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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 8 septembre 2016, n° 12-16986

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

JND Diffusion (SARL)

Défendeur :

Platek Light (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Boulan, Michalon, Badie, Cabanes

T. com. Aix-en-Provence, du 12 avr. 2010

12 avril 2010

EXPOSE DU LITIGE

La société JND Diffusion créée en juillet 2004, exerce une activité de commerce de gros interentreprises de fournitures et d'équipements divers pour le commerce et les services.

A la fin de l'année 2004, la société JND Diffusion est devenue distributeur exclusif pour la région PACA (04, 05, 06, 13, 83, 84), des produits d'éclairage architectural fabriqués par la société de droit italien Platek Light et destinés à une clientèle d'entreprises et de collectivités publiques.

En février 2008, une réunion a eu lieu entre la société Platek Light et l'ensemble des distributeurs français au cours de laquelle ont été évoqué les améliorations nécessaires concernant les produits et services ainsi que les projets de développement de l'entreprise.

Par courrier électronique du 6 mai 2008, la société Platek Light a informé ses partenaires commerciaux qu'elle faisait procéder aux études de faisabilité et aux adaptations industrielles liées en vue de réaliser les objectifs discutés en février 2008.

Le 25 juin 2008, la société Platek Light a rencontré ses partenaires commerciaux et leur a demandé de mettre en place une organisation plus performante de distribution.

Par courrier électronique du 1er juillet 2008 adressé à la société JND Distribution, la société Platek Light lui a rappelé les objectifs fixés et les investissements industriels lourds liés au développement de la société, tels qu'exposés au cours de la réunion du 25 juin 2008, et lui a précisé notamment :

"JND ne nous semble pas à ce jour couvrir suffisamment en terme de présence commerciale la région confiée et être en phase pour la réalisation de nos objectifs 2009.

Nous nous rencontrerons à nouveau à partir du mois de septembre pour faire un point sur les orientations de JND en terme de structure et également en terme de remise, d'objectifs de chiffre d'affaire, de contrat de partenariat et d'intéressement".

Par courrier électronique du 12 novembre 2008, la société Platek Light a informé la société JND Diffusion qu'à défaut d'adhérer aux objectifs fixés au cours des mois précédents et de réponse dans la semaine, elle mettrait un terme à leur relation commerciale avec un délai de préavis de trois mois.

Par courrier du 18 novembre 2008, la société JND Diffusion a indiqué à la société Platek Light qu'elle ne pouvait envisager une modification de structure et un investissement supplémentaire qu'après avoir une vision claire des nouveaux éléments, et que les nouveaux produits étaient pour elle hypothétiques et en attente de concrétisation.

Par courrier du 3 décembre 2008, la société Platek Light a notifié à la société JND Diffusion la rupture de leurs relations commerciales à compter du 1er mars 2009, en lui rappelant qu'elle avait réalisé des investissements lourds en 2008 afin de développer une nouvelle offre de produits commercialisables à partir du début de l'année 2009, qu'elle avait annoncé de longue date ses objectifs de développement nécessitant des distributeurs un investissement et une réorganisation importants, que seuls les distributeurs ayant une couverture commerciale forte s'appuyant sur plusieurs commerciaux étaient en mesure de répondre aux objectifs fixés, et qu'elle avait choisi de travailler sur la région PACA avec la société Vision disposant d'une couverture commerciale adéquate à laquelle elle confiait à compter du 1er mars 2009 la coordination des activités de vente et de prescription des produits Platek.

Par courrier du 8 décembre 2008, la société JND Diffusion a contesté le motif de la rupture et a indiqué à la société Platek Light qu'elle attendait avant le 30 décembre 2008 des propositions d'indemnisation de ses divers préjudices résultant de la rupture brutale et injustifiée de leurs relations.

