CAA Nancy, 4e ch., 27 octobre 2015, n° 15NC00242
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cogest (Sté)
Défendeur :
Chambre de commerce et d'industrie des Ardennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Marino
Rapporteur :
M. Michel
Rapporteur public :
M. Laubriat
Avocats :
SCP Dombek, SCP Ledoux - Ferri -Yahiaoui - Riou-Jacques - Touchon
LA COUR : - Vu la procédure suivante : - Procédure contentieuse antérieure : - La société Cogest a demandé au Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes à lui verser la somme de 24 410,63 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture unilatérale des relations commerciales.
Par un jugement n° 1201970 du 4 novembre 2014, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 janvier 2015 et 27 février 2015, la société Cogest, représentée par la SCP Dombek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 novembre 2014 ;
2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes à lui verser la somme de 24 410,63 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture unilatérale des relations commerciales, assortie des intérêts à compter du mois de septembre 2009 ;
3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le débauchage par la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes de la salariée de la société ;
- les conditions de la rupture du contrat ne sont pas conformes aux dispositions du 5° de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce dès lors que la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes a résilié le contrat sans préavis écrit ;
- selon le principe de loyauté, la rupture contractuelle a été abusive ;
- elle a subi un préjudice de 10 097 euros au titre de la formation en anglais et de 6 258 euros au titre de la formation informatique ;
- elle a subi un préjudice de 8 055,63 euros correspondant au règlement des salaires de Mme X de juillet à octobre 2009 alors que les relations commerciales étaient rompues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes, représentée par la SCP Ledoux - Ferri -Yahiaoui - Riou-Jacques - Touchon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Cogest sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 442-6-1 du Code de commerce est inopérant ;
- le marché a pris fin à son terme ;
- le préjudice allégué n'est pas justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Code de commerce ;
- le Code des marchés publics ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.
1. Considérant que la société Cogest relève appel du jugement du 4 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes à lui verser la somme de 24 410,63 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture unilatérale des relations commerciales ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 1er du Code des marchés publics : " I. Les dispositions du présent code s'appliquent aux marchés publics et aux accords-cadres ainsi définis : / Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services " ; qu'aux termes de l'article 2 du même code : " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : 1° L'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial " ; qu'aux termes de l'article L. 710-1 du Code de commerce : " (...) les chambres de commerce et d'industrie de région, les chambres de commerce et d'industrie territoriales et les groupements interconsulaires sont des établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et administrés par des dirigeants d'entreprise élus " ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier : " I. - Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs " ; et qu'aux termes de l'article L. 442-6-I du Code de commerce : " I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) / 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Cogest a conclu avec la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes pour l'année universitaire 2008/2009 un marché à bons de commande ayant pour objet des prestations de formation en anglais et en informatique ; que ce contrat, qui entre dans le champ d'application du Code des marchés publics, a le caractère d'un contrat administratif ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la rupture abusive de ce marché public en méconnaissance des dispositions précitées du 5° de l'article L. 442-6-I du Code de commerce, qui ne sont pas applicables au litige, ne peut qu'être écarté comme inopérant ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que le marché conclu entre la société Cogest et la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes pour l'année universitaire 2008/2009 était d'une durée d'un an, dont le terme était le 9 août 2009 ; que pour l'année universitaire 2009/2010, la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes a d'ailleurs lancé un nouvel appel d'offres n° 2009-15, auquel la société Cogest n'a pas participé ; que les relations contractuelles entre la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes et la société Cogest ont ainsi pris fin le 9 août 2009, au terme de leur contrat ; que les parties n'étant plus liées contractuellement après cette dernière date, la société Cogest n'est pas fondée à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes a rompu leurs relations contractuelles en septembre 2009, ni à demander l'indemnisation des préjudices en résultant ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cogest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes aux dépens ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cogest le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Cogest est rejetée.
Article 2 : La société Cogest versera à la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cogest et à la chambre de commerce et d'industrie des Ardennes.