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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 septembre 2016, n° 14-06464

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Team Tex (SAS)

Défendeur :

Imprimerie Courand et associés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouton Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Boccon Gibod, Heritier Pingeon, de Carlan, Fertier, Nief

T. com. Lyon, du 19 févr. 2014

19 février 2014

FAITS ET PROCÉDURE

La société Team Tex, créée en 2001, est spécialisée dans la fabrication d'équipements pour automobiles.

La société Imprimerie Courand & Associés (ci-dessous, " Imprimerie Courand ") a été créée en 1990. Elle est spécialisée dans l'imprimerie de labeur offset et numérique.

La société Team Tex a noué une relation contractuelle avec la société Imprimerie Courand afin que cette dernière lui fournisse dans le cadre de sa communication et pour la commercialisation de ses produits, des affiches, des notices d'utilisation.

En 2012 la société Team Tex a cessé de s'adresser à la société Imprimerie Courand.

Estimant qu'aucun préavis n'a été respecté et être victime d'une rupture brutale des relations commerciales, la société Imprimerie Courand a assigné par acte du 29 octobre 2012 la société Team Tex devant le Tribunal de commerce de Lyon qui a, par jugement du 19 février 2014 :

- jugé qu'il a existé entre la société Team Tex SAS et la société Imprimerie Courand & Associés SAS une relation commerciale établie,

- constaté que la société Team Tex SAS a pris l'initiative de rompre cette relation commerciale établie avec la société Imprimerie Courand & Associés SAS sans préavis,

- dit que l'ancienneté de la relation et l'intensité du courant d'affaires entre les parties auraient justifié le respect d'un préavis de six mois,

- condamné la société Team Tex SAS à verser la somme de 305 430 euro à la société Imprimerie Courand & Associés SAS comme indemnité compensatrice de préavis et de préjudice subi,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société Team Tex SAS à payer à la société Imprimerie Courand & Associés SAS la somme de 3 000 euro au titre 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Team Tex a interjeté appel le 21 mars 2014 devant la cour d'appel de Paris.

Par conclusions du 2 mai 2016, la société Team Tex demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 123-23, L. 210-6 et L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de Procédure civile ;

Vu la jurisprudence citée et les pièces versées au débat ;

Vu le jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 19 février 2014

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Team Tex

- infirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Lyon en date du 19 février 2014, en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

A titre principal

- juger qu'Imprimerie Courand ne rapporte pas la preuve de l'existence de relations commerciales établies,

- juger qu'Imprimerie Courand ne rapporte pas la preuve d'une rupture brutale à l'initiative de Team Tex,

En conséquence,

- juger que Team Tex et Imprimerie Courand n'entretenaient pas de relations commerciales établies,

- juger que Imprimerie Courand a pris l'initiative de mettre un terme aux relations commerciales avec Team Tex,

- débouter Imprimerie Courand de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

- juger que Team Tex ayant été créée en 2001, les relations commerciales entre Team Tex et Imprimerie Courand ne peuvent matériellement avoir duré plus de 11 ans,

- juger qu'Imprimerie Courand n'a pas réalisé d'investissements spécifiques dans le cadre de ses relations commerciales avec Team Tex,

- juger que le chiffre d'affaires réalisé par Imprimerie Courand et Team Tex se situait au maximum entre 5 et 11 %,

En conséquence,

- juger que la durée du préavis accordé ne saurait excéder trois mois,

A titre infiniment subsidiaire

- juger qu'Imprimerie Courand ne justifie pas d'un préjudice, ni dans son principe, ni dans son quantum,

- juger que la perte subie sur l'achat de matières premières par Imprimerie Courand ne constitue pas un préjudice réparable,

- juger que le taux de marge allégué par Imprimerie Courand n'est pas justifié par les données comptables fournies et n'est pas conforme aux taux constatés dans le secteur de l'imprimerie,

- juger que le taux de marge nette est le seul indicateur permettant de calculer le préjudice indemnisable,

- juger que le montant du préjudice accordé par le Tribunal de commerce de Lyon a été calculé sur des données comptables erronées,

En conséquence,

- débouter Imprimerie Courand de sa demande indemnitaire,

- A supposer que le préjudice soit établi, juger que le montant du préjudice souffert par Imprimerie Courand ne saurait excéder la somme de 32 393,06 euro

