CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 23 septembre 2016, n° 14-05811
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sabourin (ès qual.), Clinique du Renaison (SA), Ikonetv (SARL)
Défendeur :
Intens France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Lis Schaal, Nicoletis
Avocats :
Mes Fromantin, Jakubowicz, Lachaud, Schorr, Ortolland, Levy
En 2008, la SAS Intens France, spécialisée dans l'installation, la location et la maintenance de matériel audiovisuel, est entrée en relation avec la SA Clinique du Renaison, qui souhaitait renouveler son installation audiovisuel.
Les négociations menées, pour la société Intens France, par l'intermédiaire de M. Stéphane Pradal, salarié commissionné, ont abouti à la conclusion, le 22 avril 2008, d'un " contrat de location évolutive ", portant sur 136 téléviseurs et 170 coffres-forts, pour un montant total mensuel de 2 976,50 euros HT, sur une durée de 72 mois.
Le contrat mentionnait aux conditions particulières de la location " le contrat comprend :
- La livraison,
- L'installation complète et le réglage
- La maintenance sur site pendant la durée du contrat
- mise à disposition de deux téléviseurs en cas de panne ".
Le procès-verbal de réception du matériel a été signé le 30 octobre 2008.
La Clinique du Renaison n'ayant pas obtenu des établissements de crédit de réponse positive à ses demandes de financement pour l'acquisition du matériel, les parties ont décidé de structurer différemment leur partenariat, la société Intens France assurant elle-même le financement du projet.
Le 7 janvier 2009, les sociétés Intens France et Clinique du Renaison ont régularisé un " contrat de prestations de services ", annulant et remplaçant le contrat du 22 avril 2008 et modifiant les modalités financières, qui portait sur l'ensemble des téléviseurs déjà mis en place et l'installation d'une borne de gestion permettant aux patients de régler directement par carte bleue la location des téléviseurs à leur disposition dans les chambres.
Le même jour, 7 janvier 2009, les sociétés Intens France et Clinique du Renaison concluaient un "contrat de location évolutive" pour la location de 170 coffres forts électroniques, d'une durée de 72 mois, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 255 euros HT.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 juillet 2009, la société Intens France adressait à la Clinique du Renaison, pour signature à l'issue de la période de tests, le procès-verbal de réception du système interactif.
La Clinique du Renaison n'a pas retourné le procès-verbal de réception signé.
Le 29 mai 2009, M. Pradal a été licencié par la société Intens France. Au mois de janvier 2010, M. Pradal a créé la société Ikonetv, dont l'activité est concurrente de celle de la société Intens France.
Par courriel du 12 janvier 2010, la Clinique du Renaison a demandé à la société Intens France de finaliser l'installation dans la semaine du 15 au 21 février 2010, en ces termes " Durant le mois de février du 15 au 21, serait-il possible de finaliser l'installation à la Clinique du Renaison:
- des casques dans les chambres doubles
- le logiciel destiné aux admissions en complément de la borne
- l'installation des nouvelles TV 32 dans les chambres doubles
- l'installation d'un distributeur de casque (voir avec notre CE pour le remplissage)
- remplacement de l'imprimante dans la borne (à vérifier)
- remplacement de la borne avec la suppression du clavier.
Où en est mon devis pour les 950 TV de mon groupe ? ''.
Par courriel du 8 mars 2010, la Clinique du Renaison a adressé à la société Intens France des reproches et a indiqué "je vous rappelle que l'installation a commencé depuis plus de deux ans et qu'à ce jour rien n'est terminé. Sur le contrat il était convenu d'une redevance mensuelle de 1 500 euros à ce jour je n'ai reçu aucune somme de votre part. "
Par courriel du 12 avril 2010, la Clinique du Renaison a fait de nouveaux reproches à la société Intens France en indiquant notamment " Je vous rappelle que je n'ai toujours pas signé le PV de réception et de fin d'installation et je m'aperçois que nous avons de plus en plus de problèmes :
- même TV dans la chambre double (cf + haut)
- carte bancaire sur la borne à saisir
- mécontentement des patients (nombreuses fiches d'événements indésirables de la part de nos patients)
- chaînes non réglées à l'identique dans toutes les chambres
- prises casques non finalisées de plus il a été tiré des câbles téléphones au lieu de câble audio, d'où un son très faible et de très mauvaise qualité
- etc.
Si tous ces problèmes ne sont pas régularisés d'ici la fin de la semaine, je serais dans l'obligation de rompre notre contrat qui nous lie. "
Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mai 2010, la Clinique du Renaison a mis en demeure la société Intens France de finaliser l'installation dans les quinze jours, sinon elle mettrait fin unilatéralement au contrat, " Suite à mon mail du 12 janvier ainsi que ceux du 8 mars et du 12 avril dont vous trouverez ci-joint les copies nous vous mettons en demeure sous 15 jours de finaliser l'installation c'est-à-dire le remplacement des casques dans les chambres doubles des patients.
De régler également le problème des nouvelles cartes bancaires qui ne passent pas dans la borne.
La mise en place d'un distributeur de casques.
Nous avions également conclu d'avoir un logiciel d'ouverture et de fermeture des télévisions au standard.
Il était également convenu d'une redevance de 1 500 euros mensuelle qui aujourd'hui n'a toujours pas été versée.
L'ordonnancement des chaînes sur les télévisions n'est pas identique sur toutes les chambres.
Régulariser le problème des télévisions identiques sur les chambres doubles du 1er étage qui posent d'énormes problèmes avec des codes de télécommandes identiques sur les deux téléviseurs.
