet égard d'autre critère que deux références bancaires provenant de deux établissements financiers différents, contient une clause d'exclusion pour défaut de capacité économique et financière ?
2) L'article 47 de la directive 2004/18 doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale en matière de jeux de hasard qui, pour l'octroi de concessions, met en place une nouvelle procédure d'appel d'offres (régie par l'article [10, paragraphe] 9 octies [du décret-loi de 2012]) qui, sans prévoir à cet égard d'autres documents ni options, comme le fait la législation supranationale, [contient une clause d'exclusion pour défaut] de capacité économique et financière ? "
Sur les questions préjudicielles
Sur la recevabilité
21 Le gouvernement italien et, s'agissant uniquement de la seconde question, la Commission européenne estiment que la demande de décision préjudicielle devrait être déclarée irrecevable, dès lors que la décision de renvoi n'expose pas le cadre factuel de manière suffisante pour permettre à la Cour de fournir une réponse utile.
22 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l'interprétation du droit de l'Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu'il définit sous sa responsabilité, et dont il n'appartient pas à la Cour de vérifier l'exactitude, bénéficient d'une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation sollicitée du droit de l'Union n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 22 janvier 2015, Stanley International Betting et Stanleybet Malta, C 463/13, EU:C:2015:25, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
23 Il résulte également d'une jurisprudence constante que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l'Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit en outre indiquer les raisons précises qui ont conduit le juge national à s'interroger sur l'interprétation du droit de l'Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour (arrêt du 22 janvier 2015, Stanley International Betting et Stanleybet Malta, C 463/13, EU:C:2015:25, point 27 ainsi que jurisprudence citée).
24 Par ailleurs, la Cour a déjà relevé que les exigences rappelées aux points 22 et 23 du présent arrêt peuvent être plus facilement remplies lorsque la demande de décision préjudicielle s'inscrit dans un contexte déjà largement connu (voir, notamment, ordonnance du 17 juillet 2014, 3D I, C 107/14, non publiée, EU:C:2014:2117, point 12 et jurisprudence citée).
25 Or, il ressort de la décision de renvoi que, d'une part, celle-ci décrit avec suffisamment de clarté et de précision le cadre juridique et factuel de l'affaire au principal et que, d'autre part, les indications qu'elle contient permettent de déterminer la portée des questions posées, ainsi qu'en témoignent d'ailleurs les observations écrites des divers gouvernements et de la Commission.
26 Dans ces conditions, il convient de constater que la demande de décision préjudicielle est recevable.
Sur la seconde question
27 Par sa seconde question, qu'il convient d'examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 47 de la directive 2004/18 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d'offres visant à l'octroi de concessions en matière de jeux et de paris, l'obligation d'apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité soit établie par tout autre document.
28 À titre liminaire, il convient d'examiner si ladite directive est applicable dans une affaire telle que celle en cause au principal.
29 À cet égard, il importe de préciser que la directive 2004/18 concerne les procédures de passation des marchés publics et non celles qui ont pour objet des concessions de services, ces dernières étant exclues du champ d'application de cette directive en vertu de l'article 17 de celle-ci. En effet, cette dernière disposition exclut expressément les concessions de services, lesquelles sont définies à l'article 1er, paragraphe 4, de ladite directive comme étant des contrats présentant les mêmes caractéristiques que les marchés publics de services, à l'exception du fait que la contrepartie de la prestation de services consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter le service, soit dans ce droit assorti d'un prix.
30 Selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de la comparaison des définitions du marché public de services et de la concession de services, fournies, respectivement, par le paragraphe 2, sous a) et d), et par le paragraphe 4 de l'article 1er de la directive 2004/18, que la différence entre un marché public de services et une concession de services réside dans la contrepartie de la prestation de services. Le marché de services comporte une contrepartie qui, sans pour autant être la seule, est payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services, alors que, dans le cas d'une concession de services, la contrepartie de la prestation de services consiste dans le droit d'exploiter le service, soit seul, soit assorti d'un prix (voir arrêt du 10 mars 2011, Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler, C 274/09, EU:C:2011:130, point 24 et jurisprudence citée).