Par courrier du 3 février 2009, le conseil de la société JND Diffusion a réclamé à la société Platek Light le paiement de la somme de 224 000 euros à titre d'indemnisation, compte tenu du fait qu'il s'agissait de la rupture d'une relation de distribution exclusive de matériels de la marque Platek représentant à elle seule 75 % du chiffre d'affaire de la société JND et que le prévis aurait dû avoir une durée minimale de 6 mois.

Par courrier du 19 février 2009, le conseil de la société Platek Light a répondu que le refus de la société JND Diffusion de se plier à sa nouvelle stratégie commerciale avait conduit à la rupture de leurs relations commerciales et a proposé une prolongation du préavis de trois mois.

Par courrier du 11 mars 2009 adressé à la société Platek Light, le conseil de la société JND Diffusion a informé cette dernière que JND maintenait ses réclamations, qu'elle refusait la proposition faite par la société Platek Light de rallonger la durée de préavis, et qu'elle assignerait la société Platek Light à défaut de contre-offre très sérieuse de sa part dans les huit jours.

Par acte du 16 mars 2009, la société Platek Light a assigné la société JND Diffusion devant le Tribunal de Brescia en Italie aux fins de voir établir et déclarer que le rapport commercial entre les parties avait cessé et que la société Platek Light n'était tenue au versement d'aucun dédommagement et/ou indemnisation.

La société JND Diffusion a soulevé l'incompétence de la juridiction italienne au profit du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

Par acte du 27 juillet 2009, la société JND Diffusion a assigné la société Platek Light devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins de voir :

- déclarer le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence compétent,

- constater que la rupture par la société Platek Light est abusive et fautive,

- condamner la société Platek Light au paiement de diverses sommes,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la société Platek Light aux dépens.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2010, le tribunal de commerce a :

- rejeté comme injustifiée l'exception de litispendance soulevée par la société Platek Light Srl et retenu sa compétence

Sur le fond

- rejeté comme tout aussi injustifiées toutes les demandes, fins et conclusions de la société JND Diffusion à l'encontre de la société Platek Light,

- rejeté comme encore injustifiée la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société Platek Light,

- condamné néanmoins la société JND Diffusion à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société JND Diffusion aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 22 avril 2010, la SARL JND Diffusion a régulièrement relevé appel de cette décision à l'encontre de la SRL Platek Light

Par arrêt avant dire droit du 13 avril 2011, cette Cour a :

- enjoint aux parties de fournir sous peine de radiation et au plus tard le 31 mai 2011 tous renseignements sur :

l'état de la procédure engagée devant le Tribunal de Brescia (Italie) par la société Platek Light

sa régularité au regard du droit italien applicable et ce notamment par la production de toutes conclusions déposées et/ou échangées de toutes jurisprudences en la matière, doctrine, textes législatifs et réglementaires

- enjoint aux parties sous la même sanction de conclure au plus tard le :

30 juin 2011 pour la société Platek Light

29 juillet 2011 pour la société JND Diffusion

Par arrêt du 16 novembre 2011, cette Cour a infirmé le jugement déféré et a sursis à statuer sur l'instance engagée par la SARL JND Diffusion jusqu'à décision sur la compétence du Tribunal de Brescia par la juridiction italienne.

Par ordonnance du 4 juillet 2012, le conseiller de la mise en état a :

- prononcé la radiation de l'affaire et sa suppression du rang des affaires en cours jusqu'à accomplissement des formalités prévues à l'article 373 du Code de procédure civile,

L'affaire a été réenrôlée le 12 septembre 2012.

Par jugement des 9-17 décembre 2013, le Tribunal de Brescia s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction française.

Par arrêt du 8 octobre 2015, la Cour d'appel de Brescia a :

- rejeté l'appel interjeté par la société Platek Light SRL contre le jugement des 9-17 décembre 2013 du Tribunal de Brescia

- condamné la partie demanderesse à payer à la partie défenderesse les dépenses de cet appel, qu'elle a fixé à la somme de 4000 euros outre les frais forfaitaires et les accessoires prévus par la loi avec distraction au bénéfice de l'avocat défenseur.

