CA Montpellier, 2e ch., 11 octobre 2016, n° 14-05624
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Fiducial Informatique (SAS)
Défendeur :
Générations Applications Informatiques Genapi (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Olive, M. Bertrand
Par assignation délivrée le 29 juin 2006 à M. Alain B. et à la SAS Genapi (Générations Applications Informatiques) devant le Tribunal de grande instance de Montpellier, la SAS Fiducial a demandé à ce tribunal de constater qu'ils avaient commis des actes de contrefaçon de logiciels et bases de données lui appartenant et qu'ils soient condamnés à l'indemniser de ces préjudices, au visa des articles L. 112-2, L. 122-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle et avaient commis, subsidiairement, des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
L'affaire a été radiée du rôle de cette juridiction le 25 août 2009, puis réinscrite le 29 novembre 2010 et le Tribunal de grande instance de Montpellier a statué le 10 juin 2014, comme suit notamment :
- déboute la SAS Fiducial Informatique de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. Alain B. et de la SAS Genapi,
- rejette la demande reconventionnelle de la SAS Genapi,
- condamne la SA Fiducial Informatique à payer à la SAS Genapi la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, hormis ceux exposés par M. B., laissés à sa charge.
La SAS Fiducial Informatique a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel parvenue au greffe de la cour le 22 juillet 2014.
Par ordonnance de mise en état prononcée le 18 mars 2015, le conseiller de la mise en état de cette chambre a écarté la fin de non-recevoir de l'appel interjeté le 22 juillet 2014 par la SAS Fiducial Informatique, tirée de l'entrée en vigueur de l'article D. 211-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en retenant que la Cour d'appel de Montpellier avait été saisie d'un appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Montpellier statuant en matière de propriété littéraire et artistiques, de dessins et modèles, de marques ou d'indications géographiques, mais dont il avait été lui-même saisi avant l'entrée en vigueur de ce texte, le 1er novembre 2009.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 21 octobre 2014, la SA Fiducial Informatique sollicite notamment :
- l'infirmation du jugement entrepris,
- la condamnation " in solidum " de la société Genapi et de M. Alain B., à lui payer une somme de 500 000 euro TTC en réparation des préjudices qu'elle dit avoir subi du fait des actes de contrefaçons reprochés à ses adversaires, à savoir détenir et/ou (sic) utiliser des logiciels et bases de données lui appartenant, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir (sic),
- subsidiairement, leur condamnation à la même somme, au titre de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et parasitaire issus de la copie et détention et/ou usage des logiciels contrefaits, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir (sic),
- en tout état de cause, la condamnation de la société Genapi à lui payer une autre somme de 500 000 euro à titre de dommages et intérêts pour d'autres actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir (sic),
- la condamnation de M. Alain B., son ancien salarié, à lui payer la somme de 11 109 euro en principal, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation et sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir (sic), au titre de la violation délibérée de son obligation de non-concurrence,
- qu'il soit interdit à la société Genapi et à M. B., sous astreinte définitive de 5 000 euro par infraction constatée, de poursuivre des actes de contrefaçon et des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire portant atteinte aux droits de la société Fiducial Informatique,
- qu'il soit ordonné à la société Genapi et à M. B., sous astreinte définitive de 200 euro par jour de retard à compter du jugement à intervenir, de remettre à la société Fiducial Informatique les logiciels, fichiers, bases de données, CD et enregistrements et documents, ceci étant constaté par huissier de justice à leurs frais,
- que soit ordonnée à titre de complément de dommages et intérêts la publication du jugement à intervenir (sic) dans 3 revues du choix de la société Fiducial Informatique avec un coût maximum de 50 000 euro, que devront payer "in solidum" M. B. et son nouvel employeur, la société Genapi, entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier, par consignation dans les 8 jours du jugement, sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard,
- qu'elle soit autorisée à publier sur son site de communication au public, en ligne, et sans limitation de durée, le jugement à intervenir dans son intégralité ou par extraits,
