CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 30 septembre 2016, n° 14-00902
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Nature'œuf (SARL)
Défendeur :
Janelise (SARL), Sofiane (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Lis Schaal, Nicoletis
Avocats :
Mes Valentie, Landon, Fabre, Brenner
Les 5 juillet 2007 puis le 29 janvier 2009, la SARL Nature'œuf, qui exerce l'activité de producteur d'œufs, a conclu avec les sociétés Sofiane et Jane Lise, qui exploitent respectivement un magasin à l'enseigne Intermarché et Relais des Mousquetaires, un "contrat de vente et de collaboration commerciale, renouvelable par tacite reconduction par période d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties en respectant un préavis de trois mois".
Le 16 avril 2012, les sociétés Sofiane et Jane Lise ont été rachetées par la société Saniel.
Le 23 avril 2012, un entretien, qui s'est mal passé, a eu lieu entre Mme Bel, commerciale de la société Nature'œuf, et M. Caylet, dirigeant des sociétés Sofiane et Jane Lise.
Par courriers des 3 mai et 11 mai 2012, la société Nature'œuf a écrit aux sociétés Sofiane et Jane Lise "Lors de notre entretien du lundi 23 avril 2012 vous nous avez informé que votre société mettait fin immédiatement à nos relations commerciales et nous avons dû constater que vous aviez arrêté de passer des commandes depuis le 20 avril 2012. Cette rupture brutale de contrat de votre part est considérée par notre société comme abusive et illégale".
Par courrier du 31 mai 2012, M. Caylet a contesté avoir rompu les relations commerciales, en indiquant "Vous invoquez la rupture de nos relations commerciales alors que je ne vous ai transmis aucun courrier valant résiliation du contrat qui nous lie. Aucune commande ne vous a été passée depuis le 20 avril 2012 car je viens de prendre possession de ce magasin et j'étudie au fur et à mesure les différents contrats commerciaux en vigueur au sein des sociétés Sofiane et Jane Lise.
Toujours est-il que mon entretien du 23 avril 2012 avec votre commercial ses [sic] extrêmement mal passé et ne va certainement pas convaincu de votre professionnalisme. C'est pourquoi je souhaiterais vous rencontrer directement afin que nous puissions envisager la poursuite de nos relations contractuelles et les conditions de celle-ci. Je vous invite pour cela me contacter pour convenir ensemble d'une date".
Par acte du 18 décembre 2012, la société Nature'œuf a assigné les sociétés Sofiane et Jane Lise devant le Tribunal de commerce de Marseille afin que soit constatée la rupture brutale des relations commerciales, que la société Sofiane soit condamnée à lui verser la somme de 41 634,98 euros et la société Jane Lise la somme de 24 354,66 euros, à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 3 septembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce a :
- joint les deux instances,
- constaté l'absence de rupture brutale des relations commerciales par les sociétés Sofiane et Jane Lise,
- débouté la société Nature'œuf de toutes ses demandes
- constaté la rupture des relations commerciales à l'initiative de la société Nature'œuf,
- condamné la société Nature'œuf à payer à la société Sofiane la somme de 5000 euros et à la société Jane Lise la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la rupture brutale de toute relation commerciale par la société Nature'œuf
Par déclaration du 14 janvier 2014 la société Nature'œuf a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 15 mars 2016, par lesquelles la société Nature'œuf demande à la cour de :
Vu les articles L. 442-6-I, 5° du Code de commerce,
- infirmer le jugement,
Et statuant à nouveau,
- juger que les sociétés Sofiane et Jane Lise ont rompu brutalement les relations commerciales qu'elles entretenaient avec elle,
En conséquence,
- condamner les sociétés Sofiane et Jane Lise à payer à la société Nature'œuf la première la somme de 20 577,75 euros, la seconde celle de 4 277,19 euros au titre de la perte de marge brute,
- condamner les sociétés Sofiane et Jane Lise à payer à la société Nature'œuf la première 26 965,23 euros, la seconde à celle de 6 304,87 euros au titre de la perte sur ventes de dégagement,
- condamner les sociétés Sofiane et Jane Lise à payer à la société Nature'œuf chacune la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de retrouver un partenaire commercial,
- condamner les sociétés Sofiane et Jane Lise à payer à la société Nature'œuf chacune la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d'image,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 3 septembre 2013 en ce qu'il a condamné la société Nature'œuf à payer à la société Sofiane la somme de 5000 euros et à la société Jane Lise la somme de 2 500 euros et la somme de 1 800 euros à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
En tout état de cause,
- débouter les sociétés Sofiane et Jane Lise de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum les sociétés Sofiane et Jane Lise au versement de la somme de 20 000 euros au bénéfice de la société Nature'œuf, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner les sociétés Sofiane et Jane Lise aux entiers dépens, frais de procédure de première instance et d'appel inclus, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Christian Valentie, Avocat au barreau de Paris, et ce dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 juillet 2015, par lesquelles les sociétés Sofiane et Jane Lise demandent à la cour de :
Vu les articles L. 442-6, I, 5° et L. 441-6 du Code de commerce,
- confirmer dans toutes ces dispositions le jugement intervenu en première instance en ce qu'il a :
- débouté la société Nature'œuf de l'ensemble de ses demandes
- constaté la rupture des relations commerciales à l'initiative de la société Nature'œuf,
- condamné la société Nature'œuf à verser à la société Sofiane, la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts et à la société Jane Lise, la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de la rupture brutale de toute relation commerciale,
En tout état de cause,
- condamner la société Nature'œuf à payer et à porter à la société Sofiane et la société Jane Lise la somme de 5 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Nature'œuf aux entiers dépens et frais de procédure de première instance et d'appel dont distraction pour des derniers au profit de Maître Naomi Fabre, Avocat au barreau de Paris, et ce dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé, LA COUR
Sur la rupture des relations commerciales :
Considérant que la société Nature'œuf expose qu'elle n'est pas l'auteur de la rupture et que les sociétés Sofiane et Jane Lise ont reconnu avoir cessé toute commande le 20 avril 2012, pour un motif étranger à l'exécution des contrats ; qu'en effet, M. Caylet a reconnu, dans le courrier du 31 mai 2012, avoir cessé de passer des commandes depuis le 20 avril 2012, au motif que venant de prendre possession des magasins, il étudiait les contrats commerciaux en vigueur ;
Que les sociétés Sofiane et Jane Lise ont brutalement rompu les relations commerciales établies avec l'appelante depuis le 5 juillet 2007 pour la société Sofiane et le 29 janvier 2009 pour la société Jane Lise ; que la réalité des relations commerciales établies n'est pas contestée par les intimées, les relations commerciales ayant été tacitement reconduites chaque année, y compris pour l'année 2012 ; que la rupture, qui n'a été précédée d'aucun préavis écrit, est constitutive d'une rupture brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; que le changement de direction des sociétés Sofiane et Jane Lise ne saurait remettre en cause l'existence d'un contrat d'approvisionnement exclusif valablement conclu entre les parties ;
Que les intimées ne peuvent lui reprocher un manquement à ses obligations contractuelles et légales et prétendre qu'elles ne pouvaient passer commande dès lors qu'elles n'avaient pas connaissance des conditions générales de vente de l'appelante, alors que Mme Bel leur avait communiquées, le 15 novembre 2011, les conditions générales de vente valables pour l'année 2012 et, qu'en tout état de cause, si de nouvelles conditions n'étaient pas entrées en vigueur au 1er janvier 2012 celles du contrat de 2011 étaient applicables ; qu'au surplus, au cours de l'exécution des contrats, les sociétés Sofiane et Jane Lise ne lui ont jamais demandé de leur communiquer ses conditions générales de vente ;
Que la prétendue tentative "d'assainir la situation" invoquée par les sociétés Sofiane et Jane Lise n'est que de façade et qu'en réalité les intimées n'avaient aucune volonté de poursuivre la relation commerciale qu'elles ont rompue en cessant les commandes ; que même si la société Sofiane avait souhaité poursuivre les relations commerciales, elle aurait imposé à la société Nature'œuf des conditions beaucoup moins favorables, or, des changements de tarifs ou des conditions contractuelles sont considérés par la jurisprudence comme une rupture brutale ;
Considérant que la société Nature'œuf soutient que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit suffisant précédent la rupture ; que le préavis oral donné le 23 avril 2012 est inefficace, ne respecte ni les contrats, ni l'exigence de proportionnalité entre la durée du préavis et celle de la relation commerciale ; que s'agissant de relations commerciales d'une durée respective de 5 et 3 ans et d'une importance économique et financière significative, puisqu'elle avait mis en place deux troupeaux, l'un de 3 000 poules, l'autre de 1 000 poules spécialement affectés à la production et à la fourniture des œufs commandés par les intimées, le respect d'un préavis de huit mois à courir jusqu'au terme des relations était indispensable ; que le terme conventionnel de chacun des contrats survenait le 31 décembre 2012, qu'en dénonçant de facto les contrats le 20 avril 2012, les sociétés intimées devaient poursuivre les relations commerciales jusqu'au 31 décembre 2012, soit durant 8 mois et 10 jours ;
Considérant que les sociétés Sofiane et Jane Lise exposent qu'au mois d'avril 2012, la nouvelle direction de la société Sofiane, qui a examiné l'ensemble des contrats commerciaux en cours et rencontré l'ensemble des fournisseurs, s'est aperçue que la société Nature'œuf n'avait jamais communiqué ses conditions générales de vente, ni ses tarifs aux sociétés Jane Lise et Sofiane, malgré de nombreuses sollicitations ; que lorsque M. Caylet a demandé communication des conditions générales de vente et de la grille tarifaire de la société Nature'œuf, la commerciale de l'appelante a refusé de communiquer ces documents, en violation des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce ;
Que les intimées n'ont jamais souhaité cesser leur relation commerciale avec la société Nature'œuf ; que malgré le courrier du 31 mai 2012 et la demande d'entretien avec la direction de la société Nature'œuf, celle-ci n'a jamais repris contact avec les intimées, rompant brutalement, et de sa propre initiative, leurs relations commerciales ;
Que toute résiliation résultant de la dégradation des relations, dès lors qu'il est impossible d'en imputer la responsabilité à l'une ou l'autre des parties, ne constitue pas une brusque rupture des relations commerciales ; qu'en conséquence, les sociétés Sofiane et Jane Lise ne sauraient être considérées comme ayant brutalement cessé toute relation commerciale avec la société demanderesse alors qu'elles étaient dans l'attente d'un entretien et qu'elles ont vainement tenté d'assainir la situation
Que la durée du préavis invoqué par la société Nature'œuf est manifestement exagérée, puisqu'il est de jurisprudence constante qu'un préavis de trois mois doit être respecté pour des relations contractuelles d'une durée de quatre années ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que les intimées ont cessé de passer commande à la société Nature'œuf à compter du 20 avril 2012, alors que le contrat de vente et de collaboration commerciale conclue pour l'année 2011 avait été renouvelé à compter du 1er janvier 2012 par tacite reconduction ;
Que les attestations de Mme Bel, salariée de la société Nature'œuf, et celle de Mme Barneoud-Charpelier, salariée de la société Sofiane, font une description opposée des échanges intervenus lors de la réunion du 23 avril 2012; que, cependant, dans le courrier du 31 mai 2012, M. Caylet a expressément reconnu que l'arrêt des commandes depuis le 20 avril 2012, soit antérieurement à la réunion du 23 avril 2012, résultait du fait qu'il avait entrepris d'étudier au fur et à mesure des différents contrats commerciaux en vigueur au sein des sociétés Sofiane et Jane Lise ;
Considérant qu'après avoir cessé toute commande le 20 avril 2012 et bien que la rencontre avec la commerciale de l'appelante se soit mal déroulée le 23 avril 2012, le nouveau gérant des sociétés Sofiane et Jane Lise n'a pas cherché à prendre contact avec la direction de la société Nature'œuf ; que ce n'est que par courrier du 31 mai 2012, soit plus d'un mois après l'arrêt des commandes et la réunion du 23 avril 2012, et uniquement en réponse aux courriers de la société Nature'œuf dénonçant une rupture brutale, que les intimées ont indiqué à l'appelante souhaiter la rencontrer directement afin d'envisager la poursuite des relations contractuelles ; que, dès lors, les intimées, qui avait cessé de passer des commandes bien que liées par un contrat de vente et de collaboration commerciale, ne peuvent soutenir avoir cherché à maintenir les relations commerciales avec la société Nature'œuf ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats par les parties que les conditions générales de vente de la société Nature'œuf pour l'année 2011 sont annexées au "contrat de vente et de collaboration commerciale", signé le 15 décembre 2010 par les parties, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011; qu'il n'est pas contesté que ce contrat a été renouvelé par tacite reconduction pour l'année 2012 ; qu'en conséquence, les intimées étaient en possession, lorsqu'elles ont cessé d'exécuter le contrat, le 20 avril 2012, des conditions générales de vente de la société Nature'œuf ; que les sociétés Sofiane et Jane Lise ne rapportent pas la preuve des demandes de communication des conditions générales de vente et des tarifs de l'appelante qu'elle prétend avoir faites ; que la simple affirmation contenue dans l'attestation non circonstanciée du comptable des sociétés intimées, soumis à un lien de subordination, est insuffisante à elle seule à rapporter cette preuve ;
Considérant que si l'appelante ne démontre la remise de ses conditions tarifaires que par l'attestation de Mme Bel, qui indique notamment avoir remis à M. Caylet, le 23 avril 2012, les conditions générales de vente et les tarifs 2012, lesquels "étaient déjà en possession du service comptabilité depuis mon rendez-vous avec M. Lafolie, directeur, le 15 novembre 2011", néanmoins le contrat conclu pour 2011 prévoit la communication des tarifs et les intimées, qui depuis plusieurs années réglaient les factures de la société Nature'œuf et mal fondé à soutenir qu'elle ignorait les tarifs pratiqués par sa cocontractante ; qu'en conséquence, les intimées sont mal fondées à soutenir que les dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce n'ont pas été respectées par la société Nature'œuf ;
Considérant que la relation commerciale existant entre les parties depuis plusieurs années, près de 5 ans pour la société Sofiane et plus de 3 ans pour la société Jane Lise revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel, permettant à l'appelante de raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec les intimées ; qu'il apparaît que la direction des sociétés Sofiane et Jane Lise, qui venait de changer après le rachat de ces sociétés, a souhaité revoir les contrats en cours conclus par la précédente direction ; que les intimées en cessant de passer commande à la société Nature'œuf à compter du 20 avril 2012, sans respecter le moindre délai de prévenance, ont rompu brutalement la relation commerciale qui existait entre les parties, en violation des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce qu'en ce qui concerne la rupture de relations commerciales établies, le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ;
Considérant que, eu égard à l'activité de la société Nature'œuf et à la durée des relations commerciales respectives, il y a lieu de fixer à 3 mois la durée du préavis qui aurait dû être donné par la société Jane Lise à la société Nature'œuf pour lui permettre de trouver un autre partenaire économique et à 4 mois celui qui aurait dû être donné par la société Sofiane ;
Sur le préjudice
Considérant que la société Nature'œuf sollicite la réparation du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture des relations commerciales en faisant valoir qu'elle a été privée de la marge brute qu'elle aurait réalisé durant les 8 mois de préavis, soit 33,70 % du chiffre d'affaires, et qu'elle a subi une perte liée "à la vente de dégagement en casserie" des œufs qui n'ont pas été vendus aux intimées ; qu'au surplus, en l'absence de tout préavis, elle a été privée d'une chance de trouver durant la durée du préavis un nouveau partenaire proposant des conditions d'achat comparables et sollicite à ce titre une indemnité de 10 000 euros par contrat rompu ; qu'enfin, l'appelante invoque l'existence d'un préjudice d'image, chiffré à 10 000 euros, résultant de l'impossibilité de proposer ses produits aux consommateurs clients des intimées, ce déréférencement brutal étant de plus susceptible de jeter le discrédit sur ses produits vis-à-vis des autres distributeurs ;
Considérant que les sociétés Sofiane et Jane Lise répondent que l'appelante ne justifie pas des préjudices économique ou d'image qu'elle invoque ; que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Sofiane représentait 0,89 % du chiffre global de l'entreprise Nature'œuf et celui avec la société Jane Lise 0,19 % ; que l'année de la rupture le chiffre d'affaires de l'appelante a augmenté de plus de 11 % ; que les intimées exposent qu'elles ont subi un préjudice résultant de la rupture brutale de la relation commerciale opérée par la société Nature'œuf à compter du 3 mai 2012, ce qui les a contraintes à se réorganiser en urgence et a entraîné un manque à gagner à hauteur de 5 000 euros pour la société Sofiane et de 2 500 euros pour la société Jane Lise ;
Considérant que seuls sont indemnisables les préjudices résultant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même ; que la société Nature'œuf justifie, par la production d'une attestation de son expert-comptable, que son taux de marge moyen, toutes catégories d'oeufs confondues, est de 33,70 % ; que l'appelante justifie également que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Sofiane était de 27 393,77 euros, sur la période du 1er janvier au 20 avril 2012, et de 91 592,38 euros en 2011 et que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Jane Lise était de 6 116,11 euros, sur la période du 1er janvier au 28 avril 2012, et de 19'037,95 euros en 2011 ;
Considérant que durant les 4 mois de préavis qui auraient dû être respectés par la société Sofiane, l'appelante aurait pu prétendre à une marge brute de 10 000 euros ; que durant les 3 mois de préavis qui auraient dû être respectés par la société Jane Lise l'appelante aurait pu prétendre à une marge brute de 1 600 euros ; que la société Nature'œuf, qui ne produit aucune pièce justificative à l'appui de sa demande d'indemnité liée au dégagement d'œufs en casserie, doit être déboutée de cette demande ; qu'il en est de même du préjudice d'image invoqué, qui n'est pas établi ; que l'appelante doit également être déboutée de sa demande au titre de la perte de chance de trouver un nouveau partenaire commercial durant le préavis, dès lors qu'en obtenant le versement de sa perte de marge brute, elle a obtenu la réparation intégrale de son préjudice résultant de la brutalité de la rupture ;
Considérant que la rupture brutale des relations commerciales étant imputable aux intimées, celles-ci doivent être déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts à ce titre et le jugement doit être infirmé de ces chefs ;
Par ces motifs : Infirme le jugement. Et statuant à nouveau, Dit que la SAS Sofiane et la SARL Jane Lise ont rompu brutalement, le 20 avril 2012, les relations commerciales qu'elles entretenaient avec la SARL Nature'œuf, Condamne la SAS Sofiane à verser à la SARL Nature'œuf la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne la SARL Jane Lise à verser à la SARL Nature'œuf la somme de 1 600 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne in solidum la SAS Sofiane et la SARL Jane Lise à verser à la SARL Nature'œuf la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne in solidum la SAS Sofiane et la SARL Jane Lise aux dépens, qui pourront être recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.