Dans ses dernières conclusions du 9 juin 2016, la société JND Diffusion demande à la cour de :

- recevoir l'appel de la société JND Diffusion et le dire bien fondé,

- constater que la rupture par la société Platek Light est abusive et fautive,

- condamner en conséquence la société Platek Light à verser à la société JND Diffusion avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 février 2009 pour manquement à ses obligations :

la somme de 32 902,14 euros (6 mois de préavis) au titre de l'indemnisation de préavis insuffisant

la somme de 2 000 euros au titre des frais de matériels d'essais et d'échantillons

la somme de 40 971,00 euros au titre des frais de déplacement et de prospection

la somme de 80 500 euros au titre des frais de personnels

la somme de 20 000 euros au titre des frais de recherches et de promotions de la nouvelle carte évaluée sur 2 ans,

- condamner en conséquence, la société Platek Light à verser à la société JND Diffusion pour manquement à ses obligations :

la somme de 192 000 euros au titre de la rupture brutale entraînant la perte et le détournement des clients

la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et de l'atteinte à la réputation,

- condamner au titre de l'abus du droit d'ester en justice, la société Platek Light à verser à la société JND Diffusion la somme de 10 000 euros,

- condamner la société Platek Light à payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Platek Light aux entiers dépens avec distraction.

Dans ses dernières conclusions du 28 avril 2016, la société Platek Light demande à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement dont appel,

- débouter la société JND Diffusion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées,

- dire qu'en l'état d'une relation commerciale n'excédant pas 4 années, le préavis donné par la société Platek Light à la société JND Distribution d'une durée totale de 6 mois est amplement suffisant, au regard de la jurisprudence constante en la matière, la rupture étant elle-même clairement causé par le refus persistant de la société JND Diffusion de développer le marché en procédant à certains investissements, corolaires des propres investissements réalisés par la société Platek Light,

- dire que l'action engagée par la société JND Diffusion est abusive, et la condamner en conséquence au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- condamner la société JND Diffusion à payer à la société Platek Light une somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les pièces rédigées en langue italiennes et non traduites

Les courriers du 10 décembre 2008 adressé par la société Platek Light à la société JND Diffusion et du 19 février 2009 adressé par le conseil de la société Platek Light à la société JND Diffusion, qui figurent aux numéros 17 et 19 du bordereau de pièces de chaque partie, sont rédigés en langue italienne et ne sont pas traduits.

Ils seront en conséquence déclaré irrecevables.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société JND Diffusion soutient :

- que la société Platek Light a rompu brutalement ses relations commerciales en agissant de mauvaise foi et sans respecter le préavis initial,

- que la société Platek Light a proposé dans sa lettre de rupture du 3 décembre 2008 reçue le 5 décembre 2008, un préavis de 3 mois, particulièrement insuffisant et constituant à lui seul une brutalité dans la rupture, alors que la concluante aurait dû bénéficier d'un préavis de six mois afin de pouvoir contacter de nouveaux fournisseurs et répondre aux appels d'offre des collectivités et établissements publics,

- que la concluante n'a pas accepté le report fictif et tardif du préavis offert le 19 février 2009 neuf jours avant la fin du préavis, alors que la société Vision travaillait déjà sur son secteur,

- que seul le délai de trois mois initialement proposé peut être pris en considération, et qu'il convient d'accorder à la concluante un préavis de six mois en raison du particularisme propre aux marchés publics,

- qu'en outre la société Platek Light n'a pas respecté ce préavis de trois mois dès lors qu'elle a introduit la société Vision sur le secteur de la concluante, suite à la notification de la rupture, et que la société Vision a récupéré deux marchés alors que la concluante était distributeur exclusif pendant cette période,

- que la société Platek Light a engagé sa responsabilité en entretenant l'incertitude chez la concluante sur son intention de rompre,

- que la rupture brutale des relations commerciales n'est justifiée par aucun motif,

