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Décisions

Cass. com., 18 octobre 2016, n° 15-13.725

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Dubois (ès qual.), Safi transports (Sté)

Défendeur :

Chronopost (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Ghestin, SCP Baraduc, Duhamel, Rameix

T. com. Lyon, du 29 mai 2013

29 mai 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2014), que la société Safi transports (la société Safi), qui exerce l'activité de transports routiers de marchandise, a assuré, à partir de 2006, des prestations de transport pour la société Chronopost, dans le cadre de deux contrats de sous-traitance à durée indéterminée n° 794 et n° 908 ; que cette dernière, après avoir procédé à des résiliations partielles, a mis un terme aux contrats en 2009, en invoquant, pour le contrat n° 908, des vols de colis commis par plusieurs salariés de la société Safi ; qu'en 2010, la société Safi a assigné la société Chronopost en paiement de diverses sommes, notamment au titre d'un rappel de rémunérations relatives à des prestations effectuées entre 2007 et 2009, au titre des résiliations de ses contrats qu'elle estimait fautive et abusive, et au titre du caractère brutal de la rupture de leur relation commerciale établie ; que la société Safi ayant été mise en liquidation judiciaire, la société MDP, nommée liquidateur, a repris l'instance ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société MDP, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action en paiement de diverses sommes au titre de la résiliation fautive des contrats de sous-traitance alors, selon le moyen que, relevant de la responsabilité civile, l'action pour rupture fautive de relations commerciales, fussent-elles nées d'un contrat de transport, n'est pas soumise à la prescription annale ; qu'en jugeant du contraire, à l'égard de l'action en responsabilité engagée par la société Safi transports alors qu'elle était in bonis et qui a été poursuivie par son liquidateur après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé par fausse application, l'article L. 133-6 du Code de commerce ;

Mais attendu que si l'action en responsabilité fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, fût-elle née d'un contrat de transport, est soumise au délai de prescription de droit commun, l'action en réparation pour rupture fautive d'un contrat de transport, tirée des conditions d'exécution du contrat et fondée sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, se prescrit par un an en application de l'article L. 133-6 du Code de commerce ; qu'ayant constaté que la société Chronopost avait résilié partiellement le contrat n° 794, le 29 avril 2008, puis totalement, le 31 mars 2009, et résilié partiellement le contrat n° 908 le 31 juillet 2008, puis totalement, le 4 mai 2009, après que des salariés de la société Safi eurent été surpris tandis qu'ils dérobaient des colis, et que l'action de la société Safi, introduite par une assignation délivrée le 28 juin 2010, était fondée sur ces contrats de transport, dont les conditions de résiliation étaient contestées, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les demandes formées à ce titre étaient prescrites en application de l'article L. 133-6 du Code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société MDP, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action indemnitaire introduite au titre de diverses réductions ou suppressions fautives de rémunérations contractuelles alors, selon le moyen : 1°) que l'action en réparation des conséquences des fautes commises par un transporteur à l'encontre du sous-traitant, n'est pas soumise à la prescription de l'article L. 133-6 du Code de commerce, fussent-elles nées de l'exécution d'un contrat de transport ; qu'en l'espèce après avoir constaté qu'avant de procéder à la résiliation des contrats de sous-traitance, la société Chronopost avait tout à la fois procédé à des réduction et suppression des rémunérations dues à la société Safi et à des résiliations partielles desdits contrats, la cour d'appel devait rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si les atteintes à la rémunération contractuelle s'inscrivaient dans le cadre du processus de rupture fautive des relations contractuelles, dans un contexte d'abus de dépendance économique ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche avant de considérer que la société Safi " n'apporte aucun élément qui établirait que la société Chronopost est fautive d'une fraude de nature à écarter la prescription de l'article L. 133-6 du Code de commerce, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard du texte susvisé ; 2°) qu'en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation sur le deuxième moyen, dès lors qu'il existe un lien de dépendance nécessaire entre la recevabilité de l'action en responsabilité relative à la rupture des relations contractuelles et les preuves concourant au succès de l'action en responsabilité relative aux réduction et suppression de rémunération dans le contexte de dépendance économique entre le transporteur et son sous-traitant ;

Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que la société Safi n'avait apporté aucun élément établissant que la société Chronopost se serait rendue coupable d'une fraude justifiant d'écarter la prescription de l'article L. 133-6 du Code de commerce applicable à des demandes relatives à des prestations de transport effectuées aux mois de novembre 2007, décembre 2007 et mars 2008, ainsi qu'à des prestations de transport effectuées du mois d'avril 2008 au mois d'avril 2009, pour lesquelles la société Safi n'a agi en paiement que par une assignation délivrée le 28 juin 2010 ;

