CA Colmar, 3e ch. civ. A, 29 août 2016, n° 15-02866
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Stores et fermetures (SARL)
Défendeur :
Tir technologies (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mmes Wolf, Fabreguettes
Avocats :
Selarl Schreckenberg & Parnière, Me Harter
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES
La SARL Stores et Fermetures du Prarion a installé chez deux de ses clients en juillet 2009 et juin 2010 des stores de type "Grenat Onyx" fournis par la SARL Tir Technologies.
Le 9 janvier 2011, elle a assigné cette société devant le Tribunal d'instance de Strasbourg en invoquant des vices cachés ayant affecté ces stores et a demandé le remboursement de la somme de 7 857,34 euro, ainsi que le paiement, outre des dépens de l'instance, d'un montant de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Tir Technologies a conclu au débouté et demandé un même montant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, faisant valoir entre autres qu'elle reconnaissait que le produit installé chez l'un des clients, la société Chamoniard, était défectueux, mais qu'elle avait respecté ses obligations contractuelles en proposant son remplacement, refusé par sa co contractante.
Par jugement en date du 4 novembre 2014, le tribunal a débouté la SARL Stores et Fermetures du Prarion s'agissant de sa demande concernant le store installé chez le client X, faute de preuve d'un vice caché, et a fait droit à celle concernant le client Fournil Chamoniard, fixant le préjudice au montant de 1 951,50 euro, auquel elle a condamné la SARL Tir Technologies, ainsi qu'au paiment d'un montant de 700 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens de l'instance.
La SARL Stores et Fermetures du Prarion a interjeté appel le 21 mai 2015 et, par dernières conclusions déposées le 6 novembre 2015, elle demande l'infirmation de ce jugement et reprend ses prétentions de première instance, soit la fixation du préjudice au montant de 6 257,34 euro s'agissant du client Fournil Chamoniard et au montant de 1 600 euro s'agissant du client X, donc à la somme totale de 7 857,34 euro, ainsi que la condamnation de la SARL Tir aux dépens et à lui payer une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions communiquées le 16 octobre 2015, la SARL Tir Technologies demande que l'appelante soit déboutée de sa demande, subsidiairement que son préjudice soit limité au montant de 1 151,50 euro, encore plus subsidiairement que le jugement entrepris soit confirmé et elle reprend sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour le même montant de 1 500 euro.
Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
Avant d'examiner de manière distincte chaque contrat intervenu entre les parties, il convient de statuer sur les arguments généraux invoqués par l'intimée pour écarter la garantie légale des vices cachés dont se prévaut l'appelante, à savoir que cette garantie ne joue pas entre des professionnels intervenant dans la même spécialité et qu'elle est exclue par ses conditions générales de vente.
Il est rappelé que l'article 1641 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
L'article 1643 du même code précise que le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.
Il résulte de la jurisprudence afférente à cet article que le vendeur professionnel est soumis à une présomption de connaissance des vices de la chose vendue, même en cas de vente à un autre professionnel, mais qu'en cas de vente entre professionnels de la même spécialité, la garantie du vendeur ne peut être invoquée lorsqu'une clause de non-garantie est insérée dans l'acte.
En l'espèce, le premier juge a estimé à juste titre que les parties ne pouvaient être considérées comme étant des professionnels de la même spécialité dans le cadre de leurs relations contractuelles dès lors que la SARL Tir Technologies était le fabricant et le fournisseur des stores litigieux, tandis que la SARL Stores et Fermetures du Prarion, qui n'est pas elle-même le concepteur et le fabricant de ces produits et n'est donc pas en mesure d'apprécier leur conformité à la norme NF EN 13561 imposée pour garantir leur résistance et prévenir tout risque pour les personnes, n'a fait que procéder à leur revente en l'état à ses clients et à leur pose.
Par ailleurs, s'agissant de la condition cumulative de l'existence d'une clause d'exclusion de garantie, il convient de rappeler qu'une telle clause n'est opposable à un co-contractant, même professionnel, qu'à la condition qu'il en a eu ou aurait dû en avoir connaissance, soit que cette clause a été contresignée et approuvée par lui, soit qu'elle figure de manière très apparente dans les documents commerciaux émanant du vendeur et qu'il existe un courant d'affaires suffisant avec ce dernier pour qu'il n'ait pu l'ignorer.
En l'espèce, il n'existe aucun document signé par la SARL Stores et Fermetures du Prarion attestant qu'elle avait été informée des conditions générales de vente de la SARL Tir Technologies, comprenant la clause d'exclusion de garantie dont elle se prévaut, et il n'est pas établi qu'en dehors des deux ventes litigieuses il existait des relations commerciales anciennes et suivies entre les deux sociétés.
Par ailleurs, si l'intimée indique que ses conditions générales de vente figurent au dos de ses factures, force est de constater qu'elle ne produit ni copie recto verso des factures litigieuses, ni même un exemplaire vierge de facture permettant de s'assurer de la véracité de son affirmation et de vérifier que la clause d'exclusion de garantie est bien stipulée de manière apparente au dos de ce document commercial.