- la capitalisation des intérêts légaux en application de l'article 1154 du Code civil,
- la condamnation " in solidum " de M. B. et de la société Genapi à lui payer une somme de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 10 décembre 2014, la SAS Genapi, dont le siège social est à Pérols (34470) sollicite notamment :
- la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle,
- la condamnation de la SAS Fiducial Informatique à lui payer une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre celle de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 19 décembre 2014, M. Alain B. sollicite notamment :
- la confirmation du jugement dont appel, au besoin par substitution de motifs, dans la mesure où il soutient que la SAS Fiducial Informatique ne justifie de ses droits d'auteur sur les logiciels ni de la nature des fichiers contenus sur les CD litigieux, pas plus qu'elle ne démontre l'originalité des logiciels prétendument contrefaits,
- que soit constatée l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Nîmes en date du 2 décembre 2011, ayant seulement condamné M. Alain B. pour le vol de 5 CD contenant des logiciels appartenant à la SAS Fiducial Informatique et ayant statué, sur intérêts civils, sur le préjudice moral qu'elle avait subi,
- qu'à supposer la juridiction civile compétente, la clause de non-concurrence de son contrat de travail soit déclarée nulle et de nul effet, à défaut de contrepartie financière,
- le rejet des demandes de publication, disproportionnées et vexatoires, en tout état de cause,
- la condamnation de la société Fiducial Informatique à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 janvier 2016.
SUR CE :
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :
Sur les actes de contrefaçon reprochés à M. Alain B. et à la SAS Genapi :
M. Alain B. était cadre, salarié au sein de la société Fiducial Informatique depuis le 25 août 1986, dont il a démissionné le 20 juin 2005, à effet au 29 septembre 2005.
Il a alors été embauché par la société Genapi, concurrente de son ancien employeur.
Les faits reprochés ont trait au vol, sanctionné pénalement par arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Nîmes le 2 décembre 2011, de façon définitive, par M. Alain B., ancien salarié de la SAS Fiducial Informatique, de 5 CD-ROM contenant des logiciels et des données appartenant à son employeur. Le délit de vol qui a été retenu ne concernait pas le support (CD-ROM) mais les données informatiques gravées dessus, logiciels ou programmes informatiques et bases de données.
Ces 5 CD ont été retrouvés lors d'une saisie-contrefaçon le 15 juin 2006 (pièce n°25), dans son armoire personnelle, dans les locaux de son nouvel employeur, la société Genapi, concurrente de la SAS Fiducial Informatique sur le marché de l'informatisation des études de notaires et de l'accès aux bases de données juridiques de ceux-ci, la société Genapi (Générations Applications Informatiques) est l'ancien Cridon, spécialisée dans le marché de l'informatisation du notariat.
Selon les mentions portées par l'huissier de justice dans son procès-verbal de saisie, alors qu'il se trouvait dans le bureau de M. Alain B., où il avait saisi son ordinateur portable sur son meuble de bureau :
"Nous découvrons dans un placard ouvert 5 CD que Mr B. nous offre spontanément de conserver (pièces 1 à 5). Nous avons consulté ces CD dont le contenu est édité en pièces jointes. La pièce n°5 présente des difficultés de lecture et semble provenir de Fiducial.
Nous avons recherché par mots clés sur l'ordinateur portable de M. B. et les serveurs de la société Genapi des fichiers provenant du CD (pièce n°1) et nous n'avons trouvé aucun fichier."
Puis, concernant la saisie de documents :
"Des documents trouvés dans le placard (mails, correspondances) concernent la société Fiducial (100 feuilles) sont photocopiés et jointes au PV."
"Mr B. nous a déclaré que les CD (pièces 1 à 3) sont des CD de sauvegarde constitués sur son lieu de travail, sur son ordinateur portable lorsqu'il était salarié de Fiducial, en l'absence de système de sauvegarde organisé au sein de cette société. Il gravait de temps en temps des CD de sauvegarde."
Il convient de retenir, comme le soutient la SAS Genapi, qu'il est de principe qu'en dehors de l'hypothèse du nettoyage des vestiaires et armoires personnelles des salariés, l'employeur ne peut faire procéder à l'ouverture des armoires individuelles des salariés que sous certaines conditions. Celles-ci doivent être mentionnées dans le règlement intérieur. La fouille des armoires et vestiaires individuels n'est donc possible que dans les cas et conditions prévus par le règlement intérieur. Le contrôle doit être " justifié par les nécessités de l'hygiène ou de la sécurité " et en présence du salarié ou si celui-ci a été prévenu.