L'installation a commencé depuis plus de deux ans et n'est toujours pas terminée aujourd'hui.
Si toutes ces prestations ne sont pas terminées dans les 15 jours nous seront contraints de mettre fin unilatéralement à ce contrat. "
Par lettre recommandée avec avis de réception du 4 juin 2010, la Clinique du Renaison a sollicité l'envoi d'une facture correspondant à la commission qui lui est due, soit 15 422,80 euros TTC, en précisant que cette somme sera déduite de 3 factures et qu'elle réglera la somme restante de 2 577,20 euros TTC.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 2010, la Clinique du Renaison a rompu le contrat en ces termes " Par courrier Recommandé avec AR en date 27 mai 2010, nous vous avons rappelé les différents points de dysfonctionnements et de non réalisation de notre contrat télévision. Nous vous avons laissé 15 jours pour régulariser la situation, et nous constatons qu'à ce jour, seul un problème a été réglé.
De ce fait, nous mettons fin unilatéralement à ce contrat, et ce, dès réception de la présente.
Vous avez jusqu'au 31 juillet 2010 pour venir récupérer votre installation. Passé ce délai, nous ferons appel à un prestataire extérieur pour l'enlèvement à vos frais de votre matériel ".
Par courrier du 22 juin 2010, la Clinique du Renaison a écrit à la société Ikonetv " Après mise en concurrence entre divers fournisseurs, j'ai le plaisir de vous avertir que vous avez été retenu pour le dossier des télévisions de la clinique du Renaison. Pour cela, je vous convie un rendez-vous le lundi 27 juin 15 h pour la signature du contrat et la mise en place des téléviseurs de l'établissement. "
Par courrier du 23 juin 2010, la société Intens France a répondu à plusieurs des réclamations de la Clinique du Renaison.
Le 1er juillet 2010, Maître Desmarthon, Huissier de justice à Roanne, a dressé, à la demande de la société Ikonetv, un constat sur l'état de l'installation des téléviseurs dans les locaux de la Clinique du Renaison, dans lequel il mentionne " J'ai constaté que le son du téléviseur qui a pu être mis en marche après beaucoup de difficultés était faible et uniquement en mono.
Monsieur Pradal m'a indiqué que les téléviseurs installés n'étaient pas des téléviseurs multicodes.
Nous nous sommes ensuite rendus au 3e étage dans la chambre 311/312 où j'ai constaté le même type d'installation avec une difficulté encore plus grande pour entendre dans les écouteurs et ce même en montant le son au maximum. En outre, il s'est avéré que la télécommande des chaînes d'un téléviseur ne fonctionnait pas correctement (difficultés pour passer d'une chaîne à une autre) ".
Le 1er juillet 2010, la Clinique du Renaison a remis à la société Ikonetv un chèque d'acompte d'un montant de 8 234,16 euros sur la facture du 30 juillet 2010.
Par " contrat de vente " du 6 juillet 2010, la Clinique du Renaison a acquis auprès de la société Ikonetv 174 téléviseurs moyennant un prix de 203 320 euros TTC et a versé un acompte d'un montant de 60 996 euros.
Par courriel du 19 juillet 2010, la Clinique du Renaison a écrit à la société Intens France " Suite à la rupture du contrat qui nous lie, je vous prie de bien noter que, après l'enlèvement de vos équipements, vous devrez remettre en fonctionnement les équipements qui étaient en place lors de l'installation de vos répartiteurs. Ces équipements ont été enlevés et stockés par nos soins.
Si toutefois nous devions démonter nous-mêmes votre installation, soyez certain que nous le ferions avec le plus grand soin, mais que nous déclinons toutes responsabilité quant au bon fonctionnement de celui-ci. "
Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 juillet 2010, le conseil de la société Intens France a écrit à la Clinique du Renaison que la " rupture brutale des relations contractuelles ne repose sur aucun motif réel ou sérieux ", que la société Intens France contestait les griefs de pure circonstance dont la clinique faisait état, que, notamment, le matériel avait bien été mis à disposition et les prestations dispensées, que la rupture était intervenue en violation des stipulations afférentes à la durée et à la résiliation du contrat (article 12). La Clinique du Renaison était mise en demeure de régler l'indemnité de résiliation anticipée prévue au contrat.
La société Intens France était informée par son opérateur Internet que la Clinique du Renaison avait interrompu toute connexion à partir du 30 juillet 2010.
Le 30 juillet 2010, la société Ikonetv a émis une facture d'un montant de 27 448,20 euros TTC destinée à la Clinique du Renaison pour "installation d'un nouveau système d'écoute filaire" pour 51 chambres doubles.
Par ordonnance du 16 août 2010, M. le Président du Tribunal de grande instance de Roanne a désigné Maître Rajon, Huissier, pour dresser constat de la présence, l'état, le fonctionnement et la configuration des matériels appartenant à la société Intens France au sein des locaux de la Clinique du Renaison.
L'huissier de justice a dressé un constat le 17 août 2010 mentionnant que la borne Intens Box ne fonctionnait pas, étant débranchée, de même qu'un certain nombre d'autres matériels techniques, que des téléviseurs de la société Intens demeuraient branchés et en état de fonctionnement dans les chambres, que d'autres matériels étaient en place, portant un autocollant " Ikonetv ", que dans le local de l'administration de la clinique "tout le matériel (de la société Intens France) est entreposé pêle-mêle, les écrans ainsi que leurs supports en métal empilés les uns sur les autres, les petits ustensiles vidés dans des cartons", sans que le décompte puisse en être effectué en l'absence de toute source de lumineuse.
Le 21 septembre 2010, la société Intens France a procédé à la reprise de son matériel sous contrôle d'huissier de Justice.
Le matériel a été stocké dans un garde-meuble, où il a été procédé à son déballage le 24 septembre, sous contrôle d'un huissier de Justice.
Le 13 octobre 2010, un procès-verbal de réception définitive a été signé entre la société Ikonetv et la Clinique du Renaison.
Par ordonnance du 22 mars 2011, le président du Tribunal de grande instance de Lyon a autorisé la société Intens France à faire procéder par voie d'huissier de justice à des constatations dans les locaux de la société Ikonetv.
Par acte du 28 mars 2011, la société Intens France a assigné la société Clinique du Renaison devant le Tribunal de commerce de Roanne pour faire constater que la Clinique du Renaison avait rompu de manière brutale et unilatérale le contrat de prestation de services régularisé le 7 janvier 2009 et pour obtenir paiement de la somme de 721 394,25 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée.
Par acte du 27 juin 2011, la société Intens France a assigné la SARL Ikonetv dans l'instance pendante devant le Tribunal de commerce de Roanne en lui reprochant des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires en lien avec la rupture brutale par la société la Clinique du Renaison, le 16 juin 2010, du contrat de prestation de services régularisé le 7 janvier 2009.
Par jugement du 11 juillet 2012, le tribunal de commerce a :
Vu les articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil, L. 442-6 et suivants du Code de commerce,
- constaté que la SA Clinique du Renaison a rompu de manière brutale et unilatérale le contrat de prestation de service régularisé avec la société Intens France le 7 janvier 2009,
- dit que cette rupture unilatérale est fautive et engage la responsabilité délictuelle de la SA Clinique du Renaison.
- dit que la SA Clinique du Renaison est redevable de dommages et intérêts envers la société Intens France,
- condamné la SA Clinique du Renaison à verser à la société Intens France la somme de 215 876 euros,
- soit l'indemnité de préavis pour 15 876 euros - des dommages et intérêts pour 200 000 euros - outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2010, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts par année entière.
- condamné la SA Clinique du Renaison, au titre du contrat de location évolutive de coffres forts, au versement de la somme de 7 014,59 euros TTC arrêtée au 1er février 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et capitalisation des intérêts par année entière,
- condamné la SA Clinique du Renaison à régler la somme de 18 873,62 euros au titre des factures de fournitures émises par la société Intens France, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et capitalisation des intérêts par année entière
- condamné la société Intens France à verser une somme de 24 000 euros au titre des commissions dues à la SA Clinique du Renaison, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
- constaté que les parties ont accepté le principe de la compensation,
- dit que les deux sociétés devront faire elle-même le compte exact du solde après compensation dont elles sont redevables l'une envers l'autre,
- constaté les faits de concurrence déloyale et les agissements parasitaires de la société Ikonetv, en lien avec la rupture brutale et unilatérale par la Clinique du Renaison, le 16 juin 2010, du contrat de prestation de service régularisé le 7 janvier 2009.
- condamné pour ces motifs la société Ikonetv à régler à la société Intens France la somme de 100 000 euros.
- ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution,
- condamné la SA Clinique du Renaison à verser à la société Intens France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Ikonetv à verser à la société Intens France la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamné la SA Clinique du Renaison aux dépens à concurrence des deux tiers.
- condamné la société Ikonetv aux dépens à concurrence d'un tiers.
- rejeté les autres demandes.
Par ordonnance de référé du 17 septembre 2012, le premier président de la Cour d'appel de Lyon a arrêté l'exécution provisoire attachée au jugement du 11 juillet 2012 du Tribunal de commerce de Roanne, à concurrence de 50 000 euros.
Par actes des 10 août, 1er août et 17 juillet 2012, les sociétés Intens France, Clinique du Renaison et Ikonetv ont interjeté appel du jugement du 11 juillet 2012 devant la Cour d'appel de Lyon. Les trois appels ont été joints par ordonnance du 15 novembre 2012.
Par jugement du 20 août 2013, le Tribunal de commerce de Lyon a constaté l'état de cessation des paiements de la société Ikonetv, l'impossibilité d'un redressement et a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Maître Bernard Sabourin a été nommé en qualité de liquidateur judiciaire.
Par conclusions du 10 septembre 2013, Maître Sabourin est intervenu volontairement à l'instance, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ikonetv.
Par ordonnance du 18 février 2014, le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Lyon a refusé d'examiner la demande de disjonction et a déclaré irrecevables les appels formés par Maître Sabourin, ès qualités, et les sociétés Intens France et Clinique du Renaison.
Par déclaration du 13 mars 2014, la société Clinique du Renaison a interjeté appel devant la Cour d'appel de Paris du jugement rendu le 11 juillet 2012 par le Tribunal de commerce de Roanne.
Par déclaration du 6 mai 2014, Maître Sabourin, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ikonetv, a interjeté appel devant la Cour d'appel de Paris du jugement rendu le 11 juillet 2012 par le Tribunal de commerce de Roanne.
Par ordonnance du 3 juillet 2014, les deux procédures ont été jointes.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 avril 2016, par lesquelles la société Clinique du Renaison, demande à la Cour de :
Au visa l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce
- déclarer l'appel interjeté par la Clinique du Renaison recevable et bien fondé.
- dire que la rupture unilatérale sans préavis du contrat du 7 janvier 2009 par la Clinique du Renaison était régulière et justifiée.
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Intens France à verser à la Clinique du Renaison la somme de 24 000 euros au titre des commissions contractuellement dues, outre les intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- infirmer le jugement en ses autres dispositions.
