CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 15 septembre 2016, n° 2015-06968
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tyrol Acquisition 1 (SAS), Tyrol Acquisition 2 (SAS), TDF (SAS)
Défendeur :
Outremer télécom (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur
Conseiller :
Mme Luc
Avocats :
Mes Teytaux, Saleh Cherabieh, Freget, Justier, SCP AFG, SELARL Magenta
La Cour est saisie par les sociétés TDF, Tyrol Acquisitions 1 et Tyrol Acquisitions 2 d'un recours en annulation et en réformation contre la décision n° 15-D-01 du 5 février 2015 de l'Autorité de la concurrence, relative à des pratiques mises en 'œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer. Par cette décision, l'Autorité a sanctionné la société TDF pour abus de position dominante, sur le double fondement des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE. Elle a infligé à la société TDF, auteur des pratiques, et, conjointement et solidairement aux sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, en qualité de sociétés-mères, une sanction pécuniaire de 4,2 millions d'euro. Elle a mis hors de cause les sociétés Tyrol Acquisition 1 SARL et Tyrol Acquisition et Cie SCA.
Il est reproché à la société TDF, en position dominante sur le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre en mode numérique de programmes télévisuels dans les territoires d'outre-mer, d'avoir, du 3 mars 2010 jusqu'au 13 avril 2010, empêché des concurrents, dont la société Outremer Telecom, opérateur de télécommunication, de répondre à 9 appels d'offres lancés par la société France Télévisions, publiés en 2010, en vue de l'attribution des marchés de la diffusion de la TNT dans les territoires et collectivités d'outre-mer (contrats de cinq ans). Ce comportement a consisté, pour la société TDF, à communiquer avec retard, puis de façon incomplète, son offre de référence Hébergement, nécessaire pour que les sociétés concurrentes puissent élaborer leurs réponses aux appels d'offres, dans des conditions équitables.
Les faits de la cause prennent place dans le cadre du déploiement de la Télévision Numérique Terrestre en outre-mer (TNT).
Le secteur
L'article 23 de la loi n° 2009-258 de mars 2009 relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a choisi le mode hertzien terrestre comme technologie de déploiement de la télévision numérique dans les collectivités d'outre-mer : " ['] dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi et de la compétence de l'Etat, tendant :
- à adapter aux départements et régions d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre et Miquelon les dispositions relatives à la télévision numérique terrestre ;
- à étendre et adapter dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les dispositions relatives à la télévision numérique terrestre.
Les mesures prises par ordonnance pour l'application du présent article permettent le lancement dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie d'une offre de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique incluant notamment des services locaux, des services nationaux ainsi que des services en haute définition.
Ces mesures assurent la continuité de réception des services actuellement diffusés par voie hertzienne en mode analogique en prévoyant, le cas échéant pour chacun de ces services, une période minimale de diffusion en mode analogique et en mode numérique et en informant et accompagnant les téléspectateurs.
Elles garantissent que les services de télévision diffusés par voie hertzienne en mode numérique dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sont accessibles au public le plus large compte tenu des spécificités de ces collectivités ".
Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a adopté une série de décisions relatives au lancement de la TNT, dont les décisions des 8 décembre 2009 et 7 janvier 2010, par lesquelles il a attribué aux sociétés France Télévisions, Arte France et France 24 des autorisations d'usage de fréquences radioélectriques pour l'exploitation de la TNT en outre-mer via le multiplex "Réseau OutreMer 1" (ROM 1), filiale de la société France Télévisions.
La société France Télévisions avait l'obligation, fixée par le gouvernement, d'assurer une couverture a minima équivalente à celle du réseau analogique " Tempo " pour la fin du mois de novembre 2010.
En vertu de l'article L. 38 du Code des postes et des communications électroniques, dans sa version en vigueur au moment des faits : " Les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations suivantes, proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 :
1° Rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment de publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination (.) ". Le I de l'article D. 307 du même code prévoit que : " I. - Les informations à publier en application du 1° de l'article L. 38 peuvent concerner : (.) les spécifications techniques des prestations d'interconnexion ou d'accès de ces opérateurs ; les caractéristiques du réseau de ces opérateurs ; les conditions techniques et tarifaires de fourniture des prestations d'interconnexion et d'accès de ces opérateurs ".
Dès 2006, l'ARCEP a mis en place une régulation ex ante sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, pour garantir l'émergence d'une concurrence effective et loyale entre les acteurs. Celle-ci consiste, notamment, à garantir l'accès aux sites et aux systèmes antennaires de TDF, opérateur historique de diffusion hertzienne terrestre reconnu comme exerçant une " influence significative ", par l'intermédiaire d'offres d'hébergement et de diffusion. Depuis la mise en œuvre du premier cycle de régulation par l'ARCEP (2006-2009), cette dernière a été amenée à en reconduire un deuxième (2009-2012), puis un troisième (2012-2015). Les pratiques concernées par la présente affaire, commises autour de février-avril 2010, s'inscrivent dans la période d'application du deuxième cycle de régulation instauré par l'ARCEP.
Dans une décision du 11 juin 2009, dite " décision Cycle II ", l'ARCEP a renforcé son contrôle ex ante, la position de la société TDF sur le marché de gros amont des offres de diffusion hertzienne s'étant renforcée depuis 2006 et la concurrence y étant faible du fait de la petite taille des opérateurs alternatifs et de la dépendance des chaînes vis-à-vis des infrastructures de diffusion de l'opérateur historique. Elle a imposé à la société TDF une obligation de publication d'offres de référence (ODR) qui précisent les conditions techniques et tarifaires des offres régulées d'hébergement sur ses sites et d'accès à son système antennaire. Cette publication avait pour objectif d'assurer l'équilibre économique des nouveaux entrants en leur donnant une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par la société TDF. En pratique ces obligations visaient, d'une part, à favoriser la concurrence par les infrastructures entre opérateurs (ce qui encourageait les opérateurs alternatifs à investir dans leurs propres infrastructures lorsque cela était économiquement viable) et, d'autre part, à favoriser une concurrence par les services dans les cas où de tels investissements ne le seraient pas.
La société TDF, opérateur historique de télédiffusion, détenait, au moment des faits litigieux, la majorité des infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre des chaînes de télévision en métropole et dans les collectivités ultramarines, sous forme d'un réseau de sites-pylônes. Les opérateurs dits " alternatifs " qui souhaitaient, en concurrence avec la société TDF, proposer leurs services de diffusion hertzienne en mode numérique aux opérateurs de multiplex, avaient donc plusieurs solutions :
- créer leur propre réseau de pylônes sur lesquels installer leurs antennes et leurs émetteurs ;
- avoir recours aux infrastructures de la société TDF, sous deux formes : l'installation de leurs antennes sur les pylônes de la société TDF (prestation d'hébergement d'antenne et hébergement bâtiment) ou la location d'une antenne de la société TDF (prestations d'accès au système antennaire, dite " DiffHF ").
L'opérateur historique était en outre soumis à une obligation de non-discrimination, selon laquelle les opérateurs alternatifs devaient être placés dans des conditions équivalentes à celles de la société TDF lorsqu'ils lui achetaient des prestations de diffusion. En d'autres termes, la société TDF, propriétaire de l'ensemble de ses infrastructures, avait l'obligation de s'appliquer à elle-même les conditions de l'offre globale de diffusion qu'elle vendait aux opérateurs alternatifs ne disposant d'aucune infrastructure de diffusion.
Les appels d'offres
La société France Télévisions a lancé, le 2 février 2010, un appel public à la concurrence pour la diffusion de la TNT dans chacun des neuf territoires ultra-marin, comprenant deux phases : une phase de "dialogue compétitif", puis une phase d'attribution du marché de diffusion du multiplex à un des diffuseurs. La phase de dialogue compétitif, prévue à l'article 36 du code des marchés publics, est utilisée quand " le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins " ou qu'il " n'est objectivement pas en mesure d'établir le montage juridique ou financier d'un projet ".
Ces appels à la concurrence précisaient que le marché avait pour objet, notamment, de :
- créer le multiplex à partir du bouquet satellite ;
- créer le réseau de transport numérique jusqu'aux émetteurs ;
- choisir la localisation et la puissance des émetteurs ;
- assurer la supervision du réseau de transport et de diffusion ;
- assurer la maintenance et la redondance du réseau de transport et d'émission.
Il était également signalé que la procédure retenue était celle du dialogue compétitif et que les critères d'attribution étaient l'offre économiquement la plus avantageuse, la date limite de réception des offres ou des demandes de participation étant fixée au 3 mars 2010, 12 heures. Le dossier de consultation des entreprises indiquait le calendrier fixé :
- réception des candidatures : 3 mars 2010,
- invitation à participer au dialogue compétitif aux candidats retenus : 5 mars 2010,
- début du dialogue compétitif : 10 mars 2010.
Il était par ailleurs indiqué que l'objectif était de réunir la commission finale et d'attribuer le marché à l'opérateur retenu au plus tard à la mi-mai, la société France Télévisions souhaitant qu'un déploiement minimum s'achève au plus tard "conformément aux souhaits de l'Etat" mi novembre 2010 et l'intégralité du déploiement devant être terminée en février 2011.
Les sociétés TDF, Outremer Telecom et Itas Tim ont manifesté leur intérêt pour plusieurs ou la totalité de ces appels d'offres, la société SPM pour Saint Pierre et Miquelon.
Dès réception des expressions d'intérêt, la société France Télévisions a transmis aux candidats potentiels pour chaque territoire concerné, un projet de cahier des clauses juridiques et financières (CCJF) et un projet de cahier des clauses techniques (CCT). Ces documents prévoyaient, pour chacun des territoires, que " Le futur réseau de la TNT devra s'architecturer sur la base du deuxième réseau TV (TV02), diffusant actuellement Tempo Atlantique " et précisaient que la desserte attendue " correspond à la couverture de la population recevant le premier réseau (TV01) de France Télévisions ". Il était ainsi explicitement prévu que le réseau de TNT devait être construit en référence au réseau analogique existant dans chaque territoire. Cette demande était cohérente avec l'objectif fixé par les pouvoirs publics, et notamment le CSA, d'avoir une couverture de la population en numérique " au moins égale " à la couverture analogique.
Le 3 mars 2010, la société Outremer Telecom a transmis à la société France Télévisions un dossier de candidature pour les cinq territoires où elle était active dans le secteur des télécommunications : la Guadeloupe (avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy), la Guyane, la Martinique, Mayotte et la Réunion. La société Outremer Telecom a indiqué dans ce dossier qu'elle était dépendante de la société TDF pour des prestations d'hébergement, afin d'assurer la couverture de la totalité des territoires : " Compte tenu des attentes exprimées par France Télévisions dans son appel à candidature tant en terme de délai que de couverture, il nous semble que certains Points Hauts de TDF sont incontournables. La volonté de Outremer Telecom est d'utiliser ces points hauts dans les mêmes règles d'accès que celles édictées en métropole, par régulation de l'ARCEP. Outremer Telecom a déjà commencé les démarches pour valider la régulation qui pourrait s'appliquer dans ce cas ". Elle précisait plus loin avoir élaboré sa proposition à partir des offres tarifaires de la société TDF pour la métropole : " Conditions d'accès dans les sites TDF - Les conditions tarifaires ont été réalisées à partir des tarifs connus d'hébergement TNT de TDF pour des sites métropolitains. Il nous semble que TDF devrait faire les mêmes propositions sur les sites des départements outre-mer, mais il faut attendre la parution des décrets pour avoir une assise juridique afin d'en être sûr. Plusieurs cas peuvent se présenter :
- TDF souscrit aux mêmes offres qu'en métropole : notre offre est valide en terme de prix et de délais,
- TDF présente des offres mais à un prix différent de métropole, le delta sera appliqué sur notre proposition,
- TDF n'est pas soumis à régulation ex ante sur les DOM, notre proposition reste valide mais devra être adaptée en terme de délai ".
La société TDF a manifesté sa candidature à la procédure de dialogue compétitif par courrier du 3 mars 2010, accompagné d'un " Projet d'offre de TDF dans le cadre des marchés d'Outre-mer " qui couvrait les neuf marchés ultramarins mis en concurrence par France Télévisions.
Au cours du dialogue compétitif, les sociétés Itas Tim et Outremer Telecom ont sollicité la société TDF et l'ARCEP au sujet de l'obligation sectorielle de la société TDF de publier des offres de références pour les territoires d'outre-mer. Les réponses apportées ont toutes été postérieures à la clôture du dialogue compétitif et ne prennent pas parti sur le problème posé par l'absence de l'offre de référence pour l'outre-mer de la société TDF.
Le 12 mars 2010, la société Itas Tim a adressé un courrier ainsi rédigé à la société TDF : " Je tiens à vous informer que nous avons pris acte de l'absence d'une offre de gros publiée par TDF, comme il se doit, sur ce nouveau marché. Je vous rappelle qu'au sens de la régulation ex ante dont le contenu est détaillé dans la décision n°2009-0484 du 11 juin 2009, le premier article précise que " Le périmètre du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements et régions d'Outremer, ainsi qu'aux collectivités d'Outre-mer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du Code des postes et des communications électroniques s'appliquent ".
La société TDF n'a répondu que le 16 avril 2010, en ces termes : " Je note que vous aviez toute possibilité de faire parvenir ces expressions de besoin et les demandes d'étude correspondantes depuis plusieurs mois, et en tout état de cause bien avant le 3 mars 2010, ce que vous n'avez pas fait. Concernant la liste des sites Outremer, je vous informe que celle-ci était disponible d'une part auprès de RFO et d'autre part sur le site du CSA, et donc que l'absence de parution des prix de prestations ne pouvait vous empêcher de remplir les expressions de besoin " (côte 4652).
La société Itas Tim a également adressé un courrier à l'ARCEP le 18 mars 2010 : " Nous avons constaté, avec grand étonnement, l'absence d'une offre de gros publiée par TDF, comme il se doit, sur ce nouveau marché. Cette absence d'offre est constatée en dépit du fait qu'au sens de la régulation ex ante dont TDF est l'objet, et détaillée dans la décision n°2009-0484 du 11 juin 2009, le premier article de celle-ci précise que " Le périmètre du marché correspond au territoire métropolitain, aux départements et régions d'Outremer, ainsi qu'aux collectivités d'Outremer où les dispositions des articles L. 37-1 et suivants du Code des postes et des communications électroniques s'appliquent ". Il est fortement dommageable pour les opérateurs alternatifs présents, ou qui souhaitaient être présents sur ce nouveau marché, que TDF ne respecte pas ses obligations et qui, de fait, est constitutif, à minima et de notre lecture, d'une éviction caractérisée de la concurrence. Compte tenu du caractère nécessaire et incontournable du positionnement de plusieurs sites de TDF dans ces territoires, et de l'absence de cette offre qui aurait dû exister et être publiée bien avant la date de réponse à RFO, nous avons décidé de ne pas nous positionner ".
L'ARCEP lui a répondu le 26 avril : " Votre courrier en date du 18 mars 2010 m'est bien parvenu et je vous en remercie. L'offre de référence de TDF pour l'accès à ses infrastructures ultramarines n'était alors pas publiée. Vous avez indiqué que cela était fortement dommageable pour les diffuseurs candidats ou qui souhaitaient être candidats dans le cadre du marché en cours de passation pour le déploiement du premier multiplexe de télévision numérique terrestre outre-mer. Je vous prie de bien vouloir noter que cette offre de référence a été publiée tardivement, en deux temps. Ainsi l'offre a été partiellement publiée le 9 avril 2010, sans les conditions tarifaires, qui ont fait l'objet d'une publication le 13 avril 2010. Sachez que l'Autorité analyse actuellement le niveau des tarifs de l'offre de gros de TDF, ainsi que, plus généralement, les conditions de cette offre. Soyez assuré que si l'Autorité observait des pratiques contraires au dispositif de régulation ex ante défini au terme de la décision précitée ou des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, elle ne manquerait pas de poursuivre l'instruction ou de transmettre aux autorités idoines ".
La société Outremer Telecom a conclu le dialogue compétitif avec le projet révisé de recourir à soixante-treize sites de la société TDF, au lieu des cinquante envisagés initialement.
Par ailleurs, au cours de ces échanges, la société Outremer Telecom a indiqué avoir appris que les tarifs publiés par la société TDF dans son offre de référence pour la métropole n'étaient pas applicables aux prestations domiennes et que des tarifs spécifiques aux territoires d'outre-mer, qui auraient dû être publiés par la société TDF, ne l'avaient pas été.
Il résulte de l'avis de l'ARCEP du 22 novembre 2010 (page 9) que le 30 mars 2010, la société Outremer Telecom est entrée en contact avec les services de l'Autorité qui ont planifié une réunion le 2 avril 2010 : " À cette occasion, Outremer Telecom fait part aux services de l'Autorité des difficultés rencontrées pour accéder à l'offre de gros de TDF qui n'était alors pas publiée. Les services lui indiquent que les démarches ont d'ores et déjà été engagées auprès de TDF en vue d'accélérer la publication de son offre de gros ".
Le 8 avril 2010, le dialogue compétitif a pris fin.
Le 9 avril 2010, la société TDF a publié une version du volet technique de son offre de référence Hébergement pour ses sites situés dans les territoires d'outre-mer, sans mention des tarifs.
La société Outremer Telecom a demandé à la société France Télévisions, par lettre du 12 avril 2010, le report de la date limite de dépôt des offres, originellement fixée au 26 avril 2010 : " La phase de dialogue compétitif qui vient de se clore nous a permis de présenter en détail notre dossier de candidature à vos équipes et de partager ensemble sur les modalités les plus adaptées pour la fourniture de ces prestations de diffusion sur nos marchés d'Outre-mer. Nous remercions à nouveau vos collaborateurs pour leur disponibilité et leur écoute. Néanmoins, nous souhaitions vous alerter sur le risque important d'inégalité de traitement entre les différents concurrents dans la procédure d'appel d'offre. En effet, comme nous l'avons indiqué à vos collaborateurs, nous ne disposons toujours pas à ce jour des catalogues de tarifs des prestations de TDF pour les opérateurs tiers dans les DOM. Malgré les obligations réglementaires de cet opérateur du fait de sa position dominante sur le marché de la diffusion audiovisuelle dans les DOM, il n'a pas publié ses tarifs sur son site internet www.tdf.fr. (c'est la cour qui souligne). Nous avons noté que France Télévisions attend le dépôt de nos offres finales au plus tard pour le 26 avril prochain 12h. Néanmoins, Outremer Telecom sera dans l'impossibilité de présenter des offres finales à cette date et ce tant que les conditions commerciales des prestations de gros d'hébergement sur les points haut de TDF, dont un grand nombre est incontournable eu égard aux termes de l'appel d'offre et du dialogue compétitif, ne seront pas connues et validées par les autorités compétentes. Nous avons par conséquent expressément demandé à TDF par courrier, dont copie jointe, la communication de ces éléments indispensables pour finaliser notre offre. Mais étant donné le court délai d'ici au 26 avril prochain, il nous semble indispensable que France Télévisions reporte à une date ultérieure la date limite de dépôt des offres finales des candidats pour les appels d'offres concernant la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte. La nouvelle date limite devra donner un délai suffisant aux candidats pour leur permettre de prendre connaissance des tarifs de TDF, de les analyser et d'en tirer les conséquences pour leur plan d'affaires et leurs offres ".
Un report de deux jours a été accordé par la société France Télévisions. Initialement prévue le 26 avril 2010 à 12 heures, la date limite a donc été repoussée au mercredi 28 Avril 2010 à 12h00.
Sur la demande de la société Outremer Telecom du 12 avril 2010, la société TDF a répondu le 15 avril 2010 que les offres d'accès de la société TDF pour la diffusion de la TNT avaient été publiées sur le site www.tdf.fr pour partie le 9 avril (description des offres, conditions techniques et juridiques,...) et complétées le 13 avril avec les conditions tarifaires.
Par courrier du 15 avril 2010, la société Outremer Telecom a demandé un nouveau report à la société France Télévisions : " En dépit de ce report - de 48h00 - de la date de limite de dépôt des offres finales, nous ne pouvons que continuer à nous interroger sur le risque important d'inégalité de traitement entre les candidats du fait de la publication extrêmement tardive du catalogue des tarifs de gros de TDF proposés aux opérateurs tiers dans les DOM. Comme vous le savez, TDF, en qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de la diffusion hertzienne audiovisuelle, est tenu de se conformer à une série d'obligations réglementaires spécifiques parmi lesquelles (i) la publication des conditions techniques et financières de ses offres de référence dans un délai raisonnable et (ii) un contrôle tarifaire de manière à éviter la pratique de tarifs excessifs ou d'éviction du marché. (i) La publication des conditions d'accès aux points hauts de TDF le 14 avril 2010 en vue de la remise d'une offre finale à France Télévisions le 28 avril 2010, soit moins de deux semaines après, ne nous laissera pas suffisamment de temps pour revoir nos propres offres et notre plan d'affaires étant donné les très grandes disparités entre ces conditions et celles appliquées par TDF en Métropole pour des prestations identiques. A titre d'exemple, nous avons constaté que la structure de l'offre est différente de celle de la métropole sur les prestations du réseau principal et du réseau secondaire, rebaptisé " important " et " base " ou " standard " pour les DOM : La liste des émetteurs varie dans les différentes annexes et certains sites sont catégorisés pour leur alimentation électrique mais ne sont pas repris dans l'offre dite de diffusion - De nombreuses prestations régulées ou plafonnées dans le catalogue Métropole sont soumises à demande de devis auprès de TDF pour les DOM ; Enfin les clauses d'évolution ou de sortie des contrats de prestations de TDF ne sont pas cohérentes entre la Métropole et les DOM, rendant toute révision ou sortie par Outremer Telecom du contrat TDF DOM impossible pendant cinq ans. (ii) Les tarifs proposés ne respectent pas le principe de non excessivité, en particulier à la lumière de ceux pratiqués en métropole et caractérisent une tentative d'éviction des concurrents du marché en raison de l'effet de ciseau créé par TDF. A première analyse, les prix sont de deux à trois fois plus élevés qu'en métropole pour des prestations identiques. Les tarifs d'hébergement de système antennaire qui sont la composante la plus importante du prix de la prestation d'hébergement sont près de deux fois plus élevés que ceux de métropole et l'hébergement de feeder plus de trois fois, cela sans aucune justification. Nous rappelons à ce propos que les discussions menées avec France Télévisions pendant la période de dialogue compétitif ont fait apparaître de nouvelles contraintes imposées par France Télévisions (délai de déploiement incompressible, contrainte de réglages des antennes râteaux, sites remarquables imposés, etc.) qui ont conduit Outremer Telecom à revoir en grande partie ses choix en matière de points hauts. Nous estimons dorénavant à 73 le nombre de pylônes de TDF incontournables qu'Outremer Telecom devra intégrer dans son offre finale, contre moins de 50 dans notre offre initiale. Le catalogue des tarifs de gros de TDF constitue donc l'élément le plus structurant de nos offres finales. Face à ces pratiques de TDF, Outremer Telecom a déjà informé l'ARCEP pour que des analyses précises soient effectuées ". Elle demande à la société France Télévisions : " soit le report à une date ultérieure de la remise des offres finales pour les appels d'offres concernant la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion et Mayotte, dans l'attente des décisions à venir de l'ARCEP, soit le retrait de la procédure en cours, afin de lui permettre de relancer une procédure garantissant l'égalité de traitement entre tous les candidats ".
Par lettre du 21 avril, France Télévisions a refusé ce report, et lui a proposé un délai courant jusqu'au 10 mai 2010 : " France Télévisions pourrait accorder à tous les candidats un délai supplémentaire de 10 jours pour la remise des offres définitives, soit le lundi 10 mai 2010 ".
Le 21 avril 2010, la société Outremer Telecom a relancé la société TDF sur les divers éléments manquants de son offre.
Le 23 avril 2010, soit cinq jours avant la clôture des appels d'offres, la société TDF a répondu par un courrier accompagné d'une annexe donnant quelques précisions, mais sans aucune évaluation tarifaire des prestations sollicitées par la société Outremer Telecom.
A l'échéance de la procédure, le 28 avril 2010, seules les sociétés SPM et TDF ont présenté des offres fermes et définitives, Outremer Telecom y ayant renoncé.
Le 30 avril 2010, Outremer Telecom a assigné France Télévisions en référé devant le tribunal de grande instance de Paris, afin " de voir annuler la décision de France Télévisions en date du 2l avril 2010 refusant de suspendre ou de mettre fin à la consultation et en toute hypothèse, d'enjoindre à France Télévisions de se conformer à ses obligations en relançant les procédures d'appel d'offres en vue de l'attribution des marchés correspondants, et ce, pour les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence établis ci-après ". Il était soutenu que le pouvoir adjudicateur n'avait pas veillé aux conditions d'égalité des candidats : " Par conséquent, du fait de la rétention d'informations pratiquée par TDF, le manquement au droit de la commande publique - au premier chef l'égalité de traitement entre candidats lato sensu ' est bien imputable au pouvoir adjudicateur, faute pour lui d'avoir imposé à titre de préalable nécessaire, la publication ' exigée de longue date par l'ARCEP ' par TDF de ses conditions techniques et tarifaires avant le lancement de la procédure de mise en concurrence ou, à tout le moins, dès l'annonce de la candidature de TDF ". " L'ensemble de ces éléments aurait dû nécessairement conduire France Télévisions à imposer ou, à tout le moins, à demander à TDF de communiquer ses conditions techniques et financières dès avant la publication de son appel d'offres, au moment de l'annonce de sa candidature ou, au plus tard, au lancement des phases de dialogue. Il résulte de ce qui précède que l'inaction du pouvoir adjudicateur à tous les stades de la procédure de consultation, laquelle a eu pour effet de maintenir l'avantage concurrentiel dont bénéficiait l'opérateur historique TDF, l'a conduit à méconnaître ses obligations de publicité et de mise en concurrence pour l'attribution des marchés projetés ".
Le 7 mai 2010, la société France Télévisions a attribué les neufs marchés à la société TDF.
Par ordonnance du 1er juin 2010, le Président du tribunal de grande instance a rejeté les demandes de la société Outremer Telecom, estimant que celle-ci n'avait pas contesté les conditions dans lesquelles s'était déroulée la phase de dialogue compétitif, " cette première partie de la procédure à laquelle elle a activement participé " et que " si la société demanderesse a, par courrier du 12 avril 2010 soulevé la question de l'absence de publication à cette date par TDF de l'ensemble des conditions techniques et tarifaires relatives au gros, qui devait la conduire à compléter son offre, il ressort des explications fournies et il n'est pas contesté que l'absence, au début de la procédure, de ces données, que seule TDF avait l'obligation de fournir, était connue des candidats. Il doit être constaté que les éléments techniques et tarifaires du gros fourni par TDF ne constituent qu'une donnée, extérieure au marché en cause, identique pour chacun des candidats retenus pour participer à la procédure initiée par la société France Télévisions, y compris pour la société Télédiffusion de France, par ailleurs candidate au marché litigieux, donnée au demeurant non exclusive des autres tarifs utiles à l'appréciation du coût de l'opération en cause par la société Outremer Telecom. Dans ces conditions, le seul fait que la société France Télévisions n'a pas, préalablement à sa décision de mettre fin à la période de dialogue compétitif, sommé TDF de publier ces données, ne saurait constituer un manquement à ses obligations de mise en concurrence justifiant l'annulation de cette décision ".
Le président du Tribunal notait également que : " (.) la société Outremer Telecom n'indique pas et ne prouve pas qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'actualiser ses offres au vu des tarifs dont elle a pris connaissance le 13 avril 2010 dans le délai fixé, après les deux prorogations acceptées par la société France Télévisions, étant observé qu'elle a justifié sa nouvelle demande, non seulement par la révision de ses offres mais encore par celle de son "plan d'affaires" ".
Par lettre du 19 juillet 2010, l'Autorité de la concurrence a été saisie par la société Outremer Telecom d'une pratique mise en œuvre par la société TDF ayant consisté dans la publication tardive et le caractère incomplet de son offre technique et tarifaire en matière d'hébergement pour l'outre-mer.
Selon les termes de sa saisine, la société Outremer Telecom reprochait ainsi à la société TDF les faits suivants :
" - communication dans un délai anormalement long de son offre technique d'hébergement dans les départements d'outre-mer intitulée " Offre d'hébergement TNT OM Important pour opérateurs techniques de diffusion INT " (offre mise en ligne sur le site internet de TDF le 9 avril 2010 à l'adresse suivante : http://www.tdf fr/743.html), soit plus de deux mois après le lancement de l'appel d'offres de France Télévisions (le 1er février 2010) et 17 jours seulement avant la date limite de remise des candidatures fixée initialement au 26 avril 2010 ;
- communication de son offre tarifaire d'hébergement encore plus tardive (le 13 avril 2010), soit 13 jours avant la date initiale de remise des offres, rendant quasiment impossible la remise d'une offre à France Télévisions ;
- communication de l'offre technique et tarifaire de TDF pour les départements d'outre-mer par ailleurs incomplète et imprécise (voir le courrier d'Outremer Telecom à TDF en date du 2l avril 2010 précité demandant un certain nombre d'informations complémentaires) ".
Selon la plaignante, " Ces agissements ont faussé l'appel à candidatures de France Télévisions, Outremer Telecom s'en trouvant évincée, et les pratiques dénoncées constituent des abus de la position dominante détenue par TDF sur les différents marchés du secteur de la diffusion hertzienne en mode numérique dans les départements d'outre-mer au sens des articles L.420-2 du code commerce et 102 TFUE ".
Le 12 juillet 2012, un grief d'abus de position dominante a été notifié à la société TDF, ainsi rédigé : " Il est fait grief à la société TDF qui détient une position dominante sur le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels dans les régions ultramarines d'avoir abusé de cette position sur le marché aval des services de diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels offerts par les diffuseurs à l'opérateur du MUX ROM1 dans le cadre de l'appel d'offres lancé par France Télévisions pour le déploiement de la TNT dans les régions ultramarines. Les pratiques abusives ont consisté à retarder sans motif fondé la publication de l'ODR Hébergement pour les régions d'outre-mer en omettant d'y faire figurer certains éléments déterminants. Ces pratiques qui se sont déroulées au cours de la procédure d'appel d'offres lancée par France Télévisions pour le déploiement du MUX ROM1 dans les régions ultramarines entre le 2 février 2010 et le 13 avril 2010 (date à laquelle TDF a finalement publié son ODR Hébergement), ont eu pour objet et pour effet l'éviction des concurrents sur le marché aval des services de diffusion hertzienne terrestre numérique de programmes télévisuels offerts par les diffuseurs à l'opérateur du MUX ROM1 dans le cadre de l'appel d'offres lancé par France Télévisions pour le déploiement de la TNT dans les régions ultramarines ".
Un grief complémentaire a été notifié le 31 janvier 2013 aux sociétés holding qui détiennent la société TDF, à savoir les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS, Tyrol Acquisition 2 SAS, Tyrol Acquisition 1 & Compagnie SCA, et Tyrol Acquisition 1 SARL.
La décision de l'Autorité a été rendue le 5 février 2015. Elle a infligé conjointement et solidairement aux sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS une sanction pécuniaire de 4,2 millions d'euro.
Les sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 et Tyrol Acquisition 2 ont formé un recours contre cette décision le 2 avril 2015.
Le 28 avril 2015, les sociétés Tyrol Acquisition 1 & Cie SCA et Tyrol Acquisition 1 SARL ont présenté une déclaration de jonction à l'instance. Elles se sont désistées de ces jonctions d'instance par lettre déposée au greffe le 16 février 2016.
La Cour,
Vu le recours interjeté le 2 avril 2015 par les sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS ;
Vu les conclusions des sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, déposées les 5 mai 2015, 15 mars et 12 mai 2016 ;
Vu les conclusions de la société Outremer Telecom, déposées les 8 septembre 2015, et 11 avril 2016
Vu les observations de l'Autorité de la concurrence, déposées le 12 janvier 2016 ;
Le ministre de l'économie n'a pas fait usage de sa faculté de déposer des observations écrites ;
Madame l'avocat général a conclu au rejet du recours par conclusions écrites notifiées aux parties le 18 mai 2016 ;
***
Les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS, Tyrol Acquisition 2 SAS et la société TDF demandent à la cour de :
A titre principal pour les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS,
- Prononcer la mise hors de cause des sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, qui, en leur qualité de sociétés holding, ne peuvent se voir imputer les pratiques reprochées à la société TDF ;
A titre subsidiaire pour les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, et à titre principal pour la société TDF,
- Constater que le droit de la concurrence interne était inapplicable à Wallis & Futuna à l'époque des faits et que faute de démonstration de l'application du droit de l'Union à ce territoire, aucune condamnation ne peut être prononcée à l'égard des sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS, Tyrol Acquisition 2 SAS et TDF en ce qui concerne l'appel d'offres visant ce territoire et, en conséquence :
- Annuler les articles 1 et 2 de la Décision attaquée, pour violation de l'article 102 du TFUE et de l'article L 420-2 du Code de commerce en ce qu'ils visent ce territoire ;
- Annuler les articles 1 et 2 de la Décision attaquée, pour violation de l'article 102 du TFUE et de l'article L 420-2 du Code de commerce, en ce qu'ils visent les autres territoires, notamment, sans que ce qui suit ne limite les développements contenus ci-avant, en ce que la décision :
- a considéré que la société TDF détenait une position dominante sur le marché de gros amont des prestations d'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre en mode numérique de programmes télévisuels dans les territoires d'outre-mer, - a considéré que la société TDF, eu égard à sa prétendue responsabilité particulière, avait une obligation de publication d'une offre de référence Hébergement applicable aux territoires d'outre-mer,
- a considéré que la société TDF a commis un abus de position dominante en publiant tardivement et de manière incomplète une offre de référence Hébergement applicable aux territoires d'outre-mer, - a considéré que les pratiques en cause ont produit des effets anticoncurrentiels.
A titre infiniment subsidiaire,
- Réformer l'article 2 de la décision attaquée en ce qu'elle a infligé à la société TDF, conjointement et solidairement avec les sociétés Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, une sanction pécuniaire disproportionnée et réduire le montant de la sanction à un montant nul ;
En tout état de cause,
- Condamner l'Autorité de la concurrence à verser aux sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, la somme de 50 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
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In limine litis, les sociétés requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence était incompétente pour connaître des pratiques commises sur le territoire de Wallis et Futuna au moment des faits, tant au regard du droit national que du droit européen de la concurrence.
Elles demandent, en premier lieu, l'annulation de la décision pour examen partiel des éléments du dossier, des moyens et des preuves présentés par la société TDF et défaut de motivation.
Elles sollicitent, en second lieu, l'annulation de la décision en ce qu'elle a considéré que la société TDF aurait adopté un comportement abusif.
Sur le caractère prétendument tardif de la publication de la société TDF, elles soutiennent tout d'abord qu'aucun retard de la publication de son offre ne saurait caractériser un abus, pour quatre raisons :
- En droit de la concurrence, il n'existe pas " d'obligation spontanée de faire une offre de contracter, même pour une entreprise qui serait en position dominante. La seule obligation d'accès en réponse à une demande, à une infrastructure ou des informations, imposée en droit de la concurrence résulte du caractère essentiel de celles-ci, qui n'existe pas en l'espèce ".
- " Cette obligation suppose a minima une demande de la part de celui qui veut utiliser l'infrastructure ou l'information essentielle, puisque c'est le refus ou le retard dans la réponse à une demande d'accès aux informations ou infrastructures essentielles qui caractérisent un abus, lequel ne peut donc pas exister en l'espèce ". Or, en l'espèce, les requérantes exposent qu'à aucun moment, la société Outremer Telecom n'a estimé que les informations de l'offre d'hébergement de la société TDF lui étaient nécessaires pour l'élaboration de son offre, puisqu'elle n'en a pas fait la demande et que dès qu'elle l'a faite, elle l'a obtenue de la société TDF.
- Même dans les cas où l'abus ne repose pas sur la détention d'une information essentielle, l'appréciation du caractère dilatoire de la réponse de l'entreprise dominante repose, sur une demande préalable.
- A supposer qu'une telle obligation existe, elle aurait été matériellement inexécutable.
Elles soutiennent ensuite qu'aucun retard n'est imputable à la société TDF, la décision de l'ARCEP ne lui imposant aucune obligation, et la société TDF ayant publié son offre, dès qu'elle l'a pu, à savoir à l'issue du dialogue compétitif, dès qu'elle a eu connaissance des conditions techniques souhaitées par la société France Télévisions.
Les requérantes soutiennent également que ne peut être retenue la tardiveté de la publication de la société TDF résultant de la violation d'un délai imposé au titre de la réglementation sectorielle. Elles affirment qu'aucun délai n'était imposé par la Décision Cycle 2. Elles soutiennent que quand bien même la cour considérerait que cette décision s'applique aux territoires ultramarins, les conditions de déploiement de la TNT dans ces territoires rendaient cette dernière inapplicable. En effet, à la date de publication de la décision, le déploiement de la TNT en outre-mer n'avait pas commencé. S'il était toutefois considéré que la publication de l'offre de référence pour la TNT en outre-mer n'était qu'une mise à jour d'une offre de référence existante, la société TDF disposait alors d'un " délai raisonnable " à partir de la publication des dossiers de numérisation par le CSA pour publier son offre. Aucun retard ne peut être caractérisé du point de vue réglementaire puisque la société TDF a publié son offre dès qu'elle a été en mesure d'en déterminer le contenu, c'est-à-dire pas avant la fin du dialogue compétitif. Elle affirme que ce n'est pas parce que chacun des candidats a participé à la procédure de dialogue compétitif sur la base de tout ou partie de ses propres infrastructures que ces dernières étaient essentielles dans la phase de dialogue compétitif. Elle soutient que la position de l'Autorité de la concurrence, prétendant que le défaut de communication de ses tarifs par la société TDF, avant que la société France Télévisions ait fixé ses besoins exacts, aurait restreint la concurrence dans cet appel d'offres, est contradictoire avec l'ordonnance du Président du tribunal de grande instance qui est aujourd'hui définitive. Enfin, elle soutient que l'imposition d'une obligation de publication en l'absence de caractérisation d'un refus d'accès aux infrastructures essentielles constitue une erreur de droit. Elle soutient qu'elle ne peut détenir des informations essentielles sur des infrastructures qui ne le sont pas.
La société TDF soutient encore que l'Autorité de la concurrence ne peut se substituer à l'ARCEP pour la sanctionner d'avoir prétendument violé ses obligations réglementaires, alors même que l'ARCEP n'a pas constaté de manquement. S'agissant d'une obligation de publication qui n'existe pas en droit de la concurrence, et en l'absence de manquement à une obligation réglementaire, aucun retard susceptible de constituer une infraction au droit de la concurrence ne lui est imputable.
La société TDF expose enfin que la société Outremer Telecom n'a jamais démontré qu'elle entendait installer ses propres antennes sur ses sites, qu'elle n'a jamais envisagé cette technique, jamais utilisée à ce jour dans la TNT par les diffuseurs alternatifs, et n'a jamais effectué la moindre demande auprès d'elle en amont ou pendant le dialogue compétitif pour obtenir des informations. La société TDF ne pouvait donc anticiper que la société Outremer Telecom opterait pour un tel système. Elle ajoute que la société Outremer Telecom savait d'expérience qu'elle aurait du formuler l'expression de ses besoins auprès de la société TDF en amont, compte tenu des délais de faisabilité des études techniques.
Sur le caractère prétendument incomplet de la publication de la société TDF, les requérantes soutiennent que les concurrents de la société TDF n'ont jamais été privés des informations essentielles leur permettant de présenter une offre concurrente à celle de la société TDF. La société TDF ne pouvait connaître ses coûts avant l'issue du dialogue compétitif, et a, dès la fin de celui-ci, publié une offre de référence. Les requérantes exposent qu'il est excessif de considérer qu'une offre serait incomplète au motif que six prestations optionnelles n'y étaient pas tarifées. Ces prestations ne peuvent être qualifiées d'essentielles, mais sont des prestations accessoires à l'hébergement d'antennes : les services correspondant à l'hébergement de faisceaux hertziens sont relatifs à une prestation de transport de signaux, et non à l'hébergement d'antennes stricto sensu. De même, les services relatifs à l'hébergement de groupes électrogènes ne sont pas indispensables pour construire une offre en réponse à l'avis de marché. Ce mécanisme de prestations sur devis n'est pas propre aux offres de la société TDF, mais est systématiquement proposé par les opérateurs publiant des offres de référence. Enfin, la société TDF constate que la société Outremer Telecom ne lui a jamais dit avoir besoin d'utiliser ces prestations optionnelles.
Les requérantes soutiennent enfin que la décision ne démontre à aucun moment un quelconque effet d'éviction lié à la publication d'une offre d'hébergement le 13 avril 2010. Elles affirment que le fait que la société Outremer Telecom ait renoncé à déposer ses offres est dû à des contraintes d'ordre tarifaire et à son impréparation personnelle. Il en irait de même de la société Itas Tim. En outre, la société Outremer Telecom comptait utiliser 28 de ses sites propres, soit environ 27 % des sites retenus. Pour finaliser son offre, il lui suffisait d'intégrer les tarifs de la société TDF, publiés 15 jours avant le délai initial de dépôt des offres fixé par la société France Télévision.