En tout état de cause,

- débouter Imprimerie Courand de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Sur la demande reconventionnelle d'Imprimerie Courand

- juger irrecevable cette demande nouvelle en appel,

- juger qu'Imprimerie Courand ne démontre pas l'existence d'un comportement fautif imputable à Team Tex

En conséquence

- débouter Imprimerie Courand de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause

- condamner la société Imprimerie Courand à verser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société Team Tex,

- condamner la société Imprimerie Courand aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais laissés à la charge du créancier tels que fixés par le décret du 12 décembre 1996 modifié par les décrets n° 2001-212 du 8 mars 2001, n° 2001-373 du 27 avril 2001 et n° 2007-774 du 10 mai 2007,

- dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 2 mai 2016, la société Imprimerie Courand demande à la cour de :

- confirmant dans son principe le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 19 février 2014,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 du Code de commerce et son annexe 4-2-1,

- Constatant que la société Team Tex conserve par-devers elle, malgré sommation préalable son grand livre de comptes fournisseurs Imprimerie Courand & Associés,

- Constatant que la société Team Tex a pris l'initiative en avril 2012 de rompre la relation commerciale établie entre les parties sans préavis écrit,

- Constatant la longévité et l'importance du partenariat d'entre les parties représentant un chiffre d'affaires mensuel d'environ 74 500 euro mensuels au cours des 30 derniers mois des trois derniers exercices, et 99 000 euro mensuels au cours des six derniers mois.

- Constatant l'importance du niveau d'investissement matériel et humain nécessaire en matière d'activité d'imprimerie pour satisfaire les besoins des clients,

- condamner la société Team Tex SAS à payer à la société Imprimerie Courand & Associés une indemnité compensatrice de préavis et du préjudice subi d'un montant de 450 000 euro sur la base du chiffre d'affaires et à tout le moins de 350 000 euro sur la base de la perte de la marge brute, complétée de l'incidence en termes de perte d'achats de matière première,

- condamner la société Team Tex à payer à la société Imprimerie Courand & Associés la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice subi du fait de sa résistance abusive à appliquer les décisions rendues.

- condamner la société Team Tex à payer à là société Imprimerie Courand & Associés une participation de 7 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Fertier.

MOTIVATION

Sur l'existence de relations commerciales établies et de rupture brutale :

Après avoir rappelé qu'il revient à la société Imprimerie Courand d'établir l'existence de relations commerciales entre la société Renolux qui l'aurait précédée et elle, la société Team Tex soutient que les relations qu'elle entretenait avec la société Imprimerie Courand ne présentaient pas de caractère établi, en ce que ses commandes étaient fonction de ses besoins et reposaient sur la "meilleure offre de prix" présentée par la société Imprimerie Courand.

Elle conteste la durée des relations commerciales avancée par la société Imprimerie Courand en relevant que cette société n'a été créée qu'en 2001 et ne peut faire état de relations autonomes entretenues entre la société Team Tex et une autre société. Elle soutient que la société Imprimerie

Courand cherche à créer une confusion pour alléguer de relations, anciennes, en faisant état d'une autre société, Team Tex Management, ou des relations entre l'appelante et une société Renolux liquidée en 1994.

Elle souligne la faiblesse des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Imprimerie Courand, et conteste toute rupture brutale des relations commerciales en avril 2012 alors qu'elles se sont poursuivies après et qu'elle a proposé de redémarrer ses commandes après la discussion sur les conditions tarifaires intervenues en juillet 2012 que la société Imprimerie Courand a ensuite refusé d'appliquer, de sorte que c'est l'intimée qui a mis fin aux relations commerciales.

De son côté, la société Imprimerie Courand fait état de l'ancienneté des relations commerciales qui la liaient avec les sociétés Renolux puis Team Tex, qui ont toutes les deux eu successivement le même dirigeant, et ajoute que l'appelante ne peut refuser de produire ses livres de comptes fournisseurs pour contester cette ancienneté, démontrée depuis 1994.