31 Il ressort, en outre, de cette jurisprudence que, si le mode de rémunération est ainsi l'un des éléments déterminants pour la qualification d'une concession de services, une telle qualification implique que le concessionnaire prenne en charge le risque lié à l'exploitation des services en question et que l'absence de transfert au prestataire du risque lié à la prestation de services indique que l'opération visée constitue un marché public de services et non pas une concession de services (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler, C 274/09, EU:C:2011:130, point 26 et jurisprudence citée).
32 Or, ainsi qu'il a été relevé par M. l'avocat général au point 51 de ses conclusions, dans l'affaire au principal, le prestataire de services, d'une part, ne perçoit pas de rémunération du pouvoir adjudicataire et, d'autre part, supporte l'intégralité du risque lié à l'exercice de l'activité de collecte et de transmission des paris.
33 Il s'ensuit qu'une concession relative à l'organisation de paris, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, ne peut pas être qualifiée de marché public de services au sens de l'article 1er, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2004/18.
34 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que ladite directive et, en particulier, son article 47 doivent être interprétés en ce sens qu'une réglementation nationale régissant l'octroi de concessions dans le domaine des jeux de hasard, telle que celle en cause au principal, ne relève pas de leur champ d'application.
Sur la première question
35 À titre liminaire, il y a lieu de relever que si, certes, la juridiction de renvoi s'est référée, dans le libellé de la première question, aux principes d'égalité de traitement et d'effectivité, la décision de renvoi ne contient aucune précision sur les motifs qui ont conduit cette juridiction à s'interroger sur l'interprétation de ces principes dans le cadre de l'affaire au principal ni sur le lien entre ces principes et la législation nationale en cause au principal.
36 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d'offres visant à l'octroi de concessions en matière de jeux et de paris, l'obligation d'apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie.
37 Tout d'abord, il est de jurisprudence constante que doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d'établissement et/ou à la libre prestation de services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice des libertés garanties par les articles 49 et 56 TFUE (voir arrêt du 22 janvier 2015, Stanley International Betting et Stanleybet Malta, C 463/13, EU:C:2015:25, point 45 ainsi que jurisprudence citée).
38 Une disposition d'un État membre, telle que celle en cause au principal, qui subordonne l'exercice d'une activité économique à l'obtention d'une concession et soumet, dans ce contexte, les soumissionnaires à l'obligation de produire des attestations émanant de deux opérateurs bancaires distincts, est susceptible de dissuader les opérateurs économiques de participer à une procédure d'appel d'offres et est, dès lors, susceptible de constituer une restriction à la liberté d'établissement au sens de l'article 49 TFUE.
39 Ensuite, il convient de rappeler que la réglementation des jeux de hasard fait partie des domaines dans lesquels des divergences considérables d'ordre moral, religieux et culturel existent entre les États membres. En l'absence d'une harmonisation au niveau de l'Union en la matière, les États membres jouissent d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne le choix du niveau de protection des consommateurs et de l'ordre social, qu'ils considèrent le plus approprié (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2015, Stanley International Betting et Stanleybet Malta, C 463/13, EU:C:2015:25, points 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée).
40 Les États membres sont par conséquent libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché. Toutefois, les restrictions que les États membres imposent doivent satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne notamment leur justification par des raisons impérieuses d'intérêt général et leur proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C 42/07, EU:C:2009:519, point 59 ainsi que jurisprudence citée).
41 Il convient, ainsi, d'apprécier si une restriction, telle que celle en cause au principal, peut être admise au titre de mesures dérogatoires, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique, expressément prévues aux articles 51 et 52 TFUE, applicables également en matière de libre prestation de services en vertu de l'article 62 TFUE, ou justifiée, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d'intérêt général (arrêt du 12 juin 2014, Digibet et Albers, C 156/13, EU:C:2014:1756, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
42 En l'occurrence, le gouvernement italien soutient que la disposition restrictive en cause est justifiée, dans le cadre de l'objectif de lutte contre la criminalité liée aux jeux de hasard, par l'intérêt d'assurer la continuité de l'activité légale de collecte de paris afin d'endiguer le développement d'une activité illégale parallèle et par l'intérêt de protéger les consommateurs. Ainsi, il serait indispensable que les capacités économiques et financières des titulaires des concessions leur permettent d'exercer durablement leur activité sur le marché.
