CA Montpellier, 2e ch., 11 octobre 2016, n° 14-09081
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sud Beauté Diffusion (SARL), Samson (ès qual.), Selarl ESAJ (ès qual.)
Défendeur :
Farmen Cosmetics International SpA (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Olive, M. Bertrand
Avocats :
Mes Donneve, Bonnel, Becque, Brivet Galaup
La SARL Sud Beauté Diffusion exploite à Perpignan (66 000) un fonds de commerce de vente de produits cosmétiques, notamment au profit des professionnels de la coiffure.
Depuis 1994 et nonobstant l'absence de contrat écrit, elle distribuait les produits cosmétiques de la gamme Vitality's de la société italienne Farmen Cosmetics International SpA (dite société Farmen).
A partir de 2007 la société Farmen a modifié les règles de distribution commerciale de ses produits en créant trois catégories de revendeurs, en fonction de leurs chiffres d'affaires et en modifiant les marges commerciales accordées :
- " partenaires " pour un chiffre d'affaire supérieur à 50 000 euro,
- " distributeur " pour un chiffre d'affaire supérieur à 35 000 euro et inférieur à 50 000 euro,
- " revendeur " pour un chiffre d'affaire inférieur à 35 000 euro.
Par courrier recommandé daté du 17 janvier 2008, la SARL Sud Beauté Diffusion (dite société SBD) a rompu unilatéralement les relations commerciales avec la société Farmen.
Par acte d'huissier délivré le 5 juin 2013 à la société italienne Farmen, la société SBD a assigné celle-ci devant le Tribunal de commerce de Perpignan pour solliciter sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts au titre des conditions de cette rupture des relations commerciales existantes, du fait de la violation alléguée d'une clause d'exclusivité de distribution commerciale et l'ayant provoquée, selon elle.
Par jugement contradictoire rendu le 21 octobre 2014, cette juridiction a notamment :
- Dit et jugé qu'il n'existait pas de clause d'exclusivité dans les relations commerciales entre la SARL Sud Beauté Diffusion et la société de droit italien Farmen Cosmetics International SpA,
- Constaté que les relations commerciales ont été rompues par courrier adressé par la SARL Sud Beauté Diffusion à la société de droit italien Farmen Cosmetics International SpA, le 17 janvier 2008,
- Débouté la SARL Sud Beauté Diffusion de sa demande de dommages et intérêts et de celle concernant l'exception d'inexécution contractuelle,
- Alloué à la société de droit italien Farmen Cosmetics International SpA, la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, devant être versée par la SARL Sud Beauté Diffusion, condamnée aux entiers dépens.
Par déclaration d'appel parvenue au greffe de la cour le 5 décembre 2014, la SARL Sud Beauté Diffusion a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions n° 4 transmises au greffe le 4 février 2016, la SARL Sud Beauté Diffusion sollicitait notamment, au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil :
- l'accueil des interventions volontaires de Me André Samson, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SBD et de Me Pierre-Jean Clément, pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société SBD, ouvert par jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 15 avril 2015,
- qu'il soit constaté que la société Farmen a violé la clause d'exclusivité de distribution de ses produits dont bénéficiait la société SBD pour les produits de la gamme Vitality's, et soit déclarée responsable de la résiliation du contrat de distribution exclusive, en conséquence,
- la condamnation de la société Farmen à lui payer une somme de 80 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales et des actes de concurrence prohibée sur son territoire,
- que soit déclarée bien fondée son exception d'inexécution contractuelle, opposée au paiement des factures réclamé par la société Farmen,
- que la société Farmen soit déclarée irrecevable en sa demande de condamnation de Me Samson, ès qualités, à lui payer une somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation de la société Farmen à lui reprendre le stock de produits entreposé dans sa réserve, ainsi qu'à lui payer une somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses conclusions transmises au greffe de la cour le 30 octobre 2015, la société de droit italien Farmen Cosmetics International SpA, sollicitait notamment :
- le rejet des prétentions de l'administrateur judiciaire de la société SBD quant à la violation alléguée d'une clause d'exclusivité commerciale et à l'allocation de dommages et intérêts de ce chef,
- le rejet également de l'exception d'inexécution contractuelle opposée,
- la condamnation de Me André Samson, ès qualités d'administrateur judiciaire, à lui payer une somme de 6 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par arrêt mixte rendu le 3 mai 2016, cette cour d'appel a notamment :