Elle souligne l'importance de cette relation commerciale, au vu de son chiffre d'affaires, et la stabilité de cette relation au cours de laquelle les parties appliquaient essentiellement des grilles tarifaires. Elle ajoute que la société Team Tex a choisi de cesser de lui passer toute commande à compter du mois d'avril 2012 pour pouvoir négocier les prix, sans respecter un quelconque préavis, la cessation des commandes à l'initiative de la société Team Tex étant établie par le grand livre de compte clients de l'intimée.

Elle déclare avoir pris à plusieurs reprises l'attache de la société Team Tex, qui admet dans sa réponse avoir préalablement rompu les relations entre les sociétés, rupture brutale au vu du volume des commandes préalables et qui n'a été précédée d'aucun préavis.

Elle conteste l'existence d'un accord intervenu en juillet 2012, et souligne que la société Team Tex ne verse aucun écrit de sa part sur un quelconque accord ou contenant un engagement sur un prix ou une quantité.

Sur ce

Les deux parties s'opposent sur l'ancienneté des relations commerciales, qui auraient commencé selon la société Imprimerie Courand en 1994-1995, alors que la société Team Tex rappelle qu'elle a été créée comme société par actions simplifiée et immatriculée le 12 avril 2001 sous le numéro 435 340 039.

La société Imprimerie Courand fait état de relations existant précédemment avec la société Renolux, société liquidée en 1994 et qui était dirigée par Monsieur Yves Nania, dirigeant de la société Team Tex.

L'article 1er des statuts de la société par actions simplifiée Team Tex indique qu'elle a été constituée sous la forme de société à responsabilité limitée le 12 octobre 1994, immatriculée le 29 décembre 1994 puis transformée en société par actions simplifiée par décision unanime des associés le 6 octobre 2000.

L'appelante soutient que la société Team Tex SARL puis SAS en 2000 est devenue Team Tex Management et souligne la différence de numéro d'immatriculation entre cette société (RCS 399 375 880) et elle-même (RCS 435 340 039) - qui a été assignée par la société Imprimerie Courand, de sorte qu'il s'agirait d'une autre société du groupe Team Tex dont les relations avec la société Imprimerie Courand ne devraient pas être prises en compte.

Cependant, il convient de relever que les deux sociétés Team Tex ont la même adresse, le même président Monsieur Yves Nania, et que l'appelante ne produit pas de pièces démontrant les changements de statut successifs, ni ses grands livres de compte, ce qu'elle pouvait faire du fait de l'identité de dirigeant.

Pour sa part, la société Imprimerie Courand justifie entretenir des relations commerciales avec la société Team Tex dès 1995, relations qui se poursuivaient notamment en 2010 et 2011.

Aussi la société Imprimerie Courand établit l'existence de relations commerciales avec la société Team Tex depuis 1995, et l'appelante a poursuivi ces relations après sa création sans expliciter les conditions dans lesquelles elle s'est substituée dans les relations avec l'Imprimerie Courand à la société Team Tex SARL précédemment existant et appartenant au même groupe, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur sa date de création pour soutenir que les relations commerciales n'existaient pas précédemment.

Les relations commerciales entretenues entre la société Imprimerie Courand et la société Team Tex SARL devenue SAS puis Team Tex Management à laquelle s'est substituée la société Team Tex SAS ayant commencé en 1995, la durée des relations commerciales considérée en 2012 est de 17 ans.

Le grand livre de tiers produit par la société Imprimerie Courand justifie de l'importance des relations commerciales passées entre les sociétés au cours des années 2009, 2010 et 2011.

Le nombre et l'importance des commandes sont révélateurs du caractère stable et habituel de ces relations commerciales, puisque ce grand livre montre que pour l'année 2010 le total de mouvement de débit concernant la société Team Tex était de 1 130 439,42 euro et le total des mouvements de crédit était de 1 051 935,14 euro, et que ces chiffres pour l'année 2011 étaient respectivement de 1 023 345,72 euro et de 885 949 euro.

Au vu du nombre des écritures passées dans ce grand livre concernant la société Team Tex, celle-ci ne peut soutenir que ses commandes auprès de la société Imprimerie Courand sont aléatoires car dépendantes de celles qui lui sont passées, pour contester la stabilité de ces relations.

Le fait pour la société Imprimerie Courand d'adresser à la société Team Tex avant certaines commandes sa "meilleure offre de prix" ne peut être invoqué pour contester la stabilité des relations commerciales entre elles, alors que l'intimée verse des bons de commandes de la société Team Tex la concernant pour l'année 2012 et des grilles tarifaires Team Tex établies en 2007 qui confirment encore le caractère habituel et stable de ces relations commerciales, au vu duquel la société Imprimerie Courand pouvait légitimement s'attendre à leur poursuite.

S'agissant du volume de ces relations commerciales, au cours de l'exercice commencé le 1er octobre 2009 et clos le 30 septembre 2010 la société Imprimerie Courand a réalisé un chiffre d'affaires de 7 420 000 euro, dont 880 894,04 euro avec la société Team Tex.

Aussi, la société Imprimerie Courand a réalisé au cours de cet exercice 11,87 % de son chiffre d'affaires avec la société Team Tex.

Au cours de l'exercice suivant, commencé le 1er octobre 2010 et clos le 30 septembre 2011, la société Imprimerie Courand a réalisé un chiffre d'affaires de 9 589 000 euro, dont 757 836,46 euro avec la société Team Tex, soit 7,9 % de son chiffre d'affaires total.

Au cours de l'exercice allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand à 11 026 400 euro.

L'analyse des données communiquées par la société Imprimerie Courand montre que son chiffre d'affaires du mois d'avril 2012 (mois de la rupture alléguée) avec la société Team Tex a été très inférieur à celui des mois précédents, et que de même les sommes retenues au titre de son chiffre d'affaires avec la société Team Tex pour les mois de mai et juin sont sans rapport avec ceux des mois précédents, pour devenir nuls pour les mois suivants.

Aussi convient-il de retenir les sommes correspondant aux six premiers mois de cet exercice, au vu desquelles sur cette période la société Imprimerie Courand a réalisé 10,79 % de son chiffre d'affaires avec la société Team Tex.

S'agissant de la brutalité de la rupture, les données versées par la société Imprimerie Courand relatives au chiffre d'affaires réalisé avec la société Team Tex, non contestées par celle-ci, montrent qu'entre les mois d'octobre 2011 et de mars 2012 ce chiffre d'affaires mensuel moyen était de 99 212, 60 euro.

Comme relevé précédemment, les montants correspondant au chiffre d'affaires réalisé par la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex en mai et juin 2012 sont hors de proportion avec les montants mensuels relevés au cours des mois précédents, et révèlent un assèchement des commandes confirmé par l'absence de tout chiffre d'affaires provoqué par des relations commerciales au cours des mois suivants.

Du reste, si la société Team Tex conteste une rupture des commandes, elle ne verse pas de bon de commande adressé à la société Imprimerie Courand au cours des mois suivants avril 2012, ni de document comptable l'établissant ; un seul mail du 18 mai 2012 porte commande pour la semaine 23, mais le bon de commande n'est pas produit et cette seule pièce ne saurait contester le tarissement des commandes au vu du volume observé lors des mois précédents.

De plus, dans un mail adressé à la société Team Tex le 8 juin 2012 puis le 10 juillet 2012, la société Imprimerie Courand faisait état de ses difficultés rencontrées pour "rattraper les 100 000 euro par mois de CA perdu par votre abandon inopiné sans prévenir", message auquel la société Team Tex ne justifie pas avoir répondu.

Dans un courrier du 21 septembre 2012 la société Team Tex indique à la société Imprimerie Courand être disposé "à redémarrer notre activité avec vous dans la mesure où vos prix sont identiques à ceux de vos concurrents, sans minima de quantités".

Ce courrier, intervenu à la suite d'une lettre du 19 septembre 2012 du conseil de la société Imprimerie Courand qui reprochait à la société Team Tex sa brusque rupture de commande à compter du mois d'avril 2012 et présentait une demande d'indemnisation, contient la reconnaissance par la société Team Tex qu'elle avait cessé les relations commerciales avec la société Imprimerie Courand et qu'elle envisageait de les reprendre sous condition d'un accord sur des prix à la baisse, et sans condition de quantité.

La société Team Tex n'a pas de plus contesté les termes du courrier du 25 septembre 2012 de la société Imprimerie Courand, qui constatait "votre décision de rompre le contrat repose sur une optimisation du coût de votre production".

