CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 29 septembre 2016, n° 14-06231
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Oiseaux du Midi (Association)
Défendeur :
Hyundai Motor France (SAS), Auto Provence (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roussel
Conseillers :
Mmes Durand, Chalbos
Avocats :
Mes Magnan, Rousset, Guedj, Daels, Mas
Le 19 novembre 2007 l'association Les Oiseaux du Midi a acquis de la société Auto Provence, mandataire automobile, un véhicule de marque Hyundai modèle Tucson au prix de 23 000 euros payé comptant.
Le véhicule a été acquis auprès d'un distributeur belge Korean Motors Cy, importateur pour la Belgique, qui l'a lui-même acquis du constructeur coréen Hyundai Motors.
Lors d'un déplacement sur Paris le 24 avril 2009 le véhicule a été immobilisé suite à une panne, le garagiste réparateur préconisant le remplacement du moteur.
L'association a alors demandé à la société Hyundai Motor France, d'assumer cette réparation dans le cadre de la garantie contractuelle de trois ans, qui l'a déniée au motif que les factures d'entretien révélaient que le véhicule n'avait pas été entretenu conformément aux préconisations du constructeur et que les dommages dus à un entretien incorrect n'entraient pas dans le champ de la garantie.
Une expertise a été ordonnée en référé le 5 janvier 2010 sur demande de l'association au contradictoire de la société Hyundai Motor France.
L'expert D. a déposé son rapport fin 2010 concluant que la panne était imputable à un bris de piston, anormal pour un véhicule de 48 000 km, qu'il s'agissait d'un vice caché, et a écarté toutes les autres hypothèses envisagées par le constructeur et notamment un mauvais entretien ou un mauvais usage du client.
Par exploit du 17 octobre 2012 l'association Les Oiseaux du Midi a assigné la société Hyundai France, au visa de l'article 1641 du Code civil, et la société Auto Provence, au visa de l'article 1991 du même Code, en paiement des sommes de 14 463,68 euros au titre des réparations, de 12 684 euros au titre de son préjudice de jouissance, de 3 000 euros pour les préjudices complémentaires et de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Hyundai Motor France a soulevé le défaut de qualité à agir de l'association et soutenu que la garantie des vices cachés ne pouvait lui être opposée alors qu'elle n'était pas partie à la transaction.
La société Auto Provence a quant à elle soutenu n'avoir commis aucune faute envers l'acquéreur en matière d'information sur la garantie, rappelant qu'elle n'avait pas été partie à l'expertise et soutenant que l'action en garantie des vices caché était prescrite à son égard.
Par jugement du 12 février 2014 le Tribunal de commerce de Toulon a :
Vu les articles 1648, 1641 et suivants,
Vu les articles 16 et 122 du Code de procédure civile,
Déclaré recevable l'action engagée par l'association Les Oiseaux du Midi par sa présidente en exercice Madame G.,
Débouté l'association de son action en garantie des vices cachés contre la société Hyundai Motor France,
Constaté la prescription de l'action engagée à l'égard de la société Auto Provence,
Déclaré irrecevable l'action engagée à son encontre,
Condamné l'association Les Oiseaux du Midi à payer la somme de 1 000 euros à chacun des défendeurs au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Le tribunal a dit que la société Hyundai Motor France n'apparaissait pas dans la chaîne contractuelle et qu'elle n'était pas tenue de garantir un véhicule vendu par un mandataire l'ayant acquis d'un importateur belge de la marque Hyundai.
Par acte du 27 mars 2014 l'association Les Oiseaux du Midi a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions n° 2 déposées et notifiées le 2 juin 2015, tenues pour intégralement reprises, elle demande à la Cour de :
Vu les articles 1641 et suivants et, subsidiairement 1382 du Code civil à l'égard de la société Hyundai Motor France et 1991 et suivants à l'égard de la société Auto Provence,
Ecarter les contestations des intimées,
Déclarer recevable et bien fondée son action,
Réformer la décision entreprise,
Dire que la société Hyundai Motor France est tenue de la garantie des vices cachés affectant le véhicule vendu,
Condamner la société Hyundai Motor France au paiement des sommes de des sommes de 14 463,68 euros au titre des réparations, de 15 000 euros au titre de son préjudice de jouissance, de 3 000 euros pour les préjudices complémentaires,
Subsidiairement,
Dire que la société Hyundai Motor France a engagé sa responsabilité quasi délictuelle en ne révélant pas immédiatement qu'elle n'était pas impliquée dans la chaîne des intervenants dans la vente au profit de l'association,
La condamner en conséquence à payer des dommages et intérêts d'un montant correspondant au préjudice précité de l'association,
Encore plus subsidiairement,
Dire que la société Auto Provence a commis une faute en qualité de mandataire et la condamner sur le fondement de l'article 1991 du Code civil au paiement des sommes précitées qui ne pourraient être réglées par la société Hyundai Motor France,
Condamner tout succombant au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 31 mai 2016, tenues pour intégralement reprises, la SAS Hyundai Motor France, demande à la Cour de :
Vu l'article 1641 du Code civil,
Vu l'article 32-1 du CPCIV,
A titre principal,
Recevoir l'appelante mais la dire mal fondée,
Constater que :
- le véhicule litigieux a été importé de Corée par la société Korean Motor Cy, importateur officiel des véhicules de la marque Hyundai pour la Belgique,
- la société Hyundai Motor France n'est pas partie à la chaîne contractuelle de ventes du véhicule,
- elle n'en est ni le constructeur, ni l'importateur, ni le distributeur, ni même le vendeur,
- elle n'est pas tenue au titre de la garantie des vices cachés de ceux affectant ce véhicule,
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'association Les Oiseaux du Midi de son action en vice caché,
A titre subsidiaire,
Constater que la société Hyundai Motor France, qui n'y était pas obligée, a indiqué le 3 janvier 2011 à l'association qu'elle ne pouvait agir à son encontre sur le fondement de la garantie des vices cachés et l'a invitée à se retourner vers l'importateur belge,
Constater que l'association a commis une faute à l'origine de son préjudice en refusant d'appel en cause la société Korean Motors Cy,
En conséquence,
Dire que la société Hyundai Motor France n'a commis aucune faute,
Débouter l'appelant de ses demandes fondées sur l'article 1382 du Code civil,
Reconventionnellement,
La condamner au paiement d'une somme de 4 000 euros pour procédure abusive et celle de 1 500 euros à titre d'amende civile,
La condamner au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 22 juillet 2014, tenues pour intégralement reprises, la société Auto Provence demande à la Cour de :
Vu les articles 1648 du Code civil et 122 du CPCIV,
Vu l'article 16 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,
Confirmer le jugement attaqué,
Débouter l'association Les Oiseaux du Midi de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Condamner l'association au paiement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L'affaire a été clôturée en l'état le 15 juin 2016.
Motifs
Sur l'action en garantie des vices cachés :
Attendu qu'en vertu des articles 1641 et 1648 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ; que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ;
Attendu que l'action en garantie des vices cachés doit en conséquence être intentée à l'encontre du vendeur, le sous-acquéreur étant recevable à agir contre le vendeur originaire ;
Attendu que la société Hyundai Motor France n'est pas le vendeur du véhicule litigieux, acquis par l'association Les Oiseaux du Midi par l'entremise d'un mandataire la société Auto Provence auprès d'une société importatrice sise en Belgique ;
Attendu que n'ayant aucun lien contractuel avec l'association Les Oiseaux du Midi dans le cadre de cette vente, l'acquéreur est mal fondé à rechercher sa responsabilité au titre de la garantie des vices cachés en application de l'article 1641 du Code civil ;