D'ailleurs la chambre sociale de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 11 décembre 2001 (n° 9943.030) a rappelé que l'employeur ne peut apporter aux libertés individuelles et collectives des salariés de restrictions que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que spécialement l'employeur ne peut procéder à l'ouverture de l'armoire individuelle d'un salarié que dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur et en présence de l'intéressé ou celui-ci prévenu.
Il s'ensuit en l'espèce, qu'en l'absence de tous éléments permettant de retenir soit que M. Alain B. avait informé son nouvel employeur qu'il détenait dans son armoire personnelle, dans le local qui lui était affecté comme bureau, des CD contenant des données informatiques et des documents écrits provenant de son ancien employeur, la société Fiducial, soit que la SAS Genapi avait procédé à l'ouverture de l'armoire individuelle de M. Alain B. et pris connaissance de son contenu avant le 15 juin 2006, il ne peut être retenu que cette société détenait personnellement des données provenant du vol reproché à M. B. ou des documents imprimés émanant de sa concurrente, ni qu'elle se serait ainsi rendue coupable d'un acte de contrefaçon par détention d'une reproduction non autorisée des logiciels ou données informatisées.
Il est en effet constant, ainsi que l'indique la société Fiducial dans ses conclusions d'appel, que les fichiers ont été gravés par M. B. au plus tard le 14 septembre 2005, soit avant même d'être embauché par la société Genapi et il n'est rapporté la preuve d'aucune collusion entre eux à cette période.
Il convient de relever également que la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Nîmes, dans son arrêt susvisé, a définitivement relaxé la société Genapi de toute poursuite, s'agissant de recel de vol et de recel d'abus de confiance, considérant que les logiciels ou bases de données n'avaient pas été utilisés par elle et qu'elle ignorait que son nouveau salarié les détenait dans son armoire personnelle, à laquelle l'employeur n'avait pas accès. Cette décision s'impose à la présente cour d'appel, ainsi qu'à la société Fiducial, qui était partie civile dans cette procédure.
De même, M. B. a été condamné pour le vol du contenu des 5 CD mais pas pour leur utilisation, qui n'a pas été prouvée. La SAS Fiducial Informatique, partie civile, a reçu 2 000 euro de dommages et intérêts pour son préjudice moral de ce chef et elle doit donc établir que cette seule reproduction frauduleuse lui a causé un préjudice distinct, qu'elle réclame au titre de la contrefaçon, ce qu'elle ne fait nullement au vu des pièces versées aux débats.
M. B. a aussi été relaxé du délit d'abus de confiance, qui lui était reproché au titre des documents techniques et commerciaux imprimés retrouvés dans son armoire personnelle, la Cour d'appel de Nîmes retenant qu'ils n'avaient pas été utilisés. De même la SAS Genapi a aussi été relaxée du chef de recel d'abus de confiance pour ces mêmes documents imprimés.
Il convient donc, confirmant de ce chef le jugement déféré, de débouter la Sas Fiducial Informatique de ses demandes de condamnations au paiement de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de ses logiciels ou documents écrits détenus par M. Alain B., dirigées contre la SAS Genapi, contre laquelle il ne peut être retenu aucun acte de contrefaçon.
Concernant M. Alain B., celui-ci a déjà été condamné pour le vol des données informatiques figurant sur les 5 CD saisis et relaxé pour avoir possédé les documents écrits trouvés par l'huissier de justice dans son armoire, par l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes rendu le 2 décembre 2011, susvisé, ainsi que condamné à indemniser la SAS Fiducial Informatique de son préjudice issu de son délit.
Selon le principe général du droit " non bis in idem (crimen) ", il ne peut plus être recherché au titre de sa responsabilité pénale, et du fait de l'autorité de chose jugée attachée à la décision sur l'action civile, une demande de dommages et intérêts de la partie civile pour les mêmes faits ou le même dommage serait irrecevable.