Les requérantes demandent également l'annulation de la décision en ce qu'elle se fonde sur une analyse erronée des marchés pertinents et de la position de la société TDF sur ceux-ci.
Elles soutiennent en premier lieu que la société TDF n'était pas en position dominante dans le cadre du dialogue compétitif, le choix des infrastructures ayant eu lieu pendant celui-ci. Les avis d'appels à candidature ne prévoyaient pas l'utilisation impérative du réseau de la société TDF pour la diffusion du multiplex ROM 1. Elles font valoir que la société Outremer Telecom disposait d'un réseau de points hauts plus nombreux dans l'outre-mer que la société TDF, et qu'il lui était donc loisible de ne pas avoir recours aux sites de la société TDF. Elles soutiennent qu'avant et pendant le dialogue, rien ne permettait de considérer que le réseau de la société TDF serait privilégié et que cette dernière serait alors en position dominante. Elles soutiennent, par ailleurs que les appels d'offres remportés par la société TDF ne caractérisent pas sa position dominante, puisqu'au moment où elle les a remportés, elle se trouvait dans la même situation que ses concurrents, ne disposant pas d'infrastructures directement utilisables pour la TNT. S'agissant de la " réplicabilité " des infrastructures, elles soutiennent que la décision ne prend à nouveau pas en compte la situation telle qu'existante au moment où la société France Télévisions a initié le dialogue compétitif. Il en est de même concernant l'examen des barrières à l'entrée. Ainsi, à l'époque des faits, aucun marché de l'hébergement d'antennes pour la diffusion de la TNT n'existait, et ce jusqu'à la fin du dialogue compétitif, c'est-à-dire jusqu'au moment où la configuration du réseau a été décidée. Pour caractériser la position dominante de la société TDF sur le marché amont de l'hébergement avant la fin du dialogue compétitif, l'Autorité de la concurrence aurait dû procéder à une analyse de substituabilité site par site, pour démontrer que les infrastructures de la société TDF étaient incontournables. Elle ne pouvait considérer que le seul fait que les antennes râteaux étaient tournées vers les infrastructures de la société TDF permettait de déterminer avec certitude leur caractère incontournable, sans étudier les solutions de colocalisation existantes.
Les requérantes soutiennent également qu'il n'existe aucune confirmation réglementaire d'une position dominante de la société TDF et que l'Autorité est partie d'un présupposé erroné de ce que l'existence d'une réglementation au niveau national peut se substituer à une analyse de concurrence. Elles affirment par ailleurs que toute analyse de marché en droit aurait nécessairement conclu à une absence de position dominante de la société TDF et que la décision ne contient aucune analyse de substituabilité fondée sur des tests économétriques ou des observations factuelles. Concernant le marché amont, elles affirment que l'Autorité aurait du retenir, non pas l'existence d'un marché global des territoires d'outre-mer, mais une segmentation du marché géographique par territoire ultramarin.
Elles concluent qu'en l'espèce, la société TDF ne disposait pas d'une position dominante résultant d'un monopole ou d'un héritage. La société TDF ne pouvait être en position dominante puisque les opérateurs disposaient de nombreuses solutions de " colocalisation " alternatives.
Enfin, les requérantes demandent la réformation de la décision en ce qu'elle n'aurait pas respecté l'article L.464-2 du Code de commerce et le communiqué sanctions. Elles soutiennent que l'Autorité ne peut décider de s'affranchir de ce communiqué, au nom de la prévisibilité de la sanction, au motif que cette liberté serait favorable à la société TDF.
Elles affirment que la sanction imposée par l'Autorité de la concurrence ne trouve aucune justification en droit de la concurrence. Elles soutiennent que l'Autorité vient en réalité sanctionner la violation d'une obligation réglementaire qui ressortirait de la Décision Cycle 2, que seule l'ARCEP pouvait sanctionner.
En outre, elles soutiennent que le quantum de la sanction a été fixé selon une méthode erronée, tant au niveau du montant de base que de l'appréciation des éléments d'individualisation. Concernant tout d'abord le montant de base, les requérantes exposent que l'Autorité s'est écartée des dispositions de son Communiqué sanctions, en retenant la somme des recettes tirées de l'exécution des contrats sur cinq ans. Pour le calcul de la valeur des ventes, l'Autorité aurait dû ne prendre en compte que la valeur des ventes réalisées lors du dernier exercice comptable de participation à l'infraction, soit, en l'espèce, 2010. Elle aurait également pu prendre comme référence l'une des autres années d'exécution du contrat ou encore une moyenne des cinq années d'exécution du contrat. En outre, seul le chiffre d'affaires tiré des contrats serait concerné par les griefs de l'Autorité à l'encontre de la société TDF, et non les prestations annexes. Elle aurait également dû tenir compte de la durée de l'infraction et non de ses effets subséquents. Pour apprécier la gravité et l'importance du dommage à l'économie, l'Autorité a retenu un pourcentage de 10 %, disproportionné au regard des effets des pratiques et du coefficient retenu dans d'autres affaires similaires. Concernant le dommage à l'économie, à le supposer existant, les requérantes soutiennent qu'il serait nécessairement limité, la décision ne démontrant aucun impact négatif sur l'économie.
S'agissant du coefficient appliqué à la valeur des ventes, la société TDF rappelle les coefficients appliqués dans des affaires précédentes, estimant ces derniers très inférieurs à celui retenu en l'espèce. Ce pourcentage ne serait pas justifié par une quelconque gravité du comportement de la société TDF.
Concernant enfin l'appréciation des éléments d'individualisation, les requérantes affirment que l'Autorité n'a pas tenu compte des circonstances atténuantes invoquées par la société TDF pendant la procédure. Aucune référence n'est faite dans la décision à la circonstance selon laquelle l'infraction a été encouragée par les pouvoirs publics. De même, les particularités des territoires de l'outre-mer, caractérisées par un contexte incertain quant aux obligations applicables à la société TDF, n'ont pas été prises en compte. Elles affirment également que les conditions de la réitération n'étaient pas réunies, et qu'en toute hypothèse, l'Autorité a infligé une majoration excessive au titre de celle-ci. Elles affirment que la sanction imposée prive la société TDF de toute rémunération liée à l'exécution du contrat de diffusion de la TNT en outre-mer au cours des cinq dernières années.
La société Outremer Telecom demande à la cour de :
- rejeter les recours en annulation et, subsidiairement, en réformation formés par les sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 et TDF Infrastructure à l'encontre de la décision n°15-D-01 de l'Autorité de la concurrence ;
- condamner solidairement les sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 et TDF Infrastructure à payer à la société Outremer Telecom la somme de 100 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner les sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 et TDF Infrastructure aux entiers dépens.
Sur la compétence territoriale de l'Autorité sur le territoire de Wallis et Futuna, la société Outremer Telecom demande la confirmation de la décision entreprise.
Elle avance que l'offre de référence Hébergement de la société TDF devait être publiée avant le début du dialogue compétitif. Elle soutient que les décisions de gabarit du CSA n'empêchaient pas la société TDF de publier son offre de référence Hébergement, qui ne porte que sur les prestations d'accueil physique d'équipements sur les pylônes de la société TDF, et non sur les prestations de diffusion, elles seules affectées par les décisions de gabarit. En outre, elle expose que les pylônes de
la société TDF couverts par l'offre de référence Hébergement étaient connus avant la fin du dialogue compétitif. Elle ajoute que la société TDF ne peut affirmer qu'elle ne pouvait inclure tous ses pylônes dans le cadre de son offre de référence au risque d'une tarification inadéquate des prestations d'hébergement, puisque c'est la nature même d'une offre de référence que d'être prospective. Enfin, elle soutient qu'il était nécessaire pour tout candidat de disposer de l'offre de référence Hébergement de la société TDF avant le dialogue compétitif, afin de lui permettre de discuter avec la société France Télévisions de l'architecture qu'il entendait lui proposer dans le cadre d'un appel d'offres.
La société Outremer Telecom soutient que la société TDF disposait d'un avantage concurrentiel décisif durant le dialogue compétitif et rappelle que cette phase n'a pas pour objet de définir les besoins du pouvoir adjudicateur, mais de discuter avec les candidats des solutions permettant de les atteindre. La société France Télévisions a bien défini, dès le début des appels d'offres, ses besoins, qui n'ont pas évolué par la suite. Elle fait ainsi valoir que chaque candidat devait avoir accès pendant le dialogue compétitif aux conditions d'hébergement techniques, tarifaires et de délais proposées par la société TDF sur l'ensemble de ses sites historiques.
La société Outremer Telecom expose enfin que le caractère contraint des appels d'offres a contribué à rendre les pylônes historiques de la société TDF incontournables. Le calendrier de déploiement de la TNT dans les territoires était très serré, ce qui rendait impossible la construction de nouveaux pylônes d'hébergement. En outre, d'éventuels pylônes à construire n'auraient pu être rentabilisés pour un seul multiplex. Elle ajoute que chacun des appels d'offres portait sur l'intégralité du territoire ultramarin considéré, et non sur un site donné, comme en métropole. Les candidats devaient donc s'engager sur des obligations de déploiement couvrant l'intégralité des territoires.
La société Outremer Telecom soutient en deuxième lieu que la décision est bien fondée en ce qu'elle a caractérisé un abus de position dominante de la société TDF.
Sur la position dominante de la société TDF, elle expose que les délimitations de marchés retenues dans la décision sont exactes. L'exclusion des prestations des services activés de diffusion du marché de gros amont est justifiée, cette prestation ne correspondant pas à la demande exprimée par la société Outremer Telecom. Il en va de même de l'exclusion des prestations de diffusion par satellite du marché de gros aval.
La société Outremer Telecom ajoute que la délimitation géographique du marché de gros amont à l'ensemble des territoires était pertinente. Une définition de marché géographique propre à chaque territoire n'était pas opportune, les conditions de la concurrence étant homogènes sur tous ces territoires ultra-marins. Elle soutient que la décision pouvait prendre en compte l'analyse de l'ARCEP dans sa Décision Cycle 2, dans laquelle elle avait conclu à l'influence significative de la société TDF sur le marché national. La société TDF n'a jamais critiqué la non-identification d'un marché géographique distinct propre à chacun des territoires considérés avant la saisine de l'Autorité par la société Outremer Telecom. Le Conseil d'Etat a par ailleurs confirmé la délimitation géographique du marché opérée par l'ARCEP dans la Décision Cycle 3, identique à celle de la Décision Cycle 2.
La société Outremer Telecom soutient que la société TDF était bien en position dominante sur le marché de gros amont au moment des faits. Elle rappelle que l'analyse de dominance doit être menée avant, et non pendant les appels d'offres, comme le suggère la société TDF. Elle avance également qu'une analyse de marché pylône par pylône n'était pas pertinente, puisque l'accès au réseau des pylônes historiques de la société TDF était indispensable à tout candidat alternatif pour se positionner dans le cadre des appels d'offres, en raison de l'exclusion des pylônes d'opérateurs tiers et de la préorientation des antennes. La société Outremer Telecom rappelle que ses propres sites pylônes mobiles n'appartiennent pas au même marché que les sites pylônes de la société TDF et que les détenteurs des autres infrastructures ne sont offreurs qu'à la marge. La contrainte de pré-orientation des antennes imposait la reprise des pylônes de la société TDF ou, à défaut, le recours à des pylônes installés à proximité directe de ces derniers. L'ARCEP, dans sa décision Cycle 3, a par ailleurs indiqué que cette contrainte imposait une proximité immédiate entre les pylônes de diffusion de la société TDF et de l'opérateur alternatif. Elle a maintenu son analyse dans la Décision Cycle 3, malgré la communication du Rapport Aymar en 2011 par la société TDF, à nouveau présenté en l'espèce. L'Autorité de la concurrence, le Conseil d'Etat, le CSA et des opérateurs concurrents de la société TDF ont également confirmé ce critère de forte proximité géographique. La société Outremer Telecom soutient également que les pylônes de la société TDF constituent des infrastructures essentielles, quand bien même l'Autorité n'aurait pas considéré nécessaire de caractériser ces derniers comme tels.
La société Outremer Telecom soutient ensuite que les pratiques de la société TDF ont un caractère abusif. La société TDF aurait violé sa responsabilité particulière d'entreprise dominante, qui lui impose de fournir les informations essentielles à ses concurrents pour pouvoir répondre à un appel d'offres. En ne publiant pas son offre de référence Hébergement, la société TDF aurait violé cette obligation. Elle avait pourtant reçu des demandes de publication avant la fin du dialogue compétitif. La société Outremer Telecom soutient en outre que la société TDF savait que la publication de son offre de référence Hébergement était indispensable pour ses concurrents, sachant que le déploiement de la TNT en outre-mer se ferait autour de ses pylônes historiques, et ayant réalisé des pré-études de faisabilité sur ses pylônes. Cette nécessité ressortait de la décision Cycle 2. TDF avait donc l'obligation de publier son offre même sans demande expresse des concurrents, ceux-ci ayant, au publié son offre avec retard, ne communiquant la première version de la partie technique de son offre que le 9 avril 2010, et y ayant ajouté des éléments tarifaires, toutefois encore incomplets, le 13 avril 2010. En déposant son offre initiale le 3 mars 2010, sur la base d'informations dont ses concurrents ne disposaient pas puisqu'elle n'avait pas à cette date publié l'offre de référence Hébergement, TDF aurait faussé le jeu concurrentiel, alors qu'elle pouvait techniquement publier son offre plus tôt. De plus, l'offre publiée était incomplète, plusieurs prestations étant soumises à la réalisation de devis.
La société Outremer Telecom soutient également que la société TDF a violé ses obligations réglementaires. Si l'Autorité a considéré que le grief notifié ne visait pas à sanctionner un manquement à une obligation réglementaire, la société Outremer Telecom entend rappeler à titre superfétatoire que la publication tardive et incomplète de son offre de référence Hébergement violait également ses obligations réglementaires car la décision Cycle 2 de l'ARCEP, qui portait bien sur la métropole et l'outre-mer, lui imposait une obligation de publication portant sur tous ses pylônes historiques dans les territoires considérés. Elle devait ainsi publier son offre de référence Hébergement dès le 15 septembre 2009, aussi bien pour la métropole que pour l'outre-mer, en application de l'article 11 de la décision Cycle 2, cette décision ne prévoyant aucune publication décalée, contrairement à la décision Cycle 3, qui prévoit expressément la publication " lors du lancement de l'appel d'offres ". Elle soutient que cette décision imposait également à la société TDF une obligation de non-discrimination. Enfin, elle conteste que l'ARCEP ait confirmé l'absence de méconnaissance, par la société TDF, de ses obligations réglementaires. Sa prise de position dans son courrier du 7 mai 2010 ne visait que le niveau des tarifs publiés et non la tardiveté de la publication. Enfin, elle souligne qu'à aucun moment, l'ARCEP n'a affirmé que TDF n'avait pas violé son obligation réglementaire, l'absence de poursuite n'emportant aucune conséquence de droit.
La société Outremer Telecom précise qu'il n'est pas nécessaire de se fonder sur la théorie des infrastructures essentielles pour démontrer le caractère abusif d'une pratique ayant consisté à retarder la publication des conditions d'accès à une infrastructure détenue par un opérateur dominant. Enfin, Elle soutient que l'Autorité pouvait tenir compte du contexte réglementaire dans lequel s'inscrivaient les pratiques pour en apprécier le caractère abusif. Elle ajoute que la société TDF a bien reçu plusieurs demandes de publication de ses conditions d'accès à ses pylônes, et ce, avant la fin du dialogue compétitif. Elle maintient que la société TDF a également méconnu ses obligations réglementaires et rappelle que les obligations imposées par la réglementation sectorielle à un opérateur exerçant une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques ne vont pas nécessairement au-delà des obligations qu'un opérateur dominant doit respecter en droit de la concurrence au titre de sa responsabilité particulière.
Elle expose qu'elle s'est trouvée évincée des marchés et que la pratique a été suivie d'effets.
Sur la sanction et l'imputabilité, la société Outremer Telecom soutient la décision rendue par l'Autorité. Elle souligne que les pratiques sont particulièrement graves, s'agissant de pratiques d'éviction menées par un opérateur disposant d'un avantage concurrentiel résultant de son monopole historique. Elle ajoute que le dommage à l'économie est important, puisque les pratiques ont conduit à priver la société France Télévisions d'une pression concurrentielle optimale. Elle rappelle enfin que la société TDF se trouve en situation de réitération.
L'Autorité de la concurrence conclut au rejet des conclusions et demandes des requérantes, et par voie de conséquence de celles présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la légalité externe de la décision attaquée, l'Autorité de la concurrence soutient que les requérants n'apportent pas d'éléments nouveaux concernant sa prétendue incompétence sur le territoire de Wallis & Futuna et renvoie à la décision sur ce point.
Concernant la légalité interne de la décision, l'Autorité affirme que la société TDF n'apporte aucun élément nouveau concernant la délimitation des marchés de services. Concernant la délimitation du marché géographique, l'Autorité soutient qu'il n'était pas nécessaire de définir des marchés de gros pour chaque territoire ultramarin puisque l'offre de référence en cause était commune à tous ces territoires. Le fait que les appels d'offres de la société France Télévisions en outre-mer puissent être analysés comme des marchés instantanés ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de la société TDF soit recherchée du fait d'une pratique abusive résultant de sa position dominante sur un marché amont plus large. Les analyses de l'ARCEP, bien que n'équivalant pas à une analyse du marché pertinent en droit de la concurrence, sont des éléments pertinents à prendre en compte. Enfin, l'Autorité ne s'est pas fondée sur la Décision Cycle 3 de l'ARCEP pour délimiter le marché de gros pertinent, mais l'a citée pour montrer que les éléments factuels à partir desquels elle a retenu l'existence d'une homogénéité des conditions de concurrence au plan national étaient corroborés par cette décision. L'Autorité relève enfin que la société TDF ne conteste pas sa position dominante mais remet en cause l'analyse du marché retenu. A titre subsidiaire, elle soutient que l'absence de qualification d'infrastructure essentielle des pylônes de la société TDF ne l'empêchait pas de sanctionner TDF au titre d'un retard ou d'une absence de publication de son offre de référence Hébergement.
Sur l'abus de position dominante, l'Autorité soutient tout d'abord que l'ordonnance du TGI de Paris est sans emport en l'espèce puisqu'elle se borne à écarter tout manquement, non pas de la société TDF, mais de la société France Télévisions, à ses obligations de mise en concurrence. Elle rappelle que ce n'est pas le respect de la réglementation sectorielle qui était ici en cause. La publication par la société TDF de son offre relevait de sa responsabilité particulière en tant qu'opérateur dominant qui connaissait l'existence de cette obligation et les conséquences que pouvait avoir son inexécution. Elle soutient que la société TDF devait partager avec ses concurrents l'accès aux données essentielles contenues dans son offre de référence Hébergement à partir du moment où elle-même en disposait, et les a utilisées à son avantage pour répondre aux appels d'offres de la société France Télévisions. Elle affirme que la société TDF opère une confusion entre l'offre de référence d'hébergement, visée par le grief, et l'offre de référence "DiffHF", dont l'élaboration dépendait des éléments recueillis au cours du dialogue compétitif. Elle soutient que la société TDF ne pouvait prétendre être dans l'impossibilité de communiquer les informations relatives à l'identification des infrastructures et précise que la tarification des prestations d'hébergement de faisceaux hertziens et de groupes électrogènes faisait partie des éléments essentiels devant figurer dans l'offre de référence Hébergement. Enfin, la pratique était de nature à avoir un effet restrictif de concurrence et les effets réels se sont manifestés par le verrouillage du monopole de diffusion des programmes télévisuels par voie hertzienne terrestre sur l'ensemble des régions ultramarines pour une période de cinq ans au profit de la société TDF.