- pris acte de l'intervention volontaire, en reprise d'instance et aux côtés de la SARL Sud Beauté Diffusion (SBD), de Me André Samson, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SBD et de Me Pierre-Jean Clément, pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société SBD, ouvert par jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 15 avril 2015,
- relevé d'office que les demandes dirigées uniquement contre l'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SARL SBD, sont irrecevables envers la société en redressement judiciaire, Me André Samson, pris ès qualités, ne représentant pas la société mais l'assistant seulement dans cette procédure judiciaire, ainsi qu'il ressort du jugement d'ouverture de la procédure collective susvisé,
- renvoyé l'affaire à l'audience du mardi 6 septembre 2016 à 13 h 45, date à laquelle sera rappelée après réouverture des débats, pour qu'il soit statué sur la recevabilité de l'appel principal de la SARL Sud Beauté Diffusion devant la Cour d'appel de Montpellier et sur la recevabilité des prétentions nées uniquement contre l'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SARL SBD, Me André Samson, pris ès qualités, lequel ne représente pas la société mais l'assiste seulement dans cette procédure judiciaire,
- relevé d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée de la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris résultant de l'article D. 442-3 du Code de commerce, pour connaître des actions en responsabilité délictuelle et paiement de dommages et intérêts en cas de rupture brutale, sans préavis, d'une relation commerciale établie et à l'appréciation du bien-fondé de l'exception d'inexécution contractuelle invoquée par l'une des parties, notamment en raison de la violation invoquée d'un contrat de distribution exclusive de produits, qui relèvent de l'application des dispositions de l'article L. 442-6, 5° et 6° du Code de commerce,
- enjoint aux parties de conclure sur ces fins de non-recevoir relevées d'office avant le 16 août 2016, date à laquelle serait rendue l'ordonnance de clôture,
- réservé tous autres droits et moyens des parties, ainsi que les dépens.
Dans leurs dernières conclusions n° 5 transmises au greffe de la cour le 18 juillet 2016, la SARL Sud Beauté Diffusion, Me André Samson, agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société et Me Pierre-Jean Clément, intervenant volontaire en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de cette société, concluent à :
- la compétence de la Cour d'appel de Montpellier pour connaître de ce litige,
- l'accueil des interventions volontaires de Me André Samson, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société SBD et de Me Pierre-Jean Clément, pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société SBD ouvert par jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 15 avril 2015,
- l'infirmation du jugement entrepris,
- ce qu'il soit constaté que la société Farmen a violé la clause d'exclusivité de distribution de ses produits dont bénéficiait la société SBD pour les produits de la gamme Vitality's, et soit déclarée responsable de la résiliation du contrat de distribution exclusive, en conséquence de la lettre du 17 janvier 2008,
- la condamnation de la société Farmen à payer à la société SBD une somme de 80 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- ce que soit déclarée bien fondée son exception d'inexécution contractuelle, opposée au paiement des factures réclamé par la société Farmen,
- ce que la société Farmen soit déclarée irrecevable en sa demande de condamnation de Me Samson, ès qualités, à lui payer une somme de 6 00 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation de la société Farmen à lui reprendre le stock de produits entreposés dans sa réserve, ainsi qu'à lui payer une somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions après réouverture des débats, transmises au greffe le 1er août 2016, la société Farmen Cosmetics International SPA sollicite :
- le rejet des prétentions de la SARL Sud Beauté Diffusion assistée de Me André Samson, pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et de Me Pierre-Jean Clément, mandataire judiciaire,
- la condamnation des appelants à lui payer une somme de 6 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 août 2016 mais révoquée le 6 septembre 2016, afin de permettre le dépôt de conclusions de la SARL Sud Beauté Diffusion, identiques aux précédentes mais aux côtés de laquelle intervenait volontairement M. Eric Samson, représentant la SARL ESAJ, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de cette société, désignée par jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 13 avril 2016.
