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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 13 septembre 2016, n° 14-07438

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Natixis Lease (Sté)

Défendeur :

Selden Mast (SAS), LBC Distribution (SAS), SPBI (SA), Voilerie Service (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Olive

Conseillers :

M. Bertrand, Mme Ferranet

Avocats :

Mes Auche Hedou, Sauvinet, Laville, Montagnier, Vernhet, Bertran, Apollis, Detrait, Pinet, Rouge

T. com. Narbonne, du 19 août 2014

19 août 2014

Faits et procédure - Moyens et prétentions des parties

Suivant bon de commande du 27 janvier 2010, M. Patrick X a commandé à la société LBC Distribution (la société LBC), qui exerce sous l'enseigne " La Baule Nautic ", un navire de la marque Beneteau Type Oceanis 58, pour un prix de 600 000 euros.

La société SPBI conçoit et fabrique les produits de la marque Beneteau.

Afin de financer cette acquisition, M. X a souscrit un contrat de location avec option d'achat nautique auprès de la société Natixis Lease, à l'ordre de laquelle la société LBC a émis la facture, le 9 juillet 2010.

La société LBC a confié à la SARL Voilerie Service la préparation et la mise à l'eau du navire, le 17 mars 2010.

Le navire a été livré à M. X le 17 août 2010.

Au retour d'une croisière en Sardaigne, M. X a informé la société LBC, par courriel du 10 septembre 2010, qu'il avait rencontré " de graves problèmes au niveau de l'enrouleur de la grand-voile rendant les manœuvres extrêmement difficiles et dangereuses en cas de gros temps ".

Le 18 février 2011, il a fait assigner en référé la société LBC (fournisseur) et la société SPBI (constructeur), devant le président du Tribunal de commerce de Narbonne afin qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer la nature et l'ampleur des désordres affectant le voilier.

Par ordonnance du 29 mars 2011, le président du Tribunal de commerce de Narbonne a fait droit à cette demande et a désigné M. E.

A la demande de la société SPBI, les opérations d'expertise ont été déclarées communes à la SAS Selden Mast, fournisseur du mât à enrouleur, par ordonnance du 25 octobre 2011.

L'expert judiciaire, M. E. a déposé son rapport le 29 février 2012.

Suivant acte d'huissier du 13 décembre 2012, M. X a fait assigner la société LBC devant le Tribunal de commerce de Narbonne, au visa des articles 1641 et suivants, afin que soit prononcée la nullité de la vente et que celle-ci soit condamnée à lui restituer le prix de vente outre diverses sommes à titre de dommages et intérêts.

La société LBC a fait assigner en intervention forcée la société SPBI, la société Selden Mast et la société Voilerie Service.

Par jugement contradictoire du 19 août 2014, le tribunal a dit que l'action de M. X était irrecevable, rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de celui-ci.

M. Patrick X a interjeté appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour, le 6 octobre 2014.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 2 mai 2016, M. X a conclu à l'infirmation du jugement, demandant à la cour de :

" Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

- dire qu'il a qualité et intérêt à agir,

- prononcer la résolution de la vente du voilier de type Oceanis 58, facturé le 9 juillet 2010, pour un prix de 600 000 euros TTC,

- condamner la société LBC Distribution, in solidum, avec la société SPBI, la société Selden Mast et la société Voilerie Service, à lui payer la somme de 2 539,80 euros, au titre du coût des manivelles électriques et des poulies, 125 860 euros, au titre des aménagements réalisés à l'intérieur du navire et 411 427 euros, au titre du préjudice d'agrément arrêté au 31 décembre 2014, en application de l'article 1645 du Code civil, le tout avec intérêts de droit à compter du 10 septembre 2010,

- condamner la société LBC, in solidum, avec la société SPBI, la société Selden Mast et la société Voilerie Service à payer à la société Natixis Lease, intervenant volontairement à l'instance à ses côtés, la somme de 600 000 euros, au titre du prix d'achat, augmentée des intérêts de droit à compter du 10 septembre 2010,

- condamner la société LBC, in solidum, avec la société SPBI, la société Selden Mast et la société Voilerie Service à lui payer la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance, comprenant les dépens du référé et les honoraires de l'expert judiciaire ainsi que les dépens d'appel. "

Il soutient pour l'essentiel que :

- la société Natixis Lease lui a transmis ses droits contre le vendeur en vertu de l'article 5 du contrat de location avec option d'achat ; il bénéficie d'un mandat express pour agir en justice pour le compte du crédit-bailleur ;

- il a qualité et intérêt à agir d'autant que la résolution de la vente entraîne la résiliation du contrat de location avec option d'achat et diverses conséquences financières ;

- son action en résolution de la vente pour vices cachés est recevable ;

- sur le fond, il résulte de l'expertise que l'enrouleur du mât équipant le navire, choisi en option, n'est pas adapté à la taille, au déplacement et à la surface de la grand-voile du navire, ce qui rend l'utilisation dangereuse au-delà de 22 noeuds de vent apparent, soit 16 noeuds de vent réel ; le mât-enrouleur Selden présente un vice de conception et de réalisation qui ne pouvait être décelé par un utilisateur normal et qui provient d'un défaut des calculs prévisionnels sur la compatibilité entre le matériel proposé et le navire ;

- au cours des opérations d'expertise, des modifications faites par la société Selden Mast n'ont pas permis de résoudre le vice caché de conception ;

- la solution proposée par la société Selden Mast (après le dépôt de l'expertise) de mettre en place un enrouleur de grand-voile hydraulique n'a pas fait l'objet d'une étude de faisabilité (notes de calcul et études du mât) et avait été considérée comme impossible à mettre en œuvre par le responsable de cette société au cours des opérations d'expertise ;

- la consultation du cabinet Bys Expertises Maritimes en date du 7 janvier 2013 a indiqué qu'il n'était pas admissible d'accepter une modification sur le mât pour adapter un système hydraulique non prévu initialement pour ce profil par le fabricant ; seul un mât neuf équipé d'un système d'enroulement hydraulique de grand-voile sur un profil prévu et étudié à l'origine pour recevoir ce type d'installation, sans modification ou adaptation, semble acceptable ;

- il n'existe pas à ce jour un mât avec enrouleur de grand-voile correspondant aux critères techniques du navire Oceanis 58, que le chantier Beneteau ne fabrique plus depuis trois ans, étant précisé que les mêmes problèmes avaient été identifiés sur 4 autres systèmes Selden livrés à Beneteau ;

- la navigation en haute mer avec ce navire est dangereuse pour l'équipage ;

- il devait utiliser ce voilier de catégorie A, navigation hauturière, d'une longueur de 17,75 mètres pour effectuer des traversées océaniques durant de longues périodes ;

- or il ne peut faire que de la navigation côtière par vitesse de vent inférieure à 22 noeuds (force 5/6) ;

- le navire est donc affecté d'un vice caché qui le rend impropre à sa destination ;

- son action résolutoire est fondée et peu importe que le vice de conception du mât-enrouleur soit réparable, ce qui n'est toujours pas démontré ;

- la société LBC, en sa qualité de vendeur professionnel, la société SPBI, en sa qualité de fabricant, la société Selden Mast, en sa qualité de fournisseur du mât-enrouleur, sont tenus in solidum de réparer les préjudices qu'il subit ;

- il en est de même en ce qui concerne la société Voilerie Service qui, lors de la préparation du navire avant sa livraison, aurait dû se rendre compte de l'inadaptation du mât et de sa dangerosité en effectuant un essai en mer.

La société Natixis Lease, intervenante volontaire, a conclu le 16 mars 2015 au bien-fondé de son intervention, à l'infirmation du jugement, à la recevabilité de l'action engagée par M. X et à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 4 000 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que :

- en application du contrat de location avec option d'achat, M. X est titulaire d'un mandat express d'agir en justice pour son compte au titre des garanties dues par le fournisseur (article 5) ;

- elle a réitéré ce mandat dans un courrier du 2 décembre 2013 en rappelant à M. X que si la vente était résolue, il resterait garant du paiement des sommes mises à la charge du fournisseur et le contrat de crédit-bail serait résilié, les loyers versés seraient acquis et une indemnité serait mise à sa charge ;