- que la société Platek Light n'a cessé de reprocher à la concluante de ne pas faire d'efforts pour se conformer aux objectifs clairement indiqués alors qu'elle n'a jamais exposé lesdits objectifs pour la région PACA, mais uniquement sur le plan national et ce de manière irréaliste,

- qu'aucun distributeur français n'a reçu d'objectifs particuliers,

- que la concluante a toujours affirmé sa volonté de poursuivre sa relation commerciale avec la société Platek Light et d'amplifier cette collaboration en prenant les mesures nécessaires,

- que la société Platek Light est fautive pour n'avoir pas fourni à la concluante d'objectif particulier lui permettant de s'organiser et remis le nouveau catalogue avec les tarifs 2009.

La société Platek Light fait valoir :

- que la concluante a modifié sa stratégie commerciale en améliorant ses produits et en créant de nouveaux produits, ce qui a nécessité un investissement considérable, et qu'elle a défini ses objectifs dès le mois de février 2008 puis par courrier du 6 mai 2008, puis au cours d'une rencontre en juin 2008,

- que la concluante voulait pouvoir s'appuyer sur des partenaires solides, capables de superviser leur secteur de manière efficace et autonome,

- que la société JND Diffusion a manifesté clairement qu'elle ne souhaitait pas faire les investissements nécessaires en terme d'agrandissement de structure et d'organisation,

- que dès le 12 novembre 2008, la concluante a notifié à la société JND Diffusion qu'elle mettrait un terme à leur relation commerciale si cette dernière n'acceptait pas de revoir son organisation et sa structure,

- qu'en l'espèce, la rupture n'a été ni imprévisible, ni soudaine, ni violente et ne peut donc être qualifiée de brutale,

- que le préavis de trois mois est suffisant au regard de la durée des relations commerciales,

- que la concluante, dans un souci d'apaisement, a accordé par courrier du 19 février 2009, une prolongation de la durée de préavis jusqu'à six mois à la demande de la société JND que cette dernière a refusé,

- que la société Vision n'est jamais intervenue pendant la durée totale de préavis de six mois accordé à la société JND Diffusion, que la société JND ne rapporte pas la preuve de ses allégations à cet égard, et que la concluante n'a pas violé l'exclusivité consenti à la société JND pendant la durée du préavis de six mois,

- que les relations commerciales entre les parties ont duré quatre ans et non cinq ans, et que le fournisseur ne peut obtenir réparation que du préjudice causé par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même,

- que la société JND Diffusion fait preuve d'une mauvaise foi caractérisée dans sa présentation fallacieuse des relations commerciales entretenues par les parties et des circonstances de la rupture.

Aux termes de l'article L 442-6 5° du Code de commerce :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels [...]".

Il est établi et non contesté en l'espèce que les parties ont entretenu de la fin de l'année 2004 à la fin de l'année 2008 des relations commerciales établies sans contrat, la société Platek Light en qualité de fournisseur et la société JND Diffusion en qualité de distributeur exclusif des produits Platek dans la région PACA.

Les relations commerciales établies peuvent être rompues sans motif à tout moment, la seule limite posée par l'article L. 442-6 5° consistant dans l'octroi d'un délai de préavis suffisant à son partenaire commercial.

Le débat instauré par les parties sur les motifs de la rupture de leurs relations commerciales établies, est en conséquence sans objet.

La brutalité de la rupture peut résulter soit de l'absence d'un préavis écrit, soit de la durée insuffisante du préavis écrit donné.

Par courrier du 3 décembre 2008 reçu le 5 décembre 2008, la société Platek Light a notifié à la société JND Diffusion la rupture de leurs relations commerciales avec un préavis jusqu'au 1er mars 2009.

C'est à la date de la notification de la rupture des relations commerciales qu'il faut en apprécier les conditions peu important selon les conclusions des parties que son auteur ait proposé par courrier du 19 février 2009 quelques jours avant l'expiration du délai, une prolongation de ce préavis refusé par l'autre partie.

