Cass. com., 4 octobre 2016, n° 15-14.685
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Iglecar (SA)
Défendeur :
Ligier Group (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Capron
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2014), qu'en 1999, la société Microcar, qui fabrique et commercialise des voitures sans permis, et aux droits de laquelle vient la société Ligier Group, a consenti à la société Iglecar un contrat à durée indéterminée pour la distribution exclusive de ses véhicules au Portugal ; qu'en septembre 2008, la société Driveplanet a acquis la totalité du capital de la société Microcar, ainsi que celui de sa concurrente, la société Automobiles Ligier ; qu'en novembre 2009, la société Microcar a notifié à la société Iglecar la résiliation du contrat de distribution, avec un préavis d'un an, qu'elle a justifié par la réorganisation substantielle de son réseau de distribution ; que contestant les conditions de cette résiliation et la durée du préavis la société Iglecar a assigné la société Microcar en réparation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Iglecar fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale partielle d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen, que toute rupture brutale, même partielle, d'une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur ; que les juges ne peuvent prendre en compte des éléments postérieurs à la rupture partielle de la relation pour refuser d'indemniser le préjudice découlant du caractère brutal de la rupture ; que pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société Iglecar à l'encontre de la société Microcar, la cour d'appel a retenu qu'au regard des ventes réalisées en 2009, la modification du calcul des remises et de l'avance sur stocks faite antérieurement, à la fin de l'année 2008, n'avait pas constitué une rupture brutale partielle de leur relation commerciale établie de ces sociétés ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Microcar n'avait pas causé à la société Iglecar un préjudice découlant du caractère brutal de la rupture, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir justement pris en considération la situation des parties et le contexte économique dans lequel les conditions commerciales, négociées annuellement, ont été modifiées, et en avoir déduit qu'aucune des modifications appliquées à compter de l'année 2009 ne constituait une rupture partielle des relations commerciales au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté la demande indemnitaire formée à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Iglecar fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat de distribution alors, selon le moyen : 1°) que constitue une rupture fautive le fait d'entretenir jusqu'au bout son partenaire dans l'illusion que le contrat sera renouvelé ; que la société Iglecar faisait valoir qu'elle avait été maintenue dans l'illusion de la poursuite du contrat de distribution par l'envoi des courriers de novembre 2008 et de janvier 2009, quand le projet stratégique de la société Microcar de l'exclure avait déjà été élaboré dès sa prise de contrôle par la société Driveplanet, comme cela résultait de la lettre de résiliation du 25 novembre 2009 ; que la cour d'appel a débouté la société Iglecar de sa demande en condamnation de la société Microcar pour rupture abusive du contrat de distribution, en retenant que rien dans les termes des courriers adressés en novembre 2008 et janvier 2009 ne permettait de soutenir que la société Microcar avait déjà déterminé que le contrat serait résilié au mois de novembre 2009 ; qu'elle s'est ainsi fondée sur un motif inopérant sans rechercher si, notamment au regard de la lettre de résiliation, la réorganisation par la société Microcar de son réseau de distribution n'avait pas déjà été envisagée lors de l'envoi des courriers litigieux à la société Iglecar, entachant sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; 2°) qu'il était constant et non contesté que la société Iglecar avait effectué des dépenses de publicité en 2009 après que la société Microcar lui avait fait croire, par courriers du 25 novembre 2008 et du 13 janvier 2009 que le contrat de concession serait poursuivi ; qu'en déboutant la société Iglecar de sa demande en condamnation de la société Microcar pour rupture abusive du contrat de distribution sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les dépenses de publicité engagées par la société Iglecar n'impliquaient pas de retenir un abus du droit de rompre le contrat imputable à la société Microcar, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que le délai de préavis accordé à la société Iglecar était conforme aux stipulations du contrat de distribution, qui reprennent elles-mêmes les dispositions de l'article 3.5.b.ii) du Règlement n° 1400/2002 de la Commission européenne du 31 juillet 2002, et qu'il était justifié par la nécessité de réorganiser tout ou partie substantielle du réseau de distribution dans un contexte économique difficile, l'arrêt relève que les termes des lettres adressées en novembre 2008 et janvier 2009 à la société Iglecar n'établissent pas que la société Microcar avait déjà décidé que leur contrat serait résilié au mois de novembre 2009 ; qu'après avoir mentionné qu'une assistance publicitaire était accordée au distributeur chaque année, l'arrêt constate, par motifs adoptés, que la société Iglecar invoque un préjudice correspondant aux dépenses de publicité des trois années précédant la rupture et que son importante commande de véhicules et pièces détachées, passée en novembre 2010, soit après réception de la lettre de résiliation, a été honorée par la société Microcar ; qu'il retient que si les termes des courriels échangés entre les parties ont pu faire croire à la société Iglecar que leurs relations allaient perdurer, cette dernière ne justifie pas pour autant avoir réalisé des dépenses d'investissement au profit du réseau Microcar et ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société Microcar à l'occasion de la rupture du contrat ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche invoquée à la seconde branche, que ces constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.