Cass. com., 6 septembre 2016, n° 15-10.738
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Média international masculin (SARL), Poli (ès qual.), Leloup-Thomas (ès qual.)
Défendeur :
Excell communications (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Zribi, Texier, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2014) et les productions, que la société Média international masculin (la société MIM), spécialisée dans l'édition, la presse et la communication, et qui collabore, pour l'édition du magazine Amina, avec la société Excell communications (la société Excell) laquelle en assure la conception et la réalisation a, à compter de décembre 2010, cessé de lui commander toute prestation de services ; que la société Excell l'a assignée en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie ; que la société MIM a été mise en redressement judiciaire, la Selarlu Catherine Poli étant désignée commissaire à l'exécution du plan de redressement, la Selafa MJA, prise en la personne de Mme Leloup-Thomas, étant désignée mandataire judiciaire ;
Attendu que la société MIM fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a brutalement rompu la relation commerciale avec la société Excell et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que pour être préjudiciable et ouvrir droit à des dommages et intérêts, la rupture des relations commerciales doit être brutale, soit imprévisible, soudaine et violente et effectuée sans préavis écrit ; que la possibilité accordée par le fournisseur à son client de lui proposer une solution afin de remédier aux erreurs qui lui ont été signalées, est exclusif de toute rupture brutale ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que par courriers des 4 octobre, 3 novembre et 9 décembre 2010, la société MIM a reproché à la société Excell des erreurs renouvelées et un retard de livraison à l'imprimeur ; qu'en considérant dès lors qu'à compter du courrier du 9 décembre 2010 dans lequel elle demandait pourtant à la société Excell de lui faire des propositions en vue de remédier à ces erreurs, la société MIM aurait rompu brutalement leurs relations commerciales, sans avoir nul égard au courrier du 4 février 2011 par lequel, ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, la société MIM notifiait, au contraire, à la société Excell que " (...) les relations unissant nos deux sociétés, qui ne datent pas de 2002 mais de 2008, sont maintenues dans l'attente de vos explications ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; 2°) que la rupture des relations commerciales peut être réalisée sans préavis en cas de manquement par l'autre partie à ses obligations contractuelles ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que la société Excell ne contestait pas les fautes relevées par la société MIM à son encontre ; que la cour d'appel a cependant refusé de tirer les conséquences qui s'imposaient motif pris de ce qu'il revenait prétendument à la société MIM de procéder à une relecture desdites erreurs ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, par ses retards de livraison, la société Excell n'avait précisément pas mis la société MIM dans l'impossibilité de procéder à ladite relecture, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 442-6 du Code de commerce ; 3°) que pour être préjudiciable, la rupture brutale doit être intervenue entre des personnes ayant réellement et effectivement entretenu des relations commerciales ; que les sociétés commerciales jouissent d'une personnalité morale propre à compter de leur immatriculation ; que pour retenir l'existence de relations commerciales entre la société MIM et la société Excell depuis 2002, et non 2008, la cour de Paris a considéré que cette dernière avait succédé à la société Excell creation presse avec laquelle la société MIM aurait eu des relations depuis 2002 ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que ces sociétés, constituant des personnes morales différentes, ne s'étaient pas succédées mais avaient coexisté dès lors qu' " (...) il est produit un k bis dont il résulte que la société Excell creation Presse immatriculée le 12 février 2003 (....) a fait l'objet d'une liquidation amiable à compter du 25 mai 2009 (... tandis que) " la société Excell communications a été immatriculée au registre du commerce de Fort-de-France le 4 avril 2008 ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; 4°) que tous les modes de preuve sont admissibles en matière commerciale ; que la preuve d'une reconnaissance de dette, matérialisée par un avoir, peut être prouvée par tous moyens ; qu'à la suite de nombreuses erreurs commises par la société Excell, la société MIM a dû émettre des avoirs à certains de ses clients à hauteur de la somme de 9 182 euros HT ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses conclusions d'appel ; qu'en déniant dès lors toute force probante auxdits avoirs, produits pourtant dans la procédure, motifs pris de ce que la société MIM ne justifiait pas de leur réalité, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 110-3 du Code de commerce, 1147 et 1341 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le moyen en ses première, deuxième et quatrième branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des éléments de preuve, dont elle a déduit qu'à compter de la lettre du 9 décembre 2010, la société MIM avait rompu les relations commerciales, et que les erreurs invoquées ne revêtaient pas un caractère de gravité tel qu'il aurait justifié une rupture sans préavis de cette relation ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les sociétés Excell et Excell communications s'étaient succédé dans le temps avec une activité identique, que chacune avait été en relation commerciale avec la société MIM pour l'édition de la revue Amina sans que cette relation subisse une quelconque interruption, enfin qu'elles avaient eu la même adresse et la même dirigeante, la cour d'appel a pu en déduire, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, que la même relation commerciale, initialement nouée par la société MIM avec la société Excell et poursuivie avec la société Excell communications, avait débuté en 2002 ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.