Sur la sanction, l'Autorité rappelle qu'elle n'a pas sanctionné la société TDF sur le fondement d'une obligation réglementaire, mais eu égard à sa responsabilité particulière d'opérateur en position dominante. Elle affirme que le communiqué sanctions prévoit que la méthode permettant de déterminer le montant des sanctions pécuniaires peut être adaptée dans le cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur des appels d'offres ponctuels, ne relevant pas d'une infraction complexe et continue. Concernant la durée de l'infraction, l'Autorité affirme avoir pris en compte l'exécution des contrats jusqu'à leur terme car le retard de publication de l'offre de référence a produit ses effets tout au long des cinq années d'exécution des contrats. S'agissant de la gravité de l'infraction, elle rappelle que ce qui est ici en cause est la seule appréciation de la gravité d'un comportement autonome de la société TDF, qui était de nature à empêcher ses concurrents de participer aux appels d'offres. S'agissant de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité soutient s'être fondée sur les effets des pratiques et sur des éléments de nature qualitative. Elle affirme par la suite que pour déterminer le coefficient appliqué à la valeur des ventes, elle doit faire usage de son pouvoir d'appréciation et d'individualisation de la sanction en fonction des circonstances particulières des pratiques anticoncurrentielles. L'Autorité estime ne pas devoir retenir les circonstances individuelles dont fait état la société TDF, compte tenu des développements précédents sur le bien-fondé du grief d'abus de position dominante. Elle rappelle également que lorsque la décision est motivée en fait et en droit, elle n'est pas tenue d'examiner de manière exhaustive la totalité des arguments des requérants. Sur la majoration de la sanction au titre de la réitération, l'Autorité soutient que les pratiques reprochées en l'espèce et celles sanctionnées en 1999 sont similaires. Elle affirme avoir tenu compte du délai de onze ans qui s'est écoulé entre ces infractions en retenant un coefficient multiplicateur de 20 %, alors que le communiqué sanctions prévoit que le montant intermédiaire de la sanction peut être augmenté d'un pourcentage compris entre 15 et 50 % pour réitération.
SUR CE, LA COUR,
Seront successivement examinés les moyens relatifs à la compétence de l'Autorité (1), l'imputabilité des pratiques (2), la légalité externe (3) et interne (4) de la décision attaquée.
1. Sur la compétence de l'Autorité
In limine litis, les sociétés requérantes soutiennent que l'Autorité de la concurrence était incompétente pour connaître des pratiques commises sur le territoire de Wallis et Futuna, au moment des faits, l'article 19 de la loi n°2012-1270 du 20 novembre 2012 prévoyant que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures " étendant à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative introduites au livre IV du Code de commerce ". Elles exposent qu'antérieurement à la date de la publication de l'ordonnance n°2014-487 qui a modifié l'article L.950-1 du Code de commerce, soit le 16 mai 2014, le territoire de Wallis-et-Futuna n'était pas soumis au titre IV du Code de commerce et que l'Autorité n'était pas compétente pour sanctionner une pratique sur le fondement du droit national et européen sur ce territoire. Elles affirment que les règles de compétence ne peuvent s'appliquer à des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
Elles ajoutent que l'article 355 du Traité prévoit que ni les dispositions générales du Traité ni le droit dérivé ne sont applicables aux pays et territoires d'outre-mer dont fait partie Wallis et Futuna, de telle sorte que les articles 101 et 102 du TFUE ne sont pas applicables à ces territoires.
La société Outremer Telecom expose elle " n'entend pas revenir sur la compétence territoriale de l'Autorité pour sanctionner les pratiques de TDF sur le territoire de Wallis-et-Futuna, point sur lequel elle rejoint pleinement la décision ".
Dans ses observations devant la cour, l'Autorité de la concurrence se contente d'exposer : " s'agissant de la compétence de l'Autorité en outre-mer, les saisissants n'apportent aucun élément nouveau par rapport à l'analyse menée aux points 93 à 96 de la décision attaquée. Il y est donc renvoyé, notamment au point 95 en ce qui concerne le territoire de Wallis et Futuna ".
La cour examinera en conséquence les pratiques commises sur ce territoire au seul regard du droit national. Il y a lieu toutefois de souligner que cette modification est sans effet sur la qualification des pratiques et les sanctions à prononcer.
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Le point 95 de la décision entreprise, auquel renvoient les observations de l'Autorité énonce : " s'il est exact que le livre IV du Code de commerce ne s'applique pas en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, l'article L. 462-6 du Code de commerce, qui fixe la compétence de l'Autorité de la concurrence en matière de pratiques anticoncurrentielles, est applicable (') à Wallis-et-Futuna, en vertu de l'article L. 950-1 du Code de commerce dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2014-487 du 15 mai 2014 ".
Mais l'article L.950-1 du Code de commerce, dans sa version en vigueur au moment des faits, dispose que : " Sous réserve des adaptations prévues dans les chapitres ci-après, les dispositions suivantes du présent code sont applicables dans les îles Wallis et Futuna :(.) 4° Le livre IV, à l'exception des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 470-6 ". Il convient de rappeler que l'article L.470-6 prévoit la compétence de l'Autorité pour appliquer les articles 81 à 83 du Traité CE à ces territoires (devenus les articles 101 à 103 du TFUE).
Il en résulte que l'article L.462-6 du Code de commerce, qui prévoit la compétence générale de l'Autorité s'appliquait à Wallis et Futuna au moment des faits litigieux. Par conséquent, L'Autorité est compétente pour connaître des pratiques en droit national de la concurrence, sans qu'il y ait lieu de distinguer la situation antérieure à la loi du 20 novembre 2012 de celle postérieure qui n'a rien changé en ce domaine, l'ordonnance du 15 mai 2014 se bornant à étendre à Wallis et Futuna de nouvelles dispositions de droit de la concurrence, sans emport dans la présente affaire.
Selon l'article 355 du TFUE, dans sa version en vigueur au moment des faits : " Outre les dispositions de l'article 52 du traité sur l'Union européenne relatives au champ d'application territoriale des traités, les dispositions suivantes s'appliquent: 1. Les dispositions des traités sont applicables à la Guadeloupe, à la Guyane française, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Martin, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries, conformément à l'article 349. 2. Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie. (.) ". Il résulte de cet article que le droit primaire, dont fait partie le droit de la concurrence, s'applique aux territoires ultramarins énumérés au 1. En revanche, Wallis et Futuna fait partie des " pays et territoires d'outre-mer " (ou "PTOM "), mentionnés au point 2 ci-dessus, dont la liste figure en annexe II du Traité. Ni la quatrième partie du TFUE relative à l'" association des pays et territoires d'outre-mer " (articles 198 à 204 du TFUE) ni les décisions du Conseil déterminant les modalités et les caractéristiques de l'association, dont la dernière en date est celle du 27 novembre 2001 (n° 2001/822/CE) relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté européenne, ne prévoient l'application du droit de la concurrence européen à ces PTOM. Il y a donc lieu d'annuler la décision de l'Autorité en ce qu'elle a examiné les pratiques commises à Wallis et Futuna sous le double fondement des articles L.420-2 du Code de commerce et 102 TFUE.
La cour examinera en conséquence les pratiques en ce qu'elles sont commises sur ce territoire au seul regard du droit national. Il y a lieu toutefois de souligner que cette modification est sans effet sur la qualification des pratiques et les sanctions à prononcer.
2. Sur l'imputabilité des pratiques
Si les sociétés Tyrol Acquisition 1 et Tyrol Acquisition 2 contestent leur responsabilité solidaire dans la commission de l'infraction au titre du comportement de leur filiale, au motif qu'elles ne sont que des sociétés holding, elles n'avancent aucun élément de nature à renverser la présomption réfragable relative à l'absence d'autonomie de leur filiale, qui pèse sur elles, leur seule qualité de holding financière ne démontrant pas en soi l'autonomie de leur filiale. Leur demande sera donc rejetée.
3. Sur la demande d'annulation de la décision pour illégalité externe
Les sociétés TDF et Tyrol Acquisition 1 et 2 soutiennent que la décision de l'Autorité encourt l'annulation pour défaut de motivation.
Elles exposent, en premier lieu, que la décision ne fait pas mention de la circonstance que la société TDF n'a jamais refusé à la société Outremer Telecom d'accéder à son offre de référence avant le 8 avril, celle-ci ne lui ayant pas demandé jusque là un tel accès. Par ailleurs, la décision ne fait pas référence aux observations du commissaire du Gouvernement, concluant à l'absence d'abus de la société TDF.
Elles prétendent, en deuxième lieu, que la décision n'a pas mentionné les éléments permettant de démontrer que le prétendu retard de publication de l'offre de référence de la société TDF n'avait pas conduit à une éviction de la société Outremer Telecom (ordonnance du président du tribunal de grande instance du 1er juin 2010, message du directeur juridique de la société Outremer Telecom à l'ARCEP du 16 avril 2010, avis concordants de l'ARCEP, du CSA, et du commissaire du Gouvernement).
Les requérantes soutiennent, enfin, que la décision ne tient pas compte des éléments de preuve démontrant que les infrastructures de la société TDF étaient réplicables et déjà répliquées dans certains sites.
La société Outremer Telecom et l'Autorité de la concurrence exposent que la décision ne souffre d'aucun défaut de motivation. L'Autorité soutient qu'elle n'avait pas à répondre ni même à évoquer l'ensemble des arguments soulevés par les parties, celles-ci pouvant toutefois toujours les soumettre à la cour d'appel de Paris. Elle soutient à titre subsidiaire que le moyen tiré d'un prétendu défaut de motivation manque en fait puisque la décision a bien répondu sur la question du délai offert à la société Outremer Telecom et sur le caractère duplicable des infrastructures de la société TDF.
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L'obligation de motivation à laquelle est soumise l'Autorité de la concurrence dans le prononcé de ses décisions impose un énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et permettent aux parties mises en cause de comprendre la nature de l'infraction retenue et à la juridiction de recours d'en contrôler la légalité. Elle ne comporte pas l'obligation de répondre à l'intégralité des arguments invoqués, que les parties pourront soumettre à la cour au soutien de leur recours de pleine juridiction.
Sur le premier point, l'Autorité a considéré que la société TDF devait communiquer son offre, indépendamment de toute demande de la société Outremer Telecom et des autres candidats (points 166 et suivants de la décision entreprise). L'absence de reprise des observations du commissaire du Gouvernement dans la décision ne nuit pas à la compréhension des pratiques, et ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors que ce document figure au dossier, est soumis au débat contradictoire, et que le raisonnement adopté par l'Autorité contredit point par point ces observations.
Sur le deuxième point, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé le 1er juin 2010, sur un recours formé par la société Outremer Telecom à l'encontre de la procédure d'appel d'offres de la société France Télévisions, a jugé, non pas que la société Outremer Telecom " disposait d'un temps suffisant pour déposer une offre dans les délais requis par France Télévisions ", mais que, au stade de la demande en référé " la société Outremer Telecom n'indique pas et ne prouve pas qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'actualiser ses offres au vu des tarifs dont elle a pris connaissance le 13 avril 2010 dans le délai fixé, après les deux prorogations acceptées par la société France Télévisions (') ". La demande de la société Outremer Telecom a donc été rejetée faute de preuve, au stade du référé, ce qui n'empêchait pas l'Autorité, au vu des pièces et déclarations recueillies au cours de son instruction complémentaire, d'avoir une appréciation différente. La société Outremer Telecom souligne, par ailleurs, à juste titre que ce jugement n'a pas autorité de la chose jugée sur la décision de l'Autorité, faute d'identité des parties, de cause et d'objet. Le président du tribunal de grande instance s'est prononcé sur le respect prima facie, par la société France Télévisions, de ses obligations de publicité et de mise en concurrence et non sur l'existence d'un comportement anticoncurrentiel imputable à la société TDF. L'absence de mention de ce jugement dans la décision de l'Autorité ne constitue donc pas une insuffisance de motivation.
Il en est de même de la citation partielle d'un courrier électronique de la direction de la société Outremer Telecom adressé le 16 avril 2010 à l'ARCEP. Dans ce passage, selon la société TDF, la société Outremer Telecom admettrait que ce n'était pas à cause d'une question de délai qu'elle avait choisi de ne pas participer à l'appel d'offres, mais à cause des tarifs des prestations d'hébergement de la société TDF dans les territoires ultra-marins qu'elle estimait trop élevés. Sans préjudice de l'examen de cette pièce dans le cadre de la contestation du grief, la portée que veut lui prêter la société TDF est contredite par d'autres messages (courrier du 15 avril 2010 de la société Outremer Telecom à la société France Télévisions). Son absence dans les motifs de la décision de l'Autorité ne saurait davantage constituer un défaut de motivation.
Les avis de l'ARCEP, du CSA, et les observations du commissaire du Gouvernement, qui font état de l'absence de diligences de la société Outremer Telecom, qui n'aurait pas mis à profit le délai supplémentaire accordé par la société France Télévisions pour répondre aux appels d'offre, font état du comportement apparent de la société Outremer Telecom, sans préjudice des explications que cet opérateur a pu fournir pour expliquer sa renonciation à soumettre des offres. Par ailleurs, l'Autorité a considéré que le retard de communication de l'offre de référence par la société TDF était abusif par objet, ayant empêché la société Outremer Telecom de concourir dans des conditions de concurrence équitables, rendant dès lors inutile, selon le raisonnement adopté, l'étude détaillée des stratégies qu'aurait pu adopter la société Outremer Telecom pour concourir quand même dans les délais impartis (point 159).
Enfin, sur le troisième point, la décision entreprise a répondu à l'argument de la " réplicabilité " des sites de la société TDF aux points 138 à 141.
Sous couvert de critiques de motivation de la décision, la société TDF conteste en réalité sa position dominante et l'abus retenu à sa charge. Ces moyens seront donc examinés avec l'examen de la légalité interne de la décision.
Le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation sera donc rejeté.
4. Sur la demande d'annulation de la décision pour illégalité interne
Les requérantes prétendent que l'analyse des marchés effectuée par l'Autorité serait erronée, tant du point de vue " marchés produits " que du point de vue " marchés géographiques " (A), de sorte que la société TDF ne détiendrait aucune position dominante en l'espèce (B). Elles réfutent également avoir commis le moindre abus (C).
A. Sur les marchés pertinents
Les requérantes exposent que l'Autorité aurait commis une erreur de droit en se fondant sur l'analyse sectorielle des marchés, qui ne peut se substituer à une analyse de concurrence. La décision Cycle 2, sur laquelle s'est basée l'Autorité, n'analyse pas les marchés de l'outre-mer. Sur le marché amont, l'Autorité ne justifie pas la raison pour laquelle elle a distingué le marché de l'offre d'hébergement d'équipements de diffusion du marché du service de diffusion. Sur le marché aval elle n'explique pas l'absence de prise en compte de la pression concurrentielle exercée par la diffusion par satellite. Enfin, l'Autorité se serait fondée, à tort, pour définir la délimitation géographique des marchés, sur l'existence d'une offre unique pour les territoires ultramarins, alors que le marché amont aurait du être défini par territoire.
***
Le grief retenu par l'Autorité concerne deux marchés : " d'une part, le marché de gros amont de l'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur lequel la notification de griefs fait état de l'existence d'une position dominante de TDF et, d'autre part, le marché de gros aval de la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, sur lequel il est reproché à TDF d'avoir abusé de cette position dominante " (point 111 de la décision attaquée).
Il est donc reproché à la société TDF, en position dominante sur le " marché de gros amont de l'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique ", marché dit " de l'accès ", d'avoir abusé de cette position dominante sur un marché connexe, " le marché de gros aval de la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique ".
Les marchés de services
La délimitation de ces deux marchés fait l'objet, pour la période concernée, d'une pratique décisionnelle convergente, tant de l'Autorité de la concurrence, que de l'ARCEP. Le marché de gros amont de l'accès aux infrastructures met en relation les diffuseurs techniques, qui possèdent des infrastructures de diffusion (appelées des " sites-pylônes ") et ceux qui n'en possèdent pas ou pas suffisamment. Ce marché " correspond typiquement au marché de l'accès d'un diffuseur nouvel entrant à l'infrastructure d'un diffuseur historique ", ainsi que le relevait déjà le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 07'D'30 du 5 octobre 2007. Le marché de gros aval de la diffusion hertzienne terrestre des services de télévision met en relation l'ensemble des opérateurs de diffusion qui offrent des services de diffusion aux éditeurs de programmes, regroupés et représentés par les opérateurs de multiplex (les MUX) dans le cas d'une diffusion numérique.
Les MUX ont recours aux services de diffusion offerts par les différents opérateurs de diffusion par l'intermédiaire d'appels d'offres, portant sur la diffusion des chaînes de télévision qui les composent sur une zone géographique donnée. Ces opérateurs de diffusion proposent de tels services à partir de leurs propres infrastructures ou à partir d'infrastructures appartenant à d'autres en ayant recours à des services d'hébergement sur des infrastructures existantes.
Les analyses de marché effectuées par l'Autorité de la concurrence, tant dans ses avis à l'ARCEP, que dans ses décisions contentieuses, ne sont pas sérieusement remises en cause par les requérantes.
En effet, selon elles, sur le marché amont, l'Autorité ne justifie pas la raison pour laquelle elle a distingué le marché de l'offre d'hébergement d'équipements de diffusion du marché du service de diffusion.
Mais la cour approuve l'Autorité d'avoir considéré que les deux prestations, l'une consistant à offrir un hébergement d'équipements de diffusion sur sites-pylônes, et l'autre à prendre en charge la prestation de diffusion par l'accès au système antennaire de la société TDF (" DiffHF "), appartiennent au même marché. Elles sont, en effet, utilisées, par les diffuseurs concurrents de manière alternative ou cumulative pour proposer une offre aux multiplex. Si l'Autorité a distingué les deux sous-segments pour les besoins de l'analyse de l'abus, la seconde prestation n'étant pas visée dans la notification de griefs, cette distinction ne remet en cause ni le marché pertinent, ni la position de la société TDF sur celui-ci.
Selon les requérantes, sur le marché aval, l'Autorité ne justifierait pas l'absence de prise en compte de la pression concurrentielle exercée par la diffusion par satellite.
Mais l'Autorité justifie cette absence de prise en compte par la faible substituabilité des deux modes de diffusion, mise en évidence par des études de marchés concordantes réalisées par elle et par l'ARCEP et renforcée par le choix technologique effectué par le législateur pour le lancement de la TNT outre-mer.
En premier lieu, l'Autorité n'a pas commis d'erreur de droit en citant, à l'appui du rejet de l'argument de substituabilité des deux modes de diffusion, les analyses résultant de trois cycles de régulation de l'ARCEP, et, notamment la décision Cycle 2, qui comprenait également l'outre-mer. En effet, celle-ci, contemporaine des faits de la cause, fournit des éléments pertinents et utiles sur les marchés pertinents.
Dans cette décision, l'ARCEP exclut de sa définition des marchés, pour défaut de substituabilité avec les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique, les offres de gros de diffusion audiovisuelle des autres plateformes de diffusion (ADSL, fibre optique, câble et satellite), les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes de télévision en mode analogique et sur mobile et les offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre de programmes radiophoniques en mode numérique et en mode FM.
Sur le point particulier de la substituabilité des offres de gros de diffusion par voie hertzienne terrestre avec celles reposant sur les plateformes satellitaires, l'Autorité a, à juste titre, appuyé son raisonnement sur l'analyse de l'ARCEP, qui se fonde sur les arguments suivants (analyse de substituabilité conduite par l'ARCEP au titre du deuxième cycle de régulation, valable notamment sur la période 2009-2012, cotes 5617 à 562) :
L'obligation faite aux éditeurs de services de télévision par voie hertzienne de couvrir 95 % de la population française ne peut être satisfaite que par l'hertzien, la pénétration du satellite étant, d'une part, limitée en zones urbaines par les règles d'urbanisme et de copropriété, et, d'autre part, par le caractère plus onéreux de l'équipement des ménages : " ['] En termes de substituabilité du côté de la demande sur le marché de gros aval, il apparaît que, même en cas d'augmentation significative des coûts de diffusion sur la TNT, les multiplexes ne seront pas en mesure de réduire cette diffusion sur la TNT en faveur des autres plateformes. En effet, afin notamment de permettre l'extinction de l'analogique au 30 novembre 2011, l'article 96-2 de la loi du 30 septembre 1986 impose aux éditeurs de services de télévision par voie hertzienne terrestre l'obligation de couvrir 95 % de la population française à cette date. L'ensemble des éditeurs sélectionnés par le CSA est donc contraint par cette obligation, indépendamment des coûts de diffusion sous-jacents. En conséquence, non seulement une augmentation des coûts de diffusion sur la TNT ne conduirait pas les éditeurs à privilégier les plateformes de diffusion alternative, mais elle pourrait au contraire limiter leur capacité à financer leur diffusion sur des plateformes alternatives [']. Seul l'hertzien garantit à un éditeur de dimension nationale de pouvoir diffuser ses programmes à un nombre suffisant de téléspectateurs, et ce notamment pour les chaînes gratuites financées principalement par la publicité ['] Concernant le satellite, s'il offre une couverture théorique de 100 % de la population, il présente néanmoins plusieurs inconvénients qui constituent des obstacles à son développement. En effet, des contraintes liées à la réglementation de l'urbanisme et au fonctionnement des copropriétés rendent souvent difficile la souscription à une offre de télévision par satellite en zone urbaine, ce qui limite structurellement la pénétration du satellite [']. En pratique, un éditeur à dimension nationale, notamment s'il s'agit d'une chaîne gratuite, ne paraît donc pas en mesure de s'appuyer sur la seule diffusion par satellite pour diffuser ses programmes au plus grand nombre [']. Par ailleurs, le rôle prépondérant de la diffusion hertzienne terrestre pour les éditeurs sur le marché français résulte également d'un équipement des ménages supérieur et facilité par rapport aux autres plateformes de diffusion. Là où celles-ci requièrent le plus souvent pour le client final un paiement du décodeur, soit spécifique, soit compris dans l'abonnement global, l'équipement nécessaire pour la réception de services audiovisuels en mode numérique nécessite uniquement l'acquisition d'un récepteur / adaptateur peu coûteux (inférieur à 30 euro), bien moindre que le coût d'installation d'une réception par le satellite. En outre, suite à l'adoption en mars 2007 de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, tous les téléviseurs vendus aux consommateurs sur le territoire national intègrent depuis avril 2008 un adaptateur permettant la réception des services de la télévision numérique terrestre ['] ".
Par ailleurs, l'Autorité cite à juste titre la décision du Conseil d'Etat, du 11 juin 2014, concernant également l'outre-mer, qui a estimé que les deux modes de diffusion par voie hertzienne et satellitaire n'étaient pas substituables. Cette appréciation est d'ailleurs confirmée par tous les acteurs du secteur.
En second lieu, le choix technologique du législateur conforte la non substituabilité des deux modes de diffusion. La société Outremer Telecom et l'Autorité soulignent exactement que la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009, qui vient compléter l'arsenal législatif du déploiement de la TNT sur le territoire national, prévoyait explicitement que la télévision numérique dans les régions ultramarines devait être diffusée par voie hertzienne terrestre, sur la base de la couverture analogique existante. L'article 23 de cette loi prévoit en effet que "(.). Les mesures prises par ordonnance pour l'application du présent article permettent le lancement dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie d'une offre de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique incluant notamment des services locaux, des services nationaux ainsi que des services en haute définition. (')".
Ce choix est justifié par l'objectif de gratuité pour l'usager final de l'offre de services télévisuels, poursuivi par la loi. Malgré le fait que la présence du satellite est effectivement relativement importante en terme de couverture dans les régions ultramarines et le fait que la solution satellitaire est moins chère pour les éditeurs, celle-ci devait être écartée car elle ne répondait pas à cet objectif de gratuité, contraignant les ménages non équipés à acquérir un équipement onéreux. En revanche, les ménages sont d'ores et déjà équipés d'antennes râteaux, pour la réception de la télévision analogique. Cette analyse est confortée par ailleurs par la société France Télévisions, qui a déclaré pendant l'instruction : " Je vous confirme que la diffusion par satellite est meilleur marché que celle par voie hertzienne. La question se pose essentiellement en termes de demande du téléspectateur : aspect gratuit de la télévision publique, et aspect technique (pré existence des anciennes antennes râteau). Le gouvernement souhaite ne pas bouleverser les habitudes du public. C'est cet effet de parc qui rend compliqué d'imaginer une diffusion de la TNT sans le terrestre par voie hertzienne. En Allemagne, ou en Belgique, où ils sont câblés à 95 %, ils ont conservé pourtant une diffusion hertzienne avec une couverture de plus de 90 %. On peut aussi évoquer l'aspect stratégique de la non dépendance à un opérateur du câble, qui pourrait par exemple faire faillite. Par conséquent France Télévisions souscrit à la volonté politique du législateur à cet égard, dans le recours au hertzien ".
Au regard de ce choix dont ne pouvait s'affranchir la société France Télévisions, la société TDF n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la diffusion par satellite était substituable à la diffusion de la télévision numérique par voie hertzienne terrestre, dans les territoires ultramarins.
C'est donc par une juste appréciation des faits de la cause que l'Autorité a circonscrit le marché aval à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels.
Les marchés géographiques
La société TDF conteste la délimitation géographique du marché pertinent de gros amont. Selon elle, le marché aurait dû être délimité en fonction du périmètre géographique de chacun des neuf appels d'offres, à savoir les neuf collectivités et territoires d'outre-mer.
La société Outremer Telecom souligne que la délimitation géographique du marché de gros amont à l'ensemble des territoires était pertinente, une définition de marché géographique propre à chaque territoire n'étant pas justifiée, en raison de l'homogénéité des conditions de la concurrence sur les territoires ultra-marins. Elle relève que la société TDF a par ailleurs elle-même fait le choix d'adopter une tarification unique pour toutes les collectivités ultramarines, pour ses prestations d'hébergement.
L'Autorité soutient que la délimitation pertinente du marché doit être effectuée au niveau de l'ensemble des collectivités d'outre-mer, qui forment, au sein du marché national, un ensemble distinct du marché métropolitain.
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La décision de l'Autorité distingue le marché de l'outre-mer de celui de la métropole, bien que les décisions de l'ARCEP se réfèrent à un marché national, sans opérer de distinction entre les deux.
Mais il convient de rappeler que, ainsi que le souligne l'Autorité au point 120 de sa décision, le marché géographique est défini comme " le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ".
L'Autorité a démontré que les conditions de concurrence étaient homogènes au sein du marché national de gros, en mettant en évidence la présence des infrastructures de diffusion hertzienne terrestre en mode analogique de l'ancien opérateur historique de façon relativement homogène sur l'ensemble du territoire national, d'une part, et l'existence d'un cadre législatif et réglementaire harmonisé en termes d'objectif de couverture et de fourniture gratuite d'une offre élargie de programmes télévisés sur l'ensemble du territoire national, d'autre part.
Cette homogénéité a d'ailleurs été confirmée par l'ARCEP, qui n'a pas opéré de distinction géographique dans sa décision Cycle II.
Toutefois, le choix, par l'Autorité, d'un marché limité aux territoires ultramarins, est justifié par le calendrier spécifique de développement de la TNT, distinct de celui de la métropole, et par le dépôt, par la société TDF, d'offres de référence distinctes, la première uniquement valable en métropole et la seconde uniquement valable dans l'ensemble des régions ultramarines, avec des conditions tarifaires et une classification des sites différentes.
Si les requérantes soutiennent que l'existence d'une offre tarifaire unique pour l'ensemble des territoires ultramarins n'est pas une donnée pertinente pour considérer qu'il existerait une homogénéité des conditions de concurrence sur ces territoires, il convient de noter que, contrairement à ce que soutient la société TDF, ce n'est pas seulement l'émission d'une offre distincte par la société TDF, mais aussi les conditions et le calendrier des appels d'offre dans ces territoires qui ont introduit une certaine hétérogénéité dans les conditions de la concurrence entre métropole et territoires ultramarins.
En toute hypothèse, ce choix de séparer le marché ultramarin du marché métropolitain ne modifie pas l'analyse de la position dominante de la société TDF, qui est constituée indifféremment sur le marché national ou sur le marché ultramarin seul.
Les contestations de la société TDF, soutenant l'existence d'un marché géographique distinct par territoire, ne sont pas étayées, celle-ci ne démontrant pas en quoi les conditions de concurrence différeraient entre chacun de ces territoires, l'émission d'une offre de référence commune militant au contraire dans le sens d'une grande uniformité.
Enfin, la circonstance qu'un appel d'offres ait été lancé dans chaque territoire ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu par la société TDF, justifier la délimitation d'autant de marchés amont, si la position dominante qui a permis l'abus ayant faussé ces appels d'offres a été observée sur un marché amont plus large. Il résulte en effet d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constantes et anciennes en matière d'appels d'offres, ainsi que le rappelle l'Autorité aux points 28 et suivants de ses observations, et au point 134 de la décision, que " pour déterminer si une entreprise qui a répondu à un appel d'offres détient une position dominante, il convient d'examiner non pas le marché particulier résultant du croisement de l'appel d'offres et des soumissions qui ont été déposées en réponse, mais le marché plus général où sont actifs l'ensemble des opérateurs susceptibles de répondre à l'appel d'offres concerné ".
B. Sur la position dominante de la société TDF sur le marché amont
Les requérantes soutiennent, en premier lieu, que la société TDF n'était pas en position dominante dans le cadre du dialogue compétitif, le choix des infrastructures ayant eu lieu pendant celui-ci. Les avis d'appels à candidature ne prévoyaient pas l'utilisation impérative du réseau de la société TDF pour la diffusion du multiplex ROM 1. Le choix s'est imposé à la société France Télévisions à l'issue du dialogue compétitif de calquer en partie la diffusion du réseau TNT sur la diffusion du réseau analogique est une circonstance indépendante de la volonté de la société TDF, qui ne pouvait l'anticiper. Elles soutiennent qu'avant et pendant le dialogue, rien ne permettait de considérer que le réseau de la société TDF serait privilégié et que cette dernière serait alors en position dominante. Elles soutiennent par ailleurs que les appels d'offres remportés par la société TDF ne caractérisent pas sa position dominante, puisqu'au moment où elle les a remportés, elle se trouvait dans la même situation que ses concurrents, ne disposant pas d'infrastructures directement utilisables pour la TNT et donc la concurrence était pleinement ouverte entre son réseau et les réseaux alternatifs et notamment les sites de diffusion de la société Outremer Telecom.
S'agissant de la réplicabilité des infrastructures, elles font grief à la décision de ne pas prendre en compte la situation existante au moment où la société France Télévisions a initié le dialogue compétitif. Il en serait de même concernant l'examen des barrières à l'entrée. Ainsi, à l'époque des faits, aucun marché de l'hébergement d'antennes pour la diffusion de la TNT n'existait, et ce jusqu'à la fin du dialogue compétitif, c'est-à-dire jusqu'au moment où la configuration du réseau a été décidée.
Ensuite, les requérantes soutiennent que pour caractériser la position dominante de la société TDF sur le marché amont de l'hébergement avant la fin du dialogue compétitif, l'Autorité de la concurrence aurait dû procéder à une analyse de substituabilité site par site, pour démontrer que les infrastructures de la société TDF étaient incontournables. Elle ne pouvait considérer que le seul fait que les antennes râteau des téléspectateurs étaient tournées vers les infrastructures de la société TDF permettait de déterminer avec certitude leur caractère incontournable, sans étudier les solutions de " colocalisation " existantes.
Les requérantes soutiennent également que l'analyse du régulateur sectoriel ne peut se substituer à celle de l'Autorité, qui, en l'espèce, serait insuffisante, aucune analyse de substituabilité fondée sur des tests économétriques ou des observations factuelles n'ayant été opérée.
La société Outremer Telecom soutient que la société TDF était bien en position dominante sur le marché de gros amont au moment des faits. Elle rappelle que l'analyse de dominance doit être menée avant, et non pendant les appels d'offres, comme le suggère la société TDF. Elle avance également qu'une analyse de marché pylône par pylône n'était pas pertinente, puisque l'accès au réseau des pylônes historiques de la société TDF était indispensable à tout candidat alternatif pour se positionner dans le cadre des appels d'offres, en raison de l'exclusion des pylônes d'opérateurs tiers et de la pré-orientation des antennes. La société Outremer Telecom rappelle que ses sites pylônes mobiles n'appartiennent pas au même marché que les sites pylônes de la société TDF et que les détenteurs des autres infrastructures ne sont offreurs sur le marché de gros amont qu'à la marge. La société Outremer Telecom rappelle également le caractère incontournable de la contrainte tenant à la pré-orientation des antennes, qui imposait la reprise des pylônes de la société TDF ou à défaut le recours à des pylônes installés à proximité directe de ces derniers. La société Outremer Telecom soutient également que les pylônes de la société TDF constituent des infrastructures essentielles, quand bien même l'Autorité n'aurait pas considéré nécessaire de caractériser ces derniers comme tels.
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La jurisprudence, tant interne que communautaire (Cour de justice des communautés européennes, 13 février 1979, Hoffmann La Roche, affaire 85/76), définit la position dominante comme étant la situation dans laquelle une entreprise est susceptible de s'abstraire des conditions du marché et d'être en mesure d'agir sans tenir compte du comportement et de la réaction de ses concurrents.
La détention par une entreprise d'une part de marché importante constitue le premier critère pour apprécier l'existence d'une situation de position dominante : " Il ne saurait faire de doute, pour un opérateur économique avisé, que la possession de parts de marché importantes, si elle n'est pas nécessairement et dans tous les cas le seul indice déterminant de l'existence d'une position dominante, a cependant à cet égard une importance considérable qui doit nécessairement être prise en considération par lui en ce qui concerne son comportement éventuel sur le marché " (arrêt Hoffmann La Roche, précité).
Une telle position peut également résulter de différents facteurs caractérisant le marché lui-même ou l'entreprise, comme la détention d'un monopole légal, ou de fait, sur une activité. Elle peut aussi résulter de l'appartenance à un groupe de grande envergure, de la faiblesse des concurrents, de la détention d'une avance technologique ou d'un savoir-faire spécifique.
Les éléments retenus dans la décision de l'Autorité, à l'appui de la démonstration de la position dominante de la société TDF sont résumés au point 135 de sa décision : " En l'espèce, le pouvoir de marché détenu par TDF sur le marché de gros amont résulte essentiellement de la configuration de son réseau de sites-pylônes, hérité de l'ancien monopole historique et utilisé pour la diffusion de la télévision analogique sur laquelle TDF est en situation de monopole à l'époque des faits. Cette situation préexiste aux procédures d'appels d'offres de France Télévisions pour le lancement de la TNT sans présenter de différences notables sur l'ensemble des territoires d'outre-mer ".
La position relative de la société TDF sur le " marché de gros amont de l'accès aux infrastructures nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique ", dans les territoires ultramarins est un élément important à prendre en considération. Ce marché de gros amont de l'accès aux infrastructures, comme rappelé plus haut, met en relation les diffuseurs techniques, qui possèdent des infrastructures de diffusion (appelées des " sites-pylônes ") et ceux qui n'en possèdent pas ou pas suffisamment.
La notification de griefs (paragraphes 193 et suivants) s'est appuyée sur les analyses conduites par l'ARCEP au titre des différents cycles de régulation et sur les avis rendus dans ce cadre par le Conseil, puis l'Autorité de la concurrence, pour conclure que la société TDF détenait une position dominante, au niveau national, et par conséquent dans les territoires outre-mer y compris, sur les marchés de gros amont et aval des prestations de diffusion hertzienne terrestre en mode numérique. Au regard d'indicateurs quantitatifs, à savoir la part de marché de la société TDF, et d'indicateurs qualitatifs, tels que le contrôle d'une infrastructure difficilement réplicable, la taille et l'intégration verticale de l'entreprise et, enfin des économies d'échelle et de gamme, l'ARCEP a considéré que " la société TDF exerçait une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique " (opérateur puissant).
La société TDF conteste la reprise par l'Autorité des analyses de l'ARCEP, au motif que ces analyses ne sont pas relatives à l'outre-mer en ce qui concerne la décision Cycle II, qu'elles sont postérieures aux faits de la cause en ce qui concerne la décision Cycle III et enfin, que l'analyse concurrentielle ne saurait reposer sur la régulation sectorielle et ne saurait se substituer à une analyse in concreto du marché de l'outre-mer que n'aurait pas réalisée l'Autorité.
Or, il convient de souligner que l'article L.37-1 du Code des postes et des communications électroniques dispose que " est réputée exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques tout opérateur qui, pris individuellement ou conjointement avec d'autres, se trouve dans une position équivalente à une position dominante lui permettant de se comporter de manière indépendante vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs ". Les méthodes d'analyse fondant la caractérisation d'une influence significative sont identiques à celles de la position dominante. Les décisions de l'ARCEP sont donc des éléments pertinents, que l'Autorité peut prendre en considération pour fonder son analyse. La décision Cycle II du 11 juin 2009 est à cet égard instructive, puisqu'elle couvre la période des faits. La circonstance qu'elle ne décrive pas précisément le marché de l'outre-mer, puisque le programme de lancement de la TNT n'y était pas encore ouvert, est indifférente, puisqu'il s'agit d'apprécier la position dominante de la société TDF au moment de l'ouverture des appels d'offres sur un marché homogène.
Dans sa décision du 11 juin 2009, l'ARCEP constatait que " sur l'ensemble des phases de déploiement et tous multiplexes confondus, il apparaît que TDF a remporté plus de 70 % des appels d'offres pour la diffusion et que celle-ci s'est faite dans plus de 90 % des cas sur un site de TDF. En valeur, sur l'ensemble du marché de la diffusion de la TNT, TDF détient une part de marché supérieur à 80 %. Cette situation ne semble pas amenée à évoluer significativement à l'horizon de la présente analyse. Si ces parts de marché sont calculées sur le marché de gros aval des services de diffusion terrestre de programmes télévisuels, elle renseigne toutefois sur la position de TDF sur l'ensemble de la chaîne de la valeur de la diffusion hertzienne terrestre de télévision en mode numérique ". (c'est la cour qui souligne)
Le rapport du rapporteur de l'Autorité cite d'autres données chiffrées de l'ARCEP qui confortent la part prééminente des infrastructures de la société TDF sur le marché amont (points 315 à 318) :
" Sur les parts de marché de TDF au niveau national, l'ARCEP a constaté qu'au 30 septembre 2010, TDF détenait 74,2 % des parts du marché de gros aval de la TNT en nombre de fréquences diffusées. Ce chiffre est évidemment à interpréter dans le contexte du déploiement alors en cours de la TNT sur le territoire national (métropole et outre-mer) : à cette date, l'ensemble des émetteurs TNT qui allaient permettre le taux de couverture ciblé par la loi (en métropole et outre-mer) n'étaient pas tous allumés (l'extinction de la diffusion analogique étant prévu pour le 30 novembre 2011). Ainsi, cette part de marché représente la position de TDF sur la zone où la TNT était déployée à cette date, zone qui était alors inférieure au territoire métropolitain (et a fortiori inférieur au territoire national).
Sur la zone résiduelle (constituée par conséquent d'une sous partie du territoire métropolitain et des territoires d'outre-mer), où les réseaux TNT n'étaient pas encore déployés mais en passe de l'être, les développements ci-dessus relatif à l'avantage concurrentiel de l'ancien opérateur historique en diffusion analogique, contrairement à ce que prétend TDF, suffisent à déduire l'existence d'une position dominante.
Aujourd'hui, alors que le déploiement de la TNT est effectif sur l'ensemble du territoire national (métropole et outre-mer), l'ARCEP a établi à l'occasion du troisième cycle de régulation (en 2012) que 86,4% des points de service de la TNT (un point de service étant une diffusion pour un MUX) sont diffusés à partir des sites de TDF. Les reversements à TDF au titre de ses offres d'hébergement représentent quant à eux environ 60% du chiffre d'affaires des opérateurs alternatifs.
Sur le marché de gros aval, dans le même cadre, l'ARCEP indique que TDF détient 74,4 % des points de service en diffusion. Elle a remporté, sur la période de régulation 2009-2011 comme sur la période précédente, plus de 70 % des appels d'offres lancés par les MUX pour la diffusion de leurs chaînes. A cet égard, un élément notable est que, sur plus de 1000 sites, TDF diffuse l'intégralité des fréquences de TNT, ce qui dénote une absence totale de concurrence ".
Enfin, concernant plus particulièrement les territoires ultramarins à l'époque des faits, la société TDF était en monopole sur les marchés de gros de la diffusion hertzienne terrestre analogique.
La société TDF ne critique pas sérieusement sa position dominante. Au travers de son analyse sur la réplicabilité de ses sites, elle tente en vain de remettre en cause la délimitation du marché amont en prétendant que des infrastructures d'opérateurs concurrents pouvaient offrir une alternative aux diffuseurs.
Selon elle, en effet, la société Outremer Telecom disposait d'infrastructures de téléphonie mobile, constituées par un réseau de points hauts plus nombreux en outre-mer que ceux de la société TDF, qu'elle pouvait utiliser pour répondre aux appels d'offres, ce qui suffirait à démontrer l'absence de position dominante de la société TDF.
Mais l'Autorité a répondu à suffisance de droit à cet argument aux points 147 et suivants de sa décision, concluant que " le recours à l'hébergement sur les sites historiques de TDF était la seule solution pour un nouvel entrant sans réseau propre et une solution, au moins partielle, indispensable à court terme pour les diffuseurs disposant de leur propre réseau d'infrastructures, par exemple un réseau de téléphonie mobile ".
