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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 4 octobre 2016, n° 16-00840

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir de l'Isère

Défendeur :

Chronopost (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Combes

Conseillers :

Mmes Jacob, Blatry

TGI Grenoble, du 17 fév. 2016

17 février 2016

Exposé du litige

Par acte du 27 octobre 2015, l'UFC Que Choisir 38 a assigné la SAS Chronopost devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble, sur le fondement de l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile, à l'effet de voir ordonner la cessation tant de la vente de liasses scellées contenant les clauses générales de vente que de la production de clauses générales de vente en écriture illisible et, en conséquence, l'obligation de rédiger et de proposer aux consommateurs des conditions générales de vente lisibles, hors liasse scellée.

Par ordonnance du 17 février 2016, le juge des référés, retenant l'absence de trouble manifestement illicite, a rejeté les demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et laissé les dépens à sa charge.

L'UFC Que Choisir 38 a relevé appel de cette décision le 23 février 2016. Au dernier état de ses conclusions notifiées le 29 août 2016, elle demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance,

- écarter des débats les pièces adverses n° 17 et 18,

- ordonner la cessation par la SAS Chronopost, dans un délai de 15 jours de l'arrêt, sous astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard à l'expiration du délai et/ou de toute infraction constatée :

de la vente de liasses scellées et/ou de l'enveloppe scellée, contenant les clauses générales de vente,

de la production de clauses générales de vente en écriture illisible,

- ordonner en conséquence à la SAS Chronopost de rédiger et proposer aux consommateurs ses conditions générales de vente de manière claire et compréhensible et hors liasse scellée,

- condamner la SAS Chronopost à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de provision sur dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- les attestations produites par l'intimée doivent être écartées car elles émanent de subordonnés et sont dactylographiées en des termes identiques,

- les documents donnés aux consommateurs ne leur permettent pas d'être informés, préalablement à l'achat et à l'envoi, des conditions générales de vente,

- les liasses sont scellées et la seule mention figurant en première page est insuffisante à donner connaissance des conditions générales figurant au verso,

- le consommateur ne peut en avoir connaissance qu'après l'achat et l'usage du document,

- la 'mise à disposition' des conditions générales sur un pupitre ou un automate n'est pas généralisée dans tous les bureaux de poste et n'est pas une 'communication' au sens de l'article L. 111-1 du Code de la consommation,

- en outre les conditions générales sont illisibles et, en tout cas, rédigées dans une police très inférieure au corps 8 habituellement autorisé dans ce type de dispositions,

- la clause par laquelle 'l'expéditeur accepte les conditions générales de vente inscrites au verso...' est illicite, en ce qu'il n'a pas accès à ces conditions générales avant la signature du document, et à tout le moins abusive,

- cette pratique constitue manifestement une 'pratique déloyale',

- le trouble illicite multiple subi par la collectivité des consommateurs et les violations des dispositions d'ordre public du Code de la consommation justifient la demande.

Par conclusions notifiées le 7 juillet 2016, la SAS Chronopost demande à la cour, au visa des articles 809 du Code de procédure civile et L. 121-1, L. 122-1 et L. 120-1 du Code de la consommation, de confirmer l'ordonnance et de condamner l'UFC Que Choisir 38 à lui verser la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que :

- les feuillets mobiles du bordereau d'envoi ne sont pas scellés de sorte que le consommateur peut, librement et à tout moment, consulter les conditions générales susceptibles de s'appliquer,

- les conditions tarifaires et les conditions générales sont mises à la disposition des clients dans un classeur ou un automate,

- aucun texte d'ordre public n'exige une taille de caractère minimale, mais seulement que les lettres soient lisibles présentée de façon claire et compréhensible,

- la cour de cassation a posé le principe que les conditions générales figurant au verso d'un bon de commande sont opposables au consommateur qui a apposé sa signature au recto de ce document comportant une mention selon laquelle il déclare avoir accepté lesdites conditions générales,

- la pratique commerciale n'a nullement pour objet de dissimuler ou l'éluder des conditions d'exercice de sa prestation.

Motifs de la décision

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

En application de l'article 809 du Code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La demande porte sur deux types de documents : le bordereau d'envoi à affranchir et l'enveloppe 'prêt-à-expédier' d'un format de 24 x 28,5 centimètres.

Le bordereau d'envoi, produit en pièce 14 bis par l'appelante, se présente sous la forme d'une liasse de trois feuillets d'une dimension de 19 x 15 centimètres.

Ces feuillets, dont le dernier est autocollant, sont autocopiants et attachés entre eux sur deux côtés. En les détachant, il apparaît, au verso des deux premiers feuillets, les conditions générales de vente rédigées en caractères grisés d'une taille si faible qu'elles sont difficilement lisibles.

L'enveloppe plastifiée, produite en pièce 4 par l'UFC Que Choisir 38, comporte sur l'une de ses faces, une liasse de deux feuillets autocopiants de 12,5 x 19,5 centimètres. En détachant le premier feuillet, apparaissent au verso les conditions générales de vente rédigées également en caractères grisés d'une taille si faible qu'elles sont difficilement lisibles.

Le fait, pour un consommateur désireux d'expédier un pli ou un colis, de ne pas pouvoir lire les conditions générales de vente constitue un trouble manifestement illicite qu'il y a lieu de faire cesser.

L'ordonnance sera donc infirmée.

Il sera alloué à l'UFC Que Choisir 38, à titre de provision sur les dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice collectif des consommateurs, la somme de 1 000 euros ainsi que celle de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.