43 À cet égard, il convient de rappeler qu'un tel objectif est de nature à constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier une restriction aux libertés fondamentales telle que celle en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, Laezza, C 375/14, EU:C:2016:60, points 34 et 35). La Cour a, par ailleurs, déjà constaté que l'objectif ayant trait à la lutte contre la criminalité liée aux jeux de hasard est de nature à justifier les restrictions aux libertés fondamentales découlant d'une réglementation restrictive (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2013, Biasci e.a., C 660/11 et C 8/12, EU:C:2013:550, point 23, ainsi que du 28 janvier 2016, Laezza, C 375/14, EU:C:2016:60, point 32).
44 Toutefois, il importe encore d'examiner si la restriction en cause au principal est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, notamment en s'assurant que la réglementation nationale en cause répond véritablement au souci de l'atteindre d'une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, HIT et HIT LARIX, C 176/11, EU:C:2012:454, point 22 et jurisprudence citée).
45 S'agissant de la question de savoir si ladite restriction est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi, il convient d'observer que des déclarations bancaires émanant de deux établissements bancaires distincts, telles que celles exigées par la disposition en cause au principal, sont de nature à établir la capacité économique et financière du soumissionnaire à exercer l'activité de collecte de paris.
46 En effet, l'obligation de fournir des déclarations émanant de deux établissements bancaires est manifestement de nature à assurer que l'opérateur économique dispose d'une capacité économique et financière lui permettant de répondre aux obligations qu'il pourrait contracter envers les parieurs gagnants. À cet égard, la Cour a déjà constaté que l'exigence de disposer d'un capital social d'une certaine importance peut s'avérer utile afin d'assurer une telle capacité économique et financière (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C 347/09, EU:C:2011:582, point 77).
47 Il convient par ailleurs de déterminer si, compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont bénéficient, dans le domaine non harmonisé des jeux de hasard, les autorités nationales pour déterminer les exigences que comporte la protection du consommateur et de l'ordre social (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Digibet et Albers, C 156/13, EU:C:2014:1756, point 32 ainsi que jurisprudence citée), l'obligation de production de deux déclarations émanant de deux établissements bancaires distincts ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi, une telle appréciation devant être effectuée au regard des objectifs poursuivis par les autorités compétentes de l'État membre concerné et du niveau de protection qu'elles entendent assurer (voir arrêt du 15 septembre 2011, Dickinger et Ömer, C 347/09, EU:C:2011:582, point 46 ainsi que jurisprudence citée).
48 Dans ce contexte, il convient d'observer, ainsi qu'il a été relevé, en substance, par M. l'avocat général aux points 80 et 81 de ses conclusions, que, compte tenu de la nature particulière des activités économiques relevant du secteur des jeux de hasard, l'exigence imposée aux soumissionnaires ayant moins de deux années d'existence et dont les recettes globales liées à l'activité d'opérateur de jeux étaient inférieures à deux millions d'euros au cours des deux derniers exercices de fournir des déclarations appropriées délivrées par au moins deux établissements bancaires n'apparaît pas aller au-delà de ce qui est nécessaire afin d'atteindre l'objectif poursuivi.
49 Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, tout en tenant compte des indications fournies par la Cour, de vérifier, lors d'une appréciation globale des circonstances entourant l'octroi des nouvelles concessions, si les restrictions imposées par l'État membre concerné satisfont aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Digibet et Albers, C 156/13, EU:C:2014:1756, point 40 ainsi que jurisprudence citée).
50 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d'offres visant à l'octroi de concessions en matière de jeux et de paris l'obligation d'apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie, dès lors qu'une telle disposition est susceptible de satisfaire aux conditions de proportionnalité établies par la jurisprudence de la Cour, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Sur les dépens
51 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :
1) La directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et, en particulier, son article 47 doivent être interprétés en ce sens qu'une réglementation nationale régissant l'octroi de concessions dans le domaine des jeux de hasard, telle que celle en cause au principal, ne relève pas de leur champ d'application.
2) L'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui impose aux opérateurs désireux de répondre à un appel d'offres visant à l'octroi de concessions en matière de jeux et de paris l'obligation d'apporter la preuve de leur capacité économique et financière au moyen de déclarations délivrées par au moins deux établissements bancaires, sans permettre que cette capacité puisse également être autrement établie, dès lors qu'une telle disposition est susceptible de satisfaire aux conditions de proportionnalité établies par la jurisprudence de la Cour, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.