Et statuant à nouveau :
- débouter la société Intens France de toutes ses prétentions, fins, moyens et conclusions à l'égard de la Clinique du Renaison.
A titre subsidiaire:
- dire et juger que l'indemnité pour irrégularité de la résiliation ne saurait être supérieure à la somme de 1 764 euros ;
- dire et juger que l'indemnité forfaitaire au titre du préjudice lié à la perte du contrat, à défaut de manquement suffisant à justifier la résiliation, ne saurait être supérieure à la somme de 15 876 euros
En tout état de cause,
- condamner la société Intens France à payer à la Clinique du Renaison la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la société Intens France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Yves Lachaud en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 24 juillet 2014, par lesquelles, Maître Sabourin, es-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ikonetv, demande à la Cour de :
Aux visas des articles 1382, 1383, 32-1 et 700 du Code de procédure civile
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Roanne le 11 juillet 2012 en ce qu'il a condamné la société Ikonetv à payer à la société Intens France la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de prétendus actes de concurrence déloyale et agissements parasitaires,
Statuant à nouveau:
- dire et juger que la société Ikonetv n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale ou d'agissements parasitaires au préjudice de la société Intens France,
- débouter la société Intens France de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la société Ikonetv, représentée par Maître Sabourin ès qualités.
- condamner la société Intens France à payer à Maître Sabourin, ès qualités la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts outre celles de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Edmond Fromentin, sur son affirmation de droit.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 mai 2016, par lesquelles la société Intens France demande à la cour de :
Aux visas des articles 1134, 1382 et 1383 du Code civil
En conséquence, confirmant partiellement le jugement et, pour le surplus, l'infirmant et statuant à nouveau :
- constater que la société Clinique du Renaison a rompu de manière brutale et unilatérale le contrat de prestation de service régularisé avec la société Intens France le 7 janvier 2009,
- dire et juger que cette rupture unilatérale est fautive et engage la responsabilité contractuelle de la société Clinique du Renaison,
- dire que la société Clinique du Renaison est redevable de l'indemnité de résiliation prévue à l'article 12.2.1 du contrat de prestation de service,
- constater les faits de concurrence déloyale et les agissements parasitaires de la société Ikonetv, en lien avec la rupture brutale et unilatérale par la société Clinique du Renaison, le 16 juin 2010, du contrat de prestation de service régularisé le 7 janvier 2009,
- dire et juger la société Ikonetv coresponsable avec la société Clinique du Renaison, des préjudices subis par la société Intens France, consécutivement à cette rupture brutale et unilatérale, le 16 juin 2010,
- condamner en conséquence la société Clinique du Renaison et Maître Bernard Sabourin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ikonetv au versement à la société Intens France, in solidum, de la somme de 721 394,25 euros ou, à titre infiniment subsidiaire, de la somme globale de 300 000 euros telle qu'allouée en première instance, le cas échéant en maintenant la répartition retenue par le Tribunal,
- dire et juger que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2010, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts par année entière,
- condamner la société Clinique du Renaison, au titre du contrat de location évolutive de coffres forts, au versement de la somme de 5 514,54 euros TTC, correspondant au solde des loyers pour la période du 7 avril 2009 au 1er novembre 2012 inclus, outre intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2010 avec capitalisation par année entière.
- ordonner la compensation des créances
- débouter la société Clinique du Renaison et Maître Sabourin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Ikonetv de toutes demandes, fins et prétentions contraires
- condamner la SA Clinique du Renaison et Maître Sabourin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Ikonetv, au versement in solidum d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- les condamner aux entiers dépens distraits, pour ceux de la présente procédure devant la cour d'appel de Paris, au profit de Maître Ortolland sur son affirmation de droit.
- en tant que de besoin, dire que les créances correspondant aux condamnations de Maître Bernard Sabourin, ès qualités, seront portées au passif de la société Ikonetv.
Cela étant exposé, LA COUR
Sur la rupture du contrat du 7 janvier 2009 conclu entre les sociétés Clinique du Renaison et Intens France
Considérant que la société Clinique du Renaison expose que les dispositions de l'article L. 442-6, I 5° du Code de commerce autorisent la rupture unilatérale sans préavis d'un contrat en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ; qu'en l'espèce, la rupture unilatérale du contrat du 7 janvier 2009 était justifiée par les nombreux manquements commis par la société Intens France ; que cette dernière a mal exécuté ses prestations, comme cela ressort des 30 réclamations de patients recueillies entre les mois de janvier 2009 à juin 2010, faisant état de problèmes concernant le fonctionnement des téléviseurs ou des casques, utilisation de la borne ou des interférences dans les chambres doubles; que les 7 " fiche d'événement indésirable ou d'amélioration de la qualité " remplies par le personnel de la clinique confirment que les dysfonctionnements relevés par les patients sont imputables à la société Intens et non à une mauvaise manipulation de la part des patients ; que le courrier du 23 juin 2010 atteste du manque de professionnalisme de la société Intens France ; que les reproches faits à l'intimée constituent des manquements contractuels qui sont corroborés par le procès-verbal de constat dressé par Maître Desmarthon, le 1er juillet 2010 ; que la rupture est également justifiée en raison du non-respect par la société Intens France du délai contractuel de réalisation, prévue pour la fin du mois de janvier 2009, alors que l'installation n'était toujours pas finalisée au 16 juin 2010, date de la rupture du contrat ; que de plus la société Intens France ne lui a jamais versé la commission 1 500 euros TTC par mois, prévue à l'article 6 du contrat ;
Considérant que la société Clinique du Renaison expose également que la rupture du contrat est régulière, car elle n'est pas fondée sur les stipulations contractuelles relatives à la résiliation du contrat mais sur la faculté de résiliation unilatérale prévue à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, qui dispense de tout préavis en cas de résiliation du fait des manquements commis par l'autre partie ; que le préavis de 3 mois prévu à l'article 12.1 n'est pas applicable dès lors que cet article vise les modalités de résiliation lors du terme contractuel et en l'absence de tout manquement ; que l'article 12.3, relatif au cas de résiliation pour faute, qui est applicable en l'espèce, ne prévoit aucun délai de préavis mais seulement l'envoi à la partie défaillante d'une mise en demeure d'avoir à remédier aux manquements sous 30 jours sous peine de la résiliation du contrat ; que la société Intens France a été informée que le contrat serait résilié si elle ne remédiait pas à ses manquements, par un courriel du 12 avril 2010 ; que faute de réaction de la part de la société Intens France, elle a réitéré sa demande par une mise en demeure du 27 mai 2010, puis a finalement notifié à la société Intens France la résiliation du contrat de prestations de services par courrier recommandé du 16 juin 2010; qu'elle a donc informé, dès le 12 avril 2010, la société Intens France de la résiliation du contrat faute de remédier à ses manquements, soit plus de deux mois avant la résiliation ;
Considérant que la société Intens France soutient que le contrat du 7 janvier 2009 étant à durée déterminée, ce n'est que conventionnellement, par des clauses qui doivent être appréciées restrictivement, que les parties peuvent aménager les conditions et les formes de résiliation anticipée que l'article 12.2.1 du contrat prévoit le versement d'une indemnité à la charge de la Clinique du Renaison en cas de résiliation anticipée ; que la possibilité pour la Clinique du Renaison de résilier de manière anticipée le contrat, sans verser d'indemnité de résiliation, suppose que soient respectées les conditions de forme et de fond impératives définies par l'article 12.3 du contrat " Résiliation en cas de manquement grave de l'une des parties à ses obligations " ;
Considérant que la société Intens France fait valoir, à titre principal, qu'en application de l'article 12.3 du contrat, la résiliation n'était possible qu'à la stricte condition de mettre en demeure l'autre partie par lettre recommandée avec avis de réception de remédier à ses manquements graves dans un délai de 30 jours, puis, si la mise en demeure est restée infructueuse, d'adresser une lettre de résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception ; que la société Clinique du Renaison n'a pas respecté les conditions de forme et de délais de la rupture unilatérale ; que le courrier du 27 mai 2010 faisait état d'un délai de 15 jours avant résiliation et non pas de 30 jours comme prévu contractuellement ; que la résiliation est intervenue par courrier du 16 juin 2010, soit avant l'expiration du délai contractuel de 30 jours ; que faute d'avoir respecté les stipulations contractuelles, la société Clinique du Renaison ne peut se prévaloir de manquements graves de sa cocontractante pour justifier une résiliation ;
Considérant que la société Intens France expose que les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce, en présence de stipulations contractuelles spécifiques et faute de relations commerciales établies ; qu'à titre subsidiaire, elle fait valoir que les manquements invoqués à son encontre ne sont pas établis ; que la société Clinique du Renaison ne disposait pas d'une faculté de résiliation unilatérale justifiée par la gravité du comportement de sa cocontractante, puisque les conditions de la résiliation anticipée avaient été spécialement envisagées et prévues dans le contrat ; que les reproches formulés par l'appelante, qui sont peu sérieux, ne sont pas de nature à constituer les manquements graves visés à l'article 12.3 du contrat ; que la rupture anticipée du contrat par la Clinique du Renaison s'explique par des considérations d'ordre exclusivement financier, liées à la volonté de changer de modèle économique, comme cela résulte de la signature, moins de trois semaines après la rupture du contrat de location du 7 janvier 2009, d'un contrat de vente signé avec la société Ikonetv, d'un montant de 170 000 euros, identique au contrat qu'elle avait signé le 22 avril 2008 avec la Clinique du Renaison
Mais considérant que la société Clinique du Renaison a résilié de façon anticipée, le 16 juin 2010, le contrat de prestations de services conclu le 7 janvier 2009 avec la société Intens France, pour une durée de 10 années ; que l'article 12.1 du contrat prévoit le paiement d'une indemnité à la charge de la société Clinique du Renaison en cas de résiliation anticipée du contrat " avant l'expiration des 10 années " ; que l'article 12.3 du contrat, qui prévoit les conditions dans lesquelles le contrat peut être rompu en cas de manquement grave de l'une des parties, permet à la société Clinique du Renaison de procéder à une résiliation anticipée, sans indemnité, du contrat en cas de manquement grave de la société Intens France à ses obligations, dans les conditions de forme définies à cet article ;
Considérant que l'article 12.3 du contrat stipule " En cas de manquement grave de l'une des parties à ses obligations, l'autre partie pourra, par lettre recommandée avec accusé de réception, mettre en demeure la partie défaillante d'y remédier dans le délai de trente jours à compter de la réception de ladite lettre de mise en demeure.
Si, à l'expiration du délai de 30 jours, la Partie défaillante ne peut justifier avoir remédié au manquement, la Partie supportant le préjudice pourra, par lettre recommandée avec accusé de réception, lui notifier la résiliation du contrat.
La résiliation interviendra alors de plein droit et sans autre formalité à la date de réception de ladite notification de résiliation.