- il s'ensuit que M. X a intérêt et qualité à agir pour son compte, en résolution du contrat de vente ;

- sur le fond, l'expertise judiciaire établit que le navire était affecté d'un vice caché le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné (navigation hauturière) ;

- les demandes de M. X sont fondées.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 23 mai 2016, la société LBC Distribution conclut, au principal, à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire, au rejet des demandes de M. X. Très subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre par les sociétés SPBI, Selden Mast et Voilerie Service. Elle sollicite la condamnation de la société Selden Mast à lui communiquer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, les coordonnées de son assureur responsabilité civile, faute d'appel en cause ou d'intervention volontaire de ce dernier. Elle conclut à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la société Natixis Lease, à une limitation du préjudice à la somme de 22 126 euros, coût du remplacement du mât et au rejet de l'appel en garantie de la société Selden Mast. Elle sollicite le versement par tout succombant de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance que :

- M. X qui n'est pas propriétaire du navire n'a aucun intérêt à agir et ne peut, en tout état de cause, solliciter le remboursement d'un prix qu'il n'a pas payé ;

- si l'article 5 du contrat de crédit-bail concerne uniquement la qualité à agir de M. X, l'intérêt à agir fait toujours défaut ;

- M. X ne peut pas agir pour réclamer réparation de l'éventuel préjudice subi par la société Natixis Lease, dont l'intervention formée par conclusions du 31 décembre 2014, est irrecevable ;

- les conditions posées par l'article 1644 du Code civil, permettant d'obtenir la résolution (et non la nullité) d'une vente en présence d'un vice caché, ne sont pas réunies ;

- la gravité du vice est requise et il est constant que l'action rédhibitoire n'est pas accueillie lorsque le vice est réparable ;

- au cours des opérations d'expertise, des solutions agréées par l'expert judiciaire ont été vainement proposées à M. X pour remédier à l'inadaptation du mât à enrouleur ;

- le vice n'était pas d'une gravité suffisante et ne rendait pas le navire impropre à l'usage auquel il était destiné puisque le navire pouvait naviguer et que c'est seulement dans des conditions extrêmes qu'il s'est avéré que le mât n'était pas adapté ;

- la remise ou non du manuel d'utilisation du mât est sans incidence dans la mesure où il n'est pas contesté que le mât n'est pas adapté au navire et qu'il était nécessaire de trouver une solution de remplacement ;

- la mise en main du navire a été assurée à Gruissan (11) par deux techniciens de la société Voilerie Service qui ont mis en place les voiles en présence de M. X et lui ont expliqué le fonctionnement du mât ;

- M. X a souhaité abrégé cette mise en main car il souhaitait regagner son port d'attache à La Grande Motte ;

- en sa qualité de prétendu marin aguerri et expérimenté, M. X n'a pas signalé la moindre non-conformité à la société Natixis Lease, dans les 8 jours de la livraison du navire, comme cela est prévu dans le contrat de crédit-bail ;

- de plus, l'inadaptation de l'enrouleur de mât n'aurait pas été décelée lors d'un essai en mer le jour de la livraison puisqu'il n'y avait pas de vent ;

- elle n'a commis aucune faute personnelle et a fait tout son possible pour satisfaire M. X qui a d'ailleurs pris attache rapidement et directement avec les sociétés SPBI et Selden Mast, afin qu'il soit remédié aux problèmes rencontrés ;

- si elle est condamnée, les intimées devront la relever des condamnations prononcées à son encontre ;

- la société Voilerie Service devait procéder à la préparation du navire, ce qui incluait les opérations de mise à l'eau, mise en route du moteur, réglage du mât, mise en place des voiles et l'essai de tous les équipements fournis ;

- la responsabilité de la société Voilerie Service est recherchée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ;

- elle n'a aucun lien contractuel avec la société Selden Mast qui devra garantir l'ensemble des parties susceptibles d'être condamnées car seule sa prestation a occasionné un préjudice à M. X ;

