CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 4 octobre 2016, n° 15-22461
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dirickx Industries (SAS)
Défendeur :
Intercloture (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
Mmes Auroy, Douillet
Avocats :
Mes Flauraud, Guizard
Fondée en 1921, la société Dirickx industries (ci-après Dirickx), spécialiste internationale de la protection périmétrique des sites, se présente comme le leader du marché en France, avec 30% des parts.
Elle distribue ses produits essentiellement en grandes surfaces de bricolage et à travers des réseaux de négociants de matériaux ou de fournisseurs industriels.
La société Intercloture, immatriculée en 2012 au registre du commerce et de l'industrie de Lille, a une activité régionale de vente directe de clôtures à des particuliers et certains petits poseurs.
Ayant constaté, dans le courant du mois d'octobre 2013 et du mois d'avril 2014 (facture d'achat émise par la société Intercloture du 28 octobre 2013 et procès-verbal de constat d'huissier effectué le 17 avril 2014 sur le site internet www.clotureimort.sitew.com), que la société Intercloture offrait à la vente et commercialisait des poteaux de clôture métalliques identiques aux poteaux Axis et Axor qu'elle fabrique et commercialise, à l'intention respective des professionnels et des particuliers, la société Dirickx a, par acte du 30 mai 2014, fait assigner cette société devant le tribunal de commerce de Paris en concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement du 1er janvier 2015, le tribunal a :
- débouté la société Dirickx de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Dirickx à payer à la société Intercloture la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Dirickx aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 153,96 euros dont 25,22 euros de TVA.
La société Dirickx a interjeté appel de cette décision le 6 novembre 2015.
Vu les dernières conclusions transmises le 3 mai 2016 par la société Diricks, qui, au-delà de demandes de constatations qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 6 du Code de procédure civile, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, dire et juger que la société Intercloture s'est livrée, à son préjudice à des actes de concurrence déloyale et de concurrence parasitaire, en application de l'article 1382 du Code civil, - en conséquence, faire interdiction à la société Intercloture d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser le produit en cause, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner la société Intercloture à lui payer la somme provisionnelle de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de concurrence parasitaire commis à son encontre, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société Intercloture, - ordonner en outre la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix et et aux frais avancés de la société Intercloture à hauteur de 5 000 euros H.T. par publication, - condamner la société Intercloture à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner la société Intercloture aux entiers dépens, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du même Code ;
Vu les dernières conclusions transmises le 18 mars 2016 par la société Intercloture, qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement, - y ajoutant, condamner la société Dirickx à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel ;
Motifs de l'arrêt :
- sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :
Considérant qu'il résulte des pièces produites, et notamment des produits concernés, que les poteaux Axis et Axor, fabriqués et commercialisés par la société Dirickx, constitués d'une ossature creuse de forme trapézoïdale dont la grande base est reliée en forme de T comportant deux ailes latérales inclinées et recourbées à leur extrémité, ayant de profil la forme d'une ancre, ne diffèrent entre eux que par leur dimension (le premier étant plus grand), leur résistance (feuillard utilisé pour la fabrication du premier plus épais) et la forme de l'extrémité de leur ossature (un peu plus bombée sur le premier) ;
Qu'il ressort de la comparaison de ces produits avec deux les poteaux litigieux commercialisés par la société Intercloture produits, dont il n'est pas contesté qu'ils correspondent à ceux achetés le 28 octobre 2013, selon facture correspondante, et à ceux présentés (photographie et tarifs) sur le site internet non marchand www.clotureimort.sitew.com, selon procès-verbal de constat du 17 avril 2014, présentent les mêmes caractéristiques ;
Que les différences de détails relevées par la société Intercloture (quelques millimètres de différence pour la largeur de l'espace central et des gorges pour passer les fils, ailes assemblées par pressage au lieu de rivets) n'apparaissent qu'au terme d'un examen minutieux et ne permettent pas d'écarter l'impression d'ensemble identique des deux produits ;
Que les poteaux Intercloture sont la copie quasi-servile des poteaux Axis et Axor de la société Dirickx ;
Considérant que, certes, ces derniers ne sont protégés par aucun droit privatif ; que néanmoins, aucune nécessité technique n'imposait la reprise quasi-servile de leur forme caractéristique, se distinguant de celles, assez variées, des poteaux pour clôture métallique fabriqués et commercialisés par les concurrents ;