La SAS Fiducial Informatique invoque en l'espèce la qualification de contrefaçon liée à la seule détention de données reproduites sans autorisation de leur auteur, lui appartenant, par M. Alain B.. Ceci constitue un délit pénal prévu et réprimé par l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle du fait de la violation des droits d'auteur constitués par cette même détention non autorisée, prévue par l'article L. 122-6 du Code de la propriété intellectuelle, ainsi qu'une faute civile délictuelle.
D'autre part la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Nîmes a relaxé M. Alain B. du délit d'abus de confiance pour lequel il était également poursuivi, avec les motifs suivants (pièce n°3) :
"Attendu qu'en l'état des éléments produits par la partie civile poursuivante au soutien de ses prétentions, il n'est pas démontré qu'Alain B. a effectivement utilisé les dossiers et documents litigieux à des fins étrangères à celles préalablement stipulées, savoir notamment au profit de la concurrence (société Genapi), étant de plus observé, outre que la simple gravure desdits dossiers et documents ne vaut pas utilisation, que de toute façon seule une petite partie de ceux-ci aurait été à considérer comme lui ayant été confiée pour l'exercice de ses fonctions au sein de la société Fiducial Informatique. "
Même si l'objet d'une action en contrefaçon est distinct de l'action en dommages et intérêts de la partie civile pour le vol de données informatisées, il appartient toutefois à la victime de cette soustraction frauduleuse d'établir que la reproduction illicite de ces données par M. B. et la conservation de celles-ci par ce dernier entre le 14 septembre 2005 et le 15 juin 2006 lui ont causé un préjudice distinct de celui déjà indemnisé. En l'espèce une telle preuve n'est nullement rapportée, la société Fiducial Informatique sollicitant seulement une somme de 500 000 euro de dommages et intérêts de ce chef, sans autres précisions ni justifications.
La société Fiducial se limite à supposer, par déductions hypothétiques, que si M. Alain B. a dérobé des données informatiques avant d'aller travailler chez son concurrent, c'était qu'il avait l'intention de les utiliser, puis d'en conclure que l'intention a probablement précédé l'action et que cette utilisation aurait donc " nécessairement " eu lieu, sans indiquer à quelle date, quelles données auraient été utilisées, ni à l'égard de quels clients de l'une ou l'autre des deux sociétés. Le caractère hypothétique de cette démarche se retrouve d'ailleurs dans le dispositif de ses conclusions, la SA Fiducial demandant à la cour de " dire et juger que la société Générations Applications Informatiques et Monsieur B., en copiant, détenant et/ou (sic) utilisant sans droits les logiciels et bases de données de la société Fiducial Informatique, ont commis des actes graves, répétés et continus de contrefaçon et ont violé les droits de la société Fiducial Informatique. "
Ces raisonnements ne rapportent donc nullement la preuve des fautes alléguées par la SA Fiducial, à qui incombe la charge de celle-ci, au soutien de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 500 000 euro, outre les condamnations accessoires réclamées, notamment de publication de la présente décision.
Par ailleurs l'huissier de justice instrumentaire, s'il donne la liste des fichiers informatiques gravés sur les 5 CD dont certains sont des logiciels (DEFI, GAO, CD INST 487), n'a pas fait fonctionner ceux-ci et il ne peut donc être retenu que ces logiciels, ainsi gravés étaient complets et utilisables ni qu'ils ont été utilisés effectivement à un moment quelconque. Même s'il ne s'agissait pas de programmes-sources mais de simples logiciels exécutables, la contrefaçon par reproduction non autorisée est acquise, contrairement à ce que soutient M. Alain B.. Ceci n'exonère pas toutefois la société Fiducial de son obligation procédurale de démontrer l'existence et l'importance du préjudice qu'elle prétend avoir subi indépendamment du préjudice moral déjà indemnisé par ailleurs.
Dès lors que la SA Fiducial Informatique ne rapporte pas la preuve d'éléments nouveaux de nature à établir l'utilisation par M. Alain B. des données qu'il lui avait volées, ni d'un préjudice personnel qu'elle aurait subi, distinct de celui déjà indemnisé par la décision de la juridiction pénale sur son action civile, ce qui ne résulte pas des pièces qu'elle produit devant cette cour, sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel ou économique issu de la contrefaçon reprochée doit être rejetée comme injustifiée.