- le remplacement du mât est une solution réalisable qui représente un coût de 22 126 euros ; M. X ne saurait obtenir davantage ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés et notamment le préjudice d'agrément ; M. X n'a rien communiqué à l'expert judiciaire et base ses demandes sur une consultation postérieure au dépôt du rapport, qui n'est pas contradictoire et n'a pas été soumise à ce dernier ;

- M. X peut continuer à naviguer.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 20 février 2015, la société SPBI demande à la cour de rejeter les demandes de M. X faites à son encontre, de constater que seul le mât installé à bord du navire par la société Selden Mast est atteint d'un vice de conception, de dire que seule cette société doit être tenue de tous les dommages subis par M. X, de dire qu'il n'y a pas lieu à résolution de la vente dès lors que la société Selden Mast offre de réparer ou de changer le mât pour un coût fixé par l'expert à 28 126 euros, de débouter la société LBC de son appel en garantie et, à titre subsidiaire, de condamner la société Selden Mast à la relever de toutes sommes mises à sa charge. Elle sollicite la condamnation de cette société à lui payer la somme de 7 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient pour l'essentiel que :

- le lien contractuel entre la société LBC et elle-même est fondé sur un contrat de concession portant sur la distribution exclusive des produits de marque Beneteau ;

- aux termes de ce contrat, la société LBC doit livrer le navire, procéder à un essai en mer et établir un procès-verbal de réception ;

- elle a fabriqué le navire et la société Selden Mast a fabriqué le gréement ;

- sous réserve de l'appel en cause de la société Natixis Lease, propriétaire du navire, M. X peut agir à l'encontre du vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés mais ne peut agir à l'encontre de la société SPBI et de la société Selden Mast que sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- M. X a acquis le navire de type Oceanis 58 avec une option de mât à enrouleur permettant de procéder à la réduction de la voilure depuis le cockpit, ce qui est plus confortable que la manœuvre standard qui a lieu en pied de mât avec une manivelle sur le line tender ;

- il n'est pas contesté que le mât à enrouleur équipant le navire n'était pas adapté au navire comme étant sous-dimensionné ;

- l'expert a conclu que ni SPBI, ni LBC ni M. X n'ont été informés d'une utilisation dangereuse de ce système au-delà de 22 noeuds et que le vice de conception ne pouvait être décelé qu'en navigation au large avec utilisation de la grand-voile ;

- aucune faute ne peut donc lui être reprochée par M. X, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- les documents d'utilisation Selden auraient dû faire référence à la limite inférieure de vent à partir de laquelle il fallait utiliser un blocage mécanique, ce qui était primordial pour M. X qui aurait pu ne pas retenir une option de mât-enrouleur facturée 11 086,92 euros ;

- la société LBC n'a pas remis à M. X le manuel d'utilisateur du mât et a livré le navire sans essai en mer ;

- la résolution de la vente aurait des conséquences manifestement excessives tant celles-ci seraient sans commune mesure avec un remplacement, autrement moins onéreux, du mât à enrouleur ;

- le changement du mât rendrait le navire apte à toute navigation ; la société Selden a proposé de mettre en œuvre à ses frais un système de motorisation hydraulique avec remplacement du mât qui a recueilli l'aval de l'expert et dont le coût s'élève à 28 126 euros ;

- l'inadaptation du mât fourni qui ne revêt pas un caractère rédhibitoire puisqu'il peut y être remédié, ne peut donc pas entraîner la résolution de la vente ;

- le modèle Oceanis 58 est toujours commercialisé sous l'appellation Oceanis 60 ; il s'agit du même navire avec des équipements supplémentaires ; une centaine de ces navires ont été vendus sans aucun problème similaire porté à sa connaissance ;

- les préjudices allégués basés sur un rapport non contradictoire établi après le dépôt de l'expertise judiciaire, ne sont pas justifiés ; il n'est pas démontré que M. X n'utilise plus son navire depuis 3 ans.

Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe de la cour le 24 mai 2016, la société Selden Mast conclut à la confirmation du jugement, et à titre subsidiaire, au rejet de la demande de résolution de la vente du navire et des demandes en paiement faites par M. X. Elle demande qu'il lui soit donné acte qu'elle se tient à la disposition de ce dernier depuis le 20 février 2012 pour procéder à la mise en place d'un système de motorisation hydraulique avec bouton de manœuvre dans le cockpit. Plus subsidiairement, elle sollicite une limitation de sa condamnation au coût du remplacement du mât par un mât d'une autre marque équipé d'un système d'enroulement adapté aux caractéristiques du navire Oceanis 58 pour un montant de 22 126 euros, chiffré par l'expert judiciaire. Elle conclut au rejet des demandes d'indemnisation au titre de la perte de jouissance et des frais d'aménagement du voilier. Elle demande à être garantie de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre par les sociétés LBC et Voilerie Service et, en tout état de cause, à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle réplique pour l'essentiel que :

- M. X n'a ni qualité ni intérêt à agir en remboursement d'un prix qu'il n'a pas réglé et l'intervention volontaire de la société

Natixis Lease en cause d'appel ne régularise pas le défaut de qualité ; celle-ci ne sollicite d'ailleurs pas la restitution du prix ;

- cette intervention n'est pas recevable en cause d'appel puisque la société Natixis Lease n'est pas un tiers, au sens de l'article 554 du Code de procédure civile ; elle était représentée en première instance par M. X en vertu du mandat express prévu dans le contrat de crédit-bail ;

- M. X ne justifie pas de l'intérêt à agir et ne peut pas solliciter l'indemnisation d'un préjudice subi par la société Natixis Lease ni la restitution du prix ;

- le dysfonctionnement de l'enrouleur de grand-voile équipant le navire Oceanis 58 ne revêt pas une gravité justifiant la résolution de la vente ;

- elle a procédé courant 2013 à une mise à jour de la poulie d'enroulement du mât enrouleur fournie avec les voiliers de type Oceanis 58, en remplaçant la roue crantée en composite par une roue inox et en augmentant le diamètre du bout d'enroulement de la grand-voile ; M. X a fait installer ce nouveau système sur son navire en juin 2014, ce qui permet d'enrouler la grand-voile depuis le cockpit tant que les vents n'atteignent pas 32 nœuds ;

- l'inadaptation du mât-enrouleur d'origine relevée par l'expert judiciaire n'est donc plus d'actualité ;

- M. X prétend que le nouveau système présente toujours un risque de rupture du bout ou du pignon sans en justifier et reconnaît ainsi implicitement qu'il continue à naviguer puisqu'il fait état d'une usure due au glissement du bout sur la poulie ;

- le gréement étant devenu opérationnel n'est plus affecté d'un vice ;

- l'expert judiciaire a proposé deux solutions réalisables pour remédier au dysfonctionnement de l'enrouleur ;

- l'action rédhibitoire ne saurait être accueillie à défaut d'un vice suffisamment grave d'autant que l'usage n'était affecté que partiellement ; le mât à enrouleur était une option de confort représentant un coût de 11 000 euros HT alors que le navire dans son ensemble a coûté 600 000 euros et ne présente aucun vice ni défaut ;

- de plus, elle a proposé de mettre en place, à ses frais, un système motorisé avec un moteur hydraulique déjà commercialisé pour des voiliers du même type qui a été accepté par l'expert judiciaire dans son rapport définitif et elle a donné à M. X toutes les informations techniques, par courriels adressés en avril 2012 ; cette motorisation peut supporter un vent supérieur à 32 nœuds ;

- à défaut d'accord de M. X sur ce système de motorisation hydraulique, l'expert a préconisé une autre solution consistant à remplacer le mât par un mât d'une autre marque pour un coût de 22 126 euros ;

- au cours des opérations d'expertise, M. X avait dans un premier temps accepté la remise en état proposée dans le cadre d'une motorisation de l'enrouleur puis a changé d'avis après l'expertise ;

- l'expert judiciaire a relevé que M. X n'avait pas fait état d'un préjudice immatériel, eu égard à la volonté des défendeurs de trouver une solution technique au problème ;

- le navire n'est pas affecté d'un vice le rendant impropre à sa destination ;

- en tout état de cause, elle ne peut pas être condamnée à restituer le prix de vente puisqu'elle n'est pas venderesse et qu'elle a seulement fabriqué le gréement installé sur le navire ;