En tout état de cause le courrier adressé le 19 février 2009 à la société JND par la société Platek Light étant rédigé en italien et aucune traduction n'en étant produite par les parties, cette pièce est irrecevable.

La finalité du préavis est d'accorder à la société JND Diffusion, un délai suffisant pour trouver un fournisseur équivalent et pour souscrire aux appels d'offre des collectivités.

Au regard de la durée des relations commerciales, de l'exclusivité dont bénéficiait la société JND Diffusion en région PACA et des délais imposés par les appels d'offre des collectivités publiques, le délai de préavis de trois mois est manifestement insuffisant pour lui permettre de mettre en œuvre une solution de remplacement, et la société JND Diffusion est fondée à soutenir le caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies dès lors que le préavis donné par la société Platek Light ne pouvait être inférieur à six mois.

La société JND Diffusion ne rapporte pas la preuve que le délai de préavis donné par le courrier précité, n'aurait pas été respecté par la société Platek Light qui aurait violé l'exclusivité dont cette dernière bénéficiait en confiant la distribution de ses produits à la société Vision pendant la durée du préavis initialement accordé prenant fin le 1er mars 2009 et ce dès la fin de l'année 2008.

Suivant les pièces produites, la société attributaire des travaux de restauration des remparts et du [...] a été la société Pignata avec du matériel Platek, l'attribution du marché étant du 18 mai 2009 soit postérieurement au 1er mars 2009.

Il convient en conséquence de dire, par infirmation du jugement déféré, que le délai de préavis a commencé le 5 décembre 2008 et qu'il aurait dû se terminer le 5 juin 2009 et non le 1er mars 2009.

Sur l'indemnisation de la société JND Diffusion

La société JND Diffusion soutient :

- qu'elle est recevable à demander une indemnité pour préavis insuffisant correspondant au gain manqué pendant une durée de six mois sans prendre en compte les deux mois et 26 jours de préavis accordés par la société Platek Light dès lors que dès le mois de décembre 2008 la concluante n'a plus été en mesure de passer des commandes en raison des agissements de la société Platek Light et Vision empêchant le bon déroulement du préavis,

- que l'évaluation du préjudice doit être fondée sur la perte de marge en se référant uniquement à l'année 2007 et sur la base de six mois de chiffre d'affaire soit 96 771 euros,

- que la concluante réalisait 75 % de son chiffre d'affaire avec la société Platek Light, soit un manque à gagner de 32 902,14 euros pour une marge de 34 %,

- que la concluante doit également être indemnisée de ses frais de matériels d'essais et échantillons, de déplacement et de prospection, de personnel, de recherche, et de promotion de la nouvelle marque LUMTEAM en remplacement de la société Platek Light,

- qu'enfin, la concluante doit être indemnisée du préjudice résultant de la perte et du détournement de clientèle,

- qu'à cet égard, les actes de dénigrement et de détournement de clientèle qui sont constitutifs de concurrence déloyale et sont la conséquence de la rupture brutale des relations commerciales établies, doivent être indemnisés,

- qu'avant 2004, la société Platek Light n'avait pas d'activité dans la région PACA et que la marque n'était pas connue en France,

- que la concluante a créé et développé un portefeuille clients important dans le secteur public ainsi que d'architectes et maîtres d'œuvre dès avril 2004 en tant qu'agent de Maclary et dès 2005 comme distributeur direct et est devenu en 2007 le premier distributeur en France de matériels Platek Light

- que le portefeuille de client qu'elle a développé a été détourné par le nouveau distributeur de la société Platek Light la société Vision, et qu'à ce titre elle doit être indemnisée d'une somme de 192 000 euros correspondant à trois années de manque à gagner sur la base du chiffre d'affaire 2007,

- que la concluante a subi un préjudice moral et que sa réputation commerciale a été entachée en ce que la société Platek Light a laissé entendre à ses distributeurs et notamment à la concluante qu'elle souhaitait poursuivre et accroître sa collaboration avec elle, que ses espoirs et efforts ont été anéantis, et que la société Vision a laissé entendre aux clients contactés que la concluante n'avait pas 'les reins assez solides' sans être démentie par la société Platek Light.

