CA Versailles, 3e ch., 8 septembre 2016, n° 14-04959
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mmes Bazet, Derniaux
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant bon de commande du 7 mai 2009, les époux A. ont acquis un véhicule automobile d'occasion de type BMW, série 5, immatriculé 200 EDA 78 mis en dépôt-vente par M. B. auprès de la société Espace VO International Carmania (la société Carmania) au prix de 11 990 euros. Le certificat de cession du véhicule en date du 25 mai 2009 indiquait un kilométrage de 120 078 km.
Lors d'un contrôle dans un des garages de la marque BMW effectué à l'initiative des époux A. le 6 août 2009, un kilométrage réel de 299 469 km a été relevé.
Par courrier du 1er septembre 2009, les époux A. ont proposé au garage Carmania la résiliation du contrat de vente, le remboursement du prix du véhicule et de l'ensemble des frais exposés. La société Carmania a répondu que le véhicule avait seulement fait l'objet d'un dépôt-vente et qu'elle ne saurait, en conséquence, être tenue responsable de la différence de kilométrage, précisant qu'il leur incombait de se rapprocher de M. B., ancien propriétaire du véhicule.
Dans un courrier du 3 novembre 2009, M. B. a indiqué qu'il ne pouvait être tenu responsable.
Les époux A. ont obtenu par ordonnance du juge des référés du 8 avril 2010 la désignation d'un expert au contradictoire de la société Carmania et de M. B., puis, les 14 juin 2012, 14 février 2013 et 6 mars 2013, ont fait assigner ces derniers et la Matmut, ancien assureur de la société Carmania, devant le tribunal de grande instance de Versailles en résolution de la vente et indemnisation de leurs divers préjudices.
Par jugement du 29 avril 2014 la juridiction a :
rejeté la fin de non recevoir soulevée par M. B.,
prononcé la résolution du contrat de vente du véhicule BMW conclu entre M. B. d'une part et les époux A. d'autre part,
condamné M. B. à restituer aux époux A. la somme de 11 990 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2012,
dit que les époux A. devront restituer sans délai le véhicule BMW, après versement de la somme correspondant au prix du véhicule par M. B.,
condamné M. B. à payer aux époux A. la somme de 466 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire,
rejeté toutes les autres demandes,
condamné M. B. aux dépens.
M. B. a interjeté appel de cette décision à l'encontre des époux A., et, aux termes de conclusions du 16 décembre 2014, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
à titre principal, dire l'action diligentée par les époux A. à son encontre irrecevable au visa de l'article 122 du Code de procédure civile,
à titre subsidiaire, dire l'action en résolution de la vente fondée sur les articles 1603 et 1604, 1184 du Code civil irrecevable et subsidiairement mal fondée,
en tout état de cause, débouter les époux A. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
les condamner à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit de procéder,
les condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.
Par conclusions du 10 novembre 2014, les époux A. prient la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes de dommages intérêts et la demande " d'analyse de l'absence de reprise du véhicule comme un renoncement de M. B. ", et statuant à nouveau, de :
condamner M. B. à leur payer les sommes de :
- 7 290,43 euros au titre du préjudice financier ;
- 3 000 euros à titre de préjudice de jouissance du véhicule ;
- 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
dire qu'à défaut pour M. B. de retirer ledit véhicule dans 'ledit délai', il sera réputé avoir renoncé à la reprise du véhicule,
dire que M. B. deviendra propriétaire du véhicule dès que les fonds auront été crédités sur le compte bancaire des époux A.,
confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
" ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ",
condamner M. B. aux entiers dépens avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2016.
SUR CE,
M. B. soutient, comme il l'avait fait devant le tribunal, que les époux A. sont dépourvus d'intérêt à agir à son encontre au motif qu'il n'a pas procédé à la vente.
Cependant, c'est aux termes de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont déclaré recevable la demande des époux A. à son encontre, rappelant que la société Carminia n'était pas la venderesse du véhicule, puisqu'elle n'a agi que dans le cadre d'un mandat de dépôt vente confié par M. B., lequel restait le seul et unique vendeur, par conséquent seul redevable des obligations résultant de cette qualité.
Il n'est pas discuté par l'appelant que le véhicule a en réalité un kilométrage beaucoup plus important que celui figurant sur le compteur et que les époux A. l'ont acquis affichant un kilométrage de 120 000 km alors qu'il en avait parcouru plus du double (plus de 290 000).
Or, le vendeur qui fournit un véhicule dont le kilométrage réel est supérieur à celui figurant sur le compteur manque à son obligation de délivrance d'un bien conforme aux spécifications convenues entre les parties.
M. B. est donc responsable de ce défaut de conformité vis-à-vis des époux A. peu important qu'il ne soit pas l'auteur de la manipulation du compteur.
La résolution peut être prononcée par le juge en cas d'inexécution partielle dès lors qu'elle porte sur une obligation déterminante de la conclusion du contrat.
Le kilométrage d'un véhicule d'occasion constitue une donnée déterminante pour l'acquéreur, de sorte qu'en l'espèce, une différence de plus du double entre le kilométrage affiché et le kilométrage réel justifie pleinement la résolution du contrat de vente.
Le fait que les époux A. aient effectivement utilisé le véhicule pendant plusieurs années n'est pas incompatible avec cette résolution contrairement à ce que soutient M. B., qui y voit un obstacle de principe à ce que les parties soient " remises en l'état ".
C'est donc à raison que le tribunal a prononcé la résolution de la vente, avec ses conséquences de droit (restitution du prix et remise du véhicule).
Il ne sera pas fait droit à la demande des époux A. tendant à ce qu'il soit dit que M. B. redeviendra propriétaire du véhicule dès que le prix qu'il doit leur restituer sera crédité sur leur compte, puisque le transfert de propriété ne sera précisément effectif que lorsque les deux mesures de restitution auront été réalisées.
En plus de la restitution du prix, le vendeur doit être condamné à des dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné par son manquement à l'obligation de délivrer un bien conforme, en application de l'article 1184 du Code civil, peu important, là encore, qu'il ait ignoré le défaut de conformité de la chose.
La résolution de la vente ayant un caractère rétroactif, c'est à raison que le tribunal a condamné M. B. à verser aux époux A. la somme de 466 euros au titre du remboursement des frais de carte grise.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux A. de leurs autres demandes indemnitaires, en l'absence de démonstration d'un préjudice financier et d'un préjudice de jouissance, étant observé qu'ils ont utilisé le véhicule pendant près de 5 ans et qu'ils ne justifient nullement de ce que les frais exposés pour l'entretien de celui-ci soient liés à son important kilométrage.
Succombant en appel, M. B. sera condamné aux dépens y afférents.
Il versera en outre aux époux A. une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant : Condamne M. B. aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne M. B. à payer à M et Mme A. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Véronique Boisselet, Président et par Madame Lise Besson, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.