- M. X continue à naviguer et le chiffrage du préjudice d'agrément n'est pas justifié d'autant que l'expert judiciaire n'avait retenu un tel préjudice que si le navire était immobilisé durant les réparations et avait fixé un coût annuel de 46 750 euros et non 91 428 euros ;

- les aménagements ne sont pas justifiés ;

- les sociétés LBC et Voilerie Service ont manqué à leurs obligations contractuelles d'information en ne procédant pas à un essai de mise en main et en ne fournissant pas le manuel d'utilisation du mât-enrouleur, ce qui a eu une répercussion sur l'utilisation de celui-ci par M. X ;

- la société Voilerie Service n'a pas réalisé toutes ses prestations et notamment l'essai en mer en présence de M. X ;

- ces deux sociétés devront la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

- elle a communiqué le certificat d'assurance établissant qu'elle est bien assurée pour ses activités ; elle a fait le choix de ne pas faire de déclaration de sinistre car elle entendait supporter les éventuelles conséquences financières en résultant.

Dans des conclusions transmises au greffe de la cour le 9 mai 2016, la société Voilerie Service conclut au rejet de toutes les prétentions émises à son encontre et à sa mise hors de cause. Elle sollicite la condamnation des parties défaillantes à lui payer la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que :

- elle a procédé à la préparation standard du navire avec antifouling en mars 2010 à la demande de la société LBC qui a procédé à la livraison le 17 aout 2010, comme cela est attesté par le certificat de livraison ;

- les opérations d'expertise ne lui ont pas été déclarées communes ;

- la garantie des vices cachés ne peut pas lui être opposée en sa qualité de prestataire, sous-traitant de la société LBC, dans le cadre de la seule préparation du navire ;

- elle n'a pas eu pour mission de livrer le voilier à M. X avec lequel elle n'a aucun lien contractuel ;

- la société LBC ne peut être relevée et garantie de sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés que par son propre fournisseur, dans le cadre de la chaîne des contrats ;

- elle n'a commis aucune faute délictuelle ; elle ne devait pas remettre un manuel d'utilisation du mât-enrouleur à M. X et effectuer un essai en mer ;

- le contrat de vente du navire ne saurait lui être opposé en vertu de l'article 1165 du Code civil et elle ne peut pas subir une condamnation in solidum au profit de M. X ;

- l'appel en garantie de la société Selden Mast n'est pas fondé ; elle n'était tenue à aucune obligation de conseil à l'égard de M. X.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 26 mai 2016.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité

Aux termes de l'article 5 du contrat de location avec option d'achat, la société Natixis Lease (bailleresse) a confié à M. X (crédit-preneur) le mandat exprès de s'assurer de la bonne exécution par le fournisseur de toutes ses obligations, notamment celles concernant l'entretien et la garantie du bateau.

Si M. X n'a pas fait état d'un tel mandat en première instance et a sollicité à son seul profit, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, la restitution du prix du navire et la réparation de ses préjudices, l'intervention volontaire en cause d'appel de la société Natixis Lease qui confirme le mandat susvisé a eu pour effet de régulariser la situation ayant donné lieu à la fin de non-recevoir pour défaut de qualité, par application de l'article 126 du Code de procédure civile.

Conformément à l'article 554 du Code de procédure civile, l'intervention volontaire de la société Natixis Lease est recevable puisqu'elle n'était ni partie ni représentée par M. X en première instance.

M. X qui se prévaut de préjudices résultant du vice caché allégué a intérêt à agir.

En conséquence, l'action de M. X est recevable.

Le jugement sera infirmé.

Sur le fond

En préliminaire, la cour rappelle que l'article 12 du Code de procédure civile ne fait pas obligation au juge de changer la dénomination ou le fondement juridique des demandes qui lui sont présentées.

M. X fonde exclusivement ses prétentions sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil à l'encontre de tous les intimés.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Le vice doit être inhérent à la chose, d'une certaine gravité et caché.

En l'espèce, le mât à enrouleur intégré installé sur le navire, constituait un équipement optionnel de confort ayant pour fonction de faciliter les manœuvres d'enroulement et de réduction de la grand-voile.

Il ressort du bon de commande et de la facture que le mât enrouleur choisi en option par M. X représentait un coût de 4 066,40 euros TTC et non de 11 086,92 euros TTC, retenu à tort par l'expert judiciaire ; ce dernier montant s'applique au winch électrique de l'écoute de génois.

Selon les conclusions non contestées de l'expert judiciaire, l'enrouleur intégré au mât fabriqué et fourni par la société Selden Mast, n'est pas adapté à la taille, au déplacement et à la surface de la grand-voile du navire Oceanis 58 et nécessite un déplacement en pied de mât lorsque le vent est supérieur à 22 noeuds (force 5/6 de l'échelle de Beaufort). L'expert a relevé que ce système composé d'une poulie crantée en composite et d'un bout de commande de 10 mm était sous-dimensionné par rapport aux forces transmises et qu'au-delà d'une limite de 22 noeuds, le blocage mécanique devait être opéré en pied de mât. Il a ajouté que le sous-dimensionnement engendrait une usure prématurée des composants de l'enrouleur par frottement (ragage) pouvant entraîner un déroulement impromptu de la grand-voile suite à une rupture du bout sans fin, ce qui rendait le système dangereux en cas d'équipage réduit.

Afin d'éliminer ces risques, l'expert a indiqué que la poulie crantée devrait être réalisée en métal et que le bout de commande devrait avoir un diamètre d'au-moins 12 mm.

Il s'avère que la société Selden Mast a modifié, courant 2013, soit postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, les composants de l'enrouleur en remplaçant notamment la roue crantée d'origine par une roue crantée en acier inoxydable permettant le passage d'un bout d'enroulement dont le diamètre est de 12 mm, ce qui correspond exactement aux préconisations de l'expert judiciaire.

Les calculs opérés par la société Selden Mast dans le cadre de cette mise à jour de la poulie d'enroulement fixent la force du vent maximale à 32 noeuds au lieu de 22 noeuds (pièce n°14).

Ces nouveaux composants ont été mis en œuvre sur le navire de M. X, en juin 2014, (cf. pièces n° 8 à 11 du bordereau Selden), ce qui n'est pas contesté par ce dernier en page 16 de ses conclusions.

M. X prétend que les nouveaux composants de l'enrouleur de la grand-voile n'empêchent pas l'usure et par suite le risque de rupture mais n'en justifie pas alors qu'ils ont été préconisés par l'expert judiciaire à l'issue de divers calculs de charges.

Il convient donc de considérer que ces risques ne sont plus encourus et que le système d'enrouleur corrigé est plus performant.

S'il résulte de tous ces éléments que le mât à enrouleur était inadapté aux caractéristiques techniques de la grand-voile du navire Oceanis 58 et n'était donc pas conforme aux fonctions de ce type d'équipement permettant de procéder à des manœuvres de voile depuis le cockpit sans déplacement en pied de mât au-delà d'une force de vent de 22 nœuds, cette inadaptation du système d'enroulement de la grand-voile par rapport à la taille du voilier, ne relève pas d'un vice inhérent au mât à enrouleur ou au navire et ne constitue donc pas un vice caché rédhibitoire, au sens de l'article 1641 du Code civil, étant précisé qu'elle n'affecte pas la navigabilité du navire mais a pour effet de limiter le confort des manœuvres de voile et de rendre cet équipement pris en option, moins fonctionnel que le système de réduction standard équipant les navires Oceanis 58 (prise de 3 ris automatiques manœuvrables depuis le cockpit).

En conséquence, les demandes en résolution de la vente du navire et en paiement de dommages et intérêts fondées exclusivement sur les articles 1641 et suivants du Code civil, seront rejetées comme étant infondées.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'aucune des parties, tant en première instance qu'en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par M. X

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Dit que l'intervention volontaire de la société Natixis Lease est recevable ; Infirme le jugement ; Et statuant à nouveau ; Dit que l'action de M. X est recevable ; Déboute M. X de l'ensemble de ses demandes fondées exclusivement sur les articles 1641 et suivants du Code civil ; Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'aucune des parties ; Condamne M. X aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.