L'Autorité cite dans sa décision les barrières économiques à l'entrée sur le marché amont liées à la difficile rentabilisation de la construction de nouvelles infrastructures concurrentes de celles de la société TDF. Les constructions nouvelles doivent être amorties sur un nombre suffisant de multiplexes sur un site donné. Or l'Autorité relève à juste titre (paragraphe 143) que " le seul multiplex de TNT qui devait se déployer de façon certaine à l'époque des faits sur les territoires ultramarins était le multiplex composé par les chaînes publiques, à savoir le ROM1 ". Enfin, la contrainte de calendrier très serré du déploiement constitue également une barrière réglementaire à l'entrée sur les marchés. L'ordonnance qui prévoit l'extension et l'adaptation outre-mer des dispositions relatives à la TNT a été promulguée en août 2009, les premières autorisations du CSA publiées en décembre 2009 et janvier 2010, les appels d'offres lancés début février, pour un lancement des services souhaité par la société France Télévisions mi-mai. Le CSA a confirmé le 10 mai 2010 le début des émissions au 30 novembre 2010. Un tel calendrier n'était pas compatible avec la construction de nouveaux sites de diffusion, le délai moyen étant de deux ans, selon l'ARCEP (cote 9086).
Par ailleurs, l'utilisation d'infrastructures existantes, telles celles des opérateurs de téléphonie mobile ou d'opérateurs tiers n'était pas substituable. En effet, s'agissant des opérateurs mobiles l'Autorité relève que " les contraintes relatives aux objectifs de couverture et les spécificités des marchés publiés par France Télévision contribuaient à limiter les possibilités de diffuser la TNT à partir des infrastructures existantes du réseau de téléphonie mobile ".
L'Autorité relève à ce sujet que les infrastructures utilisées par la société TDF pour la télévision analogique et celles utilisées pour la téléphonie mobile ne sont pas équivalentes, de façon générale, sur le marché de gros amont de l'hébergement. En effet, chacune de ces infrastructures présente des particularités techniques en termes de hauteur et de robustesse. Les pylônes utilisés pour la diffusion de la téléphonie mobile ne sont pas toujours matériellement utilisables pour répliquer les pylônes de la société TDF pour la diffusion de la TNT. L'Autorité de la concurrence a ainsi relevé, dans une décision n° 15'D'09 du 4 juin 2015 que " seulement 36 % des sites pylônes qui accueillent des équipements de téléphonie mobile accueillent aussi des services de diffusion audiovisuelle, ce qui suggère que le degré de substituabilité est limité ". La décision relève également que les prestations d'hébergement sur les pylônes d'opérateurs mobiles nécessitent des études beaucoup plus longues que celles de la société TDF. En toutes hypothèses, ces équipements ne pourraient être utilisés que pour le réseau secondaire de la TNT.
Par ailleurs, l'Autorité souligne que l'obligation imposée par les textes législatifs et réglementaires d'assurer une couverture numérique au minimum équivalente à la couverture analogique existante, intégrée dans les règlements des appels d'offres lancés outre-mer par la société France Télévisions, a conduit le CSA à fixer des objectifs de couverture correspondant à l'empreinte géographique de la diffusion analogique, elle-même issue du réseau historique des sites de la société TDF. Cette logique tient à la pré-orientation des antennes de réception de la télévision dans les foyers. En effet le parc d'antennes de réception des particuliers est pré-orienté dès l'origine en direction des émetteurs de la télévision analogique, c'est-à-dire les sites de diffusion de l'ancien monopole historique de la société TDF. Pour bénéficier de cette réorientation, un diffuseur alternatif concurrent de la société TDF doit faire héberger ses antennes sur les pylônes de la société TDF ou sur des pylônes qui seraient implantés en " colocalisation ", c'est-à-dire à proximité immédiate de diffusion de l'opérateur historique. Mais la rareté potentielle des terrains compatibles au regard des contraintes géographiques et topographiques, la nécessaire négociation avec les propriétaires, l'existence de nouvelles barrières administratives relatives au droit domanial, environnemental, de l'urbanisme ou encore de la construction constituent autant d'obstacles pour accéder à une emprise foncière. La société Outremer Telecom souligne à cet égard, sans être sérieusement contredite, qu'aucun opérateur de téléphonie mobile n'assure aujourd'hui des services de diffusion de la TNT.
La société TDF expose encore que le nombre de sites situés à proximité de ses sites-pylônes aurait été minimisé par l'Autorité, faute de prise en compte d'un périmètre de colocalisation de plusieurs kilomètres, selon le rapport Aymar, que l'Autorité n'aurait pas pris en compte.
Mais c'est en pleine connaissance de ce rapport, communiqué par la société TDF, que l'ARCEP a maintenu, dans la Décision Cycle 3, son analyse selon laquelle la contrainte de pré-orientation des antennes imposait une proximité immédiate entre les pylônes de diffusion de la société TDF et ceux de l'opérateur alternatif. Le Conseil d'Etat, le CSA et des opérateurs concurrents de la société TDF ont également confirmé ce critère d'une courte distance.
A supposer même ce périmètre de " colocalisation " étendu à plusieurs kilomètres, la société TDF ne démontre pas que les infrastructures de téléphonie mobile de la société Outremer Telecom ou d'autres opérateurs seraient situées dans ce rayon géographique, mis à part sept sites cités dans ses observations. Par ailleurs des détenteurs d'autres infrastructures (sociétés d'autoroute, EDF, France Telecom) ne peuvent être considérés comme des offreurs sur le marché de gros amont. A supposer existants de tels sites alternatifs à proximité des sites historiques de la société TDF, aucune régulation ex ante n'est au surplus mise en place et ne pourrait en garantir l'accès aux diffuseurs concurrents. En définitive, ces sites ne sauraient constituer un substitut au réseau de la société TDF, modifier le périmètre du marché pertinent amont tel qu'analysé par l'Autorité de la concurrence et, par voie de conséquence, remettre en cause la position de la société TDF sur ce marché.
Enfin, l'analyse site par site que la société TDF reproche à l'Autorité de ne pas avoir menée ne correspond pas à la globalité des appels d'offre lancés par la société France Télévisions à l'échelle de chacun des territoires. Il faut à cet égard souligner l'avantage concurrentiel de la société TDF et de son réseau national, au regard de la couverture géographique de chacun d'entre eux. Cet avantage est d'autant plus significatif que chacun prévoyait la couverture d'un territoire dans sa totalité sans possibilité pour un candidat de soumissionner sur une sous-partie de la couverture du territoire (et donc sur un nombre plus limité de sites). Contrairement à la métropole, où les appels d'offres lancés
par les MUX étaient organisés par " phases " correspondant à des zones géographiques dans lesquelles la TNT devait être déployée à la même date et où les opérateurs de diffusion avaient la possibilité de répondre aux appels d'offres d'une même phase sur une base site à site, et de fait, pouvaient candidater sur une sous-partie de la zone géographique mise en concurrence, les appels d'offres lancés par la société France Télévisions dans les régions ultramarines mettent en jeu la couverture en TNT de l'ensemble de chacun des territoires. En conséquence, il n'était pas possible pour les différents opérateurs de diffusion candidats de répondre sur une base site à site, et par suite de se positionner sur une zone géographique plus restreinte. Il en résulte que même si la société Outremer Telecom a pu envisager d'utiliser certains de ses sites pour répondre aux appels d'offre, elle devait avoir recours, pour une part prépondérante, aux sites-pylônes de la société TDF pour couvrir l'intégralité de cette zone.
En conclusion, ainsi que le souligne la notification de griefs, au point 201 : " Au moment du déploiement de la TNT outre-mer, TDF était en situation de monopole de fait en termes d'infrastructures de diffusion, susceptibles de basculer aisément de l'analogique au numérique et de surcroît, positionnées dans le champ d'initialisation des antennes des particuliers. Dans ce contexte, la position dominante de TDF sur le marché amont de l'accès aux infrastructures de diffusion de la TNT sur les différents départements, territoires et collectivités d'outre-mer est incontestable ".
Les moyens développés par les requérantes à ce sujet doivent en conséquence être rejetés.
C. Sur l'abus
La société TDF soutient qu'aucune obligation de publication d'une offre de référence ne pouvait résulter de la décision Cycle II, antérieure à l'ordonnance n° 2009-1019 portant extension et adaptation à l'outremer de la TNT (a). Elle expose ensuite qu'aucun abus ne peut lui être reproché, car en droit de la concurrence, il n'existe pas " d'obligation spontanée de faire une offre de contracter, même pour une entreprise qui serait en position dominante ". Seul le refus de communiquer une information essentielle peut être constitutif d'abus, ce qui suppose, en tout état de cause, une demande préalable (b). En outre, à la supposer existante, elle prétend que cette obligation de publication spontanée de son offre était matériellement impossible en l'espèce, avant le 9 avril 2010 (c). Enfin, elle soutient que la pratique n'a pas eu d'effets (d).
a) Sur l'obligation sectorielle
La décision Cycle II, bien qu'antérieure à l'ordonnance n° 2009-1019 portant extension et adaptation à l'outremer de la TNT, s'applique non seulement à la métropole, mais également aux collectivités ultramarines. L'ARCEP n'a pas mis en doute l'application de cette décision à l'outre-mer. Elle a rappelé que sa décision n° 2009-0484 s'appliquait aux collectivités d'outre-mer et qu'en qualité d'opérateur exerçant une influence significative sur le marché, la société TDF était soumise aux " obligations de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, de non-discrimination, de transparence, de comptabilisation des coûts, de séparation comptable et de contrôle tarifaire ". S'agissant de l'obligation de transparence, elle " a considéré que les diffuseurs doivent disposer d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par TDF lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leur stratégie technique et commerciale ". Le CSA n'a pas davantage mis en doute l'application de la décision Cycle II aux collectivités d'Outre-mer.
L'article 5 de la décision dispose que : " TDF est soumise à une obligation de transparence sur le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. À ce titre elle publie une offre de référence technique et tarifaire détaillant les prestations relevant du marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique. Cette offre décrit de manière détaillée ces prestations en précisant au minimum les éléments listés à l'annexe 11 de la présente décision ".
La société TDF était donc, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, soumise à l'obligation de publication de son offre de référence pour l'outre-mer, sous la réserve que le délai butoir du 15 septembre 2009, mentionné à l'article 11, ne pouvait, pour des raisons évidentes, s'y appliquer. Il faut donc se reporter aux dispositions prévoyant la publication de l'offre dans un " délai raisonnable à partir de la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA ", soit le 22 janvier 2010, date de la publication des décisions du CSA.
b) Sur l'abus
L'Autorité n'a pas sanctionné un refus d'accès à une infrastructure essentielle, mais une pratique ayant consisté, pour la société TDF, propriétaire d'un réseau incontournable pour assurer la diffusion de la TNT en outre-mer, à tarder de publier les conditions d'accès à ce réseau, de telle sorte que ses concurrents sur le marché de la diffusion n'ont pu concourir dans des conditions équitables aux appels d'offres lancées par la société France Télévisions.
Cette pratique décisionnelle n'est pas nouvelle, contrairement à ce que soutient la société TDF puisqu'elle résulte d'un arrêt de la Cour de justice (Commercial Solvents (6, 7/73) § 25), appliquée avec constance par le Conseil, puis l'Autorité de la concurrence ainsi que les juridictions de contrôle (Cour d'appel de Paris, 22 février 2005, Société des abattoirs de Laval), selon laquelle le détenteur d'une position dominante sur le marché amont de biens ou services indispensables à la production de biens ou services sur un marché aval qui refuse la fourniture à un client, lui-même concurrent sur le marché aval au risque d'éliminer toute concurrence de la part de ce client, dans le but de réserver ses biens ou services à sa propre offre sur le marché aval, exploite sa position dominante d'une façon abusive au sens de l'article 102 du TFUE.
Cette jurisprudence a été appliquée dans le domaine de la réponse aux appels d'offres, dès lors qu'un opérateur en position dominante, en possession d'informations nécessaires à ses concurrents pour répondre à des appels d'offres auxquels lui-même concourait, ne communiquait pas celles-ci en temps utile, rompant ainsi l'égalité entre concurrents. (Cass.com. 3 mai 2000, pourvoi n° 98-18602).
La particularité de l'abus reproché en l'espèce à la société TDF tient à ce que les informations indispensables revêtaient la forme d'une offre de référence d'hébergement, nécessaire pour que ses concurrents puissent répondre aux appels d'offres de la société France Télévisions, dont la publication était imposée par la réglementation sectorielle.
Ainsi que le souligne justement l'Autorité au point 157 de sa décision, ce n'est donc pas un manquement sectoriel en tant que tel qui est sanctionné, mais un abus autonome, au sens du droit la concurrence : " le grief notifié ne vise pas à sanctionner un manquement à l'obligation, imposée par l'ARCEP, de publier une offre de référence, ('), mais une pratique autonome sur le marché qui a consisté à utiliser la position dominante détenue sur le marché de gros amont de l'hébergement pour " retarder sans motif fondé la publication de l'offre de référence Hébergement pour les régions d'outre-mer, en omettant d'y faire figurer certains éléments déterminants ".
Dès lors, c'est en vain que les requérantes invoquent l'incompétence de l'Autorité pour sanctionner en tant que telle une violation de la régulation sectorielle mise en place par l'ARCEP. L'Autorité peut sanctionner l'abus de position dominante de la société TDF, s'il est établi que cet opérateur a tardé à communiquer une information indispensable à ses concurrents, sans justifications objectives.
Selon les mêmes principes, si l'ARCEP n'a pas engagé de procédure de sanction à l'encontre de la société TDF pour manquement à ses obligations sectorielles, ce dont elle a l'opportunité, cette société ne peut en tirer que le principe non bis in idem s'opposerait à la qualification d'abus par l'Autorité de la concurrence. En effet, outre qu'aucune décision formelle de non lieu à poursuivre n'a été prise par l'ARCEP, l'appréciation de cette autorité ne saurait lier l'Autorité de la concurrence, qui applique une législation différente.
Ceci étant rappelé, la circonstance que le marché soit régulé doit être prise en considération pour l'appréciation de l'abus. Ainsi que l'a souligné la Cour de justice dans un arrêt Deutsche Télécom du 14 octobre 2010 (C-280/08 P3) : " (.), dès lors que la réglementation relative au secteur des télécommunications définit le cadre juridique applicable à celui-ci et que, ce faisant, elle contribue à déterminer les conditions de concurrence dans lesquelles une entreprise telle la requérante exerce ses activités sur les marchés concernés, elle constitue, ainsi qu'il découle déjà des points 80 à 82 du présent arrêt, un élément pertinent pour l'application de l'article 82 CE aux comportements adoptés par cette entreprise, que ce soit pour définir les marchés concernés, pour apprécier le caractère abusif de tels comportements ou encore pour fixer le montant des amendes ".
A cet égard, pour apprécier le comportement de la société TDF, l'Autorité pouvait se fonder sur la décision Cycle II, qui portait également sur le marché de l'outre-mer et qui imposait à la société TDF, qui estimait détenir une position prédominante sur le marché amont, de communiquer son offre de référence dans des délais raisonnables, pour permettre aux diffuseurs concurrents de " disposer d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par TDF lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leur stratégie technique et commerciale ". Cette obligation préexistait donc à toute mise en concurrence, indépendamment de toute demande expresse des opérateurs. La jurisprudence TeliaSonera, citée par la société TDF est à cet égard sans emport.
Par ailleurs, ainsi que le souligne le Conseil d'État dans sa décision de 2014 précitée, relative à la décision Cycle III de l'ARCEP, cette publication revêtait un " caractère systématique " et n'était pas subordonnée à la demande de l'ARCEP ou des opérateurs.
Il ne peut donc être soutenu que seul un refus de communiquer opposé à une demande de la société Outremer Telecom aurait pu être abusif, la violation en connaissance de cause d'une obligation réglementaire de publication pouvant aussi caractériser un tel abus.
L'abstention de procéder en temps utile à une publication équivaut, en effet, à un refus, ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 6 novembre 2014, confirmant la sanction infligée par l'Autorité de la concurrence à la SNCF dans une décision 12-D-25, pour retard dans la publication du tarif de ses cours dans le Document de Référence du Réseau (DRR) : " L'absence de mise à disposition des concurrents de données précises et complètes est le résultat d'un choix stratégique de la SNCF, qui a imposé aux entreprises ferroviaires de s'adresser de façon systématique à son guichet unique pour avoir accès à ses cours, faute pour ces entreprises de pouvoir en prendre connaissance par le biais d'une publication conforme aux demandes de RFF et de la MCAF ". C'est précisément le défaut de publication du tarif imputé à l'opérateur dominant qui a été sanctionné dans cette espèce, et non l'absence de réponse à des demandes d'opérateurs alternatifs. Si des demandes avaient été formulées dans cette affaire, c'était la conséquence de l'absence de publication spontanée de l'opérateur.
Les requérantes ne peuvent donc soutenir que la décision entreprise serait inédite. Les décisions citées par la société TDF, en pages 24 et 25 de ses observations écrites, ne démontrent pas le contraire. Si un opérateur dominant, détenant des biens ou services indispensables à ses concurrents pour pouvoir le concurrencer sur un marché aval, n'est pas tenu de communiquer spontanément les conditions techniques et commerciales d'accès à ces biens ou services, c'est qu'il ignore l'existence de cette concurrence, et ne peut donc se voir reprocher une absence de communication, qui serait dépourvue de sens. En revanche, tel n'est pas le cas des opérateurs soumis à des obligations réglementaires de publication de leurs offres. Si la communication de ces offres était subordonnée à la demande des concurrents, les régulateurs sectoriels n'utiliseraient pas le terme de " publication " des offres.
Les sociétés requérantes ne peuvent davantage soutenir que la décision de l'Autorité et l'arrêt de la cour d'appel relatifs aux offres d'accès aux cours de la SNCF se basaient sur la qualité d'infrastructures essentielles de celles-ci, puisque ce point n'avait justement pas été analysé dans la décision de l'Autorité.
La circonstance que la société Outremer Telecom ait attendu le 12 avril 2010, "soit 14 jours avant la date limite de remise des offres" pour se manifester auprès de la société TDF et solliciter auprès de cette dernière la publication de ses tarifs, alors qu'elle aurait pu solliciter la société TDF avant même l'ouverture de la phase de dialogue compétitif ne saurait lui être opposée. Ainsi qu'elle l'a répondu aux services d'instruction de l'Autorité, " Dans son dossier de candidature, Outremer Telecom s'est basée sur les tarifs de l'offre de référence publiée sur le site internet de TDF. Nous pensions que ces tarifs s'appliquaient dans les DOM. C'est au cours de la phase de dialogue compétitif que France Télévisions attire notre attention sur le fait qu'il existe des tarifs spécifiques DOM, différents des tarifs métropole. A l'issue du dialogue compétitif le 8 avril 2010, nous contactons l'ARCEP qui nous explique que les tarifs TDF des DOM sont effectivement différents des tarifs métropole et que TDF ne les a toujours pas publiés, malgré les diverses sollicitations de l'ARCEP elle-même. ".
Ceci étant précisé, il convient de vérifier si la société TDF a commis un abus, en communiquant tardivement aux diffuseurs concurrents des informations essentielles pour concourir.
c) Sur le délai raisonnable
La société TDF expose qu'elle ne pouvait matériellement pas déposer une offre avant la fin du dialogue compétitif et, en tout cas, pas dès le 22 janvier 2010, car les publications du CSA ne concernaient qu'un nombre limité de sites retenus par la société France Télévisions.
La société Outremer Telecom explique que son " besoin de prestation attendue de la part de TDF se limitait à l'hébergement de ses équipements actifs (émetteur, multiplexeur) et de diffusion (antenne d'émission TNT) sur certains sites identifiés de TDF dans les DOM " et que " L'obligation de publier une offre de référence à la charge de TDF portait sur l'ensemble des sites existants ", sans qu'il y ait " de raison d'attendre que la liste définitive des sites soit arrêtée par France Télévisions ". Selon la société Outremer Telecom, " TDF aurait dû publier cette offre de référence pour tous ses sites, indifféremment, comme elle l'a fait en métropole ".
***
Conformément aux principes rappelés plus haut, il appartenait à la société TDF de publier son offre d'hébergement dans un délai suffisant pour permettre à ses concurrents de pouvoir soumissionner de manière utile aux appels d'offres. Il résulte par ailleurs de la décision Cycle II de l'ARCEP que l'obligation de publication pesant sur la société TDF s'inscrivait dans le prolongement de celle de la fourniture d'accès à ses infrastructures. Il en découle logiquement que la société TDF était tenue de publier une offre sur l'ensemble des sites qu'elle exploitait, sans être liée aux publications du CSA. L'objectif poursuivi par ces obligations est mentionné dans la décision de l'ARCEP qui énonce que : " il est (') nécessaire, pour l'équilibre économique des nouveaux entrants, que ceux-ci disposent d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par TDF lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leur stratégie technique et commerciale ". Au regard de cet objectif clairement affiché, la société TDF était consciente de la responsabilité qui pesait sur elle en tant qu'entreprise dominante sur le marché de gros, ainsi que le rappelle l'Autorité au point 165 de sa décision.