Une nouvelle ordonnance de clôture a alors été prononcée le 6 septembre 2016.
MOTIFS :
SUR LA PROCEDURE :
Sur la recevabilité de l'appel :
Il convient de constater en premier lieu la régularisation de l'appel interjeté par la SARL Sud Beauté Diffusion, en redressement judiciaire, du fait de l'intervention volontaire du mandataire judiciaire et de celle de l'administrateur judiciaire, qui ont repris l'instance, conformément aux dispositions de l'article L. 622-23 du Code de commerce, puis de celle du commissaire à l'exécution du plan de continuation, la SARL ESAJ, prise en la personne de M. Eric Samson.
De même, la demande de condamnation de la SARL Sud Beauté Diffusion au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens, formée par la société Farmen, est aussi recevable en l'état de l'intervention volontaire en cours d'instance du mandataire judiciaire à son redressement judiciaire et de la rectification d'une erreur matérielle qu'elle invoque, pour avoir sollicité dans ses précédentes conclusions la condamnation de l'administrateur judiciaire seul, de ces chefs.
La SARL Sud Beauté Diffusion avait cessé de payer ses factures depuis le mois de juin 2007 et elle a été condamnée par ordonnance d'injonction de payer européenne du 29 juillet 2009, à payer à la société Farmen la somme de 31 216,66 euro à ce titre. Pour être exécutée cette condamnation a fait l'objet d'une saisie vente en date du 7 mai 2013.
C'est dans ce contexte que se situe la demande de condamnation de la société Farmen au titre d'une prétendue violation de la clause d'exclusivité de distribution commerciale de ses produits, présentée pour la première fois le 5 juin 2013, plus de 5 ans après la rupture des relations commerciales, à l'initiative de la société SBD.
La société de droit italien Farmen invoque l'absence de toute convention donnant à la SARL SBD une exclusivité de distribution commerciale de ses produits dans une zone géographique quelconque, seul un projet de distribution exclusive ayant été proposé en 1999 mais non suivi d'effet.
La SARL SBD conteste formellement cette assertion et fonde ses prétentions au paiement de dommages et intérêts sur une rupture abusive provoquée, sans préavis donc, puisque reposant selon elle sur une violation délibérée par son fournisseur de la clause d'exclusivité, ce qui aurait ainsi provoqué sa propre résiliation, d'une convention de distribution exclusive qui aurait été conclue à son profit sur un territoire donné et pour une durée indéterminée.
La cour a dans son arrêt du 3 mai 2016, relevé d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée de la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris résultant de l'article D. 442-3 du Code de commerce, pour connaître des actions en responsabilité délictuelle et paiement de dommages et intérêts en cas de rupture brutale, sans préavis, d'une relation commerciale établie et à l'appréciation du bien-fondé de l'exception d'inexécution contractuelle invoquée par l'une des parties, notamment en raison de la violation invoquée d'un contrat de distribution exclusive de produits, qui relèvent de l'application des dispositions de l'article L. 442-6, 5° et 6° du Code de commerce.
La société Farmen n'a pas répondu dans ses conclusions postérieures à l'arrêt du 3 mai 2016, sur le bien-fondé ou non de cette fin de non-recevoir relevée d'office, se contentant de reprendre ses conclusions antérieures tendant au débouté de son adversaire, sur le fond.