Est notamment considéré comme un manquement grave :
- La violation de la clause d'exclusivité telle que prévue par l'article 10 du Contrat,
- Le non-respect des conditions financières par la Clinique (y compris l'absence de communication des comptes de la Clinique dans les délais impartis prévues par les dispositions de l'article 6 du contrat,
- Le défaut de communication des frais, taxes et redevances par la Clinique prévus par les dispositions de l'article 8 du Contrat,
- Le non-respect du calendrier d'installation par Intens France
- La violation de la clause de confidentialité " ;
Considérant que la société Clinique du Renaison n'a pas respecté les conditions de forme et de délai prévues par l'article 12.3 du contrat, puisqu'elle a résilié le contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 2010, sans avoir adressé au préalable à la société Intens France une lettre recommandée avec avis de réception la mettant en demeure de remédier à ses manquements dans un délai de 30 jours ; qu'en effet, le courriel du 12 avril 2010, qui ne remplissait pas les conditions de forme prévues au contrat, mettait en demeure l'intimée de régler certains problèmes dans un délai d'une semaine et la lettre recommandée avec avis de réception du 27 mai 2010 la mettait en demeure de finaliser l'installation sous 15 jours ; que la résiliation étant intervenue par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 2010, soit 20 jours après la mise en demeure, les conditions de délai exigées par l'article 12.3 n'ont pas été respectées par la société Clinique du Renaison ;
Considérant que la disposition de l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce aux termes de laquelle "Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure" ne sont que le rappel du droit commun qui autorise un contractant à résilier unilatéralement, à ses risques et périls, un contrat, même à durée déterminée, en cas de manquement grave de l'autre partie à ses obligations ; qu'en l'espèce, la société Clinique du Renaison ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 12.3 précité dont elle n'a pas respecté les stipulations ; que, toutefois, la société Clinique du Renaison conserve la faculté de résilier unilatéralement le contrat, même en dehors des conditions prévues à l'article 12.3 du contrat, si elle démontre que la gravité des manquements de son cocontractant et l'urgence d'y mettre fin rendaient impossible le maintien des relations contractuelles
Considérant qu'il résulte notamment des bons de livraison et d'intervention versés aux débats par la société Intens France que l'installation qui lui a été commandée en 2008, dont le procès-verbal de réception du matériel a été signé le 30 octobre 2008, puis en 2009, étant rappelé que seules la borne de gestion a été ajoutée par le contrat de prestations de services du 7 janvier 2009, a été finalisée dans les délais ; qu'il apparaît que seuls des dysfonctionnement sont établis pour lesquels la société Intens France justifie être intervenue ; que le constat d'huissier du 1er juillet 2010, établi à la requête de la société Ikonetv, 15 jours après la rupture du contrat, alors que la société Intens France n'avait plus accès aux locaux de la Clinique du Renaison n'est pas probant ; que l'absence de versement à la société Clinique du Renaison de la commission prévue au contrat résulte de l'absence de transmission à l'intimée de la facture y afférente ; que, comme l'a justement retenu le tribunal, l'appelante ne rapporte pas la preuve de manquements graves de la société Intens France ou d'un cas de force majeure justifiant une résiliation du contrat du 7 janvier 2009 sans respect d'un préavis suffisant ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur les agissements de concurrence déloyale reprochés à la société Ikonetv
Considérant que Maître Sabourin, ès qualités, expose que la société Ikonetv n'a commis aucune faute ; que s'agissant du reproche de détournement de clientèle, la société Ikonetv n'avait aucune raison de refuser le chantier proposé par la société Clinique du Renaison ; que l'existence d'une collision entre les deux sociétés appelantes n'est pas rapportée ; que la société Ikonetv n'a débouché aucun salarié de la société Intens France, les 4 anciens salariés de la société Intens France engagés étaient démissionnaires et aucun n'était tenu par une clause de non-concurrence ; qu'aucun agissement parasitaire n'est établi à l'encontre de la société Ikonetv, qui n'a pas cherché à se placer dans le sillage de la société Intens France, mais à s'en démarquer que le contrat conclu entre les appelantes était différent de celui conclu en 2008 par la société Intens France ;
Considérant que la société Intens France expose que, en contribuant activement à la rupture du contrat du 7 janvier 2009, la société Ikonetv s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires, justiciables des articles 1382 et 1383 du Code civil ; qu'à tout le moins, ces agissements répréhensibles sont constitués par le fait, pour la société Ikonetv de lui avoir succédé dans les prestations qu'elle accomplissait dans le cadre de ce contrat, en tirant un profit indu des investissements réalisés par elle, tant en matériel qu'en personnel ; qu'elle est donc fondée à solliciter que la société Ikonetv soit déclarée co-responsable des préjudices subis du fait de la rupture du contrat du 7 janvier 2009 ;
Mais considérant que le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ;
Considérant que la société Ikonetv a été constituée en janvier 2010 par M. Pradal, ancien salarié de la société Intens France, pour exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur ; que la société Ikonetv était composée d'anciens salariés de la société Intens France, dont 4 démissionnaires respectivement les 31 mai, 6 août, 12 novembre 2010 et 28 février 2011, qui avaient tous eu à connaître du dossier de la Clinique du Renaison lorsqu'ils travaillaient pour leur ancien employeur ; qu'il résulte de la chronolologie des faits, que la société Ikonetv est entrée en contact avec la Clinique du Renaison peu de temps après sa création et qu'elle a négocié le contrat de vente, qui sera signé le 6 juillet 2010, alors que le contrat liant les sociétés Intens France et Clinique du Renaison n'était pas encore rompu, puisque son " offre " était retenue dès le 22 juin 2010, soit 6 jours après la résiliation ; que le 1er juillet 2010, alors que la société Clinique du Renaison, qui avait résilié le contrat le 16 juin 2010, avait donné à la société Intens France jusqu'au 31 juillet 2010 pour récupérer son matériel, la société Ikonetv s'est rendue dans les locaux de la société Clinique du Renaison pour faire dresser un constat non contradictoire en vue " de faire constater les malfaçons ", s'immisçant ainsi dans le différent opposant les sociétés Clinique du Renaison et Intens France ; que le procès-verbal du 17 août 2010, montre que, pour compléter son installation, la société Ikonetv a utilisé durant plusieurs semaines du matériel appartenant à la société Intens France ;
Considérant que la résiliation précipitée du contrat du 7 janvier 2009 par la société Clinique du Renaison et les conditions de la substitution de la société Ikonetv à la société Intens France établissent l'existence d'une collusion entre les deux sociétés pour évincer la société Intens France ; que, la société Ikonetv est parvenue à se substituer à la société Intens France dans le marché conclu avec la société Clinique du Renaison en profitant de la notoriété de la société Intens France, ainsi que des investissements intellectuels, matériels et financiers faits durant deux ans par cette société afin d'acquérir les téléviseurs loués à la société Clinique du Renaison et d'assurer la mise en service au sein de la Clinique du Renaison d'un service audiovisuel destiné aux patients ; que ces agissements déloyaux constituent une concurrence parasitaire ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
Sur l'indemnisation de la société Intens France
Considérant que la société Intens France expose que la Clinique du Renaison demeure soumise à la clause de l'article 12.2.1 du contrat ; qu'il résulte d'une attestation établie par son expert-comptable que " le chiffre d'affaires HT moyen mensuel sur la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 s'élevait à la somme de 5 972 euros HT " ; que, dans la mesure où restaient à courir 101 mois, le montant global du chiffre d'affaires manquant s'élève à 603 172 euros HT, soit 721 394,25 euros TTC ; que cette perte de chiffre d'affaires est en rapport avec les importants investissements qu'elle a réalisé, tant en personnel qu'en matériel, en maintenance ou en câblage ; qu'ainsi le déploiement de ses équipes pour la mise en place du contrat lui a coûté une somme d'au minimum de 170 682 euros, hors tous autres coûts induits ; que le matériel utilisé, notamment constitué par les écrans, qui a subi d'importantes dégradations, n'est que très partiellement recyclable ; qu'à titre infiniment subsidiaire, la cour ne pourrait lui allouer une indemnisation inférieure à la somme de 300 000 euros, telle que globalement retenue par le tribunal, nonobstant la dissociation opérée entre les responsabilités respectives de la Clinique du Renaison et de la société Ikonetv ;
Considérant que la société Intens France sollicite la condamnation in solidum de la société Ikonetv au paiement de la somme de 721 394,25 euros, au motif que cette société a contribué à rompre le contrat ; que le préjudice lié à cette rupture comprend non seulement la perte des investissements déployés, chiffrée à la somme de 170 682 euros, mais aussi la privation du retour sur investissement qui était attendu et le préjudice d'image nécessairement subi sur le marché très concurrentiel et restreint des établissements de soins ;
Considérant que la société Clinique du Renaison expose que l'indemnité allouée à la société Intens France doit être limitée au chiffre d'affaires qu'aurait réalisé cette société pendant la période durant laquelle le délai contractuel de mise en demeure n'a pas été respecté ; que le délai contractuel fixé par l'article 12.3 étant de 30 jours et celui de prévenance résultant de la lettre du 27 mai 2010 de 20 jours, l'insuffisance du délai d'avertissement est de 10 jours, ce délai peut seul servir de référence à l'indemnité réparatrice ; que rapporté au chiffre d'affaires mensuel moyen de la société Intens France, l'indemnité s'établit à 1 764 euros ( 5 992 euros x 10/30) ;
Considérant que la société Clinique du Renaison soutient qu'il serait particulièrement inique d'indemniser la société Intens France à hauteur de trois années de chiffre d'affaires, alors que la mise en place de l'installation n'a jamais été correctement finalisée ; qu'il convient de réduire le montant de l'indemnité forfaitaire pour perte du contrat à la somme de 15'876 euros , soit trois mois de chiffre d'affaires pour la société Intens France ; que la demande de condamnation solidaire n'est pas justifiée en l'espèce dès lors que les fondements invoqués par la société Intens France pour solliciter la condamnation de la société Ikonetv et de la clinique sont différents et ne prennent pas en compte les mêmes paramètres pour l'évaluation du préjudice ;
Considérant que Maître Sabourin, ès qualités, soutient que la société Intens France ne justifie d'aucun préjudice imputable à la société Ikonetv, laquelle n'est pas intervenue dans la résiliation du contrat de la société Intens France ; que la condamnation de 100 000 euros prononcée par le tribunal est exorbitante par rapport au montant du marché conclu par la société Ikonetv, soit 170 000 euros ;
Mais considérant que la société Clinique du Renaison a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Intens France en résiliant de façon anticipée le contrat du 7 janvier 2009 ; que la société Intens France est bien fondée à solliciter l'application de l'article 12.2.1 du contrat " Résiliation anticipée par la Clinique " qui prévoit le versement d'une indemnité de résiliation anticipée en ces termes " La Clinique s'engage, si elle devait résilier le présent Contrat avant l'expiration du délai de 10 années susvisées ou, si elle devait résilier le présent Contrat sans respecter le délai de préavis prévu, à verser une indemnité de résiliation anticipée à la société Intens France, équivalente au chiffre d'affaires mensuel moyen X par le nombre de mois restant à courir " ; que la clause stipulée à l'article précité, par laquelle les parties évaluent forfaitairement et à l'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée, constitue une clause pénale ;
Considérant que, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 1152 du Code civil, "le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire" ; que la somme de 721 394,25 euros réclamée par la société Intens France en application de l'article 12.2.1 du contrat est manifestement excessive ; que compte tenu des investissements faits par l'intimée et du fait que le contrat a connu un commencement d'exécution, il y a lieu de réduire la pénalité à la somme de 200 000 euros ;
Considérant que les agissements parasitaires de la société Ikonetv engagent sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et l'obligent à réparer intégralement le préjudice causé à la société Intens France ; que l'appelante a tiré profit des efforts et des investissements notamment financiers faits par la société Intens France pour obtenir la clientèle de la société Clinique du Renaison et l'a privée du retour sur investissement attendu, la signature d'autres contrats avec les cliniques du groupe ; que la société Intens France ne rapporte pas la preuve du préjudice d'image qu'elle invoque ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fixé à 100 000 euros le montant des dommages et intérêts dus par la société Ikonetv à la société Intens France ;
Considérant que les sociétés Clinique du Renaison et Ikonetv, dont les agissements ont engagé leur responsabilité envers la société Intens France sur des fondements juridiques différents, contractuel pour la première et délictuel pour la deuxième, ne sont pas tenues de la même dette envers l'intimée, le préjudice occasionné par leurs agissements respectifs étant différent, qu'en conséquence les appelantes étant tenues à des sommes différentes, il n'y a pas lieu à prononcer une condamnation in solidum ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société Clinique du Renaison sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 18 873,62 euros TTC en règlement des factures de fourniture, en soutenant s'être acquittée de l'intégralité des sommes dues à la société Intens France au 31 décembre 2012 ; que l'appelante sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 24 000 euros au titre des commissions ;
Considérant que la société Intens France répond que la société Clinique du Renaison avait reconnu, devant les premiers juges, devoir la somme de 18 873,62 euros TTC et avait accepté qu'il soit procédé à une compensation avec la somme due au titre des commissions ;
Mais considérant que la société Intens France ne justifie pas de l'existence de sa créance à l'encontre de l'appelante, laquelle produit une photocopie de son grand livre auxiliaire concernant la société Intens France faisant apparaître sur la période du 1er janvier 2008 au 4 janvier 2013 un solde créditeur en sa faveur ; que l'intimée ne conteste pas devoir la somme de 24 000 euros au titre des commissions ; que le jugement doit être infirmé en sa disposition ayant condamné la société Clinique du Renaison à verser à la société Intens France la somme de 18 873,62 euros au titre des factures de fourniture et confirmé en sa disposition ayant alloué la somme de 24 000 euros à la société Clinique du Renaison ;
Considérant que la société Intens France expose que si la société Clinique du Renaison s'est acquittée de la somme de 7 014,59 euros TTC mise à sa charge par le tribunal au titre du contrat de location des coffres-forts, cependant le décompte actualisé, qu'elle verse aux débats, fait apparaître un solde de 5 514,54 euros TTC au titre de prestations relatives aux coffres-forts pour la période d'avril 2009 à novembre 2009 ;
Mais considérant que la société Clinique du Renaison ne s'explique pas sur la demande relative au contrat de location de coffres-forts ; qu'au vu des factures et du décompte actualisé en 2013 produit par l'intimée, il y a lieu d'accueillir la demande de la société Intens France ;
Considérant que Maître Sabourin, ès qualités, sollicite la condamnation de la société Intens France au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
Mais considérant que l'action engagée par la société Intens France à l'encontre des sociétés appelantes est fondée ; que Maître Sabourin, ès qualités, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
Par ces motifs : Confirme le jugement, sauf en ses dispositions ayant : - dit que la rupture unilatérale et fautive du contrat du 7 janvier 2009 engage la responsabilité délictuelle de la SA Clinique du Renaison ; - condamné la SA Clinique du Renaison à verser à la SAS Intens France la somme de 15'876 euros à titre d'indemnité de préavis ; - condamné la SA Clinique du Renaison à verser à la SAS Intens France la somme de 18'873,62 euros au titre des factures de fourniture ; Et statuant de nouveau dans cette limite, Dit que la résiliation unilatérale et anticipée du contrat du 7 janvier 2009 par la SA Clinique du Renaison engage sa responsabilité contractuelle l'égard de la SAS Intens France ; Déboute la SAS Intens France de sa demande à l'encontre de la SA Clinique du Renaison en paiement de la somme de 18 873,62 euros au titre des factures de fourniture ; Et y ajoutant, Condamne la SA Clinique du Renaison à verser à la SAS Intens France la somme de 5 514,54 euros TTC au titre de prestations relatives aux coffres-forts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil ; Déboute Maître Sabourin, ès qualités, de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile ; Fixe la créance de la SAS Intens France au passif de la SARL Ikonetv, représentée par son liquidateur Maître Sabourin, comme suit : - 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, - 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en première instance ; Condamne la SA Clinique du Renaison à verser à la SAS Intens France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute la SAS Intens France de sa demande au titre des frais irrépétibles dirigée à l'encontre de Maître Sabourin, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Ikonetv, en cause d'appel Condamne la SA Clinique du Renaison aux dépens d'appel, qui pourrons être recouvrés au profit de Maître Ortolland dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.