Il a été rappelé plus haut que l'article 11 de la décision Cycle II de l'ARCEP, indiquant que la société TDF avait l'obligation de publier son offre de référence au plus tard le 15 septembre 2009 pour " le marché de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels en mode numérique ", ne pouvait s'appliquer en l'espèce, le déploiement de la TNT outre-mer n'ayant pas encore débuté à cette date.
Mais l'ARCEP a envisagé dans sa décision l'hypothèse de développement d'un nouveau MUX, au paragraphe 4.d). Il est ainsi prévu " le respect d'un délai raisonnable de mise à jour de l'offre de référence relative à la diffusion de la TNT à compter de la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA " : " au vu du calendrier de déploiement de la TNT et du délai accordé aux diffuseurs par les multiplexes entre la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA et la date limite de fourniture des réponses à leurs appels d'offres, il apparaît souhaitable que sur une zone donnée, TDF publie dans son offre de référence les conditions techniques et financières d'accès à son (ses) site(s) correspondant(s) pour cette zone dans un délai raisonnable à partir de la publication des gabarits ou des dossiers de numérisation par le CSA ". Il en résulte que dès janvier 2010, cette publication était requise.
La société TDF prétend qu'il lui était impossible d'élaborer et donc de publier une offre d'hébergement en amont du dialogue compétitif, en l'absence de la liste définitive des sites requis pour la définition de la TNT, qui n'auraient été connus qu'à la fin du dialogue compétitif, et en l'absence des caractéristiques techniques de diffusion afférentes à chacune de ces zones.
Mais il convient d'écarter ces arguments, ainsi que l'a fait l'Autorité. En effet, en premier lieu, l'argument d'impossibilité technique ne résiste pas à l'examen. La publication de l'ODR Hébergement, seule concernée ici, est en effet indépendante des caractéristiques techniques de diffusion, contrairement à la publication de l'ODR DiffHF, de façon générale, l'offre technique hébergement est sans lien avec la liste de ses sites et les caractéristiques techniques de diffusion. En effet, l'offre comporte quatre rubriques, les études, les prestations d'hébergement d'équipements radioélectriques, l'énergie secourue et non secourue et l'accès du client au site de la société TDF. Ces prestations ne varient pas d'un site à l'autre mais d'un type de site à l'autre (standard -important). Enfin, la publication des gabarits CSA n'est un préalable, comme vu plus haut, que pour les offres ODR DiffHF. La société Onecast a ainsi expliqué (n°16, Cote 4630) que l'élaboration de l'offre de référence hébergement ne requérait pas de connaître la liste exhaustive des zones à couvrir publiées par le CSA : " En début de régulation, TDF publie une offre de référence. Au fur et à mesure que le CSA annonce des nouvelles zones à couvrir assorties de leurs caractéristiques techniques de diffusion, l'offre DiffHF s'enrichit. En revanche, ces nouvelles publications n'ont jamais aucune incidence sur le contenu de l'offre de référence hébergement. Rappelons que l'offre de référence hébergement comprend deux prestations distinctes : l'hébergement des équipements au sol et l'hébergement de l'antenne sur le pylône. L'offre de référence hébergement au sol correspond à un tarif moyen au mètre carré. L'offre de référence hébergement est formulée dans un document standard. Les tarifs hébergement sont liés à la typologie des sites (standard ou important pour les territoires d'outre-mer) et sont indépendants de la liste exhaustive des zones à couvrir ".
Ensuite, dès les premiers jours suivant l'appel d'offres, la société TDF était capable d'identifier les sites de son parc d'infrastructures susceptibles d'être sollicités pour la diffusion de la TNT outre-mer. L'Autorité souligne à juste titre, au point 176 de sa décision que " les discussions précédant le lancement des appels d'offres outre-mer avait largement privilégié la solution consistant, à l'instar de ce qui avait été fait en métropole, à reprendre l'empreinte de la couverture du réseau analogique pour prévoir le déploiement de la diffusion numérique ". En effet, les décisions du CSA de décembre - janvier 2010 indiquaient la liste des zones à couvrir dans le cadre de la première phase de déploiement de la TNT qui avaient pour objectif de reproduire la couverture du réseau analogique Tempo. Chaque décision du CSA indiquait, pour chaque zone, comme site de référence, le site historique de la société TDF employé jusqu'alors pour la couverture du réseau Tempo. En conséquence, même si ces décisions ne comportaient pas la liste des zones de la seconde phase de déploiement (réseau secondaire), et n'étaient donc pas exhaustive, la société TDF pouvait identifier ces sites, compte tenu de l'objectif ultime fixé qui était d'aboutir à une couverture globale de chaque territoire sur le modèle du réseau Télépays, c'est-à-dire le réseau analogique existant. Cette approche figurait dans les cahiers des charges techniques des appels d'offres communiqués par la société France Télévisions aux diffuseurs, qui annonçaient que le déploiement de la TNT se calquerait sur le réseau analogique préexistant, et qui comportaient en annexe un tableau comportant la liste exhaustive pour chaque département des sites de la société TDF opérant en analogique. La société TDF a d'ailleurs expliqué qu'il était suggéré à chaque candidat de présenter son offre sur la base de ce réseau analogique. Il résulte donc de ces éléments que dès le lancement des appels d'offres, il était quasiment certain que la plus grande partie des sites de la société TDF serait sollicitée, rendant nécessaire la publication préalable, par la société TDF, des conditions techniques et tarifaires d'hébergement sur ces sites.
Si la société TDF soutient qu'elle ne pouvait réaliser une étude de pré-faisabilité technique de l'hébergement sur chaque site, nécessaire à l'élaboration de son offre, avant de connaître la liste définitive de ces sites, il apparaît que la société TDF a remis, dès le 3 mars 2010, une offre comprenant la liste de ses sites historiques, alors que toutes ces études de pré-faisabilité n'étaient pas encore réalisées, selon ses propres assertions. Ce dépôt d'une offre très avancée par la société TDF à ce stade démontre bien qu'elle aurait pu, à ce moment, remettre les éléments ayant servi à l'élaboration de son offre à ses concurrents. La société TDF a, à cet égard reconnu qu'une étude de faisabilité avait été effectuée sur tous les sites retenus par la société France Télévisions. Elle a donc effectué pour son propre compte, avant le 3 mars 2010, les éléments nécessaires à l'établissement d'une offre d'hébergement. La société pouvait donc dès avant le 3 mars 2010, et au plus tard le 3 mars 2010, transmettre une offre à la société Outremer Telecom. La circonstance que la société TDF ait ouvert la phase de dialogue compétitif par la remise de cette offre aboutie, alors que ses concurrents ne pouvaient faire de même, a rompu l'équilibre entre les parties, dès cette phase de la procédure.
La société TDF soutient encore qu'elle ne pouvait élaborer les tarifs d'accès à ces sites sans connaître précisément la liste de ceux-ci, le tarif d'accès au site d'une catégorie donnée résultant de la moyenne des coûts engagés sur l'ensemble des sites de cette catégorie.
Mais l'Autorité de la concurrence a à juste titre écarté cet argument aux points 185 à 194 de sa décision. Elle relève à ce titre, en premier lieu, la nature d'une offre de référence qui se distingue d'une offre sur mesure par son caractère nécessairement prospectif et peut donc être adaptée a posteriori. En deuxième lieu, elle expose que la tarification de référence ne serait pas significativement impactée par une modification du périmètre des sites éligibles, de par sa construction même. En effet, la tarification de l'hébergement, étant réalisée par catégories de sites (importants, de base ou standard), implique une certaine homogénéité de ces coûts d'hébergement au sein d'une même catégorie de sites, ce qui a pour conséquence qu'une modification de périmètre ne pouvait avoir d'effets sensibles sur le tarif de chaque catégorie. Par ailleurs, l'argument de la société TDF selon lequel la tarification serait sensible au périmètre des sites retenus est démenti par le mode de tarification retenu par elle, à savoir la fixation d'un tarif global unique sur l'ensemble des territoires ultramarins. Enfin, la société TDF a elle-même reconnu, ainsi que le cite l'Autorité au point. 204 de sa décision, que " les conditions des offres d'hébergement pour la diffusion de la TNT, y compris tarifaires, sont publiées et connues avant même la publication des gabarits CSA, cette dernière n'étant pas un input nécessaire au processus d'élaboration de ces offres. La question du délai de publication des offres d'hébergement pour la TNT est donc sans objet".
La société TDF affirme que l'absence de tout retard fautif de sa part serait confirmée par les avis concordants du CSA, de l'ARCEP et de la DGCCRF.
Mais il convient de souligner que c'est le retard de publication de l'offre concernant les prestations d'hébergement qui a été sanctionné par l'Autorité, et non l'offre des prestations dites antennaires, qui, en effet, ne pouvaient être évaluées avant la publication des gabarits.
C'est ce qu'ont confirmé les avis de l'ARCEP et du CSA.
L'avis du CSA contient les mentions suivantes : " Le Conseil estime que le délai de mise en œuvre de l'obligation de publication de l'offre de référence, en particulier s'agissant de l'offre d'accès au système antennaire de TDF (offre dite " Diff HF "), semble raisonnable au regard des contraintes fixées par l'ARCEP, dans la mesure où il est intervenu dans un délai inférieur à trois mois après la publication des décisions mentionnées ci-dessus. Le Conseil considère néanmoins que l'offre de référence en matière d'hébergement aurait pu être publiée dans des délais plus brefs. En effet, la société TDF aurait pu anticiper l'identification d'une part substantielle des sites de diffusion numérique à partir des sites de diffusion analogique du service Tempo. En pratique, sur les 238 sites du service Tempo, 217 ont été identifiés pour la diffusion numérique ". (C'est la cour qui souligne)
L'avis de l'ARCEP est identique, distinguant bien les prestations du système antennaire des prestations d'hébergement. L'Autorité a ainsi reconnu l'impossibilité matérielle pour la société TDF de publier son offre antennaire avant le 8 avril 2010 : " Il a pu être difficile pour TDF de publier la composante de son offre de gros correspondant à l'utilisation de son système antennaire, avant la clôture de la phase de dialogue compétitif le 8 avril 2010, alors que les configurations techniques de diffusion et, par suite, la liste des sites utilisés par chacun des diffuseurs, étaient encore en discussion ". En revanche, elle reconnaît que " TDF était en mesure de publier une première version de son offre pour les éléments listés ci-dessus sans attendre la clôture de la phase de dialogue compétitif le 8 avril 2010, sur la base de ses infrastructures préexistantes, utilisées pour diffuser la télévision en mode analogique ", les " éléments listés " étant ceux de " la composante hébergement de l'offre de gros de TDF ". (C'est la cour qui souligne)
En résumé, si la société TDF soutient qu'elle ne pouvait communiquer son offre avant la fin du dialogue compétitif, elle n'en rapporte pas la preuve. En effet, ainsi que le souligne l'Autorité au point 205 de sa décision, le principal apport du dialogue compétitif " a été de permettre, au terme d'une discussion entre TDF et France Télévisions, de retenir un plan de fréquences sans attendre la publication de ces gabarits ". Or, il a été vu plus haut que la publication des gabarits n'était pas un préalable nécessaire à l'élaboration de l'offre de référence hébergement mais à celle de l'offre de référence DiffHF, relative aux configurations techniques antennaires.
La détermination du moment opportun
La société TDF soutient que la publication de son offre avant l'issue du dialogue compétitif l'aurait privée de tout intérêt et aurait faussé la concurrence par les infrastructures.
Mais l'obligation sectorielle de publication de l'offre de référence de la société TDF au début de la consultation avait justement pour objet de renseigner les concurrents sur les caractéristiques et le prix des infrastructures de la société TDF dont il était connu, dès le départ, qu'un certain nombre d'entre elles seraient utilisées pour pouvoir répondre, dans les délais impartis, aux appels d'offres. Cette communication ne pouvait avoir pour effet de fermer la concurrence par les infrastructures, mais au contraire, d'en permettre l'exercice, la société Outremer Telecom ne pouvant proposer à la société France Télévisions " une architecture de réseau " que le dialogue compétitif avait pour objet de définir, comprenant sites propres, colocalisation ou hébergement sur des sites de la société TDF, sans être éclairée sur le coût des solutions d'hébergement sur les pylônes de la société TDF. Cette communication ne devait pas porter sur les sites estimés pertinents par la société TDF pour répondre, ce qui aurait révélé sa réponse à l'appel d'offres, mais sur l'ensemble de ses sites disponibles. Cette obligation, résultant de sa responsabilité particulière d'opérateur en position dominante et imposée par la régulation sectorielle, ne peut être qualifiée d'entente horizontale, n'ayant ni pour objet, ni pour effet de révéler la stratégie de la société TDF. Si l'expression des besoins de la société France Télévisions ne s'est réalisée qu'à la clôture de ce dialogue compétitif, définissant le nombre de sites définitivement retenus et permettant à chacun de déposer son offre, la société Outremer Telecom ne pouvait pleinement proposer en amont sa propre solution technique, composée de sites en propres, colocalisés ou hébergés, sans disposer des informations techniques et financières sur les prestations d'hébergement de la société TDF.
Les services d'instruction ont, en définitive, justement estimé que, compte tenu du rythme soutenu des étapes du calendrier de déploiement de la TNT outre-mer, la société TDF aurait dû publier son offre de référence le plus tôt possible, " c'est-à-dire dans le mois qui suivait le lancement des appels d'offres de France Télévisions, au plus tard le 3 mars ". La décision retient au point 196 que l'abstention de la société TDF n'était pas encore irrémédiable le 3 mars 2010, date limite de dépôt des candidatures pour participer au dialogue compétitif.
Enfin, la société TDF ne peut s'exonérer de la pratique en cause en démontrant qu'elle a répondu à la demande de la société Outremer Telecom, le lendemain de celle-ci, alors qu'elle était soumise à une obligation réglementaire de publication antérieure et que, par ailleurs, la société Itas Tim lui avait déjà demandé cette publication le 12 mars 2010.
C'est donc par une motivation pertinente que l'Autorité a estimé que le délai raisonnable de communication de l'offre de prestations d'hébergement par la société TDF devait intervenir au plus tard lors de l'ouverture de la procédure de dialogue compétitif. Ainsi que l'Autorité le souligne dans ses observations au point 52 " à cette date TDF a assorti son propre dossier de candidature d'un projet d'offre technique et commerciale pour l'ensemble des territoires visés par les marchés qui était fondé sur des informations issues de ses propres études de préfaisabilité et dont ses concurrents ne disposaient pas ". " TDF devait donc " partager avec ses concurrents l'accès aux données essentielles contenues dans son offre de référence hébergement à partir du moment où elle-même en disposait et qu'elle les a utilisées à son avantage pour répondre aux appels d'offres de France-Télévisions pour l'attribution des marchés de la diffusion de la TNT dans les territoires et collectivités d'outre-mer ".
La société TDF soutient que l'Autorité de la concurrence n'a tenu aucun compte de l'ordonnance de référé du 1er juin 2011.
Mais il a été vu précédemment que le président du tribunal de grande instance, dans son ordonnance du 1er juin 2011, a écarté tout manquement de la société France Télévisions au principe d'égalité dans le traitement des candidats et a estimé que la société Outremer Telecom ne démontrait pas avoir été dans l'impossibilité de répondre à l'appel d'offres, compte tenu de la remise de l'offre de référence le 9 avril, au vu des pièces communiquées en référé, sans préjudice de l'instruction menée au fond par l'Autorité, qui a apporté de nombreux éléments attestant de l'impossibilité matérielle, pour celle-ci, de répondre, compte tenu des délais qui lui étaient impartis.
La société TDF prétend que la société Outremer Telecom n'a pas déposé d'offre uniquement pour des raisons tarifaires, et non pour des raisons de délais. La société Outremer Telecom aurait en réalité eu le temps matériel de répondre et n'aurait eu qu'à lancer ses logiciels de calcul.
Mais, en premier lieu, la société TDF ne rapporte aucunement la preuve de cette allégation, le courrier électronique adressé par la société Outremer Telecom à l'ARCEP ne permettant pas de considérer que les tarifs excessivement élevés constituaient le motif essentiel et déterminant de sa renonciation. De plus, à supposer même que tel soit le cas, la communication tardive de ces tarifs pouvait avoir effectivement influé sur l'architecture du réseau proposé à l'aveugle par la société Outremer Telecom. Il est évident que la communication tardive de l'offre de référence d'hébergement, contraire aux préconisations du régulateur sectoriel, ne pouvait que pénaliser, freiner ou empêcher la société Outremer Telecom de concourir. Celle-ci soutient à juste titre que l'offre publié le 9 avril était encore incomplète, ce qui l'a un peu plus pénalisée, allégations que la société TDF ne parvient pas à démentir, comme il sera vu ci-dessous. Enfin, la circonstance que la société Outremer Telecom ait pu connaître les tarifs de certains hébergements de la société TDF dans les TOM ne pouvait suppléer l'absence de communication de la totalité des tarifs des sites existants, qui avaient de grandes chances d'être mobilisés.
Sur l'incomplétude de l'offre constitutive d'abus
Il résulte de l'instruction que le caractère incomplet de l'offre d'hébergement publiée le 13 avril 2010 a compromis la remise d'une offre finale par la société Outremer Telecom, dans les délais imposés. En effet, l'offre de deux prestations essentielles, listées à l'annexe 1 de la décision de l'ARCEP comme devant a minima être publiée par la société TDF dans son offre d'hébergement, n'y figurait pas : l'offre de gros d'accès à des groupes électrogènes et l'offre d'hébergement sur le pylône d'une antenne d'émission/ réception FH.
En outre, la date de communication de l'offre d'hébergement de la part de la société TDF doit tenir compte du délai de réalisation des études de faisabilité technique, le délai maximum de réalisation de ces études étant supérieur à un mois. Ainsi que le souligne la société Outremer Telecom, l'offre de référence ayant été publiée le 13 avril 2010, aucune offre n'aurait pu être déposée en toute hypothèse avant 10 mai 2010, soit après le délai maximal de remise des offres envisagées par la société France Télévisions.
La société Onecast a ainsi expliqué la nécessité de ces études préalables : (n°16 Page 3 sur 5 Cote 4630 - Saisine 10/0067F) : " En principe, l'hébergement d'une antenne sur un pylône de TDF requiert une étude de faisabilité au cas par cas. Il est nécessaire de déterminer le type d'antenne, les caractéristiques d'implantation du pylône (hauteur, coordonnées géographiques), la zone de couverture, les emplacements disponibles sur le pylône, la hauteur nécessaire d'implantation des antennes, le volume, le poids, la prise au vent des antennes et enfin, anticiper le cas échéant les travaux de renforcement du pylône. Aussi, l'offre de référence de TDF dans son volet hébergement, renvoie, sur la question de la prestation d'hébergement pylône, à une étude préalable de faisabilité. Cette étude est demandée par l'opérateur alternatif intéressé dans la foulée de la publication de son offre de référence par TDF ".
Ainsi que l'a souligné la société Itas Team (pièces 3475 et SS), il faut disposer en définitive d'un délai minimum de trois mois entre la publication de l'offre et la réponse à l'appel d'offre : " En principe, la société TDF respecte un délai minimum de trois mois entre la publication de son offre de référence et la date de réponse à l'appel d'offres, par analogie avec le délai de préavis requis par l'ARCEP dans l'hypothèse d'une modification de l'offre de référence (article 6 de la décision de l'ARCEP 2009-0484 du 11 juin 2009). Ce délai permet aux opérateurs alternatifs de préparer leurs offres sur la base de cette offre de référence et, partant, de participer à l'appel d'offres. Sans disposer de l'offre de référence dans un délai de cet ordre, un opérateur souhaitant être hébergé chez TDF ne peut faire une offre concurrente aux multiplexes sur le marché aval " (c'est la cour qui souligne).
Il résulte de ce qui précède qu'en communiquant le 13 avril 2010 une offre encore incomplète, moins d'un mois seulement avant la date de dépôt des offres, même à la supposer repoussée au 10 mai 2010, sans aucune justification objective, la société TDF a commis un abus de position dominante.
d) Sur les effets de la pratique
La société TDF prétend que la pratique n'a eu aucun effet, la société Outremer Telecom ayant renoncé à répondre à l'appel d'offres pour des raisons étrangères au retard de l'offre, notamment en raison de son impréparation.
