Cass. 1re civ., 28 septembre 2016, n° 15-23.426
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
MD (Selarl)
Défendeur :
Chanal, Fidal (Selarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Wallon
Avocat général :
M. Drouet
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, Me Le Prado
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er juil. 2015), que Mme Chanal, avocate salariée de la société d'avocats MDL (la société MDL) et associée à hauteur de 5 %, a quitté le cabinet le 25 octobre 2012, à l'issue de son préavis, pour rejoindre la société Fidal, le 1er novembre suivant ; que, reprochant à Mme Chanal d'avoir manqué à son obligation de loyauté en supprimant de son ordinateur professionnel l'ensemble des messages électroniques relatifs aux différents dossiers qu'elle avait traités et d'avoir démarché, de façon déloyale, la société Bayer pour que celle-ci contracte avec la société Fidal et ne renouvelle pas le partenariat conclu avec la société MDL, cette dernière a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lyon ; qu'à défaut de conciliation, un arbitre a été désigné ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis : - Attendu que la société MDL fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires à l'encontre de Mme Chanal, avocate salariée et associée, alors, selon le moyen : 1°) que la société MDL faisait valoir que l'avocate indélicate avait le statut de salariée ainsi que la qualité d'associée, et, qu'en supprimant sa correspondance professionnelle de son poste de travail, elle avait empêché son employeur d'avoir accès aux échanges avec son client, méconnaissant ainsi son obligation contractuelle de loyauté ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation de l'employeur tout en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que le salarié, envers son employeur, et l'avocat associé, envers la société d'avocat, sont tenus d'une obligation de loyauté ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a retenu qu'en effaçant l'ensemble des e-mails professionnels de son ordinateur, l'avocate indélicate avait adopté une attitude contestable au regard de la déontologie s'appliquant aux avocats qu'il ne lui appartenait toutefois pas de trancher ; qu'en se déterminant ainsi, quand l'intéressée était avocate salariée et associée de la société MDL, de sorte qu'elle était non seulement tenue à une obligation déontologique de loyauté en vertu de son statut d'avocat mais également à une obligation contractuelle de loyauté et de coopération envers la société, son employeur et les autres associés, lui interdisant, hors de tout démarchage, de désorganiser le fonctionnement interne de la société, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ; 3°) que la société MDL faisait valoir que, durant son préavis, la salariée avait organisé un rendez-vous le 30 octobre 2012, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, avec la société Bayer pour le dossier de M. Kloss dont le suivi avait fait l'objet d'une facture émise le 30 novembre 2012 par la société d'avocats qui l'avait recrutée, de sorte qu'elle avait manqué à son obligation contractuelle de loyauté ainsi qu'à son obligation légale de non-concurrence déloyale et avait détourné le dossier de ce client ; qu'en déclarant qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être retenu à l'encontre de l'avocate salariée et associée, tout en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, d'une part, qu'il n'existait, au sein de la société MDL aucune charte informatique définissant les obligations des parties et les conditions d'utilisation des ordinateurs mis à disposition par le cabinet, d'autre part, que les messages électroniques, au moins ceux échangés au cours des derniers mois d'activité de Mme Chanal, ont pu être restaurés, sans toutefois qu'il soit justifié de l'étendue de ce rétablissement ; qu'il retient, encore, que la suppression des messages litigieux n'a causé aucun préjudice à la société MDL qui a ainsi pu disposer des éléments de preuve utiles au soutien de sa demande en dommages-intérêts pour démarchage déloyal ; que, par ces motifs, faisant ressortir que l'avocate n'avait pas méconnu son obligation de loyauté envers son employeur et ses associés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, qu'en énonçant que le contrat de partenariat ne comportait aucune clause d'exclusivité au profit de la société MDL qui, conservant la clientèle de la société Bayer, avait continué à percevoir une rémunération jusqu'au terme de celui-ci, la cour d'appel a ainsi, implicitement mais nécessairement, écarté le moyen invoquant un manquement à l'obligation de loyauté résultant du détournement du dossier de M. Kloss ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, et sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexés : - Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les autres branches de ces moyens : - Attendu que la société MDL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire à l'égard de Mme Chanal et de la société Fidal au titre d'actes de concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) que la société MDL faisait valoir que, durant son préavis, la salariée avait organisé un rendez-vous le 30 octobre 2012, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, avec la société Bayer pour le dossier de M. Kloss dont le suivi avait fait l'objet d'une facture émise le 30 novembre 2012 par la société d'avocats qui l'avait recrutée, de sorte qu'elle avait détourné le dossier de ce client ; qu'en déclarant qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être retenu à l'encontre de la salariée, tout en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la société MDL faisait valoir que, durant son préavis, l'associée avait organisé un rendez-vous le 30 octobre 2012, postérieurement à la rupture de son contrat de travail, avec la société Bayer pour le dossier de M. Kloss dont le suivi avait fait l'objet d'une facture émise le 30 novembre 2012 par la société d'avocats qui l'avait recrutée, de sorte qu'elle avait détourné le dossier de ce client ; qu'en déclarant qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être retenu à l'encontre de l'associée, tout en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que la société MDL faisait valoir que la tenue d'un rendez-vous avec le client de l'ancien employeur puis la facturation et donc la captation du dossier de ce client par son nouvel employeur constituait un acte de démarchage déloyal de la part du concurrent ; qu'en déclarant qu'aucun acte de concurrence déloyale ne pouvait être retenu à l'encontre du nouvel employeur tout en délaissant ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, dont elle a déduit que les agissements de concurrence déloyale imputés à l'avocate démissionnaire n'étaient pas établis, dès lors que le contrat de partenariat ne comportait aucune clause d'exclusivité au profit de la société MDL, qui, conservant la clientèle de la société Bayer, avait continué à percevoir une rémunération jusqu'au terme de celui-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.