Attendu que si la société Hyundai Motor France est le représentant en France de la marque Hyundai et si 200 points de vente et sites Hyundai existent en France, ces éléments ne peuvent avoir pour effet de lui conférer la qualité de producteur, d'importateur ou de vendeur du véhicule litigieux, dont il est constant et reconnu par l'association qu'il a été acquis auprès d'un importateur belge, la société Korean Motors Cy, pour son compte par son mandataire français la société Auto Provence ;
Attendu que le jugement ayant débouté l'association Les Oiseaux du Midi de l'action en garantie des vices cachés dirigée à l'égard de la société Hyundai Motor France est par suite confirmé ;
Sur la responsabilité délictuelle de la société Hyundai Motor France :
Attendu que l'association soutient que la société Hyundai Motor France aurait engagé sa responsabilité délictuelle à son égard pour ne pas lui avoir révélé qu'elle n'était pas le vendeur du véhicule ;
Attendu toutefois que la seule participation de Hyundai Motor France à l'expertise ordonnée en référé à son contradictoire en janvier 2010 ne présente aucun caractère fautif, étant relevé que dès le dépôt du rapport d'expertise le 27 décembre 2010 concluant à l'existence d'un vice caché le conseil de la société Hyundai Motor France a invité celui de l'association par courrier du 4 janvier 2011 à se retourner contre l'importateur belge, premier vendeur, lui précisant ne pas être tenu de la garantie des vices cachés ;
Attendu qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Hyundai France envers l'association qui avait l'entière direction de son procès et qui savait depuis l'origine que le véhicule avait été acquis en Belgique par un importateur de la marque Hyundai ; qu'elle n'a donc pu se méprendre sur la personne du vendeur du véhicule ;
Attendu qu'elle sera par conséquent déboutée de ses demandes dirigées à l'égard de la société Hyundai Motor France au titre de sa responsabilité délictuelle ;
Sur l'action dirigée contre la société Auto Provence :
Attendu qu'elle recherche la responsabilité de son mandataire en application de l'article 1991 du Code civil au motif que ce dernier aurait acheté un véhicule ne bénéficiant pas de la garantie contractuelle malgré l'annonce publicitaire d'une garantie de trois ans ;
Attendu qu'en vertu de l'article 1991 du Code civil le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ;
Attendu que la société Auto Provence a livré à l'association Les Oiseaux du Midi le véhicule que cette dernière lui avait donné mandat d'acquérir auprès de l'importateur belge ;
Attendu que l'acquéreur a mis en œuvre la garantie des vices cachés et est déboutée de son action faute de l'avoir dirigée contre le vendeur originaire ou intermédiaire ;
Attendu que la garantie contractuelle de trois ans n'est pas dans le débat n'étant pas revendiquée par l'association :
Attendu qu'elle a été déniée par la société Hyundai Motor France au motif que les réparations d'entretien effectuées ne correspondaient pas aux préconisations du constructeur et que les défauts dus à un entretien incorrect n'étaient pas couverts par la garantie constructeur ;
Attendu que le refus de mise en œuvre de cette garantie contractuelle ne permet pas d'incriminer la responsabilité du mandataire ayant importé le véhicule litigieux ;
Attendu que l'association Les Oiseaux du Midi est dès lors déboutée de ses demandes dirigées contre la société Auto Provence ;
Attendu que si l'appel de l'association Les Oiseaux du Midi apparait abusif au regard de la motivation du jugement, la société Hyundai Motor France ne justifie pas pour autant d'un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de frais irrépétibles ;
Attendu qu'elle est dès lors déboutée de sa demande de condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 4 000 euros pour procédure abusive ;
Attendu que la Cour estime ne pas devoir prononcer l'amende civile requise par la société Hyundai Motor France ;
Attendu que l'association Les Oiseaux du Midi est condamnée à verser une indemnité de 2 000 euros à la société Auto Provence et de 3 000 euros à la société Hyuandai Motor France en compensation de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Attendu que, partie perdante, l'association Les Oiseaux du Midi est condamnée aux entiers dépens ;
Par ces motifs : LA COUR statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement, Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déboute l'association Les Oiseaux du Midi de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; Déboute la société Hyundai Motor France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Dit n'y avoir lieu à prononcer d'amende civile ; Condamne l'association Les Oiseaux du Midi à verser une indemnité de 2 000 euros à la société Auto Provence et une indemnité de 3 000 euros à la société Hyuandai Motor France en compensation de leurs frais irrépétibles d'appel ; Condamne l'association Les Oiseaux du Midi aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.