La SARL Sud Beauté Diffusion, assistée de son administrateur judiciaire et de son mandataire judiciaire au redressement judiciaire a répondu en soutenant que ses demandes envers son adversaire étant fondées sur les seules dispositions des articles 1134 et suivants ainsi que 1184 du Code civil, au titre du contrat, elles ne relevaient pas des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, reposant sur une responsabilité délictuelle et donc écartant la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris.
Elle soutient aussi qu'aucune prétention fondée sur l'article 442-6 du Code de commerce n'ayant été invoquée par elle en première instance, celles-ci se heurtent au principe de l'effet dévolutif de l'appel.
Mais il résulte des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et non des seuls fondements juridiques invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions. Peu importe à cet égard que les règles de droit relevées d'office et appliquées par le juge d'appel n'aient pas été invoquées par les parties en première instance ni soulevées d'office par le tribunal ayant statué en premier ressort, dès lors qu'elles sont invoquées en appel.
D'autre part, les dispositions de l'article L. 442-6, I du Code de commerce sont d'ordre public et s'appliquent donc nonobstant l'invocation par les parties de la responsabilité contractuelle éventuellement engagée de l'une d'elles, notamment dans le cas d'une action indemnitaire du fait d'une rupture brutale, sans préavis, d'une relation commerciale établie (article L. 442-6, I, 5°) telle qu'invoquée en l'espèce par la SARL Sud Beauté Diffusion. Peu importe à cet égard que la rupture de la relation commerciale établie, sans préavis, ait eu lieu à l'initiative du fournisseur ou ait été provoquée par l'inexécution par celui-ci de ses obligations contractuelles vis-à-vis de son distributeur, constituant une rupture de fait ou contraignant son partenaire commercial à prendre l'initiative de la rupture immédiate, comme allégué en l'espèce.
Ensuite la SARL SBD invoque aussi la méconnaissance d'un contrat de distribution exclusive au profit de sa concurrente, distributeur non agréé, la société Ros Parfumerie, à l'encontre de la société Farmen, son fournisseur.
Ceci toutefois ne relève pas de la participation directe ou indirecte du commerçant à la violation de l'interdiction de revente hors réseau, faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective exclusive, invoquée par ailleurs telle que prévue à l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, dès lors qu'il n'est pas soutenu que la société Ros Parfumerie faisait partie du réseau de distribution sélective ou exclusive de la société Farmen et aurait vendu des produits hors de ce réseau.
Au titre de ces dispositions d'ordre public, il résulte des dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce que la Cour d'appel de Paris est exclusivement compétente pour connaître des décisions rendues par une juridiction commerciale de première instance au titre de l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, ceci même si la juridiction ayant statué en première instance n'était pas spécialement compétente pour ce faire ; c'est le cas en l'espèce pour le Tribunal de commerce de Perpignan, alors que seul le Tribunal de commerce de Marseille était compétent, et quand bien même cette juridiction de première instance n'avait pas statué sur l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 du Code de commerce, dès lors que celles-ci étaient applicables au litige qui lui était soumis.
Il convient donc, s'agissant d'une fin de non-recevoir, de déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SARL Sud Beauté Diffusion, en ce qu'il porte sur des prétentions, régies par les dispositions d'ordre public susvisées, en l'occurrence l'indemnisation d'un préjudice causé par le caractère brutal et sans préavis de la rupture des relations commerciales avec la société Farmen Cosmetics International.
Mais, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 7 octobre 2014, les actions en dommages et intérêts fondées sur les dispositions de l'article 1134 du Code civil sont toutefois recevables devant les juridictions de droit commun, indépendamment des actions fondées sur L. 442-6 du Code de commerce.
Dès lors, les parties peuvent soumettre le contentieux de la rupture même des relations commerciales, avec le préjudice en résultant le cas échéant, indépendamment du préjudice distinct né de la brutalité de cette rupture, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, aux juridictions commerciales non spécialisées. Et le juge doit donc s'en tenir au cadre contractuel de la demande et statuer uniquement sur ce chef de préjudice.
L'appel est donc partiellement recevable à cet égard, ainsi que du fait de la responsabilité contractuelle recherchée du fournisseur pour avoir prétendument violé la convention d'exclusivité de distribution au profit de la SARL SBD sur son ressort géographique.
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :
Sur l'existence d'une convention de distribution exclusive :
Sur le fond du litige, il n'y a pas de contrat de distribution exclusive écrit entre les parties mais des relations commerciales suivies pendant plusieurs années, au moins depuis 1996 et jusqu'en 2008 (pièce n° 1), donc un contrat de distribution non écrit et des échanges de documents commerciaux produits aux débats.
Il ressort sans équivoque d'une correspondance adressée le 19 juin 1998 par la direction de la société italienne Farmen Srl à l'ensemble de ses clients français (pièce n° 3) qu'elle considérait, à l'époque, que la société Sud Beauté Diffusion, à Perpignan, était son distributeur exclusif des produits de sa gamme Vitality's, pour les départements 66 (Pyrénées Orientales), 09 (Ariège) et Aude (11), nonobstant l'absence de convention écrite. Il en allait de même pour les autres distributeurs français, récapitulés dans un tableau joint.
Toutefois, la société Farmen expose qu'en 1999 elle a proposé à ses clients français, distributeurs des produits de la gamme Vitality's, de conclure avec elle un contrat de distribution exclusive dans leur ressort géographique, dont elle verse aux débats un exemplaire (pièce n° 5), ce qu'ont refusé tous les distributeurs français, dont la société SBD. Celle-ci conteste cette assertion, faute de preuve, mais il est cependant constant qu'il n'a été versé aux débats aucun contrat de distribution exclusive signé par un distributeur français avec la société Farmen ni aucun élément de nature à en faire présumer l'existence.
La société Farmen déclare qu'à la suite de ce refus, elle a modifié sa politique commerciale, en classant les salons de coiffures revendeurs non plus en fonction de leur ressort géographique mais seulement de leurs chiffres d'affaires, avec plusieurs seuils : revendeur, distributeur et partenaire, selon lesquels les conditions commerciales étaient différentes. Ces nouvelles conditions commerciales ont été exposées, notamment dans une lettre circulaire en date du 2 décembre 2002 suivie d'une autre en date du 15 janvier 2003 (pièce n° 9) ainsi que lors des séminaires organisés par le fournisseur avec ses distributeurs le 5 novembre 2005 (pièce n° 2), le 3 décembre 2006 (pièce n° 3), les 3 et 4 novembre 2007 (pièce n° 4), dont il n'est pas contesté que les compte-rendus étaient adressés à tous les distributeurs de Farmen, dont la SARL SBD, par celle-ci.
Ainsi que l'a relevé exactement le Tribunal de commerce de Perpignan dans son jugement déféré, la première lettre circulaire de la société Farmen, alors dénommée International Cosmetics Distribution (ICD) Srl, datée du 2 décembre 2002 (pièce n° 1) exposait les exigences de certification ISO 9002 et les nouvelles conditions de vente entre la société Farmen et ses distributeurs, spécifiant à cette occasion : " il n'existe pas entre nous (d)'autres ou différentes ententes ".
Cette lettre s'analyse ainsi en une rupture unilatérale d'un contrat de concession exclusive à durée indéterminée par le fournisseur, qui n'est fautive qu'en cas d'abus de droit ou de préavis insuffisant laissé au distributeur, lesquels ne sont pas invoqués en l'espèce à cette date du 2 décembre 2002, par la SARL SBD. Il est constant en effet que la fourniture des produits Vitality's s'est poursuivie normalement après cette date par la société Farmen, sans toutefois que celle-ci ne garantisse plus désormais à aucun de ses distributeurs un ressort géographique exclusif, comme auparavant.
Ce changement de politique commerciale n'a pas entraîné de protestation particulière de la part de la SARL SBD, qui n'a jamais sollicité de la société Farmen la conclusion d'une convention écrite prévoyant une exclusivité de distribution géographique de ses produits à son bénéfice.
Il ressort également des comptes rendus des séminaires de 2005 et 2006 susvisés, que la société Ros Parfumerie, à Cabestany/Perpignan, avait participé à ceux-ci et qu'elle était donc elle aussi distributeur de produits de la gamme Vitality's bien avant l'invocation de ce fait par la SARL Sud Beauté Diffusion comme un des motifs de rupture des relations commerciales avec la société Farmen, dans la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 janvier 2008.
Du fait de la proximité géographique des deux sociétés concurrentes, toutes deux établies à Perpignan, comme de la diffusion des comptes rendus de séminaires mentionnant la présence de la parfumerie Ros à la SARL SBD, cette dernière était pourtant informée de cette concurrence depuis au plus tard l'année 2005 et ne justifie pas avoir contesté celle-ci par écrit auprès de la société Farmen avant l'année 2008, sans invoquer alors le bénéfice d'un contrat de distribution exclusif, en outre.
Cette lettre de rupture (pièce n° 8), en effet, ne faisait nullement état non plus d'une convention de distribution exclusive, même orale, dont aurait alors bénéficié la société SBD et elle était aussi motivée par une baisse de marge sur les produits de la gamme, de 55 % à 40 %, que le distributeur jugeait conséquente, à partir de l'année 2008.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le grief de violation d'une prétendue convention d'exclusivité de distribution des produits par la société Farmen, invoqué comme motif de la rupture des relations commerciales initiée par la SARL SBD, aux torts de son fournisseur le 17 janvier 2008, était mal fondé et débouté celle-ci de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la restitution du stock de produits :
La SARL Sud Beauté Diffusion sollicite également la condamnation de la société Farmen à reprendre, en les lui rachetant au prix évalué à la somme de 8 137,35 euro les marchandises acquises avant la rupture du 17 janvier 2008, constituant un stock.
Cette demande, en ce qu'elle est fondée sur l'allégation d'une rupture fautive du contrat de concession prétendument exclusif liant les parties, ne peut qu'être rejetée, accessoirement à la demande principale.
De façon pour le moins paradoxale, après avoir soutenu à titre principal qu'un contrat de distribution exclusive, même non écrit, régissait les relations entre les parties à la date du 17 janvier 2008, la SARL SBD soutient également que les conditions générales de vente de son fournisseur, la société Farmen, ne lui sont pas opposables car " aucun contrat n'a matériellement été régularisé entre les parties " (page 10 des conclusions).
Mais, en toute hypothèse, dès lors que l'initiative et la responsabilité de la rupture du contrat de distribution dont il est constant qu'il a existé et donné lieu à une relation commerciale suivie entre les parties entre 1996 et le 17 janvier 2008, apparaissent incomber à la SARL SBD, il lui appartient de rapporter la preuve d'une obligation contractuelle de son fournisseur de reprendre le stock de marchandises qu'il lui avait vendu avant la rupture, indépendamment de l'opposabilité contestée de ses conditions générales de vente.
En l'espèce il n'est justifié ni même allégué d'aucune convention entre les parties prévoyant une telle reprise des stocks par le fournisseur en ce cas et cette demande doit aussi être rejetée.
Sur l'exception d'inexécution invoquée :
La SARL Sud Beauté Diffusion sollicite également que la cour dise bien fondée l'exception d'inexécution opposée par elle au paiement des factures dues à la société Farmen, au visa de l'article 1184 du Code civil.
Mais la présente instance ne comprend aucune demande de paiement de factures par la société Farmen dirigée contre la société Sud Beauté Diffusion et la cour n'est donc pas saisie de ce litige, ce qui rend inopérante la prétention de voir statuer sur le bien-fondé d'une exception d'inexécution à l'obligation de payer les factures litigieuses.
Par ailleurs, le paiement des factures dues par la SARL SBD à la société Farmen a fait l'objet d'un autre contentieux judiciaire, qui a donné lieu à la condamnation de la SARL SBD par le Tribunal italien de Chivasso, ville faisant partie de la métropole de Torino (Turin), dans le cadre d'une procédure d'injonction de payer européenne, à payer la somme de 31 216,66 euro, outre intérêts et frais de poursuite, rendue le 18 mai 2009 et qui lui a été signifiée le 29 juillet 2009 (pièce n° 12).
La SARL SBD a formé opposition auprès du Tribunal italien de Chivasso le 28 août 2009 (pièce n° 13) mais ce recours a été rejeté, ainsi qu'il résulte de la signification de cette injonction de payer européenne avec commandement aux fins de saisie vente délivrée par huissier de justice à la société Sud Beauté Diffusion le 7 mai 2013 (pièce n° 14), laquelle mentionne que l'ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire le 28 mars 2011 par le greffier en chef de la juridiction de Turin.
Toutefois en l'absence de production par les parties de la décision italienne ayant statué sur l'opposition formée par la SARL SBD et dans l'ignorance de son caractère définitif ou irrévocable, il n'y a pas lieu de déclarer l'exception d'inexécution contraire à l'autorité de chose jugée d'une décision de justice étrangère non versée aux débats et dont la date exacte n'est pas non plus connue.
Par contre, et en toute hypothèse, la cour ayant retenu que la rupture des relations commerciales entre les parties n'incombait pas à la société Farmen Cosmetics International, c'est à tort que la SARL SBD invoque ce moyen pour prétendre que son exception d'inexécution au paiement des factures en litige dans cette autre instance serait fondée. Elle doit donc être déboutée de cette prétention également.
SUR LES FRAIS DE PROCEDURE ET LES DEPENS :
Il convient de confirmer aussi le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL Sud Beauté Diffusion à payer à la société italienne Farmen Cosmetics International s.p.a. la somme de 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance, auxquels s'ajouteront les dépens d'appel.
L'équité ne commande pas particulièrement qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'aucune des parties en appel.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Vu les articles 4, 5, 6, 9, 12 et 125 du Code de procédure civile, Vu les articles 1134, 1147 et 1315 du Code civil, Vu les articles L. 442-6, 5° et 6°, ainsi que D. 442-3 du Code de commerce, Vu l'article L. 110-3 du Code de commerce, Vu l'arrêt rendu par cette cour le 3 mai 2016, partiellement avant dire droit entre les parties, Donne acte à la SARL ESAJ, prise en la personne de M. Eric Samson, de son intervention volontaire en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SARL Sud Beauté Diffusion, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 13 avril 2016, Déclare irrecevable l'appel interjeté le 5 décembre 2014 par la SARL Sud Beauté Diffusion du jugement du Tribunal de commerce de Perpignan prononcé le 21 octobre 2014, devant la Cour d'appel de Montpellier, mais seulement en ce qui concerne la réclamation de dommages et intérêts fondée sur l'invocation d'une brusque rupture fautive, sans préavis, des relations commerciales, imputée à la société Farmen Cosmetics International SpA, laquelle relève de la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris, Déclare recevable l'appel interjeté s'agissant de la prétention indemnitaire fondée sur l'invocation d'une violation par la société Farmen Cosmetics International SpA de ses obligations contractuelles envers la SARL Sud Beauté Diffusions, ayant conduit à la rupture des relations commerciales le 17 janvier 2008, Mais la dit mal fondée et injustifiée, de même que ses demandes accessoires, Confirme en conséquence, par substitution de motifs le jugement du Tribunal de commerce de Perpignan prononcé le 21 octobre 2014, en toutes ses dispositions, Condamne la SARL Sud Beauté Diffusion aux dépens d'appel, Rejette toutes autres demandes des parties.