Enfin le premier juge a exactement relevé que les conditions générales de vente produites par la SARL TIR sur un double feuillet n'étaient pas adossées à un document contractuel, ce dont il faut retenir qu'il est impossible de vérifier que ces conditions étaient bien celles figurant sur les factures délivrées à l'appelante.
En conséquence, l'existence même de l'exclusion de garantie dont se prévaut l'intimée n'est pas établie et la demande doit dès lors être appréciée au regard de la seule garantie légale.
S'agissant alors en premier lieu du store installé par la SARL Stores et Fermetures du Prarion chez le client Ets Fournil Chamoniard, il n'est pas sérieusement discuté que ce store Grenat On'x acquis par elle le 21 mai 2010 auprès de la SARL Tir Technologies sous commande référencée Testud C10010347 et installé le 21 juin 2010 chez ce client, a connu début août 2010 une avanie sous forme d'une casse des supports de bras ayant fait chuter la barre de charge du store et donc le store lui-même, puis encore un incident du même type fin août après un premier remplacement des bras.
Même si l'appelante ne produit que des photos dont il n'est pas expliqué à quoi elles correspondent, bien qu'elles montrent apparemment les supports de bras en question affectés d'importantes fissures sur toute leur longueur, ces deux casses sont confirmées par une attestation de Monsieur Frédéric T., gérant des Ets Fournil Chamoniard, qui précise qu'il n'y a eu ni intempéries exceptionnelles, ni mauvaises manipulations de sa part pouvant expliquer ces incidents.
Il résulte des pièces produites par les parties que la SARL Tir Technologies a accepté par mail du 7 septembre 2010 une reprise du store terrasse, puis a écrit le 18 octobre 2010 à sa co-contractante que suite au retour du store référencé Testud C10010347, elle avait constaté sur celui-ci "que les points de rupture provenaient d'un défaut de matière lié à leurs réalisations", ajoutant qu'elle avait "restauré intégralement le store avec des pièces conformes à nos exigences" et "de plus, pour garantir une sécurité accrue, nous avons ajouté des plats de maintien à chacun de ces supports".
Dans un courrier ultérieur, daté du 2 décembre 2010, faisant suite à un courrier de sa co-contractante se plaignant apparemment d'un manque d'indemnisation du sinistre, la SARL Tir Technologies a encore écrit :
"Comme évoqué dans notre précédent courrier du 18 octobre, il s'agit d'une rupture provenant d'un défaut de matière. En effet, nous avons constaté la présence de nombreuses porosités sur certaines pièces retournées, responsables d'une diminution de la résistance mécanique de la pièce. Comme vous le savez, dans notre métier, nous ne sommes pas à l'abri de ces phénomènes, qui restent invisibles au montage du produit."
Les termes employés par l'intimée dans ses courriers à sa co-contractante signent à l'évidence sa reconnaissance de l'existence d'un vice affectant les bras qui ont cassé, tenant à la qualité du matériau employé pour leur réalisation et relevant donc de sa responsabilité de fabricant, qui plus est un vice indécelable et donc caché, rendant le produit impropre à sa destination puisque diminuant sa résistance mécanique qui est essentielle pour l'usage du store en toute sécurité.
La seule production de ces deux courrriers par la SARL Stores et Fermetures du Prarion suffit donc à établir l'existence d'un vice caché au sens que lui donne la loi.
Le premier juge a au surplus relevé que dans ses conclusions de première instance la société Tir avait admis la défectuosité de la matière qui n'était pas visible à l'oeil nu et avait été révélée lors d'une analyse réalisée par ses soins.
Les arguments avancés en appel par l'intimée, à savoir un éventuel problème de pose ou de conditions d'utilisation, ne sauraient remettre en cause cette reconnaissance du vice et de sa responsabilité, surtout qu'ils ne sont nullement démontrés par la seule déclaration à un contrôleur du travail émanant de Monsieur J., directeur de site et donc salarié de l'intimée, qui n'évoque qu'au conditionnel une mauvaise utilisation du modèle Grenat qui pourrait expliquer la casse, déclaration dont il n'est même pas avéré qu'elle s'applique au store en question.
S'agissant alors de l'indemnisation de l'appelante, qui met en compte le remboursement du prix d'achat du store pour le montant de 2 347,34 euro, le coût de ses diverses interventions pour un total de 1 325 euro, le manque à gagner suite à la pose d'un nouveau store d'une autre marque d'un coût supérieur évalué à 1 605 euro et une indemnité de 1 000 euro au titre du préjudice commercial, il convient de rappeler qu'aux termes des articles 1644 à 1646 du Code civil, si l'acheteur rend la chose et demande la restitution du prix, le vendeur ne sera tenu qu'à cette restitution et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente s'il ignorait les vices de la chose ou sera tenu, outre cette restitution, à tous les dommages et intérêts envers l'acheteur si au contraire il connaissait les vices de la chose.
