Cass. com., 16 février 2016, n° 14-22.914
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
CDI Recyclages (Sté)
Défendeur :
Esop (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, SCP de Chaisemartin, Courjon
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société CDI Recyclages (la société CDI) que sur le pourvoi incident relevé par la société Expert en Solution Papier (la société ESOP) ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CDI, venant aux droits de la société Interseroh-CDI, ayant pour activité la collecte, le recyclage et le négoce de déchets de papiers et cartons, a conclu avec la société ESOP, active dans le même domaine, un accord d'exclusivité réciproque, pour trois ans renouvelable, à compter du 1er février 2005, par lequel elle s'engageait à acheter les papiers aux fournisseurs de la société ESOP ; qu'un avenant a précisé l'obligation d'approvisionnement de la société CDI par une liste de fournisseurs qu'elle devait payer directement, tout en versant à la société ESOP une certaine somme par tonne de papier acheté ; que le contrat prévoyait en outre la location par la société ESOP de bennes à la société CDI et une obligation réciproque post-contractuelle de non-concurrence d'une durée d'un an, interdisant à chacune des parties de s'intéresser aux fournisseurs de l'autre ; qu'en juin 2010, des difficultés étant survenues entre elles relativement à l'exécution du contrat, et des factures étant restées impayées, la société ESOP a assigné la société CDI pour voir constater la résiliation de plein droit du contrat ainsi qu'en paiement de factures impayées et en réparation des préjudices résultant de la rupture anticipée du contrat, estimée abusive et brutale ; que la société CDI a formé une demande reconventionnelle en paiement de ses factures ;
Sur le second moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société CDI fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement des factures impayées alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, la société CDI soutenait que les factures de location de bennes impayées pour un total de 25 997,26 euros, qu'elle produisait aux débats, avaient été émises en mai et surtout en juin 2010, avec une échéance de paiement à 60 jours, de sorte que le paiement de 48 013,07 euros effectué par la société ESOP le 21 juillet 2010, soit avant l'échéance contractuellement fixée, ne pouvait correspondre à ces factures ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant de nature à écarter l'allégation de la société ESOP selon laquelle le chèque litigieux de 48 013,07 euros n'aurait pas été pris en compte, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que si la société CDI soutient que les paiements de la société ESOP ont cessé dès le mois de mai 2010, la société ESOP s'est acquittée le 21 juillet 2010 d'un paiement de 48 013,07 euros, qui n'est pas contesté ; qu'il relève encore que la société CDI, qui a réclamé par lettre du 26 juillet 2010 le paiement d'un solde de compte s'élevant à la somme de 25 997,26 euros, tout en détaillant des prestations d'un montant total de 6 953,02 euros, ne produit aucun élément permettant d'identifier les sommes réclamées, celles réglées et celles restant dues, ni de retracer les factures correspondant au paiement reçu de la société ESOP ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument omises ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du même pourvoi : - Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ; - Attendu que pour condamner la société CDI à payer à la société ESOP la somme de 96 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que cette dernière peut demander une indemnité correspondant au gain dont elle a été privée en raison de l'inexécution du contrat jusqu'à son terme prévisible, ainsi qu'une indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales, celle-ci permettant à l'entreprise délaissée, par un délai de préavis raisonnable, d'avoir le temps nécessaire pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de ces relations ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en condamnant tout à la fois la société CDI à payer à la société ESOP les commissions jusqu'au terme prévisible du contrat résilié sept mois avant son échéance, et des dommages-intérêts correspondant à un préavis de six mois en réparation de la rupture brutale de leurs relations commerciales, la cour d'appel, qui a indemnisé deux fois le même dommage, a méconnu les texte et principe susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, ni sur le pourvoi incident : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société CDI à payer une somme de 96 000 euros à la société ESOP et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.