La société Outremer Telecom affirme s'être trouvée évincée de tous les marchés qu'elle convoitait. Elle soutient que les effets anticoncurrentiels potentiels des pratiques sont établis, et suffisants pour établir le caractère abusif des pratiques.
La cour approuve l'Autorité d'avoir estimé que si les effets de la pratique n'avaient pas à être démontrés, ils s'étaient manifestés, en l'espèce, par l'éviction de tous les concurrents de la société TDF et par sa captation de tous les marchés de l'outre-mer pendant cinq ans.
La société Outremer Telecom a déposé une offre dont la crédibilité n'est pas sérieusement contestée, s'est impliquée dans le dialogue compétitif et a effectué de nombreuses démarches qui démontraient son intérêt pour les marchés en cause, sans que soient établies sa prétendue " légèreté " ou impréparation.
Conclusion
Il résulte de ce qui précède que, ainsi que le constate l'Autorité, au point 195 de sa décision, le comportement de la société TDF a contribué à une asymétrie d'informations entre ses concurrents et elle, en ne leur permettant pas d'apprécier, d'un point de vue tant technique que tarifaire, leurs besoins en matière d'hébergement sur les pylônes de la société TDF. Sans accès aux principes de tarification avant le 13 avril 2010, et encore de façon incomplète, les autres diffuseurs se sont retrouvés privés de la possibilité de chiffrer correctement, même de façon approximative, le recours à ces équipements et ont, par voie de conséquence, été empêchés de formuler des offres commerciales précises au stade de l'ouverture de la phase de dialogue compétitif, puis des offres définitives. L'absence de publication s'est donc traduite par des conditions d'accès dégradées aux infrastructures, tandis que la société TDF disposait de son côté de la maîtrise complète des coûts et des données en cause, qu'elle pouvait valoriser au mieux de ses intérêts, ce qu'elle a fait en déposant une offre détaillée dès le 3 mars 2010. Alors qu'elle devait publier son offre d'hébergement, dès le début des appels d'offre et au plus tard le 3 mars 2010 , elle n'a finalement publié son offre que le 13 avril 2010, soit avec un retard de plus d'un mois.
4. Sur la demande de réformation de la décision
Les requérantes soutiennent que l'Autorité n'aurait pas respecté l'article L.464-2 du Code de commerce et le communiqué sanctions dont elle ne peut s'affranchir, au nom de la prévisibilité de la sanction, au motif que cette liberté serait favorable à la société TDF.
Elles affirment que la sanction imposée par l'Autorité de la concurrence ne trouve aucune justification en droit de la concurrence, mais en droit de la régulation, qui ne relève pas de la compétence de l'Autorité (a). En outre, elles soutiennent que le quantum de la sanction a été fixé selon une méthode erronée, tant au niveau du montant de base (b) et des coefficients censés refléter la gravité et le dommage à l'économie (c), que de l'appréciation des éléments d'individualisation (d).
a) Sur le fondement de la sanction
Les requérantes prétendent que la sanction imposée par l'Autorité de la concurrence ne trouve aucune justification en droit de la concurrence, en l'absence de toute éviction par les tarifs, la société TDF s'appliquant les mêmes tarifs qu'à ses concurrents sur le marché aval, et en l'absence de démonstration d'un quelconque surenchérissement du coût, pour la société France Télévisions, de la diffusion du multiplex ROM 1 en mode numérique. Elles soutiennent que l'Autorité sanctionne en réalité la violation d'une obligation réglementaire que seule l'ARCEP pourrait sanctionner, selon l'article L. 36-11 du code des télécommunications, qui prévoit une mise en demeure préalable et un plafond de 3 % du chiffre d'affaires. Elle ajoute que l'ARCEP n'a pas sanctionné cette pratique.
Mais l'Autorité souligne à juste titre qu'elle n'a pas sanctionné la société TDF sur le fondement d'une obligation réglementaire, mais eu égard à sa responsabilité particulière d'entreprise en position dominante de communiquer à ses concurrents les informations indispensables pour leur permettre de concourir avec elle sur un marché aval. Dans ce cadre, il ne lui est pas reproché de discrimination tarifaire. Par ailleurs, les dispositions de l'article L.464-2 du Code de commerce ne requièrent nullement que soit démontré que la société France Télévisions aurait subi un dommage du fait des pratiques. Enfin, la circonstance que l'ARCEP n'ait pas sanctionné la société TDF est sans emport, comme il a été vu prédédemment.
b) Sur le montant de base
Concernant le montant de base, les requérantes soutiennent que l'Autorité s'est écartée des dispositions de son communiqué sanctions, en retenant la somme des recettes tirées de l'exécution des contrats sur cinq ans. Pour le calcul de la valeur des ventes, l'Autorité aurait dû ne prendre en compte que la valeur des ventes réalisées lors du dernier exercice comptable de participation à l'infraction, soit en l'espèce 2010, selon l'article 33 du communiqué. Elle aurait également pu prendre comme référence l'une des autres années d'exécution du contrat ou encore une moyenne des cinq années d'exécution du contrat. En outre, seul le chiffre d'affaires tiré des contrats serait concerné par les griefs de l'Autorité à l'encontre de la société TDF, et non les prestations annexes (intervention, prestations transport, demande de diffusion supplémentaire). L'Autorité aurait également dû tenir compte de la durée de l'infraction et non de la durée de ses effets subséquents. Elles ajoutent que l'Autorité ne pouvait prétendre que l'application de la méthode de calcul traditionnelle aurait conduit à retenir un montant plus important car il aurait fallu prendre en compte la valeur des ventes de la société TDF issues de la TNT en métropole et dans l'outre-mer : en effet la pratique décisionnelle constante de l'Autorité consisterait à prendre le chiffre d'affaires du site de diffusion en amont. Selon la société TDF, la référence que fait l'Autorité à la décision du Conseil constitutionnel du 14 octobre 2015 (Grands Moulins de Strasbourg) serait erronée.
L'Autorité de la concurrence soutient que le communiqué sanctions prévoit que la méthode permettant de déterminer le montant des sanctions pécuniaires peut être adaptée dans le cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur des appels d'offres ponctuels, ne relevant pas d'une infraction complexe et continue. S'agissant plus précisément de la valeur des ventes retenue, elle affirme que ce même communiqué prévoit que la méthode de calcul peut être adaptée si la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutit à un résultat ne reflétant pas l'ampleur économique de l'infraction. Elle soutient que tel était le cas en l'espèce. Concernant la durée de l'infraction, l'Autorité affirme avoir pris en compte l'exécution des contrats jusqu'à leur terme car le retard de publication de l'offre de référence a produit ses effets tout au long des cinq années d'exécution des contrats.
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L'Autorité a exposé, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle s'écartait du mode traditionnel de calcul de la valeur des ventes, figurant au point 23 du communiqué du 16 mai 2011.
En vertu de cet article : " Pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient, comme montant de base de la sanction pécuniaire, une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction ou, s'il y a lieu, les infractions en cause. La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part. Elle est donc retenue par l'Autorité, à l'instar d'autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d'affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l'ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s) ".
Le point 39 de ce communiqué réserve la faculté d'adapter cette méthode lorsque la référence à la valeur des ventes aboutirait à un résultat ne reflétant " manifestement pas de façon appropriée l'ampleur économique de l'infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y a pris part ".
Au point 237 de sa décision, l'Autorité expose que l'application de la méthode traditionnelle reviendrait ici à calculer la valeur des ventes sur le marché national de services de diffusion hertzienne terrestre de la télévision numérique, comprenant également le marché métropolitain, alors que les pratiques en cause n'ont eu pour effet que de fausser les appels d'offres sur les marchés ultramarins. Retenir cette valeur aurait donc maximisé la valeur des ventes et ne refléterait pas l'ampleur économique de l'infraction. L'Autorité rappelle par ailleurs dans ses observations que le titre V du communiqué sur les sanctions prévoit expressément une méthode spécifique en ce qui concerne les pratiques mises en 'œuvre à l'occasion d'appel d'offres. Ce titre V énonce que " la méthode décrite à la section IV.A.2 ci-dessus sera adaptée dans les cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur un ou plusieurs appels d'offres ponctuels et ne relevant pas d'une infraction complexe et continue " (§ 67 du communiqué). Le paragraphe 68 prévoit que " Le montant de base de la sanction pécuniaire résultera alors de l'application d'un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, au chiffre d'affaires total réalisé en France par l'organisme ou par l'entreprise en cause, ou par le groupe auquel l'entreprise appartient, en principe pendant l'exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l'infraction ou du dernier exercice comptable complet s'il en existe plusieurs. (.) ".
La Cour estime que l'Autorité de la concurrence a, en l'espèce, justifié l'application d'un calcul différent de celui préconisé au point 23 de son communiqué, s'inspirant exactement de l'exception prévue au Titre V de celui-ci, concernant les marchés publics.
Cette application d'un mode de calcul différent de celui du paragraphe 23 n'est pas inédite, puisqu'elle est déjà intervenue dans le secteur des ententes dans les marchés publics, mais le même raisonnement peut être étendu aux pratiques abusives visant à évincer les compétiteurs d'appels d'offres, qui perturbent le processus concurrentiel attendu de la part de la collectivité publique ou du maître d'ouvrage. En effet, la valeur des ventes ne constitue pas, dans un tel cas de figure, un indicateur approprié de l'ampleur économique des pratiques en cause, qui revêtent un caractère instantané mais impactent la structure et le fonctionnement concurrentiel du marché au-delà de leur seule période de commission, pendant toute la durée des contrats de diffusion.
L'Autorité aurait donc pu, en l'espèce, se fonder sur le chiffre d'affaires total réalisé en France par la société TDF. Mais, ce chiffre n'aurait pas davantage reflété l'impact économique de la pratique, limité à la diffusion de la TNT Outre-mer. En prenant comme valeur pertinente des ventes en relation avec l'infraction " la somme des recettes tirées par TDF de l'exécution des contrats conclus en 2010 avec France-Télévision pour le déploiement de la TNT en outre-mer ", l'Autorité a retenu un mode de calcul beaucoup plus favorable à la société TDF et adapté à l'ampleur économique de l'infraction.
Contrairement à ce qui est soutenu, le caractère ponctuel du retard allégué ne constitue pas un facteur d'atténuation de la gravité de la pratique, puisque l'atteinte au marché s'est déroulée sur toute la durée des contrats. Il y a donc lieu de prendre en compte, pour apprécier la durée de la pratique, celle de l'exécution des marchés. Il ne peut être reproché à cet égard à l'Autorité de ne pas avoir appliqué les règles afférentes à l'impact de la durée des pratiques sur le montant de base des sanctions, définies au point 42 du communiqué sanctions, selon lesquelles seule la valeur des ventes de la première année de commission des pratiques est prise en compte intégralement, les années suivantes ne l'étant qu'à hauteur de la moitié. La méthode décrite à la section IV.A.2, adaptée pour les pratiques d'appels d'offres, déroge en effet à ce point 42.
La référence pertinemment effectuée par l'Autorité, dans ses observations (§ 84), à la décision du Conseil constitutionnel du 14 octobre 2015 (n° 2015-489 QPC, société Grands Moulins de Strasbourg) permet, en effet, de rappeler qu'est prise en compte, dans la fixation des sanctions, la circonstance que les pratiques peuvent continuer à procurer des gains illicites, après leur commission, ce qui est manifestement le cas en matière d'appels d'offres. Ainsi que la cour d'appel l'a jugé, " pour avoir un sens, l'appréciation de la durée de mise en œuvre ne saurait être déconnectée de celle des effets de la pratique, lorsque ceux-ci ont perduré au-delà des faits en cause " (18 décembre 2014, société Sanofi SA, n° 2013/12 370).
Il ne peut davantage être fait grief à l'Autorité de ne pas avoir retenu la moyenne annuelle de l'exécution du contrat, car alors, le montant de base n'aurait pas reflété la contribution de la société TDF à l'infraction.
C'est donc sans encourir les griefs d'arbitraire ou d'imprévisibilité que l'Autorité a retenu le montant de 35,5 millions d'euro comme montant de base de l'amende.
La société TDF, qui prétend que des prestations annexes seraient comprises dans le montant retenu (intervention, prestations transport, demande de diffusion supplémentaire) et devraient par conséquent en être soustraites, n'en apporte aucun commencement de preuve. Ce moyen sera donc rejeté.
La société TDF soutient encore que l'approche de l'Autorité de la concurrence serait contraire à sa pratique décisionnelle habituelle, citant à cet égard la décision du 11 juin 2015 relative à des pratiques de la société TDF, selon laquelle le marché de gros amont est restreint au site en cause et ne revêt pas une dimension nationale.
Mais cette décision n'est pas pertinente en l'espèce puisqu'elle est relative à un abus de position dominante commis par la société TDF sur un site particulier, celui de la tour Eiffel, tandis que la pratique qui lui est ici reprochée est une pratique d'abus de position dominante sur un marché étendu aux territoires ultramarins. L'Autorité n'encourt donc aucun grief de contradiction.
c) Sur les coefficients reflétant la gravité et l'importance du dommage à l'économie
La société TDF expose que la décision ne tient pas compte de la circonstance que la société Outremer Telecom n'a pas soumissionné à cause des tarifs d'hébergement et que le caractère tardif de la publication de son offre est dû au retard de la publication des gabarits du CSA. Enfin, l'Autorité n'aurait pas tenu compte du fait que la société TDF a publié spontanément son offre technique le 9 avril 2010. Concernant le dommage à l'économie, à le supposer existant, les requérantes exposent que l'Autorité ne mentionne aucune conséquence structurelle concrète qui aurait un impact négatif sur l'économie. Enfin, elles rappellent que les coefficients appliqués dans des affaires précédentes étaient très inférieurs à celui retenu en l'espèce. Ce pourcentage ne serait pas justifié par une quelconque gravité du comportement de la société TDF.
S'agissant de la gravité de l'infraction, l'Autorité rappelle que ce qui est ici en cause est la seule appréciation de la gravité d'un comportement autonome de la société TDF, qui était de nature à empêcher ses concurrents de participer aux appels d'offres. S'agissant de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité soutient s'être fondée sur les effets des pratiques et sur des éléments de nature qualitative.
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Les arguments relatifs à l'insuffisante réactivité de la société Outremer Telecom, au retard du CSA dans la publication des gabarits et à la publication soit disant " spontanée " de l'offre de référence de la société TDF, ont déjà été soulevés et réfutés à propos de la qualification des pratiques. C'est par une exacte appréciation des faits de la cause que l'Autorité a mis en avant dans sa décision la nature d'abus d'exclusion de la pratique en cause et la responsabilité particulière pesant sur un ancien monopole légal de ne pas s'opposer à l'émergence de la concurrence.
L'Autorité a exactement relevé, s'agissant de l'appréciation du dommage à l'économie, qu'il ne lui appartenait pas d'évaluer la perte du surplus de l'acheteur, que la société France Télévisions était contrainte par le calendrier de déploiement de la TNT en outre-mer, ce qui ne lui permettait pas de différer de façon notable la date limite de dépôt des offres, et que le comportement de la société TDF a fermé les territoires ultra marins à la concurrence pendant une période de cinq ans correspondant à la durée d'exécution des contrats.
Enfin, la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité en matière de sanctions ne saurait la lier, dès lors que les faits concernés et les circonstances de leur commission ne sont pas identiques et appellent des appréciations différentes.
Il en résulte que l'Autorité n'a pas commis d'erreur en retenant une proportion de 10 % de la valeur des ventes affectées par l'infraction, pour déterminer l'assiette du montant de base de la sanction.
d) Sur les éléments d'individualisation
La société TDF soutient que l'Autorité de la concurrence n'a pas tenu compte des circonstances atténuantes invoquées par elle pendant la procédure. Aucune référence n'est faite dans la décision à la circonstance selon laquelle l'infraction a été encouragée par les pouvoirs publics. De même, les particularités des territoires d'outre-mer, caractérisés par un contexte incertain quant aux obligations applicables à la société TDF, n'ont pas été prises en compte. Elle affirme également que les conditions de la réitération n'étaient pas réunies, les pratiques pour lesquelles elle a été sanctionnée en 2009 n'étant pas similaires à celles en cause en l'espèce. En toute hypothèse, l'Autorité lui aurait infligé une majoration excessive au titre de la réitération. Enfin, la société TDF soutient que la sanction infligée la prive de toute rémunération liée à l'exécution du contrat de diffusion de la TNT en outre-mer au cours des cinq dernières années.
L'Autorité de la concurrence estime qu'elle n'avait pas à retenir les circonstances individuelles dont fait état la société TDF, compte tenu des développements précédents sur le bien-fondé du grief d'abus de position dominante. Elle rappelle également que lorsque la décision est motivée en fait et en droit, elle n'est pas tenue d'examiner de manière exhaustive la totalité des arguments des requérants. Sur la majoration de la sanction au titre de la réitération, l'Autorité soutient que les pratiques reprochées en l'espèce et celles sanctionnées en 2009 sont similaires. Elle affirme avoir tenu compte du délai de onze ans qui s'est écoulé entre ces infractions en retenant un coefficient multiplicateur de 20 %, alors que le communiqué sanctions prévoit que le montant intermédiaire de la sanction peut être augmenté d'un pourcentage compris entre 15 et 50%.
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La société TDF ne démontre pas que le comportement qui lui est reproché aurait été encouragé ou validé par les pouvoirs publics. Elle ne démontre pas davantage que ses obligations en outre-mer auraient été incertaines. La cour renvoie, à cet égard, aux développements relatifs aux pratiques.
Sur la majoration du montant de la sanction au titre de la réitération, il convient de souligner que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé, dans deux arrêts récents, que les conditions de la réitération étaient réunies dès lors que l'entreprise a été précédemment sanctionnée pour avoir commis une " infraction de même type ". La Cour a précisé à ce sujet que " la qualification de la réitération n'exige pas que les infractions commises soient identiques quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné, qu'il s'agisse du marché de produits ou services ou du marché géographique, et qu'elle peut être retenue pour de nouvelles pratiques identiques ou similaires, par leur objet ou leurs effets, à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction " (Cass.com. 6 janvier 2015, pourvoi n° 13-21.305).
En l'espèce, le Conseil de la concurrence avait, dans la décision n° 99-D-14, sanctionné la société TDF pour avoir mis en 'œuvre des pratiques visant à limiter l'accès de ses concurrents au marché des prestations d'installation et de maintenance de matériels de réémission choisis par des collectivités locales en refusant, dans des conditions discriminatoires et non transparentes, d'autoriser l'installation de ces matériels sur les sites qu'elle exploitait. Cette pratique, qui consistait en un abus de position dominante sur les marchés de la diffusion hertzienne des chaînes nationales privées et de la maîtrise d'œuvre pour le compte des collectivités locales, avait pour objet et pour effet d'empêcher ou d'entraver l'accès de concurrents à ces infrastructures. Elle était donc de même nature que celle reprochée à la société TDF dans la présente affaire. La décision 99-D-14 peut donc être retenue comme premier terme de la réitération.
Enfin, l'Autorité de la concurrence a tenu compte du délai de 11 ans qui s'est écoulé entre le précédent constat d'infraction et les pratiques en cause pour fixer à 20 % le coefficient multiplicateur.
La circonstance que l'amende soit équivalente à cinq années d'exécution du contrat litigieux et aboutisse à confisquer le bénéfice tiré de l'infraction n'est pas en soi critiquable, car la confiscation du profit fait partie du risque encouru par les entreprises qui mettent en œuvre des pratiques anti-concurrentielles et participe à l'effet dissuasif de la sanction. La société TDF ne versant aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'elle serait dans l'impossibilité manifeste de s'acquitter de cette amende, ce moyen, inopérant, doit être rejetée.
Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des moyens de réformation invoqués par la société TDF et ses co-requérantes.
e) Sur l'article 700 du NCPC
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Outremer Telecom les frais qu'elle a été contrainte d'exposer dans le cadre du présent recours et ne sont pas compris dans les dépens. En conséquence les requérantes seront condamnées à lui verser la somme de 50 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : Constate le désistement des sociétés Tyrol Acquisition 1 & Cie SCA et Tyrol Acquisition 1 SARL - Annule la décision en ce qu'elle applique l'article 102 du TFUE aux pratiques commises à Wallis et Futuna, Rejette la demande de mise hors de cause des sociétés Tyrol Acquisition 1 et Tyrol Acquisition 2, Rejette pour le surplus le recours des sociétés TDF, Tyrol Acquisition 1 SAS et Tyrol Acquisition 2 SAS, Condamne la société TDF et les sociétés Tyrol Acquisition 1 et 2 aux dépens de l'instance, Condamne la société TDF et les sociétés Tyrol Acquisition 1 et 2 à payer à la société Outremer Telecom la somme de 50 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.