Et attendu, d'autre part, que le rejet du premier moyen rend le grief de la seconde branche sans portée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société MDP, ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en réparation de la brusque rupture du contrat n° 908 alors, selon le moyen : 1°) que ne constitue pas une faute grave justifiant la résiliation sans préavis d'un contrat à durée indéterminée de sous-traitance de transport, la circonstance que deux des employés de la sous-traitante avaient dérobé des colis du transporteur dès lors qu'il n'était pas démontré par la société de transport ayant prononcé la résiliation sans préavis, que la sous-traitante avait manqué à son obligation de moyen de sélectionner du personnel en fonction de sa probité et qu'il était établi qu'elle avait elle-même sanctionné la faute grave de ses préposés dont elle avait elle-même subi les conséquences ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; 2°) que M. Dubois ès qualités avait soutenu dans ses conclusions qu'une autre société sous-traitante de Chronopost dont les préposés avaient également été impliqués dans les vols litigieux, la société FTE, n'avait pas été sanctionnée, d'où le caractère discriminatoire de la rupture sans préavis du contrat de sous-traitance ; que ce moyen était péremptoire dès lors que les circonstances étaient identiques et que les sous-traitants devaient être placés dans une situation équivalente ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que M. Dubois ès qualités avait également soutenu dans ses conclusions qu'en terme d'" anomalies ", les résultats de la société Safi transports étaient meilleurs que les résultats des autres sous-traitants non sanctionnés par une rupture sans préavis de leur contrat à durée indéterminée de sous-traitance ; que ce moyen était péremptoire dès lors que les circonstances étaient identiques et que les sous-traitants devaient être placés dans une situation équivalente ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant justement retenu que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ne pouvaient être utilement opposées à la société Chronopost qui avait consenti à la société Safi un préavis conforme tant aux stipulations du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, approuvé par le décret du 26 décembre 2003, qu'à celles des contrats n° 794 et 908, la cour d'appel a, par ces seuls motifs et sans être tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par les deuxième et troisième branches, et dès lors que le caractère discriminatoire d'une rupture, serait-il établi, n'est pas de nature à la rendre fautive, légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa première branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société MDP, ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement de 245 000 euros et, par voie de conséquence, la mesure de publication, au titre de l'abus de la dépendance économique de la société Safi à l'égard de la société Chronopost alors, selon le moyen : 1°) que dans ses conclusions d'appel, M. Dubois ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Safi transports avait soutenu que les conditions de l'exécution et de la rupture des deux contrats entre la société Safi transports et la société Chronopost avaient abusivement placé la société Safi transports dans une situation d'abus de dépendance économique et que les fautes de la société Chronopost avait privé cette débitrice de toute possibilité de poursuivre son activité et avait entraîné outre les licenciements du personnel, la perte des investissements effectués pour répondre aux demandes de la société Chronopost, ce qui avait contribué à l'aggravation du passif et à la diminution de l'actif ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions relatives au préjudice subi par la collectivité des créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, la cassation sur les premier, deuxième et troisième moyens entrainera, par voie de conséquence, la cassation sur le quatrième moyen dès lors qu'il existe un lien de dépendance nécessaire entre les fautes imputées à la société Chronopost lors de l'exécution et de la résiliation du contrat de sous-traitance, et l'aggravation de leur conséquence par l'abus de dépendance économique sur le préjudice subi par les créanciers de la société Safi transports ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que l'exploitation abusive de la situation de dépendance économique alléguée par la société Safi n'était étayée par aucun argument ni élément de preuve, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions de cette dernière relatives au préjudice subi par la collectivité des créanciers de la procédure collective ;

Et attendu, d'autre part, que le rejet des premier, deuxième et troisième moyens rend le grief de la seconde branche sans portée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le cinquième moyen : - Attendu que la société MDP, ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Safi le montant d'une créance au titre des dépens et d'une créance de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors, selon le moyen, qu'en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le cinquième moyen relatif aux dépens et aux frais irrépétibles dès lors qu'il existe un lien de dépendance nécessaire entre l'irrecevabilité ou le rejet des demandes de M. Dubois ès qualités, critiqués par ces moyens et la décision des juges du fond de fixer au passif de la liquidation judiciaire les dépens et les frais irrépétibles ;

Mais attendu que le rejet des premier, deuxième, troisième et quatrième moyens rend sans portée le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.