Si la société Team Tex fait état d'un accord intervenu entre les parties au cours du mois de juillet 2012, il serait postérieur à la rupture des relations commerciales d'avril 2012, et les termes de cet accord ne sont pas établis par les pièces versées, alors qu'il ressort des mails de la société Imprimerie Courand à la société Team Tex qu'elle lui a fait des propositions de rabais et de ristournes en juin et juillet 2012.

Il résulte de ce qui précède que les relations commerciales existant entre les sociétés Team Tex et Imprimerie Courand ont été rompues au mois d'avril 2012 du fait de la société Team Tex, qui n'a pas continué à passer de commandes.

Cette rupture a été brutale, au vu de la chute du chiffre d'affaires réalisé par la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex entre les mois précédant et suivant avril 2012, elle a été utilisée par la société Team Tex pour tenter d'imposer de nouvelles conditions de prix à la société Imprimerie Courand, et n'a été précédé d'aucun préavis de la société Team Tex à la société Imprimerie Courand.

Aussi, les conditions d'application de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce sont réunies, et le Tribunal de commerce de Lyon sera confirmé sur ce point.

Sur la durée du préavis :

La société Team Tex soutient que le préavis reconnu à l'intimée ne devrait pas excéder trois mois, au vu de la durée des relations commerciales et de la part réduite des commandes de la société Team Tex dans le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand lors des trois derniers exercices. Elle ajoute que la société Imprimerie Courand n'a effectué aucun investissement humain pour répondre à ses seuls besoins, conteste également tout investissement matériel particulier, et rappelle qu'il n'existait aucun engagement d'exclusivité entre elles.

Pour sa part, la société Imprimerie Courand sollicite qu'un délai de préavis de six mois soit retenu pour fonder le préjudice qu'elle a subi.

Sur ce

La date de début des relations commerciales étant 1995, la durée retenue de relations commerciales est de 17 ans.

La société Imprimerie Courand ne justifie pas d'engagement humain propre pour la société Team Tex, et ne peut se fonder sur l'attestation d'un de ses employés pour soutenir avoir acquis un matériel spécifique pour répondre aux besoins de la société Team Tex, alors qu'il s'agit d'un matériel (brochage, encartage, pliage) paraissant habituel pour une imprimerie, et qu'elle a continué de l'utiliser après le mois d'avril 2012 (pièce 25 appelante).

Au cours de l'exercice commencé le 1er octobre 2009 et fini le 30 septembre 2010, la société Imprimerie Courand a réalisé 11,87 % de son chiffre d'affaires avec la société Team Tex, soit 880 894,04 euro.

Lors de l'exercice suivant, le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex était de 757 836,46 euro, soit 7,9 % de son chiffre d'affaires total.

Entre le 1er octobre 2011 et le 31 mars 2012, il était de 595 276,23 euro, soit 10,79 % de son chiffre d'affaires total.

Ainsi la part du chiffre d'affaires réalisé avec la société Team Tex sur le chiffre d'affaires total de la société Imprimerie Courand n'induit pas une dépendance de cette société à l'égard de l'appelante, ce d'autant qu'il n'existait aucun engagement d'exclusivité.

Pour autant, cette part est significative, et représente un volume d'affaires important.

Au vu de ce qui précède, et notamment de la durée des relations commerciales retenue, la durée du préavis de six mois retenue par les premiers juges est adaptée, et sera confirmée.

Sur la réparation du préjudice :

La société Team Tex soutient que l'intimée est seule responsable de son préjudice en ce qu'elle n'a pas voulu appliquer les nouveaux tarifs négociés ni honorer ses commandes, et relève qu'elle ne justifie pas d'un préjudice. Elle ajoute que doit être indemnisée non la perte de chiffre d'affaires, mais la perte de marge nette, et que la société Imprimerie Courand ne peut faire état du coût des investissements que s'ils ont été engagés pour elle spécifiquement.

Elle conteste le taux de marge brute avancée par l'intimée, bien supérieur au taux du secteur de l'imprimerie, et écarte l'application du taux de marge industrielle sur production. Enfin, elle souligne l'augmentation du chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand malgré la rupture des relations entre les sociétés.

De son coté, la société Imprimerie Courand fait état d'un taux de marge brute de 68,24 % devant être appliqué en l'espèce, ainsi qu'en atteste son expert comptable, et souligne l'importance de la perte de son chiffre d'affaires du fait de la rupture brutale des relations.

Elle avance avoir dû acquérir des équipements spécifiques et des matières premières propres, mobiliser du personnel pour répondre aux besoins de la société Team Tex, et qu'il convient de calculer son préjudice sur le fondement de la marge brute de production.

Sur ce

L'évaluation du préjudice subi par la société Imprimerie Courand doit être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute quelle pouvait escompter si les relations commerciales n'avaient pas été rompues.

La moyenne du chiffre d'affaires réalisé HT entre les sociétés au cours des exercices précédant la rupture peut être retenue comme base de détermination du préjudice.

Comme indiqué précédemment, au cours de l'exercice allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex s'est monté à 880 894,04 euro.

Au cours de l'exercice allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex était de 757 836,46 euro.

Enfin, au cours des six premiers mois de l'exercice suivant, soit du 1er octobre 2011 au 31 mars 2012, le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand réalisé avec la société Team Tex s'est élevé à 595 276,23 euro.

En conséquence, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé par la société Imprimerie Courand avec la société Team Tex au cours des 30 mois précédant le mois d'avril 2012, mois de la rupture, est de 74 470,22 euro.

L'arrêt brutal des commandes de la société Team Tex a ainsi porté un préjudice certain à la société Imprimerie Courand, qui justifie avoir acheté des stocks de papier spécifiquement pour la société Team Tex, qu'elle a cessé ces approvisionnements et n'a pu se faire reprendre les stocks qu'elle avait acquis par ces fournisseurs.

Le fait que le chiffre d'affaires de la société Imprimerie Courand ait augmenté en 2012, année de la rupture brutale, par rapport à l'année précédente, ne peut être avancé utilement par la société Team Tex pour contester la matérialité du préjudice subi par l'intimée.

Dans une attestation du 30 avril 2013, la société validant la comptabilité de la société Imprimerie Courand certifie que le taux de marge pratiqué par cette société est de 68,36 %.

Il est également attesté le 6 décembre 2015 que dans les comptes clos au 30 septembre 2012 le taux de marge brut de cette société était de 68,24 %. Un tableau de contrôle des marges est joint montrant ce taux de marge brute totale de la société Imprimerie Courand, ce taux dans les exercices N-1 et N-2 étant respectivement de 67,36 % et de 69,48 %.

Si la société Team Tex avance que l'attestation du 30 avril 2013 ne respecte certaines formes ou que la perte de marge subie est relative à la totalité du chiffre d'affaires de l'intimée et non de ses seules relations commerciales avec elle, le taux de 68,24 % est confirmé par le commissaire aux comptes de la société Imprimerie Courand.

Par ailleurs, la société Team Tex ne peut contester les chiffres versés par la société Imprimerie Courand en se fondant sur des études nationales faisant état d'un taux de marge dans le secteur de l'imprimerie nettement inférieur à celui revendiqué par l'intimée, alors que pour sa part celle-ci produit une attestation de son expert comptable faisant état d'un taux de marge brute moyen de 47 imprimeries de 61 %, soit un taux en rapport avec celui revendiqué par l'intimée.

Au vu des éléments concordants versés par la société Imprimerie Courand, dont la crédibilité ne saurait être remise en cause par les pièces versées par la société Team Tex, le taux de 68,36 % de marge brute sera retenu.

En conséquence, le préavis retenu étant de 6 mois, le montant du préjudice retenu par le Tribunal de commerce de Lyon sera confirmé.

Sur la résistance abusive :

La seule résistance face à l'engagement d'une action en justice, comme l'exercice des voies de recours ne pouvant être assimilé à une résistance abusive, la société Imprimerie Courand sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.

Sur les autres demandes :

La société Team Tex succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.

Étant condamnée au paiement des dépens, elle sera condamnée au paiement d'une somme supplémentaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, que l'équité commande de fixer à 2000 euro.

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Lyon du 19 février 2014 en toutes ses dispositions, Confirme le jugement quant aux condamnations prononcées à l'encontre de la société Team Tex au titre des frais irrépétibles de première instance, et la condamne au paiement d'une somme supplémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Team Tex aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de maître Fertier.