En l'espèce, il a déjà été rappelé que le vendeur professionnel, a fortiori le fabricant de la chose défectueuse, était présumé connaître les vices de la chose et, par conséquent, même entre professionnels l'indemnisation de la SARL Stores et Fermetures du Prarion ne pouvait être limitée, comme l'a décidé le jugement entrepris, au prix du store, déduction faite de l'acompte versé par le client final, facteur n'entrant pas en ligne de compte, augmenté d'un préjudice commercial.
La cour estime que ce préjudice doit comprendre le remboursement du prix d'acquisition du store auprès de l'intimée, soit la somme de 2 783,50 euro, la différence de prix entre ce store et celui de remplacement acheté auprès de la société WoWo, selon facture produite en cause d'appel, qui a diminué d'autant le bénéfice commercial de l'appelante, soit le montant de 1 018,17 euro et pour tous les autres désagréments subis - nécessité de réintervenir plusieurs fois chez le client et déficit d'image auprès de ce dernier - une somme de 1 500 euro, soit une indemnisation totale de 5 301,67 euro.
Le jugement entrepris sera amendé pour retenir ce montant.
S'agissant en second lieu du store de même modèle Grenat On'x acquis auprès de l'intimée et installé chez le client X, il est constaté que si cette pose date de juillet 2009, soit est antérieure à celle du client Fournil Chamoniard, il ressort d'un mail de la SARL Stores et Fermetures du Prarion adressé à la société Tir en date du 10 février 2011 que ce n'est que plusieurs mois après cette pose que Monsieur C., gérant de l'appelante avait constaté que la barre de charge de ce store était en train de se fissurer sur sa longueur, ce qui lui laissait craindre qu'elle ne se rompe.
L'intéressé évoquait dans ce mail des photos qui, en l'espèce, montrent quelques fissurations de moindre importance que celles constatées sur les bras de charge du store qui a cédé et il n'est pas allégué en l'espèce que le store du client X aurait connu les mêmes avanies ou n'aurait pas ou plus été en état de servir à son usage.
Monsieur X atteste tout au plus d'une "anomalie" dont il s'est aperçu en fin de saison estivale lorsqu'il a voulu préparer l'hivernage de l'appareil.
Il résulte en fait des pièces de l'intimée que suite au mail du 10 février 2011, que l'appelante prétend être resté sans retour, la SARL Tir technologies a écrit à sa co-contractante le 23 février 2011 pour lui indiquer que suite à la venue sur place de son collaborateur, Monsieur X, qui avait "relevé des traces liées à l'éclatement du profil qui pourrait provenir d'un problème de filage", dont elle entendait s'ouvrir à son fournisseur Hydro, avec deuxième passage pour "diagnostiquer la malfaçon", elle proposait pour rassurer et satisfaire le client soit de renvoyer un nouveau profil de barre de charge, soit de reprendre le store afin de remplacer la barre dans ses ateliers.
La première solution a apparemment été retenue puisque l'intimée produit aussi une confirmation de commande en date du 8 juillet 2011 au nom de la SARL Stores et Fermetures du Prarion portant sur une barre de charge d'un montant de 164,74 euro, un bon de retour non daté au nom de la même société concernant une barre de charge Grenat On'x décrite comme rayée et une attestation de Monsieur X, qui précise qu'aux alentours du 13 décembre 2011 il avait constaté le remplacement de la barre de charge chez le client X et l'absence sur celle-ci de trace de fissure.
De tous ces éléments, il ressort que si le store installé chez le client X a connu quelques problèmes de fissurations, le désordre a été résolu et la preuve n'est pas formellement rapportée de l'existence d'un vice caché l'ayant rendu impropre à sa destination, la seule similitude apparente de ce léger dégât avec le store installé pour les Ets Fournil Chamoniard, bien plus gravement affecté, ne pouvant tenir lieu de telle preuve.
Le jugement entrepris sera donc confirmé pour avoir débouté la SARL Stores et Fermetures du Prarion de sa demande d'indemnisation concernant cette vente.
Il sera aussi confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Tir Technologies, qui succombe en grande partie, conservera les dépens d'appel.
Il est équitable par ailleurs d'allouer à l'appelante une somme de 800 euro pour ses frais autres que les dépens exposés en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement entrepris sauf à condamner la SARL Tir Technologies à payer à la SARL Stores et Fermetures du Prarion la somme de 5 301,67 euro (cinq mille trois cent un euro et soixante sept centimes) en réparation du préjudice résultant du vice caché qui affectait le store installé chez le client Ets Fournil Chamoniard ; Condamne la SARL Tir Technologies aux dépens d'appel et à payer à la SARL Stores et Fermetures du Prarion la somme de 800 euro (huit cents euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.