Elle est néanmoins bien fondée à solliciter que les 5 CD et les documents écrits dérobés par M. Alain B., et se trouvant entre les mains de l'huissier de justice ayant procédé à la saisie contrefaçon, lui soient restitués, ce qui n'est au demeurant pas contesté par ses adversaires.
Aucune condamnation ne saurait être prononcée à cet égard envers la SAS Genapi et M. Alain B., dès lors qu'ils n'ont plus en leur possession les CD gravés et documents techniques et commerciaux imprimés saisis par Me N., huissier de justice, le 15 juin 2006, ni aucun autre appartenant à la SA Fiducial Informatique.
Sur l'action en concurrence déloyale et parasitaire :
A titre subsidiaire la SA Fiducial Informatique soutient que la détention " et/ou " l'utilisation des données et documents volés par M. Alain B., caractériserait des actes de concurrence déloyale et parasitaire, arguant d'actes distincts de ceux qualifiés de contrefaçon.
Mais, comme exposé ci-dessus, l'utilisation des données et documents volés par M. B. et détenus par celui-ci dans son armoire personnelle chez son employeur n'a été prouvée ni à l'égard de celui-ci ni à l'égard de son employeur, la société Genapi.
La seule détention dans un placard personnel du salarié de ces données informatiques et documents techniques ou commerciaux dérobés ne saurait être qualifiée d'acte de concurrence déloyale ou parasitaire imputable à M. Alain B. ou à son nouvel employeur.
Le fait, allégué, que M. Alain B. ne soit pas informaticien de formation, n'établit nullement que le vol des données de programmes informatiques ou de documents contenant la liste des bugs ait été commanditée par la société Genapi. Il y a lieu d'observer, en outre, que M. B. savait aussi utiliser les programmes informatiques de la société Fiducial, de par ses dernières fonctions dans cette entreprise, de chef de produit Notaires, c'est à dire responsable de l'élaboration des programmes informatiques destinés aux études de notaires.
Par ailleurs le fait que parmi les documents détenus par M. Alain B., se trouvaient une liste de notaires clients de la SA Fiducial Informatique, ou ses tarifs en juillet 2005, dès lors qu'il n'est pas établi qu'aucun d'entre eux n'a été contacté par M. Alain B. ou par la SAS Genapi en vue d'une offre commerciale concurrente, ne caractérise pas un acte de concurrence déloyale ou parasitaire.
La SA Fiducial ne justifie pas non plus en quoi le fait pour M. Alain B. de disposer d'une liste de " bugs " ayant affecté les programmes de son ancien employeur, était de nature à caractériser un acte de concurrence déloyale ou parasitaire, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'en soit servi d'une façon ou d'une autre, pas plus que la SAS Genapi ne l'a fait. Ceci alors que cette dernière utilisait des programmes informatiques différents de ceux de sa concurrente et donc n'étant pas affectés par les mêmes problèmes de fonctionnement dénommés " bugs informatiques ".
Il convient donc de rejeter les demandes de dommages et intérêts et accessoires fondées sur ces moyens, qui sont mal fondées et injustifiées.
Sur la clause de non-concurrence :
La SA Fiducial Informatique invoque également la violation délibérée par M. Alain B. d'une clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail, sans cependant soutenir que la société Genapi aurait embauché M. Alain B. en connaissance de cause et aurait ainsi commis un autre acte de concurrence déloyale.
Elle sollicite de la cour la condamnation de M. B. à lui payer une somme de 11.109 euro, en principal, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une astreinte définitive de 100 euro par jour de retard depuis la date du jugement (ou plutôt de l'arrêt), somme prévue dans son contrat de travail.
Ainsi que le relève M. Alain B. dans ses conclusions, la violation par un ancien salarié d'une clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail ne relève pas de la juridiction civile mais de la seule juridiction prud'homale territorialement compétente.
Selon l'article L. 511-1 du Code du travail, applicable jusqu'à son abrogation et sa codification par l'ordonnance du 12 mars 2007, devenu L. 1411-4 du Code du travail, le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des différends entre employeur et salarié nés à l'occasion de tout contrat de travail soumis au Code du travail, ce qui est le cas en l'espèce.
Il convient donc de réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Montpellier qui n'a pas relevé d'office son incompétence d'ordre public, s'agissant d'une compétence exclusive de la juridiction prud'homale, et a statué sur la validité de la clause contractuelle de non-concurrence de M. Alain B.
Toutefois, la Cour d'appel de Montpellier étant juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de Montpellier, compétent pour connaître de ce litige, il convient en application de l'article 79 du Code de procédure civile, de statuer sur le fond de celui-ci, ainsi que le demandent aussi M. Alain B. dans son dispositif et la SA Fiducial Informatique dans ses conclusions.
M. B. demande à la cour de prononcer la nullité de la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail, dès lors qu'elle ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, conformément à la jurisprudence constante de la chambre sociale.
Dans l'article 9 des conditions générales de collaboration des collaborateurs cadres annexé au contrat de collaboration, salariée, de M. Alain B., en date du 1er janvier 2001 (pièce n°8), il était stipulé :
" Compte tenu de la nature de ses fonctions et des informations dont il dispose, le collaborateur s'interdit formellement en cas de rupture du contrat de travail, pour quelque motif que ce soit, à s'intéresser directement ou indirectement, pour son compte personnel ou pour celui d'un tiers, et de quelque manière que ce soit, à une activité concurrente de l'activité de la société Fiducial Informatique, quelque appellation que cette activité puisse revêtir, et ce pendant une durée de trois années, sur l'ensemble des territoires de la France métropolitaine.
En cas de violation de la clause, le collaborateur sera redevable d'une indemnité correspondant à six mois de salaire pour chaque infraction constatée, étant précisé que le paiement de cette somme n'est pas exclusif du droit pour la société Fiducial Informatique de poursuivre le collaborateur en remboursement du préjudice subi(t) et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrente. "
Ainsi que le soutient M. Alain B., cette clause lui imposant de ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée de trois années après la fin de son contrat de travail, sur tout le territoire métropolitain français, ne comportait aucune contrepartie financière en faveur du salarié.
Or il est de principe, ainsi que l'a rappelé en dernier lieu la chambre sociale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 29 octobre 2014 (n°13-20068) que lorsque le contrat comportait une clause de non-concurrence, dès lors qu'elle avait pour objet d'interdire au salarié une activité professionnelle après la rupture de son contrat de travail, cette clause, dépourvue de contrepartie financière est nulle ;
Il convient donc d'annuler la clause contractuelle de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de M. Alain B. et, en conséquence, de débouter la SA Fiducial Informatique de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle prévue en cas de violation de celle-ci.
Sur la responsabilité de la société Genapi pour faute de son préposé :
Dans les motifs de ses conclusions, la SA Fiducial Informatique invoque la responsabilité de la SAS Genapi au titre des dommages causés par son préposé, M. Alain B., sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil.
Mais, dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour d'une prétention, elle ne sollicite aucune somme à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité de l'employeur de M. Alain B.
Ses demandes de dommages et intérêts sont exclusivement fondées sur les faits qualifiés par elle soit de contrefaçon soit de concurrence déloyale ou parasitaire, outre la demande au titre de la clause de non-concurrence concernant seulement M. Alain B. et ses demandes accessoires aux précédentes, de complément de dommages et intérêts, d'interdiction " in futurum " et de publications diverses du présent arrêt, qui sont rejetées comme les demandes principales l'ont été.
Toutefois la demande de responsabilité de l'employeur sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, peut aussi fonder une demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, si le préposé a commis de tels faits dans les fonctions auxquelles il était employé.
Mais en l'espèce le vol des données informatiques et des documents techniques et commerciaux conservés ensuite dans son armoire personnelle, privée, par M. Alain B. a eu lieu le 14 septembre 2005, avant son embauche par la SAS Genapi. Celle-ci ne peut donc être déclarée responsable des agissements de son salarié, antérieurs à la conclusion du contrat de travail et dont il n'est pas démontré qu'elle en a eu connaissance avant la saisie contrefaçon du 15 juin 2006.
