Cass. com., 6 septembre 2016, n° 14-15.286
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ephigea (SAS), Bellanger, Hollard
Défendeur :
Tricotage des Vosges (SA), Dolci Calze 2
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Darbois
Avocat général :
Me Debacq
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, du 5 févr. 2014), que la société Tricotage des Vosges, qui soutient être titulaire de droits d'auteur et de droits sur un modèle de collants pour femmes dénommé " Velouté rayures dégradées " déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) le 9 mars 2007 sous le numéro n° 07/1229, a assigné la société Phildar, devenue Ephigea, en contrefaçon de droits d'auteur et de modèle et en concurrence déloyale, pour avoir commercialisé des collants dénommés " Lucie Chocolat " et " Lucie Anthracite " reprenant, selon elle, les caractéristiques de son modèle ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation après débats à l'audience publique du 1er septembre 2015, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Sudre, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ; Vu les articles L. 111-1, L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour condamner la société Ephigea en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient que le collant " Velouté rayures dégradées " est une création dont l'originalité s'induit de la disposition parfaitement symétrique des rayures, de leur largeur, de leur écartement et de l'agencement identique des couleurs utilisées, quelles que soient ces couleurs, le tout contribuant à une configuration de lignes et de couleurs singulières ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la combinaison de ces caractéristiques reflétait la personnalité de son auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 511-2 et L. 511-4 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ; qu'aux termes du second, un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ;
Attendu que pour condamner la société Ephigea pour contrefaçon du modèle n° 07/1229, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucun des modèles antérieurs de collants ne reprenait la même combinaison derayures de couleurs différentes caractérisée par une largeur et un écartement constants, retient que la nouveauté du modèle " Velouté rayures dégradées ", au demeurant déposé à l'INPI, est établie ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si ce modèle présentait également un caractère propre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche : - Délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation dans les mêmes conditions que le premier moyen en sa première branche ; - Vu les articles 564 et 566 du Code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer recevable la demande de la société Tricotage des Vosges en réparation d'actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient qu'une telle prétention est généralement analysée comme constituant le prolongement naturel et, donc, le possible complément d'une action en contrefaçon ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Tricotage des Vosges n'avait, devant les premiers juges, formé aucune demande à ce titre et que l'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale, fondées sur des actes distincts, procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux mêmes fins, la seconde n'étant pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de la première, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.