Cass. com., 6 septembre 2016, n° 14-22.287
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Wattohm (Sté)
Défendeur :
Huteau, Picard, Heim, Mini Pleat Filter (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, SCP Boré, Salve de Bruneton
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant de manquements à ses obligations par la société Wattohm équipement (la société Wattohm), MM. Huteau, Picard et Heim l'ont assignée en résiliation, à ses torts, des contrats d'agence commerciale qui les liaient et en paiement d'indemnités de préavis et de rupture ; que la société Wattohm a assigné la société Mini Pleat Filter en prétendant qu'elle était complice des fautes graves commises par les agents ; que les instances ont été jointes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Attendu que la société Wattohm fait grief à l'arrêt de dire que la résiliation des contrats est intervenue à son initiative à effet au 31 janvier 2010 alors, selon le moyen, que la cessation du contrat d'agence commerciale à l'initiative de l'agent n'est assortie d'aucune exigence de forme ; qu'en ce cas, l'agent ne peut prétendre à l'indemnisation prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce que s'il justifie que cette cessation résulte de circonstances imputables au mandant ; qu'en jugeant que l'assignation de la société Wattohm par MM. Huteau, Picard et Heim, le 27 mai 2009, afin de voir prononcer la résiliation des trois contrats d'agence commerciale aux torts de la société Wattohm et d'en obtenir l'indemnisation n'avait pas emporté cessation de ces contrats, car le prononcé de la résiliation incombait au juge, quand cette assignation manifestait la volonté des agents de cesser l'exécution des contrats et y avait mis fin, peu important le pouvoir reconnu au juge pour prononcer la résiliation judiciaire et les conséquences ultérieurement tirées par la société Wattohm de cette initiative des agents qui avaient cessé toute diligence, la cour d'appel a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, ensemble l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, à bon droit, que la demande en justice de MM. Huteau, Picard et Heim tendant à obtenir la résiliation des contrats n'emportait pas, à elle seule, la rupture de ces contrats ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu les articles L. 134-3, L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, doit obtenir son accord pour représenter une entreprise concurrente de celui-ci ;
Attendu que pour dire qu'en l'absence de fautes graves commises par MM. Huteau, Picard et Heim, la résiliation des contrats est imputable à la société Wattohm, condamner cette dernière à payer à MM. Huteau et Picard des indemnités de préavis et de cessation de contrats et rejeter ses demandes contre la société Mini Pleat Filter, l'arrêt retient que, lors d'un séminaire en août 2005, les sociétés Mini Pleat Filter et Wattohm sont convenues d'un partenariat en vue de la fourniture par celle-ci d'installations complètes dont celle-là assure la prise de mesures, le suivi et l'installation, et que les deux sociétés ont ainsi collaboré pendant plusieurs années, de sorte que la société Wattohm, qui a accepté que les agents interviennent également pour le compte de la société Mini Pleat Filter, ne peut prétendre qu'ils ont manqué à son égard à leur obligation de loyauté ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Mini Pleat Filter n'avait pas exercé, postérieurement à 2005, une activité concurrente de celle de la société Wattohm, ce qui eût imposé aux agents de recueillir l'accord de la mandante pour la représenter, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur ce moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les griefs tirés du défaut de transmission des factures et de l'information nécessaires au calcul des commissions et de la prospection de leurs secteurs géographiques par d'autres mandataires, reprochés par MM. Huteau, Picard et Heim à la société Wattohm, sont justifiés par les pièces qu'ils produisent ;
Qu'en statuant ainsi, par le seul visa des documents de la cause sans analyser, même sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, et alors que ces griefs étaient contestés par la société Wattohm, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur le moyen unique du pourvoi incident : Casse et annule, sauf en ce qu'il dit que la résiliation des contrats d'agence commerciale ayant lié MM. Huteau, Picard et Heim à la société Wattohm équipement est intervenue à l'initiative de cette société, l'arrêt rendu le 22 mai 2014, entre les parties, par la Cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.