CA Aix-en-Provence, 2e ch., 8 septembre 2016, n° 13-20917
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Mercedes Benz France (SAS), Masa (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry-Camoin
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Avocats :
Mes Ermeneux Champly, Magnan, Jourdan, Bourgeot, Juston, Ringle, Favre
FAITS - PROCEDURE - DEMANDES :
Le 30 août 2010 une intervention a été faite par Daimler AG - Mercedes-Benz GSP/SOS à Gemersheim (Allemagne) sur un véhicule Mercedes CLC 220 CDI mis en circulation le 26 février 2009, le compteur indiquant 21 199 km.
Selon mandat de recherche Monsieur Richard N. a commandé le 13 septembre 2010 à la société europ'Trade ce véhicule pour le prix TTC de 26 000 euro. Le certificat de cession par la société espagnole Import Export Calas Slu a été établi le 1er octobre 2010 suivie d'une facture au prix de 23 800 euro avec 21 860 km. La livraison a été faite le 2 octobre. Le certificat d'immatriculation a été établi le 18 octobre 2010.
Le 4 octobre 2010 suite à une panne Monsieur X a demandé une réparation à la SAS Masa garagiste, laquelle a établi le 5 janvier 2011 un devis pour la somme de 5 903 euro 16 TTC mentionnant 21 973 km et un dommage au turbo-compresseur.
A la requête de Monsieur X une expertise a été réalisée le 5 janvier 2011, avec rapport le 21 février, par le Cabinet V.
Par lettre du 8 mars 2011 la société Masa a notifié à Monsieur X l'application de frais de gardiennage de 80 euro HT par jour à compter de ce du 5 janvier 2011. Le 1er juin la même a notifié 672 euro 15 pour facture de réparations, et a ramené le tarif de gardiennage à 25 euro par jour.
Monsieur X a fait assigner le 29 septembre 2011 la société Masa, et le 28 novembre 2012 la SAS Mercedes-Benz France "constructeur'", devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, qui par jugement du 3 septembre 2013 a :
* débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes;
* mis hors de cause la société Mercedes-Benz;
* mis hors de cause la société Masa;
* condamné Monsieur X à payer à la société Masa les sommes de :
- 26 850 euro 20 au titre des frais de gardiennage du 5 janvier 2011 au 21 juin 2013;
- 25 euro HT par jour à compter du 22 juin 2013 jusqu'à la date de récupération du véhicule;
- 672 euro 15 au titre des frais de démontage;
* rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de la société Masa;
* condamné Monsieur X à payer à la société Masa une somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
* condamné Monsieur X à payer à la société Mercedes-Benz une somme de 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
* condamné Monsieur X à supporter les dépens de l'instance;
* ordonné l'exécution provisoire du chef de l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées à l'encontre de Monsieur X.
Monsieur Richard X a régulièrement interjeté appel le 25-28 octobre 2013. Par conclusions du 24 janvier 2014 il soutient notamment que :
- la panne est intervenue dans le délai de garantie-constructeur de 2 ans que doivent tant la représentante du constructeur Daimler qu'est la société Mercedes-Benz, que la société Masa concessionnaire du réseau Mercedes-Benz;
- la société Mercedes-Benz a refusé cette garantie au motif que la quantité d'huile ajoutée dans le moteur lors de la révision était adéquate, ce qui n'est pas une raison valable car alors la panne avait une autre origine que cet ajout; cette société ne peut donc aujourd'hui invoquer une faute dans cette révision; cette dernière a été réalisée par la société Daimler constructeur, et n'exclut pas la garantie de celui-ci;
- les conditions générales de la garantie-constructeur ont été produites de manière incomplète, et ne permettent pas de vérifier si l'exclusion couvre les réparation et entretien effectués par le constructeur lui-même;
- la société Daimler de Gemersheim ayant commis une erreur lors de l'entretien du véhicule est en réalité le constructeur lui-même;
- ce véhicule est impropre à son usage puisqu'il est affecté d'une panne qui l'a rendu parfaitement inutilisable et nécessite près de 6 000 euro de réparation; il y a vice caché puisque la quantité d'huile était indécelable; vendeur professionnel la société Mercedes-Benz doit être réputée avoir eu connaissance de ce vice;
- depuis le 4 octobre 2010 Monsieur X est privé de véhicule d'où un trouble de jouissance; en 2 ans la valeur de celui-ci a perdu 10 000 euro 00;
- la société Masa réclame des frais de gardiennage sans aucun contrat ni justificatif.
L'appelante demande à la cour, vu le règlement européen du 31 juillet 2002 relatif à la distribution automobile, et les articles 1134 et 1641 et suivants du Code civil, de :
* réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et statuant de nouveau;
* à titre principal :
- dire et juger que la société Mercedes-Benz représentant en France du constructeur du véhicule, et la société Masa en sa qualité de concessionnaire de la précédente, sont tenues envers Monsieur X de mettre en œuvre la garantie-constructeur;
- en conséquence condamner in solidum les sociétés Mercedes-Benz et Masa à réaliser gratuitement les travaux de remise en état du véhicule litigieux selon devis du 5 janvier 2011, et ce sous astreinte de 100 euro par jour de retard;
* à titre subsidiaire :
- dire et juger que la société Mercedes-Benz et la société Masa sont tenues à la garantie des vices cachés envers Monsieur X;
- en conséquence, prononcer la résolution de la vente et condamner in solidum les sociétés Mercedes-Benz et Masa à payer à Monsieur X la somme de 26 000 euro contre restitution du véhicule acheté;
* en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés Mercedes-Benz et Masa à payer à Monsieur X les sommes de :
- 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance qu'il a subi;
- 1 082 euro au titre des frais de carte grise;
- 10 000 euro au titre de la dévaluation subie par le véhicule entre la date de la panne et la date de la décision a intervenir;
- débouter la société Masa des demandes présentées au titre des frais de gardiennage;
- condamner la société Mercedes-Benz à relever et garantir Monsieur X contre toute condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de la société Masa;
- condamner in solidum la société Mercedes-Benz et la société Masa à payer à Monsieur X la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Concluant le 21 mars 2014 la SAS Masa répond notamment que :
- il y a absence de lien de droit entre Monsieur X et elle quant au litige, n'étant ni vendeur ni entreteneur du véhicule ni à l'origine du trop-plein d'huile;
- les conditions générales de garantie (pièce 11) excluent les maintenance et entretien incorrects (article 1.13 et 3.1), tandis que l'article 3.2 impute la responsabilité des erreurs dans la remise en état à l'atelier chargé de celle-ci, avec exclusion de la garantie;
- les dysfonctionnements sont imputables à une faute de la société intervenue le 30 août 2010, même si elle fait partie du réseau du constructeur; ce dernier n'a pas écarté un défaut d'entretien puisqu'il a renvoyé vers l'intervenant responsable;
- les exclusions de garantie ont été communiquées;
- Monsieur X s'est toujours refusé à assigner cet intervenant, qui est une entité juridique distincte du constructeur;
- le vice caché ne concerne que le vendeur, ce qu'elle-même n'est pas.
L'intimée demande à la cour, vu les articles 1165, 1134 et suivants, 1641 et suivants du Code civil, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Masa des dommages et intérêts sollicités pour procédure abusive;
- condamner Monsieur X à payer à la société Masa la somme de 2 500 euro pour procédure abusive.
Concluant le 4 mai 2016 la SAS Mercedes Benz France répond notamment que :
- elle n'est pas le constructeur du véhicule, qui est la société Daimler AG, ni son importateur ni son vendeur, ce qui faute de titre contractuel exclut son intervention;
- la réponse du service de relation clientèle de la société Mercedes-Benz sur l'appoint d'huile correct ne saurait avoir valeur de parole d'expert;
- le vice caché n'est pas prouvé, et est exclu par un excédent d'huile, ainsi qu'un défaut ou une faute d'entretien.
L'intimée demande à la cour, vu l'article 1641 du Code civil, de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement;
- constater, dire et juger que :
. la société Mercedes Benz, n'est ni l'importateur, ni le vendeur et/ou le fabriquant du véhicule de Monsieur X;
. le demandeur ne justifie d'aucun lien de droit avec la société Mercedes-Benz et, en conséquence, ne saurait engager sa responsabilité, à quelque titre que ce soit;
. les seules conclusions de l'expert amiable non contradictoires s'orientent vers un défaut d'entretien;
. la garantie-constructeur exclut expressément la prise en charge du dommage présenté par le véhicule;
. il n'est par ailleurs justifié d'aucun vice caché sur le véhicule litigieux au sens de l'article 1641 du Code civil;
- débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Mercedes Benz;
- prononcer la mise hors de cause de la société Mercedes Benz;
- condamner Monsieur X à payer à la société Mercedes Benz la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2016.