La société Platek Light conclut au rejet des demandes d'indemnisation formées par la société JND Diffusion comme étant dépourvues de fondement.

Sur la demande d'indemnisation au titre de la perte et du détournement de clientèle, elle précise :

- que la société Platek Light était connue dans la région PACA bien avant que la société JND ne distribue ses produits puisque c'est la société Marlary qui s'occupait de ce secteur,

- qu'à la connaissance de la concluante, le chiffre d'affaire de la société JND Diffusion lié aux ventes des produits Platek n'a pas connu une hausse notable par rapport à celui du précédent distributeur, et donc que l'augmentation de la clientèle n'a pas été significatif,

- que la société JND Diffusion ne justifie d'aucune manière ses allégations de détournement de clientèle.

Sur le préjudice moral, elle fait observer que la société JND Diffusion a été avisée de ce que les relations commerciales avec la concluante étaient susceptibles d'arriver à leur terme compte tenu de son manque de coopération, que la concluante n'a formé aucune critique à l'égard de la société JND Diffusion auprès des clients, et que la société JND Diffusion ne rapporte aucune preuve de ses allégations, que la société JND Diffusion est désormais l'agent de la société luxembourgeoise MX Design qui distribue précisément les produits Platek.

Le préjudice ne résulte pas de la rupture elle-même, mais de son caractère brutal qui ne permet pas à la partie qui subit la rupture de prendre les dispositions nécessaires en temps utile pour donner une nouvelle orientation à sas activités.

En l'espèce, l'indemnité pour préavis insuffisant ne peut porter que sur trois mois, et non sur six mois, la société JND Diffusion ne démontrant pas la violation de son exclusivité par la société Platek Light au profit de la société Vision jusqu'au 1er mars 2009, soit un manque à gagner de 16 451,07 euros et non de 32 902,14 euros, ce par référence à la marge de l'année 2007.

Concernant les frais de matériels, d'essais et échantillons, de déplacement et de prospection, de personnel, de recherche et de promotion de la nouvelle marque Lumteam, la société JND Diffusion n'a pas accepté de modifier sa structure et son organisation ainsi que le lui a demandé la société Platek Light à plusieurs reprises, et lui a adressé un courrier le 18 novembre 2008 dans lequel elle indique :

"Les investissements que Platek a réalisé ne se traduisent pas, à ce jour, par de nouveaux produits. Vous comprendrez donc que je ne peux envisager une modification de structure et un investissement supplémentaire qu'après avoir une vision claire de nouveaux éléments (pour rappel le catalogue Platek est quasiment identique à l'ancien). Pour le reste, vous comprendrez que ces nouveaux produits promis par Dominique X sont pour moi encore hypothétiques et dans l'attente d'une concrétisation".

La société JND Diffusion n'a donc pas engagé de nouveaux frais et investissements sur demande de la société Platek Light, qui auraient été rendus inutiles par suite de la rupture brutale des relations commerciales établies.

La demande porte en réalité sur les frais et investissements engagés antérieurement pendant la durée de la collaboration commerciale, ainsi que sur les frais de promotion de la nouvelle marque Lumteam en remplacement de la société Platek Light.

La société JND Diffusion qui a bénéficié de l'exclusivité de la distribution des produits Platek sur la région PACA pendant quatre ans, n'est pas fondée à demander l'indemnisation de frais engagés par elle pendant cette période alors qu'elle a retiré en échange des avantages financiers sous forme de commissions, qu'aucune collaboration commerciale n'est perpétuelle et que le préjudice ne résulte pas de la rupture elle-même.

De même, la société JND Diffusion n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais de promotion de la nouvelle marque Lumteam dont rien n'établit qu'elle aurait remplacé la société Platek Light et en l'absence de toute preuve à cet égard.

La société JND Diffusion sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

La demande fondée sur la perte et le détournement de clientèle s'analyse comme une demande d'indemnisation d'actes de concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Aucune pièce n'est produite concernant la société Vision qui aurait remplacé la société JND Diffusion en qualité de distributeur exclusif des produits Platek en région PACA, dont il convient de relever qu'elle a été immatriculée le 1er février 2006 et placée en liquidation judiciaire le 12 février 2015 selon le Kbis versé au débat.

La société JND Diffusion ne produit aucune pièce démontrant que son portefeuille clients aurait été détourné par la société Platek Light et/ou la société Vision, et qu'elle aurait perdu ces clients à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec la société Platek Light.

Il convient à cet égard de relever que les marchés passés par les collectivités publiques sont précédés d'appels d'offre et que la société JND Diffusion ne peut en conséquence se prévaloir d'un portefeuille de collectivités publiques.

La demande de dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence rejetée.

Concernant la réparation du préjudice moral, les échanges de courrier entre les parties révèlent que la société Platek Light a informé la société JND Diffusion à plusieurs reprises qu'elle souhaitait poursuivre ses relations avec elle sous réserve que cette dernière modifie sa structure et son organisation et lui a dressé une lettre de mise en demeure le 12 novembre 2008 à laquelle la société JND Diffusion a opposé une fin de non-recevoir par courrier du 18 novembre 2008.

La société JND Diffusion ne peut en conséquence alléguer le manque de clarté à son égard de la société Platek Light qui a au contraire été parfaitement claire quant à ses exigences.

Par ailleurs, aucune pièce ne démontre que la société Platek Light et/ou la société Vision auraient eu des propos dénigrants à l'égard de la société JND Diffusion auprès des clients en mettant en doute ses capacités commerciales ou autres.

Le préjudice moral n'étant pas démontré, la demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus d'ester en justice formée par chacune des parties

La société JND Diffusion soutient :

- que la société Platek Light a assigné la concluante devant la juridiction italienne dès le 16 mars 2009,

- que cette procédure, sans aucune demande financière, avait pour seul objectif de priver la concluante de son droit à indemnisation en France, en l'obligeant à attendre la décision de la juridiction italienne et à engager de nombreux frais,

- que le Tribunal de Brescia s'est évidemment déclaré incompétent et que la société Platek Light a relevé appel de cette décision, l'abus d'ester en justice et l'intention de nuire étant manifestes,

- que la procédure française a été injustement retardée.

La société Platek Light ne conclut pas à cet égard.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit, et ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts que dans les cas de mauvaise foi, d'intention de nuire ou d'erreur grossière.

Les parties, qui ne démontrent pas la mauvaise foi ou l'intention de nuire de leur adversaire, seront déboutées de leurs demandes respectives de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

La société Platek Light qui succombe sur le principe de la rupture brutale des relations commerciales établies n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner la société Platek Light à payer à la société JND Diffusion la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort, Déclare irrecevables les pièces figurant aux numéros 17 et 19 du bordereau de pièces de chacune des parties constituées de courriers du 10 décembre 2008 adressé par la société Platek Light à la société JND Diffusion et du 19 février 2009 adressé par le conseil de la société Platek Light à la société JND Diffusion, rédigées en langue italienne et non traduites ; Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Et statuant à nouveau, Déclare la société Platek Light responsable de la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société JND Diffusion, pour lui avoir accordé un préavis insuffisant de trois mois à compter du 5 décembre 2008 ; Fixe à six mois la durée de préavis raisonnable à compter du 5 décembre 2008 jusqu'au 5 juin 2009 ; Condamne la société Platek Light à payer à la société JND Diffusion la somme de 16 451,07 euros à titre d'indemnité de préavis pour une durée de trois mois, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice du 27 juillet 2009 valant mise en demeure ; Déboute la société JND Diffusion de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ; Déboute la société Platek Light de ses demandes fins et conclusions ; Condamne la société Platek Light à payer à la société JND Diffusion la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Platel Light aux entiers dépens de première instance et d'appel.