CA Rennes, 2e ch., 7 octobre 2016, n° 13-06261
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mercedes-Benz France (SA), Belleguic (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseillers :
Mmes Le Potier, Dotte-Charvy
Avocats :
Mes Richer, Pomies, Chaudet, Bourgeot, Depasse, Bellaïche
FAITS et PROCÉDURE :
Suivant bon de commande en date du 9 janvier 2001, M. et Mme Michel X ont acquis auprès de la société Belleguic SA, concessionnaire Mercedes-Benz à Quimper, un véhicule neuf de marque Mercedes modèle E 270 CDI, moyennant le prix de 271 450 francs (41 382,29 euro) ramené à 249 734 francs (38 071,70 euro) outre 1 600 francs de frais de carte grise, la date de livraison étant prévue au 16 janvier 2001.
Ayant constaté courant 2008 des phénomènes de corrosion anormaux, M. X a mandaté un expert qui a établi un rapport le 5 août 2009, puis a obtenu par ordonnance de référé du 3 février 2010 la désignation d'un expert, lequel a clos son rapport le 10 juin 2011.
Par actes signifiés le 29 juillet 2011, M. X a fait assigner la société Belleguic et la SAS Mercedes-Benz France aux fins d'obtenir des dommages et intérêts, et par jugement en date du 9 juillet 2013, le Tribunal de grande instance de Quimper a :
- dit que le véhicule n'est pas affecté d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil,
- dit que l'existence d'un dol émanant de la société Belleguic n'est pas démontrée,
- débouté M. X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées sur le fondement des articles 1641 et 1116 du Code civil,
- débouté les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de garantie de la société Belleguic,
- fait masse des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et dit qu'ils seront répartis entre les trois parties, à hauteur de la moitié pour M. X, d'un quart pour la société Belleguic et d'un quart pour la SAS Mercedes-Benz France.
Par déclaration déposée au greffe le 20 août 2013, M. X a relevé appel de cette décision.
Au terme de ses conclusions n° 2, il demande à la cour de :
- débouter la société Belleguic de sa demande d'irrecevabilité,
- réformer le jugement entrepris et condamner solidairement les sociétés Belleguic et SAS Mercedes-Benz France au paiement des sommes de 24 000 euro TTC au titre de son préjudice matériel et subsidiairement, par homologation du rapport d'expertise mais par équivalent 6 306,65 euro TTC et 4 545,24 euro TTC, et de 2 000 euro au titre d'un préjudice esthétique et d'agrément, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil,
- subsidiairement, sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, condamner la société Belleguic au paiement des mêmes sommes,
- débouter les sociétés Belleguic et SAS Mercedes-Benz France de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de cour et 3 000 euro devant le premier juge, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Au terme de ses conclusions n° 2, la société Belleguic demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les demandes de M. X pour défaut de qualité à agir,
- à défaut, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- subsidiairement, ramener les prétentions de M. X à de plus justes proportions et condamner la SAS Mercedes-Benz France à la relever indemne et la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en ce compris au titre de l'article 700 du Code civil et des dépens,
- en tout état de cause, condamner tout succombant à lui régler la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au terme de ses conclusions, la SAS Mercedes-Benz France demande à la cour de :
- constater que M. X n'est plus le propriétaire du véhicule litigieux, qu'il n'a ni qualité ni intérêt à agir, et en conséquence dire irrecevable sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la SAS Mercedes-Benz France sur le fondement de la garantie des vices cachés,
- en tout état de cause, sur l'absence de vices cachés, constater que la SAS Mercedes-Benz France est tiers au contrat de vente, et confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 9 juillet 2013,
- subsidiairement, dire que seules les réparations du véhicule sans lien avec l'inondation ne peuvent être mises à la charge de la SAS Mercedes-Benz France et dire que ces réparations ne sauraient être supérieures à 4 500 euro TTC,
- en tout état de cause, débouter M. X et la société Belleguic de toute autre demande formulée à l'encontre de la SAS Mercedes-Benz France,
- condamner M. X à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2016.
SUR CE :
M. X, selon ses écritures et un courriel adressé à son conseil le 25 mars 2016, n'est plus propriétaire du véhicule litigieux depuis une date indéterminée.
Cependant il conserve qualité et intérêt à agir aux fins d'obtenir des dommages et intérêts.
Il ressort du bon de commande du 9 janvier 2001 et des factures en date des 16 et 17 janvier 2001 que le véhicule était dit de démonstration, avec un kilométrage garanti de 1 091 kilomètres, et que le prix initial de 271 450 francs a été ramené à 249 734 francs, outre 1 600 francs de frais de carte grise, s'agissant d'un prix spécial - moquettes remplacées suite aux inondations.
Le véhicule, décrit par l'expert judiciaire comme étant de présentation et état général moyen, présentait au compteur 463 158 kilomètres au jour de l'expertise judiciaire le 28 octobre 2010 ; l'expert a constaté, à l'examen de l'extérieur du véhicule, que le bas de l'aile arrière gauche était fortement corrodé, le bas de la porte arrière droite boursouflé, de nombreux points de corrosion sur les capots avant et arrière et le pavillon, des débuts d'oxydation sur tous les entourages de portes ; à l'intérieur, l'expert a relevé que la frappe du numéro de série était oxydée, et le pavillon piqué et moisi ; l'examen du soubassement ne présentait pas de traces de corrosion anormale pour le kilométrage du véhicule ; enfin à l'examen des ressorts de suspension et de roulements de roues cassés présentés par M. X, l'expert a indiqué que ce type d'avarie pouvait survenir compte tenu du kilométrage élevé du véhicule.
L'expert a, à l'issue de ses constatations, informé les parties que les désordres présents sur la carrosserie extérieure étaient totalement anormaux même pour un véhicule de cet âge et de ce kilométrage, et pouvaient être en relation avec l'immersion dont le véhicule avait été l'objet avant la vente, étant précisé qu'il est constant que lors des crues de la rivière Odet en décembre 2000, plusieurs véhicules stationnés sur le parking de la société Belleguic ont été immergés dans une eau partiellement salée, dont le véhicule litigieux ; l'expert a pu déterminer que l'intervention avant la vente a concerné non seulement le remplacement de la moquette, comme mentionné sur la facture, mais également des pièces dont l'alternateur et deux capteurs EPS, que l'immersion n'avait pas atteint les capots et encore moins le pavillon, la corrosion constatée sur ces éléments ne pouvant provenir que d'un traitement originel en usine insuffisant des tôles et aciers utilisés.
L'expert a chiffré le remplacement des quatre portes, des capots, de la garniture du pavillon, la réparation de toutes les dégradations de carrosserie ainsi qu'une peinture complète de l'ensemble à environ 10 000 euro TTC et une semaine d'immobilisation, ou 6 300 euro TTC pour les désordres imputables à l'immersion et 4 500 euro TTC pour les désordres imputables à un traitement d'origine insuffisant des tôles.
L'expert a conclu que le véhicule n'était pas à proprement parler affecté d'un vice le rendant impropre à l'usage auquel il est destiné, puisqu'il avait pu parcourir 463 000 kilomètres, et que les désordres étaient avant tout d'ordre esthétique.
L'expert mentionne enfin que suite à l'envoi aux parties de son projet de rapport, le conseil de M. X a fait connaître qu'il n'appelait pas d'observations de la part de son client.
C'est par conséquent à juste titre qu'au vu de l'ensemble de ces considérations le premier juge a retenu que les défauts du véhicule, bien qu'antérieurs à la vente, ne présentaient pas les caractères d'un vice caché, et mis la SAS Mercedes-Benz France hors de cause.
C'est également à juste titre que le premier juge a retenu que la facture du 17 janvier 2001, faisant référence aux inondations et au changement de moquettes, était suffisante pour écarter l'existence d'une manœuvre dolosive de la part du vendeur, quand bien même la portée de l'information de cette mention est discutable ; il sera en outre observé par la cour que le bon de commande et la facture précisent un prix spécial, ramené de 271 450 francs à 249 734 francs.
M. X est d'autant plus mal fondé à agir pour obtenir des dommages et intérêts tant pour faire réparer le véhicule que pour le préjudice esthétique et d'agrément d'avoir à circuler dans un véhicule rouillé, dans la mesure où il l'a revendu depuis plusieurs années, à une date non justifiée qui pourrait être fin 2010 selon son propre courriel.
Par conséquent la décision entreprise sera intégralement confirmée, M. X qui est appelant tenu aux dépens d'appel et condamné à indemniser chacune des intimées de ses frais irrépétibles à hauteur de 1 000 euro.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ; Condamne M. X aux dépens de la procédure d'appel et à verser à chacune des sociétés Belleguic et SAS Mercedes-Benz France la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes.