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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 octobre 2016, n° 14-07276

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BBLM (SARL) , Vinceneux (ès qual.)

Défendeur :

Bestseller Wholesale France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Vignes, Iglesis, Hittinger Roux

T. com. Paris, du 11 févr. 2014

11 février 2014

FAITS ET PROCÉDURE

M. Fabrice Charron exploitait des magasins de prêt-à-porter par l'intermédiaire de trois sociétés BBML, BBMP et BBMK, dont deux dans l'agglomération toulousaine sous l'enseigne et le concept Mexx.

Courant 2009, compte tenu du déclin de l'enseigne Mexx, il a souhaité changer de marque-enseigne et s'est rapproché de la société par actions simplifiée unipersonnelle Bestseller Wholesale France (BWF), filiale française d'un groupe international danois commercialisant du prêt à porter créée en 2005.

Les 16 et 21 décembre 2009, ils ont conclu un contrat de franchise en vue d'une exploitation par la société BBML d'un système de distribution spécialisé dans les produits textiles de prêt-à-porter, sous les enseignes " Only " et " Jack & Jones ", pour une durée de cinq années, le franchisé s'engageant en contrepartie des droits à la franchise à consacrer tous les investissements nécessaires à l'ouverture de huit magasins dont trois dans les 24 mois.

Par lettre du 30 avril 2012, la société BWF a notifié à la société BBML la résiliation à effet immédiat pour non-fourniture de garanties bancaires et rejet de trois prélèvements.

Reprochant à la société BWF de graves manquements à ses obligations de franchiseur, la société BBML l'a assignée en indemnisation, par exploit du 5 octobre 2012, devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 7 février 2013, la société BBML a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et Maître Liliane Vinceneux a été désignée en qualité de liquidateur. Par conclusions du 10 septembre 2013, Maître Vinceneux, ès qualités a repris l'instance devant le tribunal de commerce.

Suivant jugement du 11 février 2014, le Tribunal de commerce de Paris :

- l'a déboutée de toutes ses demandes,

- a débouté la société BWF de toutes ses prétentions,

- a condamné Maître Vinceneux ès qualités, à payer à la société BWF une indemnité de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 19 mai 2016 aux termes desquelles Maître Vinceneux ès qualités de mandataire liquidateur de la société BBML, appelante, sollicite de la cour :

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BWF de sa demande de condamnation,

- son infirmation pour le surplus,

- la condamnation de la société BWF à lui payer la somme de 1 261 231,22 euros à titre de dommages et intérêts du fait du dol qu'elle a commis dans les prévisions de chiffre d'affaires et de résultats qui lui ont été communiqués et de multiples fautes dans l'exécution du contrat de franchise,

- la condamnation de la société BWF à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 30 mai 2016 aux termes desquelles la société BWF, intimée, demande à la cour :

- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis celle relative au paiement des commandes impayées,

- l'irrecevabilité de la demande de Maître Vinceneux en qualité de mandataire liquidateur de la société BBML tenant à l'obligation précontractuelle,

- le rejet de toutes les prétentions de la société BBML,

- la condamnation de la société BBML à lui régler la somme de 58 417,61 euros au titre des commandes impayées avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2012, la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande d'indemnisation formée par Maître Vinceneux, ès qualités, sur le fondement de la responsabilité précontractuelle :

Devant les premiers juges, la société BBML a sollicité l'indemnisation de son préjudice évalué à 519 044 euros sur le fondement de l'article 1134 du Code civil en raison de fautes commises par le franchiseur dans l'exécution du contrat et en appel, Maître Vinceneux, ès qualités, a élevé le montant de la réclamation à hauteur de 1 261 231,22 euros, soit le montant total du passif déclaré, et y a ajouté un manquement à l'information précontractuelle au visa des articles 1382, 1147 et 1116 du Code civil.

La société BWF soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle en violation de l'article 564 du Code de procédure civile qui dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions.

Aux termes de l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la demande d'indemnisation formée en appel au titre d'un manquement à l'information précontractuelle et celle formée en première instance au titre des manquements pendant l'exécution du contrat tendent aux mêmes fins, à savoir la réparation du préjudice subi du fait de fautes commises par le franchiseur, même si leur fondement juridique est différent de sorte que la demande formée en cause d'appel n'est pas nouvelle au sens de l'article 565 du Code de procédure civile ; dès lors, l'exception d'irrecevabilité sera rejetée.

Sur les manquements à l'information précontractuelle :

Maître Liliane Vinceneux, ès qualités, soutient que le franchiseur a engagé sa responsabilité en ce qu'il a donné au candidat à la franchise des données chiffrées prévisionnelles inexactes et trompeuses sur la base desquelles ce dernier a établi ses propres prévisionnels qui se sont révélés irréalistes, et les précommandes ont été effectuées. Elle critique également l'absence d'état du marché local dans le Document d'Informations Précontractuelles (DIP). Elle réfute toute défaillance de la part du franchisé dans la gestion de l'entreprise et fait valoir que ses résultats étaient bénéficiaires sur les deux exercices précédents la conclusion du contrat de franchise.

La société BWF réplique qu'elle a parfaitement respecté son obligation précontractuelle d'information en ce que toutes les informations nécessaires étaient contenues dans le DIP remis au franchisé. Elle fait valoir qu'elle n'est débitrice que d'une obligation de moyens, qu'elle ne s'est pas engagée sur un chiffrage, sur un résultat ou une rentabilité quelconque, que M. Charron avait une grande expérience professionnelle, connaissant à la fois le système de franchise et le marché local et ayant, en outre, été personnellement gérant de plusieurs entreprises de sorte qu'il était en mesure d'apprécier la teneur de ses engagements et a été parfaitement sensibilisé à l'aléa économique.

Il y a lieu de rappeler que l'article L. 330-3 du Code de commerce dispose que " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ".

Sur la fourniture d'informations prévisionnelles :

Il est constant que si l'article L. 330-3 du Code de commerce n'impose pas la fourniture d'un compte prévisionnel d'exploitation dans le document d'information précontractuelle, le franchiseur est néanmoins tenu d'informer son partenaire avec loyauté et sincérité et si un compte prévisionnel est communiqué, il doit présenter un caractère sérieux et permettre au candidat à la franchise d'apprécier en connaissance de cause la rentabilité de l'entreprise future.

En l'espèce, il ressort du DIP que la société Bestseller Wholesale France s'est présentée comme la filiale de la société Bestseller de renommée internationale de prêt-à-porter fondée au Danemark en 1975, présente en Europe, au Moyen-Orient, en Chine et au Canada où elle exploite la marque et le concept de prêt-à-porter Jack & Jones depuis 1990. Elle y explique que forte de cette expérience à l'étranger et sur des marchés comparables au marché français, elle a été créée en France en 2005 et y exploite, en 2009, cinq points de vente. Elle précise en page 16 et en annexe 1-F (page 33) que pour l'année 2008, les magasins réalisent, selon leur surface de vente de 220 m² à 275 m², entre 1 500 000 euros à 1 800 000 euros de chiffres d'affaires, que le taux de rentabilité est de l'ordre de 6 500 euros au mètre² et que les coûts fixes pour un tel magasin doivent s'élever à la somme de 17 848,96 euros.

La société BWF ne conteste pas que c'est sur la base de ces données chiffrées qu'elle lui a elle-même communiquées sans aucune réserve, que la société BBML possédant un magasin de 350 m², s'est assurée que le projet était viable et a établi son propre compte prévisionnel.

Or, il ressort des comptes versés aux débats qu'en 2010, le chiffre d'affaires de la société BBML a été de 951 375 euros, en 2011 de 659 200 euros et en 2012 de 721 800 euros soit une moyenne de 777 458 euros et que par conséquent, le chiffre d'affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s'est révélé être de plus du double de celui réalisé. Un tel écart dépasse la marge habituelle d'erreur en la matière et ce, d'autant que la société BWF ne s'explique pas sur les bases d'élaboration du compte prévisionnel qu'elle remis à la société BBML lui permettant d'avancer les chiffres énoncés ci-dessus. Aucun document n'est produit permettent d'en vérifier le sérieux, ni la méthode suivie pour les retenir et en particulier, aucun élément de comparaison avec le magasin déjà implanté dans l'agglomération de Toulouse n'est communiqué.

Par ailleurs, la société BBML justifie également avoir consacré des investissements très importants exigés par le franchiseur à hauteur d'une somme totale de 318 461,19 euros. Il apparaît que dès la première année, la perte d'exploitation a été 82 908 euros et qu'elle s'est amplifiée en 2011 pour atteindre un montant de 117 675 euros et en 2012 celui de 238,48 euros. Il en résulte que les chiffres d'affaires annoncés par la société BWF dans le document d'information précontractuelle ont été grossièrement surestimés et que M. Charron n'a pas été informé, de manière objective, sur la rentabilité prévisionnelle de l'entreprise. Il est ainsi démontré que le franchiseur a commis un premier manquement à son obligation d'information précontractuelle.

Sur l'absence de communication d'un état du marché local :

L'article L. 330-3 du Code de commerce met à la charge du franchiseur l'obligation de présenter un état et les perspectives de développement du marché concerné ; que l'article R. 330-1 l'oblige notamment à "une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché". La présentation de l'état local du marché doit comporter, comme pour son état national, la définition du marché et la description de son état de manière à permettre au futur franchisé de s'engager en connaissance de cause.

Or, il ressort du DIP et il n'est pas contesté qu'il ne comporte aucun élément d'information sur le marché local en ce que notamment la rubrique qui lui est consacrée, n'est pas renseignée alors même que le franchiseur avait la possibilité de fournir, à tout le moins, des éléments d'information sur le magasin ouvert en janvier 2008 sous la marque " Jack & Jones " dans l'agglomération toulousaine, à proximité du magasin exploité par la société BBML, et qu'il ne communique que des chiffres de sociétés exploitant hors de France, ce qui démontre son absence de sincérité dans l'information.

Enfin, la société BWF n'apporte pas preuve d'une défaillance de M. Charron dans la gestion de ses affaires de nature à expliquer l'écart entre les chiffres annoncés et ceux réalisés.

En effet, il n'est pas discuté que ce dernier n'était pas novice dans l'activité du commerce de prêt-à-porter pour avoir exploité antérieurement à la souscription du contrat de franchise, trois sociétés dont deux sous le concept Mexx et le troisième sous l'enseigne Kaporal. Il est justifié que le résultat de ces sociétés était bénéficiaire pour l'exercice clos au 31 décembre 2007, de 22 675 euros et pour celui clos au 31 décembre 2008, de 34 651 euros. Si pour l'exercice 2009, le résultat a été déficitaire de 56 000 euros, en dépit d'un chiffre d'affaires de 951 000 euros, ce déficit s'explique par le fait que la société BBML avait provisionné une somme de 135 000 euros au titre d'agencements non encore amortis.

En outre, M. Atani, directeur de la société Mexx de 2000 à 2010, a attesté le 18 mars 2013 du sérieux de la gestion de M. Charron et explique que ce dernier n'a quitté le réseau Mexx qu'en raison de la perte de vitesse de cette marque, le réseau aujourd'hui étant inexistant. Il ajoute que ce dernier avait été sélectionné pour donner son avis sur les collections à venir et pour faire sélectionner la plus adaptée au marché français.

En conséquence, compte tenu des résultats économiques obtenus par M. Charron antérieurement à la signature du contrat de franchise, de ses qualités de sérieux et de compétences reconnus et de son expérience professionnelle, c'est vainement que la société BWF invoque son manque d'application dans la gestion de ses affaires pour justifier du sérieux des chiffres qu'elle lui a communiqués.

Il ressort de l'ensemble de ces que la société BWF a manqué à son obligation précontractuelle d'information.

Sur les manquements du franchiseur en cours d'exécution du contrat :

En deuxième lieu, la société BBML reproche à la société BWF diverses fautes dans l'exécution du contrat de franchise, à savoir une absence de transmission d'un savoir-faire et d'organisation de stages de formation, un défaut d'assistance lors de la création du magasin et au cours de son exploitation ou encore en matière d'approvisionnement, ou face aux difficultés financières rencontrées et enfin, un défaut de loyauté.

La société BWF objecte que le franchisé, professionnel du prêt-à-porter, avait accepté le risque, qu'en tout état de cause des facilités de gestion lui ont été consenties et que celui-ci n'apporte aucune preuve d'un défaut d'exécution de ses obligations. Elle estime avoir agi en toute loyauté.

Il était prévu à l'article 4.1 du contrat de franchise que la société BWF devait transmettre à son franchisé un savoir-faire en lui remettant au plus tard le jour de l'ouverture des magasins un " guide merchandising " comportant les normes applicables à l'identité visuelle de la franchise " Only " et " Jack & Jones ", puis pour chaque nouvelle campagne " un guide de campagne lui précisant les normes de merchandising à mettre en œuvre " ; elle devait également assurer une formation initiale au franchisé sur les procédures et méthodes spécifiques de la franchise puis chaque année, proposer des stages de formation au siège de la maison mère ou en tout autre lieu.

Or, la société BWF, sur laquelle pèse la charge de la preuve qu'elle a satisfait à ses obligations contractuelles, ne verse aux débats aucun document, bible ou manuel opératoire, qu'elle aurait communiqués à son franchisé ; de même elle ne précise pas quelle formation, elle a pu lui assurer de sorte qu'elle ne justifie nullement avoir respecté son obligation essentielle de transfert d'un savoir-faire.

Selon l'article 4.2 du contrat de franchise, le franchiseur devait assister le franchisé, dans un premier temps, pour la mise aux normes des magasins, l'installation de chacun des magasins (notamment pour la sélection initiale du personnel), puis, pendant sa période de lancement, lui faire bénéficier des services d'assistance d'un consultant en matière de décoration, et enfin, de manière continue, lui apporter par l'intermédiaire d'un service d'assistance dont les membres sont spécialement dédiés au territoire français, une aide dans le choix de la sélection des produits destinés à la vente et dans la mise en place du merchandising.

Mais, il ressort du mail en date du 24 février 2010 adressé par M. Hammani, cadre salarié de la société Bestseller, aux responsables et dirigeants de cette dernière au Danemark (Henrik Bjorn Hansen, Ole Bech...) et en France (Stéphane Chotard) que M. Charron a rencontré de graves difficultés, aucune réponse pourtant nécessaire ne lui ayant été apportée alors qu'il était confronté à des informations contradictoires reçues pour l'aménagement du magasin, qu'il ne peut rien lui être reproché, qu'il était impliqué " à 100 % " depuis le démarrage, que la société Bestseller " a un gros problème de soutien ".

Il résulte également d'échanges de mails (pièces 5, 7, 8 et 9 de l'appelante) que la société BWF a manqué à plusieurs reprises à l'obligation d'assistance à laquelle elle était tenue envers son franchisé et ne justifie pas être en définitive réellement intervenue en dépit de ses promesses.

Enfin, un ancien responsable commercial de la société BWF, M. Martineau, atteste le 12 septembre 2012 que la situation de M. Charron était difficile commercialement pour avoir été en concurrence directe avec les magasins propres de la marque sur la région à Toulouse-Gramont et Toulouse-Saint Orens, lesquels pratiquaient régulièrement des rabais, que M. Charron a sollicité l'aide du franchiseur pour réduire ses stocks, pour la communication de la marque et la mise en place des produits merchandising, qui ne lui ont pas été accordées et que la société BWF a volontairement délaissé son franchisé.

Aucun élément ne permet de mettre en doute la véracité de ces déclarations et à titre surabondant, il sera observé à cet égard qu'aucune plainte n'a été déposée par la société BWF et que la rupture conventionnelle intervenue entre elle et M. Martineau procède d'un accord amiable entre le salarié et l'employeur.

Il est ainsi démontré que la société BWF n'a pas satisfait à son obligation d'assistance relative à la mise en place du magasin, à la gestion commerciale ou technique de l'exploitation et au plan marketing telle que visée à l'article 4.2 du contrat de franchise.

Maître Vinceneux excipe encore d'une absence d'assistance de l'intimée en matière d'approvisionnement. Il était prévu à l'article 7.3 du contrat que le franchisé sélectionnerait, avec l'assistance du franchiseur, les produits adaptés à la clientèle présente sur le territoire de son ou ses magasins et que le franchisé serait amené à sélectionner ses produits notamment dans le cadre de déplacements au siège de la société Bestseller Danemark. Le franchisé avait le choix de constituer ses stocks de produits pour son magasin parmi les articles des collections de la société Bestseller. Or, il apparaît des courriels versés aux débats, notamment ceux des 9 et 12 septembre 2011 (pièces 10 de l'appelante et pièces 6, 21,22 et 23) que le franchiseur a unilatéralement décidé de faire une sélection des produits pour la France et d'établir lui-même une proposition de commandes adaptées au magasin de M. Charron, n'invoquant une discussion ultérieure que pour d'éventuelles modifications.

Ainsi, il apparaît qu'en contravention aux clauses contractuelles, la société BWF a imposé une modification des méthodes d'approvisionnement en décidant seule des quantités et des modèles des produits à commander, ne laissant au franchisé qu'un choix restreint à faire dans un temps très court, de sorte que le franchiseur n'a plus simplement assisté le franchisé comme il devait le faire, mais en réalité s'est substitué à lui unilatéralement en imposant des conditions d'approvisionnement contraignantes et sa propre stratégie commerciale.

Il est ainsi établi que la société BWF a contrevenu à la clause relative à l'approvisionnement du franchisé. La société BWF tente de s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu'elle a consenti à sa partenaire de nombreuses facilités de gestion. Ainsi, elle affirme, sans au demeurant produire la lettre du 10 mars 2011 dont elle fait mention dans ses conclusions, qu'elle a dispensé la société BBML de l'ouverture du 3e magasin telle que prévue à l'article 5.2 du contrat de franchise.

Or, il est constant que M. Charron a ouvert dans le centre commercial de Portet sur Garonne un troisième local et qu'il était convenu au même article que l'ouverture d'un magasin portant simultanément les deux enseignes " Only " et " Jack & Jones " serait considérée comme l'ouverture de deux magasins de sorte que M. Charron a respecté son engagement contractuel d'ouvrir trois magasins au total. Ce moyen est donc inopérant.

La société BWF prétend également avoir dispensé M. Charron de voyages au Danemark, lequel devait en application de l'article 7.3 se rendre au siège de la société Bestseller au Danemark pour choisir ses produits. Il a déjà été répondu ci-avant à ce grief.

L'intimée se prévaut encore de facilités de paiement qu'elle aurait accordées au franchisé.

Néanmoins, elle ne produit aucune proposition de règlement amiable qu'elle lui aurait adressée et par ailleurs, il est établi que dès le 30 avril 2012, elle a réclamé par lettre recommandée le paiement de sa dette.

Elle invoque, en outre, une tolérance sur l'usage fautif de l'enseigne par le franchisé. Mais ce fait, postérieur à la résiliation du contrat, ne peut avoir participé à une facilité de gestion au cours du contrat.

Ainsi, contrairement à ses allégations, la société BWF ne démontre pas avoir apporté à son franchisé une assistance au cours de l'exécution du contrat, hormis la circonstance qu'elle n'a pas exigé le renouvellement de la garantie autonome d'un montant de 65 000 euros à l'expiration du premier engagement de la société HSBC le 10 février 2011 et qu'elle a attendu le 7 mars 2012 pour délivrer une mise en demeure, ce qui est très insuffisant à établir qu'elle a satisfait à son obligation d'assistance technique.

Enfin la société BBML fait grief à la société BWF de n'avoir pas rempli son obligation générale de loyauté et de coopération, en ouvrant 6 mois après la signature du contrat de franchise du 16 décembre 2009 un magasin en propre au sein du centre commercial de Saint Orens.

Toutefois, l'article 1.3 du contrat de franchise stipule qu'il est "expressément convenu entre les parties que le présent contrat ne confère aucune exclusivité territoriale au franchisé sur le territoire d'exploitation de son ou ses magasin sous franchise " Only " et " Jack & Jones " ". Le franchiseur se réservait donc le droit d'exploiter directement ou indirectement tout magasin à l'enseigne " Only " et/ou " Jack & Jones " dans la zone de chalandise du ou des magasins exploités par le franchisé de sorte que cet argument ne peut être retenu.

En définitive, il est établi que la société BWF a commis de nombreux manquements en donnant à la société BBML des informations non fiables, en ne lui apportant pas l'aide convenue, en ne lui communiquant pas son savoir-faire, en lui imposant une politique commerciale à l'origine de l'importance du stock de produits grevant lourdement sa trésorerie.

Il appartient à Maître Vinceneux, ès qualités de rapporter la preuve du préjudice subi en lien direct avec les manquements relevés. Elle prétend que ce préjudice correspond à l'état déclaré du passif de la société.

Toutefois, même si les qualités de sérieux et de compétences de M. Charron sont reconnues par ses partenaires proches, d'autres éléments qui ont concouru à l'échec de la société BBML, doivent être pris en considération, tels que la mauvaise conjoncture économique, l'inadaptation des marques " Only " et " Jack & Jones " au public français, l'implantation très nouvelle de la marque en France, l'importance des investissements et des charges de sorte que le préjudice en lien de causalité avec les manquements établis ne saurait équivaloir à la totalité du passif de la société BBML.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et étant rappelé que le franchiseur n'est tenu d'aucune obligation de résultat et que le franchisé reste un commerçant indépendant, le préjudice subi par Maître Vinceneux, ès qualités, sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 200 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Par ailleurs, il sera confirmé en ce qu'il a débouté la société BWF de sa demande à hauteur de 58 417,61 euros au titre des commandes impayées dès lors qu'elle ne justifie pas avoir déclaré sa créance (la pièce 19 alléguée au titre d'une déclaration de créance n'est pas versée aux débats) et de sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement rendu le 11 février 2014 par le tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a débouté la société BWF de ses demandes reconventionnelles ; Statuant à nouveau des chefs infirmés, Dit recevable la demande portant sur l'obligation d'information précontractuelle formée par Maître Vinceneux en sa qualité de mandataire liquidateur de la société BBML, Condamne la société BWF à verser à Maître Vinceneux en sa qualité de mandataire liquidateur de la société BBML une somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi, Condamne la société BWF aux dépens de première instance et d'appel, Condamne la société BWF à verser à Maître Vinceneux en sa qualité de mandataire liquidateur de la société BBML une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.