Motifs de l'arrêt :
Dans la page 4 de la pièce 8 de Monsieur X la société néerlandaise Mercedes-Benz Customer Assistance Center (et non la société française Mercedes-Benz adversaire de l'intéressé) précise que selon le responsable du service après-vente des établissements Daimler l'appoint d'huile est normal, mais n'a jamais repris à son propre compte cet élément pour lequel elle ne s'est donc pas engagée, contrairement à ce que soutient Monsieur X.
La société Mercedes-Benz a selon son Kbis des activités commerciales, tandis que la société Masa est un concessionnaire-garagiste. Leur responsabilité à toutes deux est en principe engagée sur le fondement de la garantie du constructeur du véhicule de Monsieur X.
Cependant selon l'expertise amiable du Cabinet V. du 21 février 2011, non discutée par Monsieur X qui l'a requise, la panne survenue au véhicule a pour origine un trop-plein d'huile qui a provoqué l'emballement du moteur et des dommages irréversibles au turbo-compresseur; ce trop-plein a été fait avec certitude le 30 août 2010 par " Daimler AG - Mercedes-Benz GSP/SOS " à Gemersheim, entité dont Monsieur X ne démontre pas qu'elle soit juridiquement liée soit à la société Mercedes-Benz soit à la société Masa, tandis que le siège de la société Daimler AG constructeur du véhicule est dans un autre lieu à Stuttgart (pièce 14 de la société Masa).
Au surplus les conditions générales du constructeur Daimler AG pour les véhicules Mercedes-Benz excluent la garantie pour les maintenance et entretien incorrects (article 1.13 et 3.1), tandis que l'article 3.2 sur la responsabilité de l'atelier (en l'espèce " Daimler AG - Mercedes-Benz GSP/SOS ") met à la charge de celui-ci les erreurs dans la remise en état, avec exclusion de la garantie. De plus l'article 4.1.2 exclut les garanties en cas de maintenance contraire aux directives du constructeur. Or ni la société Mercedes-Benz ni la société Masa ne sont intervenues dans le trop-plein d'huile, lequel caractérise une erreur et une mauvaise maintenance du véhicule de Monsieur X de nature à exclure la garantie du constructeur.
C'est donc à juste titre que le tribunal a mis ces 2 sociétés hors de cause, sans qu'il soit besoin pour la cour d'examiner l'applicabilité du règlement européen du 31 juillet 2002 relatif à la distribution automobile.
La garantie des vices cachés invoquée par Monsieur X ne peut concerner que le vendeur (article 1641 du Code civil) qui est uniquement la société espagnole Import Export Calas SLU, et aucunement la société Mercedes-Benz ou la société Masa qui ne peuvent donc être recherchées sur ce fondement, d'autant que le trop-plein d'huile est un défaut d'entretien et nullement un vice caché.
La somme allouée par le jugement à la société Masa au titre des frais de démontage est justifiée par la facture du 1er juin 2015; celles pour frais de gardiennage ont pour fondement les réclamations de la même des 8 mars et 1er juin 2011; mais le premier tarif journalier de 80 euro HT ne repose sur aucun fondement contractuel ni tarif communiqué, et Monsieur X n'a donc pas à payer plus que le second tarif soit 25 euro HT par jour, et à compter du 8 mars 2011 date à laquelle la société Masa a formulé sa première réclamation qui ne peut être rétroactive.
Si la procédure de Monsieur X était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi la société Masa ; par suite la cour déboutera cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.
Monsieur X qui succombe, pour l'essentiel n'est pas fondé en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens.
Il convient en équité de condamner Monsieur X à payer à la Société Mercedes Benz France la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision
LA COUR, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire, Infirme partiellement le jugement du 3 septembre 2013 pour les frais de gardiennage, et condamne Monsieur Richard X à payer pour eux à la société Masa la somme de 25 euro HT par jour à compter du 8 mars 2011 jusqu'à la date de récupération du véhicule ; Confirme tout le reste du jugement ; Déboute Monsieur X de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Monsieur X à payer à la société Mercedes Benz France la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne Monsieur Richard X aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.