Qu'il ressort en outre des catalogues produits qu'ils constituent un des produits phares de la société Dirickx depuis de nombreuses années, ce que ne pouvait ignorer, en tant que professionnel, la société Intercloture, qui s'est fourni pour ses propres poteaux en Chine ; que la situation de concurrence entre les deux sociétés est réelle, la clientèle locale de la société Intercloture étant naturellement conduite, comme tout consommateur moyen normalement avisé, à effectuer une comparaison entre les produits qui lui sont proposés et ceux se trouvant dans les grandes surfaces de bricolage achalandées par la société Diriickx ; qu'elle sera alors encline à se détourner de ces derniers au profit des produits, sans marque, les imitant, offerts avec un service de proximité, en supposant, soit qu'ils ont la même origine, soit, ce qui est plus probable, les produits Axis et Axor étant revêtus de la marque de la société Dirickx, que compte tenu de leurs ressemblances, ils présentent vraisemblablement des caractéristiques identiques et voisines ; que le risque de confusion est donc avéré ;
Que la société Intercloture a en conséquence commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Dirickx ; que le jugement doit être infirmé de ce chef ;
Considérant qu'en revanche, n'étant pas fabricante des poteaux qu'elle commercialise, il ne saurait lui être reproché d'avoir fait une économie d'investissements de mise au point en achetant un produit constituant la copie quasi-servile des poteaux Axis et Axor ; que la société Dirickx, qui ne peut se faire de preuve à elle-même en avançant des chiffres sur lesquels l'expert-comptable qu'elle a sollicité n'a pas souhaité se prononcer, ne justifie par ailleurs d'aucun investissement publicitaire spécifique à ces produits qui lui permettrait de reprocher utilement à la société intimée une économie indue en prospection commerciale ; qu'il convient donc, confirmant le jugement de ce chef, de la débouter de sa demande au titre du parasitisme ;
- sur le préjudice et les mesures de réparation :
Considérant que la société Dirickx Industrie sollicite l'octroi d'une somme provisionnelle de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;
Que toutefois, pour des raisons identiques à celles précédemment exposées pour ses investissement, elle ne justifie pas non plus du chiffre d'affaires spécifique aux poteaux Axis et Axor ; qu'elle n'a pas cru bon devoir, dans ses écritures, relever et comparer les prix pratiqués de part et d'autre ;
Que n'ayant adressé à la société Intercloture aucune sommation en ce sens, elle n'est pas fondée à lui reprocher de s'abstenir de communiquer spontanément la documentation comptable qui lui permettrait de chiffrer précisément son manque à gagner, au-delà de celui pouvant être déduit de la facture isolée du mois d'octobre 2013 ;
Que par ailleurs, il convient d'observer que le site internet sur lequel la société Intercloture présente ses produits n'est pas un site marchand, ce qui relativise l'ampleur de la diffusion de ses produits, essentiellement locale ;
Que la société Intercloture justifie - par la production de factures - avoir, dès son assignation en justice, fait appel à un autre fournisseur ;
Qu'il apparaît qu'en s'abstenant de toute mise en demeure préalable à l'engagement de la présente action, dès sa connaissance des premiers faits litigieux, la société Dirickx a participé à l'aggravation de son préjudice ;
Qu'au regard de ces éléments, la cour estime que le préjudice financier subi par la société Dirickx - dont elle demande seul réparation - sera suffisamment réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que, pour prévenir le renouvellement des faits, il sera en outre prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte, dans les termes précisés au dispositif de la présente décision ;
Que les circonstances ne justifient pas le prononcé d'une mesure de publication ;
Considérant que le sens de la présente décision commande d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; qu'il sera statué de ces chefs tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel tel que précisé au dispositif ci-après ;
Par ces motifs : La Cour, Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Dirickx Industries de sa demande au titre du parasitisme, Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Dit que la société Intercloture a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Dirickx Industries, Condamne la société Intercloture à payer à la société Dirickx Industries la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi de ce chef, Fait interdiction à la société Intercloture d'importer, d'offrir à la vente et de commercialiser les poteaux pour clôture métallique litigieux constituant une copie quasi-servile des poteaux Axis et Axor de la société Dirickx Industries, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision, Rejette toute autre demande, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la société Intercloture et la condamne à payer à la société Dirickx Industries la somme de 4 000 euros, Condamne la société Intercloture aux entiers dépens, Accorde à Maître Pascale Flauraud le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.