La SA Fiducial soutient que M. Alain B., par la simple détention prolongée des données informatiques et documents techniques et commerciaux dans son armoire personnelle, dans son bureau chez son employeur, a ainsi poursuivi et reproduit des infractions de contrefaçon, de concurrence déloyale et de violation de sa clause de confidentialité.
Mais à défaut de toute utilisation des données informatiques et documents techniques par M. Alain B. qui soit établie depuis le début de son contrat de travail à la SAS Genapi, la SA Fiducial Informatique n'a subi aucun préjudice du fait de cette détention prolongée, jusqu'au 15 juin 2006, qui soit distinct de celui déjà indemnisé par la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Nîmes dans son arrêt du 2 décembre 2011 susvisé.
Elle est donc mal fondée à solliciter la condamnation de la SAS Genapi, en sa qualité d'employeur de M. Alain B., à lui payer des dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ou pour contrefaçon, du seul fait de sa responsabilité civile des dommages causés par le fait de son préposé, en l'absence de tels dommages indemnisables .
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
Par voie d'appel incident, la SAS Genapi sollicite la condamnation reconventionnelle de la SA Fiducial Informatique à lui payer une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, en réparation de son préjudice moral.
S'il est exact que la SA Fiducial Informatique s'est méprise sur l'étendue de ses droits à poursuivre ses actions devant la juridiction civile après la décision pénale qui l'avait indemnisée de son préjudice en qualité de partie civile, au vu des éléments de l'espèce, il ne peut toutefois en être tiré l'existence d'un abus de droit de sa part, fautif.
Il convient donc, confirmant de ce chef également le jugement déféré, de débouter la SA Genapi de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Il y a lieu de confirmer aussi le jugement déféré en qu'il a décidé d'allouer à la SAS Genapi la somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile que devra lui payer, la SAS Fiducial Informatique, condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et d'y ajouter la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
La SAS Fiducial Informatique doit aussi être condamnée à payer à M. Alain B. une somme de 3 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la SAS Fiducial Informatique les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Vu les articles 4, 5, 6, 9, 32, 79, 480 et 954 du Code de procédure civile, Vu les articles 1315, 1355, 1382 et 1384 du Code civil, Vu l'article L. 551-1, ancien et les article L. 1411-1 et L. 1411-4 du Code du travail, Vu les articles L. 112-2, L. 122-1, L. 122-6 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle, Infirme le jugement du Tribunal de commerce de grande instance de Montpellier prononcé le 10 juin 2014, mais seulement en ce qu'il a : Retenu sa compétence d'attribution pour connaître du différend opposant M. Alain B., ancien salarié de la SA Fiducial Informatique, à son ancien employeur au titre de l'application d'une clause contractuelle de non-concurrence, et prononcé la nullité de cette clause pour rejeter la demande d'indemnité présentée par la SA Fiducial Informatique ; Rejeté la demande de la SA Fiducial Informatique de condamnation de M. Alain B. et de la SAS Genapi à lui remettre les logiciels, fichiers, bases de données, CD et enregistrements lui appartenant, en toutes les versions et/ou supports ; Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : Dit et juge que seul le conseil de prud'hommes de Montpellier était compétent pour connaître du différend opposant M. Alain B., ancien salarié de la SA Fiducial Informatique, à son ancien employeur au titre de l'application d'une clause contractuelle de non-concurrence ; Statuant en qualité de juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de Montpellier, prononce la nullité de la clause conventionnelle de non-concurrence du contrat de travail de M. Alain B., faute de contrepartie financière prévue en faveur du salarié ; Ordonne que les 5 CD et documents écrits dérobés par M. Alain B., et se trouvant entre les mains de l'huissier de justice ayant procédé à la saisie contrefaçon, lui soient restitués ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus, par substitution de motifs ; Condamne la SA Fiducial Informatique aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SAS Genapi la somme supplémentaire de 5 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'une somme de 3 000 euro à M. Alain B., sur ce même fondement ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Autorise Me Denis B., avocat, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile